On rembourse le suicide, pas les soins !

Voilà que la réponse que je rédigeais au commentaire d’Isabelle prend une tournure de billet. Alors soit, le sujet le mérite. Ce d’autant plus que les faits récents rapportés par Le Chafouin apportent un utile complément d’information.

Isabelle, donc, nous répond :

Si on ne peut pas supporter l’idée d’être prisonnier de son corps si la maladie nous atteint, et si on sait qu’on nous maintiendra coûte que coûte, malgré nous, dans un état qui tue notre “soi intérieur”, vous invitez-nous alors à nous suicider tant qu’on le peut ? avant donc que nous soyons au bout de ce que nous pouvons supporter ? pendant que notre état de santé nous permet encore de profiter de la vie parmi les nôtres sans trop de souffrances physiques et mentales ?

Voilà ce que peut induire votre entêtement.

Et je ne suis pas sûre que ça vaille mieux…

Ce n’est pas du mépris, isabelle. Je comprends très bien que vous puissiez le penser, et nous prendre pour des porte-drapeaux aveugles, obnubilés par une “cause” pour laquelle tout serait bon et toute objection, à écarter.

Mais personne ne prétend que le choix soit facile et personne ne peut préjuger de sa réaction s’il devait, un jour, être concerné. Au demeurant, dans un sens comme dans l’autre : peut-être, si un jour vous devez être concernée, seriez-vous heureuse que l’on ne tienne pas compte de ce que vous auriez pu affirmer quelque temps auparavant et que vous ne pouvez plus contredire, et peut-être souhaiterai-je, un jour, mourir plutôt que d’être dans l’état dans lequel je serai. C’est possible.

Demain, comment regardera-t-on celui qui persiste à considérer que toute vie est digne ? Que, bien que paralysé, bien qu’il faille le changer, le nettoyer, sa vie vaut encore la peine d’être vécue ? Ne verra-t-on pas sa position comme un entêtement coûteux ? Un entêtement et un comportement de trouillard ?

On peut reprendre tous les cas évoqués dans nos débats à ce sujet. Je considère au demeurant que les cas que j’évoque, pour être moins spectaculaires, moins éclatants, seront probablement plus nombreux. Je pense à l’arrière-grand-père de 80 ans, malade depuis 10 ans, dont la famille aura dû faire un certain nombre de déplacements urgents à l’hôpital. Au bout d’un temps, ne serait-ce que par lassitude, n’aura-t-elle pas tendance à considérer qu’après tout, “il n’aurait certainement pas voulu vivre dans ces conditions” ? Je pense à ce patient, conscient mais incapable de communiquer, qui a toujours affirmé à ses proches qu’il préférerait qu’on ne le réanime pas, qui porte peut-être même sur lui un papier l’attestant, au cas où, et qui, au moment fatidique, voudra qu’on le réanime, le sera, et en sera heureux ( Cas d’école rapporté par le Professeur Debré, et que j’avais évoqué ici ) ?

Êtes-vous allée voir le billet du Chafouin ?

Is this a case of bureaucratic madness or bureaucratic thrift? The state health insurer in the American state of Oregon is denying patients funding for chemotherapy if their chances of survival for another five years are less than five percent. However, they have another option. Assisted suicide is legal in Oregon. So the Oregon Health Plan sent letters to at least two patients saying that cancer medication would not be covered but that doctor-assisted suicide would.

Traduction libre et approximative :

Est-ce un cas de folie bureaucratique ou une mesure d’économie ? La caisse d’assurance maladie de l’Etat américain d’Oregon dénie aux patients le remboursement de leur chimiothérapie si leurs chances de survie pour les cinq prochaines années sont de moins de 5%. Ils disposent toutefois d’une autre option. Le suicide assisté est légal en Oregon. Aussi, l’Oregon Health Plan a envoyé une lettre à au moins deux patients précisant que les soins pour leur cancer ne seraient pas couverts mais que le suicide médicalement assisté le serait.

Voir aussi sur FoxNews ou Oregon Live ou encore ABC News, qui rapporte, sur trois pages, le cas précis de Barbara Wagner, l’une des personnes qui a reçu cette lettre et qui signale que ce cas ne serait pas isolé dans le pays. La caisse d’assurance maladie reconnaît les faits. Elle reconnait aussi que ce traitement administratif a manqué de sensitivity. La prochaine fois, ils prendront le téléphone : « Sellers said that from now on insurance officials will likely « pick up the phone and have a conversation, » he said« . Il semble malheureusement que ce soit pour annoncer la même décision.

Alors. Dès lors que l’on sait ceci, que faut-il en penser ?

Faut-il croire que la dérive observée en Hollande, celle observée en Oregon – deux cas récents, donc, puisque signalés au mois d’août – et les autres cas que l’on a pu connaître, n’interviendront jamais en France ? Peut-on croire que non, décidément, non, jamais cela ne pourrait arriver chez nous ? Que nous avons une différence de culture telle, à la fois avec les américains et les hollandais, que la probabilité qu’une telle dérive intervienne en France également ne serait pas nécessairement élevée ? Que non, non, non, jamais, au grand jamais, une logique matérialiste, financière ne sera amenée à prévaloir en France ? Je tends à penser que c’est une conséquence directe d’une logique mortifère introduite par la légalisation de l’euthanasie. Certes, je suis dépourvu de boule de cristal, ce que l’on pourra toujours m’opposer dans ces débats. On pourra toujours faire confiance au génie français, reconnu de par le monde, qui nous permettra, à nous, rien qu’à nous, d’exclure tout risque de dérive. Parce que, bordel, nous, on est les français. Mais je bénis le Ciel que nous soyons “en retard” sur la Hollande et l’Oregon, de sorte que nous puissions observer ce qui se produit chez eux. Il faut croire qu’au moins, lorsque cela se produira chez nous, on ne sera pas surpris.

Voilà, Isabelle. Croyez qu’à mon sens, cela ne relève pas de « l’entêtement« , mais de la conviction.

48 commentaires

  • Ce qui est glaçant, c’est que la caisse d’assurance maladie de l’Oregon a bien évidemment raison d’un strict point de vue économique tout en ne faisant rien d’illégal. D’un point de vue financier, achever le malade coûte infiniment moins que de le soigner.

    Et là réside le danger d’une legislation autorisant le suicide assisté. Dès lors que ça devient légal, les gens étant les gens, ils vont progressivement tenir compte de cette possibilité et adapter leurs comportements.

    Il est beaucoup moins cher d’aider quelqu’un à mourir que de le soigner. La prochaine étape, ça va être la mutuelle qui va inclure dans son questionnaire de santé la question de savoir si l’assuré a signé un papier dans lequel il demande à ne pas être ranimé. Et ce sera moins cher si on a signé le papier que si on ne l’a pas signé.

    Il est plus cher de soigner. Et que ce soient des assurances privées ou l’Etat qui paie, il est prévisible que le payeur va progressivement exercer une pression sur le malade pour qu’il choisisse la solution la moins chère.

    Ca commencera par des dispositifs « d’information » : Vous savez que, dans le cadre de la nouvelle loi pour la dignité, vous avez le droit de demander à mourir?

    Puis l’information se fera plus insistante. Avec un rappel tous les ans. Avec la mise à disposition, si on le souhaite (mais uniquement si on n’a pas encore signé) d’un psychologue pour nous « aider » à prendre la décision.

    Puis la norme basculera. On commencera à nous demander pourquoi nous n’avons pas choisi la voie digne et moderne comme untel et untel. Il faudra expliquer pourquoi on ne signe pas.

    Et la culpabilité entrera en jeu. « Mais Monsieur, vous savez bien que votre pauvre fille, chômeuse et mère célibataire de 3 enfants, n’a pas le temps ni les ressources de s’occuper de vous. »

    Dès lors que c’est légal, les forces économiques seront irrépressibles.

  • Merci d’avoir relayé l’information…

    Les dérives sont intéressantes à souligner et à rapportent parce qu’elles montrent qu’on ne se trompe pas en mettant en garde ceux qui veulent consacrer des exceptions légales au principe selon laquelle la vie humaine est sacrée, inviolable.

    Je pense qu’on ne doit pas sous-estimer les conséquences des textes. On ne s’en rend pas toujours compte mais lorsqu’on met le doigt dans un engrenage, une fois que c’est fait, on peut aller plus loin.

    C’est d’ailleurs ce que fait l’Oregon. Ce que fait la Belgique. Ce que font les Pays-Bas.

    Tu as raison de rappeler, Koz, qu’on n’est pas forcément plus malin que les autres, et qu’il est bon de tenir compte des expériences malsaines à laquelle on assiste à l’étranger.

    Et comme le souligne Libéral, le choix de la CPAM orégone est horrible mais logique d’un strict point de vue économique. Donc une fois qu’on a accepté le premier pas…

  • Bonjour,

    Libéral, il manque, à mon humble avis de néophyte de l’économie, un aspect dans ton raisonnement.

    La décision de la suite médicale à donner en regardant le coût du décès comparativement au coût de la réanimation doit aussi prendre en compte le gain espéré de la personne pour le temps lui restant à vivre a priori.

    Ainsi, un jeune espoir de médaille d’or aux JO a plus de « valeur » qu’un ancêtre grabataire, ou un chef d’une entreprise en pleine croissance et créatrice d’emplois et de richesses est plus « intéressant » qu’une centenaire (sauf si elle approche le record de Jeanne Calment et peu générer du tourisme).

    Une copie d’une définition du dictionnaire de l’académie française (http://atilf.atilf.fr/academie9.htm) :

    (1)*EUGÉNISME n. m. XXe siècle. Emprunté de l’anglais eugenism, composé à partir du grec eu-, « bien », et genos, « naissance, origine, descendance ».
    1. POLIT. Étude et application de mesures censées contribuer à l’amélioration ou à la sauvegarde de l’espèce humaine ou d’une population particulière (on dit aussi Eugénique). 2. MÉD. Syn. d’Eugénique.

    Je comprends parfaitement vos propos, à Koz comme à toi, mais il reste que je ne désire absolument pas (à ce jour !) vivre sans autonomie (en dépendance donc) et que, si l’idée de suicide ne me gène pas, l’idée de me rater (et donc de créer ou augmenter ma dépendance) me réfrène. Je ne suis pas donc totalement contre la possibilité d’être assisté par le corps médical (sans les mettre en porte à faux ni vis à vis de leurs convictions ni sur un plan légal), mais je ne sais comment éviter les dérives probables que vous mettez en exergue.

    Aller dans l’Oregon, en Hollande ou en Suisse pour cela n’est qu’une manière d’éluder le problème sans le résoudre.

    Sujet difficile donc sur lequel il est difficile d’avoir un avis tranché.

    Sans utiliser le ton un peu virulent d’Isabelle, je ne peux lui donner tout à fait tort. Vos exemples de dérive me font douter et je n’ai pas de solution pour les contrer de manière certaine.

    Luc

  • Koz,

    S’il m’en souvient bien, tu as noté récemment que certaines personnes reposent avec virulence toujours la même question tant qu’ils n’ont pas la réponse souhaitée, et tu avais pris comme exemple l’euthanasie (ou suicide assisté).

    Je constate que tu consacres de plus en plus de billets sur ce sujet (ce n’est pas un reproche, ils sont toujours intéressants et avec des commentaires de bon niveau me permettant d’affiner mes choix).

    N’y a-t-il pas là comme un hiatus ?

    Luc

  • @ Luc

    Vos exemples de dérive me font douter et je n’ai pas de solution pour les contrer de manière certaine.

    Le scénario donné par libéral n’est pas si extravagant, il est même déjà arrivé, dans le cas de l’avortement.

    On peut être pour, contre, partagé, il reste que cette mesure, au départ censée limitée les dégâts provoqués par les avortements clandestins et pallier le manque d’accès à la contraception a largement évolué.

    L’entretien préalable était obligatoire.
    Très vite, celui-ci a été trusté par le Planning Familial, entité dont la neutralité est très relative. Ma grand-mère, pour le compte de l’École des Parents, procédait également à des entretiens pré-IVG. Elle était la seule de l’équipe à ne pas systématiquement pousser à l’avortement.

    Puis l’entretien obligatoire a disparu.

    Puis l’avortement a été remboursé par la sécu.

    Puis l’IVG est devenue un droit au lieu d’être une exception.

    Puis on a modifié le serment d’Hippocrate en France, car il excluait l’avortement.

    Puis on a permis l’avortement à domicile.

    Puis…

    Toutes ces avancées (ou reculades, ça dépend du point de vue) se sont faites par petit pas, sans annoncer à l’avance jusqu’où on irait (on ne le sait d’ailleurs toujours pas).

  • N’y a-t-il pas là comme un hiatus ?

    Je n’ai pas le temps de répondre en détail au reste de ton commentaire, ce que je ferai. Tu n’as pas complètement tort mais tu ne m’auras pas comme ça. Hop, je tourne sur moi-même et argument : je ne fais là que la démonstration que le débat est ouvert en permanence.

  • C’est un libéral qui a fait le bon commentaire : c’est comme il l’analyse qu’il faut voir la chose, si par malheur la loi se mêle d’autoriser l’interruption volontaire de vie.

    D’un autre point de vue, je dis que la culture de mort tape à la porte. Si nous la laissons entrer, les forces du mal se chargeront d’occuper les plus hautes places de l’état et d’y faire leur travail.

  • « Dès lors que c’est légal, les forces économiques seront irrépressibles »

    Libéral, cette formulation dans ta bouche a une saveur vraiment extraordinaire !

  • Je n’ai pas de certitude sur le sujet, mais à partir du moment où le désir exprimé par certain(e)s de rester maître de leurs conditions de fin de vie est contesté par d’autres qui évoquent l’IVG ou l’avancée des forces du mal, je crains que le dialogue ne tourne court.

    C’est peut-être la démonstration des limites d’un débat quand le sujet touche des convictions.

    Et souhaiter démontrer le bien-fondé d’une conviction est peut-être illusoire.

  • qui évoquent l’IVG ou l’avancée des forces du mal

    … et par d’autres qui ne les ont pas évoquées.

    Et souhaiter démontrer le bien-fondé d’une conviction est peut-être illusoire.

    Soit. Mais la faire comprendre et peut-être un jour, partager, pourquoi pas. Cela dit, concernant Isabelle, compte tenu de son expérience personnelle, je ne cherche pas à la convaincre. Davantage à souligner qu’il ne s’agit pas pour moi d’entêtement ni de lancer des anathèmes.

  • Non Koz il n’y a pas comme un hiatus. Vous revenez effectivement souvent sur ce problème et comme Chafouin vous avez raison tous les deux. C’est grâce à des gens comme vous que l’ADMD ne prendra pas la main.

    Le gouvernement veut créer et développer (je l’ai dit chez vous) le 5 éme risque qui consistera à accompagner les personnes âgées. Je suis outré que devant une telle proposition la réaction de certains et probablement pour le plaisir de gêner soit de dire qui va payer. Evidemment que l’on sait que tout ça aura un coût mais la première réaction devrait à mon sens être celle de dire oui et faire en sorte que ce projet réussisse et faire des propositions pour en rechercher le financement. Il y a quand même des sujets qui ne devraient pas être sujets à la polémique.

    Et puis en ce qui concerne la maladie je constate que personne ne soulève « la prévention ». Dans tous les domaines lorsque on fait le bilan on constate que faire du préventif coûte moins cher que faire du curatif. Il faut donc développer la prévention. En France c’est le cas . Chez les femmes on peut prévenir le cancer du sein par une mammographie et chez les hommes celui du colon par une coloscopie. Le prix de ces examens est sans commune mesure avec le traitement d’un cancer.

    Si on laisse le monopole des idées et de la parole à certaines associations, on va commencer par les grands malades, puis les personnes âgées, les handicapés, les prématurés, on se fera le porte parole de ceux qui ne peuvent pas ou plus s’exprimer en leur faisant dire ce qu’ils ne veulent pas dire. Les exemples pris hors de nos frontières montrent qu’il faut être vigilant.

    Je ne crois pas aux blogs influents mais cela n’a pas d’importance. Il y a des commentateurs qui vous suivent et cela se sait. Non, il n’y a pas de hiatus, continuez, n’hésitez pas à revenir sur le sujet chaque fois que cela sera nécessaire et bon courage.

    NB : Je viens de terminer les négociations avec le conseil général et la DDASS en ce qui concerne le budget de l’année en cours pour notre établissement. Nous sommes satisfaits car le budget qui nous a été alloué va nous permettre de continuer à faire vivre dans de bonnes conditions nos jeunes adultes handicapés. Chers lecteurs de Koz et de Chafouin sachez que votre argent est utilisé pour le bien être de jeunes adultes qui n’ont pas la chance d’être comme nous.

  • Comme le dit très justement Luc, c’est un sujet on ne peut plus difficile.

    Mais au plus ça va, au plus j’ai une très désagréable sensation qui pointe, sensation que le débat est confisqué par une seule part de la question et de la part correspondante des réactions.
    J’ai l’impression de n’entendre vraiment que :

    d’un côté ceux pour qui chaque vie, même si elle doit ne durer qu’une semaine supplémentaire, y compris dans des souffrances physiques et/ou psychiques intenses doit être sauvée ; sans accepter de prendre du recul sur ce que la médecine de nos pays riches est devenue ; sur le décalage, la distorsion entre le temps fulgurant de ses progrès et le temps long et lent de l’évolution de la mentalité humaine ; sur la réalité des moyens financiers qui sont engagés par ces progrès médicaux ; sur la réalité de la modification des rapports familiaux concrets, réels (et non pas rêvés ou considérés comme bons en théorie) ; sur la proportion très faible d’exemples de personnes qui ont tiré de leur expérience dramatique une spiritualité, une sagesse qui force l’admiration en plus de l’espérance,

    et de l’autre côté, ceux pour qui leur propre terreur du malheur, de la blessure ou de la maladie qui signerait la fin de leur propre personne, telle qu’elle l’identifie, sans pour autant disparaître ; sans accepter de prendre du recul sur l’évolution stupéfiante de notre rapport à la diminution de nos moyens, de notre apparence, de notre mort au fil d’une vie ; du recul sur le poids de la légalité d’une pratique sur les comportements ; du recul sur l’évolution d’une pratique relativement comparable, l’IVG ; du recul sur ce qu’une acceptation du suicide assisté peut occasionner sur la médecine elle-même, n’ayant plus à se frotter à la pression des malades et de leurs proches ; du recul sur le temps qui sépare un événement (maladie, accident, diagnostic) de sa compréhension.

    Ce courrier de l’Oregon est à gerber. Mais il l’est pour différentes raisons.
    Et de même que pour le débat tout entier, je crois que c’est une grave erreur de ne traiter qu’un seul aspect de la question.
    Pour ce triste exemple en particulier :
    – on en parle quand de ce qui détermine un diagnostic de moins de 5% de chances de survie ?
    – pourquoi j’ai un doute persistant sur la volonté non écrite de bien préciser ‘pour les cinq prochaines années’ ?
    – on en parle quand de l’horizon tout proche d’un cancer assuré pour une personne sur deux et du coût associé ?
    On en parle quand de la nature et du stade de propagation du cancer qui mène un médecin à un diagnostic très défavorable. Parce que c’est ça moins de 5% de chances ! On ne tire pas les résultats à la loterie !
    Et on en parle quand de ce qu’est de subir une chimio ? On se limite à écouter la personne qui a appris qu’elle est malade et qui se dit que c’est ce qui est bon pour sa santé ? Mais il faut pas rêver ! Ca n’a rien d’un parcours de santé une chimio. Et si on faisait un petit sondage sur les proches qui ont vécu les semaines de chimio de malades dont on savait qu’il n’y avait que peu de chances que ça marche, et que de fait, ça n’a pas marché ?

    Et pour l’autre « camp », on en parle quand du sens de 5% qui n’est pas 0% ? On en parle quand des histoires incroyables que chaque cancérologue conserve dans ses tablettes de durée de survie contraires à tous leurs pronostics ? Et puis finalement, quand on est au contraire à une prévision de 50% de réussite, on est aussi à 50% d’échec ! Dans quel domaine, une majorité d’humain est prête, sans sourciller à parier à un contre un ? Alors pourquoi pas là ?
    Et enfin et surtout, ce courrier vole aux patients LE TEMPS !
    Le temps qu’il faut pour encaisser. Le temps qu’il faut pour envisager les deux issues de la maladie(vie/mort). Le temps qu’il faut pour le reconnaître, pour se positionner. Le temps qu’il faut pour changer d’avis. Le temps et ses effets qui distinguent la nature humaine d’autres espèces.
    Et ce temps-là, quand vous venez d’apprendre que vous êtes malade, extrêmement grièvement, et qu’on vous parle d’emblée d’euthanasie, eh bien ce temps-là, on vous le viole, on vous le vole !

  • koz dit : « Ce n’est pas du mépris, isabelle. Je comprends très bien que vous puissiez le penser »

    Merci koz, vous ne l’aviez pas, jusqu’à présent, laisser entendre, je suis heureuse de le lire.

    carredas dit : « Et souhaiter démontrer le bien-fondé d’une conviction est peut-être illusoire. »

    Oui, carredas, je partage cet avis. M’a-t-on même dit ici, quand je voulais parler de ma conviction, et j’en fus stupéfiée, que mes arguments étaient mauvais…

    Pour le fond du billet de koz, j’ai juste envie de suggérer que plutôt de brimer le souhait de certaines personnes, il pourrait être envisager de veiller activement à empêcher les dérives possibles ? mais je vous accorde que je prends un raccourci simpliste.

    Je sais bien que rien n’est évident, que rien n’est facile, que je n’ai pas de solution et je voulais juste que soient comprise cette vue de la vie, si différente de la vôtre.

    Je ne veux pas vous convaincre, mais juste que vous entendiez sans vous sentir menacé.

    Luc l’exprime beaucoup mieux que moi.

    nb : je suis sincèrement désolée que mes propos aient pu être interprétés comme virulents. Je vous assure ne pas les avoir écrits dans un tel état d’esprit.
    Il ne serait peut-être pas faux de penser que c’est le sujet (pas votre billet, hein, mais le sujet au sens large) qui est agressif et pas moi, et que c’est ma conviction qui vous agresse plutôt que moi.

  • Franchement, il me semble qu’on se laisse emporter. La différence entre l’Oregon et nos pays, c’est que le débat sur la santé y est transparent et démocratique: on sait quel est le critère de non-remboursement d’un traitement, son rapport coût/efficacité. Chez nous il n’est guère connu (et je demande à voir s’il est plus généreux qu’en Oregon, qui est un Etat progressiste).

    Bien sûr la démarche, la mise en rapport directe avec le suicide assisté est maladroite (ils l’ont reconnu) et fait froid dans le dos. Mais je n’aurais pas de problème avec une lettre expliquant pourquoi cette chimiothérapie n’est pas remboursée (et cela ne veut pas dire qu’elle est interdite: ce sera à des mécènes privés de la payer) mais confirmant qu’un traitement palliatif est pris en charge. Le suicide assisté n’est qu’une forme extrême de soin palliatif, alors que le suicide tout court, lui, ne coûte rien à la collectivité mais renvoie l’individu à une solitude parfois difficile à supporter.

  • 1) Carredas « … démonstration des limites d’un débat quand le sujet touche des convictions  » : oui ce qui touche à la conviction et pas seulement à l’opinion , est plus difficilement ‘discutable’

    Mais ce débat est nécessaire puisque nous concernant directement (à l’inverse de celui de la corrida par expl qui ne menace ni les individus ni la société) et il faudra bien que les choses bougent, avec l’aide et les préoccupations de ceux qui sont contre l’auto-détermination de chacun sur sa vie … avant qu’on fasse n’importe quoi à la faveur de l’émotion d’un nouveau cas d’espèce qui retournera la France entière.

    2 ) Libéral : J’ajouterai que la description détaillée , par le menu, de l’enchainement des dérives , à partir de quelques exemples isolés qu’on veut coûte que coûte exemplariser, relève de ce fameux principe de précaution qui considère en permanence que l’expérience ne sert pas à aller de l’avant en prenant toutes les précautions possibles, mais au contraire à ne rien faire (voire régresser).

    3) Chafouin :  » … ceux qui veulent consacrer des exceptions légales au principe selon laquelle la vie humaine est sacrée, inviolable » . Je reçois l’argument mais en le relativisant et en enlevant le pathos idéaliste autour de cette glorification du respect de la vie.
    En effet, je te rappelle que la société fixe elle-même des exceptions à ce noble principe d’inviolabilité sacrée de la vie. Et que cette même société joue également avec ces notions lorsqu’elle laisse ou provoque même, par sa négligence, distraction ou faiblesse ou bêtise, certains accidents.
    Accidents , homicides, sur lesquels on ne fait pas tant d’histoire.

    4) Koz, la question que vous posez de la sincérité , l’authenticité , la vérité d’une opinion (A savoir « je souhaiterais me laisser mourir dans telle ou telle conditions »), donc de la possibilité et de la liberté de pouvoir changer d’avis, est recevable dans certains cas de figure concrets. Mais on tourne en rond spéculativement.

    A la limite ça contredit le principe (que vous partagez certainement) de responsabilité de soi-même sur soi-même. Oui, on peut penser que nombre de suicidés n’auraient virtuellement pas été mécontents de vivre plus longtemps s’ils n’avaient pas mis leur geste à exécution. Chacun est aussi de ses erreurs, même tragiques . La société n’est pas chargé intrinsèquement de nous protéger éternellement contre nous même. Et bon, le suicide n’en est d’ailleurs pas interdit pour autant.

    L’humanisme sacralisant la vie , c’est chouette. Mais à l’excès cela finit par déresponsabiliser l’individu et à produire un anti-humanisme . Car l’humanisme c’est aussi laisser à chacun donner à sa vie le sens qu’il entend. Parfois le courage sera d’affronter une certaine forme de déchéance … qui peut permettre aussi d’aller à l’essentiel. D’autres fois , lorsqu’on sent que la déchéance, la douleur et la perte du lien social vont vous amener à devenir presqu’un autre, dans lequel vous ne pourrez pas, vous ne voulez pas vous reconnaître, on peut être alors poussé à un autre choix.

    Bref la sacralisation de la vie peut devenir un peu hideuse.

  • Le suicide assisté n’est qu’une forme extrême de soin palliatif

    Je peux émettre un doute sur le rapprochement entre « soin » et « suicide » ?

  • Isabelle, va-t-on devoir aller vers une pénalisation du délit  » d’ agression par conviction  » ? (Koz, vite une règlementation, au moins ! 😉 )

    PS/ La conviction ? une opinion qu’on ne veut pas discuter. (?)

  • Isabelle,

    Je vais établir un parallèle avec la question de la liberté de porter des armes aux US. Non pas parce que les deux sujets ont le moindre point commun, mais parce que le débat se présente de la même façon.

    La plupart des Américains partisan du droit de porter des armes ne sont pas des brutes sanguinaires. Ils tiennent un raisonnement essentiellement fondé sur la liberté et tenant en 2 points. 1. Etre agressé/violé… est épouvantable et l’Etat n’a pas le droit de m’interdire de m’en protéger. 2. Je ne vous force pas à porter une arme si vous ne le voulez pas, respectez mon opinion comme je respecte la vôtre et laissez moi choisir mon chemin.

    Cet argumentaire est difficilement contestable mais ne suffit pas à convaincre car il ne traite pas d’un point essentiel : le fait que la liberté individuelle de porter une arme entraîne un risque pour l’ensemble de la société et que ce risque peut au global être pire que les rares occasions où le port d’arme est utile, ce qui justifie de restreindre la liberté individuelle.

    Encore une fois, aucun rapport concret avec le sujet qui nous intéresse mais j’espère que cette digression vous aura aidée à comprendre ma position.

    Vous n’avez pas besoin de me convaincre que vivre prisonnier de son propre corps est un enfer. Je suis d’accord avec vous. Vous pourrez le répéter autant de fois que vous voudrez, je serais toujours d’accord. Là n’est pas la question. De même, vous avez beau jeu de répéter que vous n’imposez à personne de mourir s’il ne le souhaite pas. C’est bien entendu la moindre des choses, mais ça ne suffit pas.

    Le débat ne porte pas sur ces deux premiers points, il porte sur les risques que ferait courir à l’ensemble de la société le fait d’ouvrir une telle brêche. Risques illustrés par les nombreux billets qu’a consacré Koz à ce sujet.

    Si je puis me permettre, ce n’est qu’en argumentant sur ce terrain que vous pourrez faire progresser votre cause.

    Oppossum,
    Pas d’accord avec la référence au principe de précaution. Ce qui est critiqué dans ce principe, c’est qu’il interdit d’avancer tant qu’on n’a pas démontré qu’il n’y a pas de risque, même si aucun risque spécifique n’a été identifié.
    Ici de multiples risques ont été spécifiquement identifiés. Certains se réalisent déjà dans d’autres pays. Les ignorer relèverait de l’aveuglement.

  • Liberal, oui ce qui est en jeu, ce sont les risques, ce qui risque d’arriver en ouvrant la brèche.
    J’objecterais que ce n’est pas toujours l’argument prioritaire, il y a aussi ceux qui donnent à la valeur de la vie humaine une priorité incontournable quel que soit le cas de figure.

    C’est un argument tout à fait respectable mais d’un autre ordre.
    Et quand il est utilisé, il ferme le débat.

    Pour ce qui relève des risques de dérive, ils existent, le nier serait absurde.

    Les risques liés à la possibilité de porter une arme existent aussi et ils sont acceptés par la majorité des américains… vous dites que l’argumentaire des partisans du port d’arme ne suffit pas à convaincre, mais à convaincre qui ? la majorité des américains est pour…

    Alors une majorité aurait-elle tort, et au nom de quoi ?

  • j’ai beaucoup de mal à prendre part au débat.
    Il me semble que nous allons vers une situation qui a quelque chose de malsain.
    pourquoi?
    parce qu’il me semblait (mais c’est mon opinion et je comprends que je puisse faire partie de la minorité) que la singularité de l’homme était qu’il avait une grande notion du sacré de la vie.

    De plus, j’ai vraiment beaucoup de mal à concevoir qu’un humain (et même un animal) soit indigne parce qu’il serait malade, vieux ou handicapé.
    C’est une notion que je n’arrive pas à intégrer.

    Bref, je suis obtuse au possible, et si je peux comprendre les peurs , les angoisses, la lassitude des malades et des familles, j’ai du mal à imaginer que la mort soit la vraie réponse à ces souffrances.

    Sans doute parce que pour moi la vie ne s’arrête pas à la mort.

    Et que la question que je me pose est : « est ce donc plus gai et formidable de l’autre côté de la vie, que chacun veuille ainsi s’y précipiter ? »
    Et là, je me rends compte que j’ai un doute. Malgré ma foi : je ne sais pas si vraiment un malade qui se suicide ou une famille – ou un organisme- qui suggère un suicide (assisté par d’autres,au demeurant, cela va de soi, ben voyons!)va se la couler douce pour des siècles et des siècles, amen.

    J’ironise pour essayer de dédramatiser mes pensées , mais je crois qu’on occulte beaucoup le spirituel aujourd’hui.
    La laïcité est une bien belle chose et je l’admire lorsqu’elle permet de respecter les convictions religieuses d’autrui.
    Mais ses dérives me font réfléchir.

    J’ai néanmoins recherché sur mes sites professionnels habituels ce que nos politiques concoctaianet, en référence à la politique de l’Orégon, et des pays nordiques.
    Vous trouverez ici, un débat d’avril 2008 au sénat sur l’affaire.

    Vous remarquerez ce que disent nos sénateurs de droite:

    C’est en rompant avec la loi implacable de la sélection animale
    que l’homme s’est affirmé : « nais-tu faible, anormal, différent ? Voici qu’homme, tu viens de naître fils de l’homme ».
    Il en va de la naissance comme de la mort, c’est une trouée à travers laquelle l’homme
    porte les yeux sur le fini et l’infini de sa vie.

    Et ce que disent ceux de gauche et du centre:

    « L’exemple des Pays-Bas et de la Belgique doivent constituer pour nous un modèle. »
    « Je suis pour ma part, en tant que socialiste, contre l’allongement de la vie. L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures »

    Le sénario de Libéral semble se rapprocher à grands pas de nos frontières.

    je terminerai sur une note d’espoir (pour moi), cette conclusion de notre ministre de la Santé:

    Ne confondons pas débat sur la mort et débat sur la souffrance. Les soignants ont tous
    rencontré un jour des douleurs insoutenables et entendu des malades réclamer la mort.
    Il est des douleurs insupportables. Nul ne le nie. Nul ne peut y être insensible. Une
    évolution de la loi permettrait-elle de mieux gérer ces cas exceptionnels ? A question
    difficile, réponse complexe. La difficulté réside ici dans la définition même des exceptions,
    la loi ne pouvant, par destination, définir que des principes.
    J’estime, au contraire de M. Michel, que le médecin n’est pas le simple exécutant de la démarche
    solitaire du malade. C’est une question existentielle, ontologique, qui l’interpelle de façon insoutenable ; il est en droit de refuser d’exécuter un geste qui relève de sa stricte liberté. Pourquoi, sinon, le médecin est-il convoqué à cette aide ?
    Tel est le but consubstantiellement attaché à l’éthique médicale, la finalité qui détermine les progrès de la recherche.

    Et si finalement, nous ne demandions trop à la loi en exigeant d’elle une réponse que nous ne pouvons trouver qu’en nous mêmes,au terme ultime de notre passion?

  • @ Libéral :

    Ce qui est glaçant, c’est que la caisse d’assurance maladie de l’Oregon a bien évidemment raison d’un strict point de vue économique tout en ne faisant rien d’illégal. D’un point de vue financier, achever le malade coûte infiniment moins que de le soigner.

    Ce qui me glace personnellement, c’est que la caisse d’assurance maladie de l’Oregon (qui est plus probablement une compagnie privée qui assure les employés de l’Etat) « oublie sa mission » (qui est de rembourser les soins) pour faire des économies. Et je ne crois pas que cela soit dû à une avancée de la loi sur l’euthanasie. La logique de mort elle est à mon avis avant tout dans la logique de rentabilité dans le secteur de la santé.

    La différence entre l’Oregon et nos pays, c’est que le débat sur la santé y est transparent et démocratique: on sait quel est le critère de non-remboursement d’un traitement, son rapport coût/efficacité.

    Euh, je ne suis pas sûr que l’on sache vraiment les critères de non-remboursement en Oregon. Les contrats d’assurance maladie font quelques centaines de pages que personne ne lit.

  • @ Tara qui écrit : « De plus, j’ai vraiment beaucoup de mal à concevoir qu’un humain (et même un animal) soit indigne parce qu’il serait malade, vieux ou handicapé. »

    Un humain n’est pas indigne quand il est malade, vieux ou handicapé.

    Personne ne dit ça.

    @ Libéral qui dit : « Le débat ne porte pas sur ces deux premiers points, il porte sur les risques que ferait courir à l’ensemble de la société le fait d’ouvrir une telle brêche. »

    Le débat ne porte pas sur ces points, en effet, c’est bien là le problème.

    Je parlais effectivement de ces points et pas du reste. On ne pouvait donc pas se comprendre.

    Mais euh… je vais aller un peu plus loin dans votre sens : Les progrès de la médecine alimentent ce débat en créant des situations humaines difficiles qui n’existaient pas avant ces mêmes progrès. Faut-il faire cesser le progrès médical qui amène cette dérive de la vie, ce risque de la non-mort et qui a ouvert une brèche sur la non satisfaction systématique du prolongement de la vie ?

    Ne répondez pas à ça, pas plus que je ne répondrai à votre histoire de port d’arme.

    Mais, voyez-vous Libéral, quand vous dites que le débat ne porte pas sur les points que vous citez, vous donnez alors bien raison à ceux qui le réclament.

    Ils vous parlent d’eux, vous leur parlez des dérives. Ils réclament justement un débat sur la non acceptation individuelle d’une forme de fin de vie, et vous leur répondez que ce n’est pas le problème…

    Ils ne peuvent qu’avoir le sentiment de ne pas être entendus, et c’est pour ça qu’ils sont obligés de faire ce bruit dérangeant.

    J’ai parfaitement compris vos craintes, et elles sont fondées. Comment dire le contraire ?

    Mais réfléchissons à comment avancer en sécurité plutôt que de refuser d’avancer par peur.

  • Isabelle, vous êtes redoutable dans votre façon matoise et innocente de raisonner !

    Je suis assez d’accord avec vous qu’ il faudrait repositionner correctement l’argument des dérives (ce qui ne veut pas dire l’ignorer), pour « aller de l’avant »

    Mais enfin le problème est redoutable.

    Car enfin poser un droit, même encadré dans des conditions précises, soit à une assistance au suicide, soit à un acte quelconque qui entraine votre mort suppose qu’un homme va éxécuter ce geste.

    Or je crois qu’il faut poser en même temps un autre droit : celui, pour cet homme et tout homme , de refuser de tuer.

    Déjà là, ça coince pas mal.

    Même en admettant qu’on rétablisse la fonction de bourreau 😉 , ce droit à la mort entrainerait alors une possibilité d’attaquer en justice une institution ou une personne qui estimerait avoir été lésée , en lui refusant d’entrer dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier de ce droit …

    Assez surréaliste. Bon, il y bien des enfants qui attaquent leurs parents pour handicap ou bien même pour les avoir simplement maintenus en vie !

    Bon je me fais un peu l’avocat du diable de ma propre cause !

    Mais si déjà on avait l’assurance de ne pas faire l’objet d’acharnement thérapeutique ou au moins d’une prise en compte de cette volonté …
    Si on pouvait être sûr que dans le cas extrême de V. Humbert , la possibilité d’un suicide par un acte volontaire, individuel et sans équivoque , soit préservée …

    Car c’est curieux comme, quand vous êtes malade , hospitalisé, objet de soins, vous perdez votre statut d’être responsable et autonome.
    A ce moment là votre autodetermination est anéantie par la mission , certes lourde et responsabilisante, du médecin de vous guérir ou vous sauver. Vous n’avez plus droit à la parole! votre coopération passe par la disparition de votre versant adulte : vous êtes un enfant.
    Pour peu qu’on soit plus ou moins fatigué par l’age, alors là, vous n’êtes plus qu’une ombre, un petit chose, entre les mains de votre famille proche , du médecin et de sa conception personnelle de la vie et de sa mission , et des lourdeurs silencieuses de l’institution. Parfois il ne peut en être objectivement autrement, tant le naufrage de la vieillesse est cruel.

    Bref, c’est vrai qu’en face de sa mort, phase tout de même importante de sa vie (!) , on aimerait être rassuré sur la possibilité d’exprimer un peu son avis … et qu’il en soit tenu compte dans la mesure du possible. Même dans des situations extrêmes et complexes.

  • Il ne peut pas y avoir de norme sur la « non acceptation individuelle d’une forme de fin de vie » (écrit Isabelle) puisque qu’il s’agit à proprement parler d’une situation individuelle.

    Isabelle écrit aussi : « Faut-il faire cesser le progrès médical qui amène cette dérive de la vie, ce risque de la non-mort et qui a ouvert une brèche sur la non satisfaction systématique du prolongement de la vie ? »

    C’est se tourmenter l’esprit pour rien et supposer beaucoup de négations ; la mort est un phénomène naturel qu’il n’est en rien utile de pallier de façon artificielle, inéluctable. Puisque le décés est la finalité sui generis de la naissance, il est irrationnel de se suicider : la mort vient bien toute seule (cf Spinoza) et si elle peut paraitre absurde à l’échelle individuelle elle a un sens au niveau de l’espèce, et une valeur singulière pour le croyant.

  • @ Renaud

    Quand je parle de la majorité qui a toujours raison, c’est d’un point de vue démocratique et non moral.

    all, vous êtes croyant et vous donnez une valeur à votre mort.
    Ce n’est pas le cas pour les non-croyants.

    Il ne me semble pas que ce soit le refus de la mort qui soit en cause, ce serait même parfois l’inverse.

    Est-il présomptueux de vouloir une  » qualité de vie  » ? et de préférer la mort à une vie insupportable ?

    Pour les croyants oui, puisque leur vie ne leur appartient pas mais pour les autres ?

    Mon expérience personnelle auprès de personnes de très grand âge m’amène à constater que l’instinct de vie est d’une grande puissance, et que ces personnes en fauteuil, privées de leur autonomie, de leur intimité, malentendantes, malvoyantes etc… conservent l’instinct de vie.

    Interrogées il y a dix, vingt ans sur leur fin de vie à venir, auraient-elles demandé à être « suicidées » à la perspective de cet état ? peut-être…

    C’est cette évolution possible entre le désir clair et sans ambiguïté exprimé en pleine santé et l’état de fin de vie qui me rend personnellement réservée.

  • Vous excuserez, je l’espère, mon silence, j’avais des lits superposés à monter.

    Luc, il ne s’agit pas d’indifférence à la souffrance des personnes, ni de les laisser se « suicider dans leur coin ».

    Pour le fond du billet de koz, j’ai juste envie de suggérer que plutôt de brimer le souhait de certaines personnes, il pourrait être envisager de veiller activement à empêcher les dérives possibles ? mais je vous accorde que je prends un raccourci simpliste.

    C’est ce que je veux exprimer dans mon dernier paragraphe :

    (i) je ne suis pas persuadé que les français soient dotés d’un génie particulier qui leur permettrait d’éviter les dérives qui se sont produites dans les autres pays;

    (ii) toute législation produit des dérives, à chaque nouveau pas, la dérive, par définition, c’est le pas suivant, ce qui signifie aujourd’hui l’euthanasie, le suicide assisté, et ce qui signifiera en cas de légalisation euthanasie ou suicide assisté non clairement sollicités. Chaque nouveau pas amène l’esprit humain à concevoir le pas suivant. Au passage, je rappelle le cas récent de ce médecin et cette infirmière, en France, qui ont pratiqué une euthanasie sans même en avertir la famille. Famille qui certes en a été soulagée, mais c’est juste incroyable et inacceptable, sur le principe, et cela s’est, donc, déjà produit, avec le soutien plein et entier de l’ADMD;

    (iii) il est essentiel pour une société que la vie soit une valeur absolue. On ne touche pas à cet interdit sans que cela ne puisse avoir des répercussions plus générales sur la société.

    En somme, vous nous parlez individu, nous vous répondons (notamment) société. Depuis le contrat social, c’est une donnée à prendre compte : nous vivons en société et sauf à revenir à la loi du plus fort, cela suppose que chaque individu accepte de prendre en compte l’impact de ses choix sur la collectivité.

  • @Tom Roud,
    C’est hors sujet mais la mission d’une compagnie d’assurance, qu’elle soit publique ou privée, n’est pas de « rembourser les soins ». Elle est de mutualiser les coûts en les répartissant entre les assurés en fonction du risque, du revenu, ou d’autres critères.
    Il entre bien dans sa mission d’essayer de réduire les coûts, tant que cela se fait en accord avec les assurés, ce qui semble être le cas ici.

  • @ Liberal : dans la pratique, ma compagnie d’assurance maladie américaine, comme autrefois ma mutuelle française, me rembourse les soins (en fait, même, la plupart du temps, je ne paie même pas et le docteur traite directement avec cette assurance maladie; mais c’est parce que je n’ai jamais rien eu de grave).

    Elle est de mutualiser les coûts en les répartissant entre les assurés en fonction du risque, du revenu, ou d’autres critères.

    Un autre critère utilisé est le génome; c’est dire que ce système est idéal …

    Sinon, dans un monde parfaitement libéral où la concurrence est parfaite et le nombre de compagnies d’assurance quasi-infini, tout se ferait certainement en accord avec les assurés qui garderaient un contrôle certain sur les compagnies d’assurance, mais je ne crois pas que cela soit le cas aux US où comme dans beaucoup de domaines, une poignée d’énormes compagnies se partagent le marché. D’ailleurs, si on demandait l’accord des assurés, je ne crois pas que la situation décrite par Koz, à savoir une proposition d’euthanasie plutôt que de remboursement de soins, aurait été possible !

  • Bonjour à tous,

    Ce débat est fort intéressant et m’amène à douter de mes convictions (que je suis prêt à discuter) sur le sujet.
    Toutefois, il y a un point, loin d’être mineur, qui est peu abordé et que j’aimerais pointer.

    La réaction du type « la vie avant tout » pêche par un angélisme coupable vis-à vis de la toute-puissance supposée de la science médicale. Tout le débat sur l’euthanasie, le suicide assisté, etc. occulte la main-mise de la médecine et la science en général sur la vie humaine.

    Ce débat n’aurait pas lieu si la médecine cessait de nous considérer comme des patients et non pas comme des êtres doués de raison. Il n’aurait pas lieu si lorsque vous rentrez dans un hôpital vous n’étiez pas immédiatement dépouillé de vos attributs humains pour devenir un « objet » de la science au lieu de demeurer un sujet parlant et pensant.

    Je pense être, comme vous, j’imagine, respectueux de la vie, celle des autres comme la mienne, mais je ne souhaite pas pour autant laisser des médecins, ces nouveaux curés, décider à ma place de ce que je souhaite faire de ma vie même malade, même handicapé, même – et surtout – mourant.

    Je ne vois pas ce qui autoriserait un médecin, une administration, une religion ou je ne sais quoi encore, à décider à ma place de ce que je souhaite pour ma vie !

    a+

  • @maria d
    Il suffit de demander à ce que soient respectées la loi de 2002 sur les droits des malades et la loi Léonetti de 2005.
    Ces deux lois correspondent EXACTEMENT à vos souhaits qui sont on ne peut plus respectables et respectés par le législateur.
    La seule « chose » interdite est le meurtre.

  • Bonjour à tous,

    « Il suffit de demander à ce que soient respectées la loi de 2002 sur les droits des malades et la loi Léonetti de 2005. »

    Ben voyons! La loi est une chose, l’absolue conviction que les médecins détiennent l’ultime vérité sur notre bien-être, notre santé, notre corps, notre vie, etc. en est une autre, bien plus forte, bien plus difficile à contredire et contrecarrer, surtout si vous êtes affaibli par la maladie ou le handicap, etc.

    La science est devenue une croyance à part entière régie par un dogme, édicté et jalousement gardé par ses mandarins. Aller contre cette croyance, c’est comme remettre en question un ordre établi dont le prétexte est l’amélioration de la qualité de la vie. Comment s’opposer à une si « noble » idée ?

    a+

  • La dérive dont vous parlez existe d’ores et déjà en europe: en angleterre, NICE accorde le remboursement des thérapies cancéreuses en fonction du rapport coût bénéfice d’un médoc (nombre de mois de survie en plus).

    En France, on ne dyalise plus les vieux trop atteints ou les déficients mentaux.

    Le cas de l’oregon est finalement une conclusion logique ien que très cynique des tendances actuelles, même si les situations varient beaucoup d’un pays à l’autre.

  • Il est sur que l’on peut batailler longtemps sur le sujet mais le problème restera le suivant :
    Si l’on veut mourrir dans une société qui le refuse (et je parle uniquement là pour des raisons de maladie, les suicides « emotionnels » n’ont rien a voir dans la discussion) et que l’on est totalement dépendant des autres, imaginez vous le calvaire ?
    D’un autre coté, le faire pour des raisons économiques est a mon sens un absurdité. Mais tellement le reflet de la société actuelle.
    On devrait, je pense, pouvoir prendre ce genre de décision soi meme (quand on le peut encore). et non en appui avec telle ou telle « société » car les assurance maladie ne sont plus que des société capitalistes maintenant. Et pouvoir dire, c’est la solution que j’ai choisi, c’est MA vie, Et ce qui ME concerne ne doit pas m’être dicté.
    On ferait une grande avancé en terme de respect de la vie car le respect de la vie passe avant tout par le respect de l’être vivant et non par une série de principe à la con.

  • Moi je trouve cette dépêche absolument fascinante et je cite en entier parce que c’est vraiment surprenant :

    « Suisse: 72% pour l’aide au suicide

    Source : AP

    27/08/2008

    Près de 72% de la population suisse estime que l’assistance au suicide est une aide légitime en cas de détresse, selon un sondage publié par le journal religieux alémanique « Reformiert ».

    L’aide au suicide est relativement bien perçue parmi les membres des Eglises traditionnelles, selon ce sondage représentatif réalisé auprès de 1.002 personnes. Cette possibilité est acceptée par 75% des personnes interrogées au sein de l’Eglise protestante et par 72% chez les catholiques. Et cela alors que la Conférence suisse des évêques rejette de son côté l’aide au suicide. La proportion acceptant cette pratique atteint même 77% chez les personnes sans confession.

    L’assistance au suicide ne recueille en revanche pas de majorité parmi les membres des Eglises libres et des autres communautés religieuses. La proportion acceptante atteint tout de même 48%.

    Près des deux tiers de l’ensemble des personnes interrogées se sont déclarées prêtes, sur demande, à assister un proche dans cette démarche.
    Le sondage a été réalisé en juillet par l’institut Isopublic pour le compte de « Reformiert ». Il montre que les Romands (francophones) sont plus réceptifs à cette méthode que les Alémaniques (germanophones) et les jeunes davantage que les aînés. »

    Ce qui me sidère au delà des données brutes contenues dans le sondage, c’est l’énorme différence entre l’état d’esprit de la population en Suisse et la population des pays limitrophes ou assez proches.

    Je suis absolument persuadé que si l’on faisait le même sondage en France, Italie ou Espagne, on obtiendrait des résultats totalement différents. Et à noter, que même dans les populations « religieuses » en Suisse, les résultats sont peu ou prou les mêmes.

    Qu’est ce qu’il a bien pu se passer en Suisse pour que des membres d’une famille pensent en cas de détresse de l’un des leurs qu’il faille l’aider à mourrir plutôt que de tout faire pour l’en dissuader ? Ca ne peut pas être les petites associations qui militent en ce sens… Franchement, la Suisse c’est pas non plus l’exemple même de la population rebelle anarcho libertaire – je les aime bien mais il n’y a pas plus figé normalement. Mais alors, qu’est-ce qui fait la différence ? 72% c’est juste ENORME… Nous ne sommes pas début avril… c’est quoi ce truc ? Pourquoi la Suisse ? On enseigne ça dans les écoles ? On en parle tous les jours au JT ?

  • Oh non, en France, on obtiendrait le même résultat au sondage, surtout dans la catégorie « sans religion en bonne santé », à la question
    « Pour vous, l’assistance au suicide est elle une aide légitime en cas de détresse »?

    Maintenant, si vous demandiez « êtes vous prêts, sur demande, à assister un proche dans cette démarche »,
    1l y aurait sans aucun doute deux réponses.
    A savoir :

    (1) »êtes vous prêts, sur demande, à assister vous même un proche dans cette démarche,en lui présentant le moyen nécessaire à son acte et en restant à ses côtés »?
    Là le nombre de réponses risque de ne pas être très élevé.(sauf peut être chez ceux qui n’ont pas de famille, ni de proches ou si ceux ci sont en bonne santé)

    (2) « êtes vous prêts, sur demande, à assister un proche dans cette démarche ,en appelant un médecin, un soignant ou une personne de confiance »?
    Là, on bat des records de réponse « oui »!!!

  • @Eponymus: Intéressant, oui.

    Je suis un peu surpris par le degré de certitude que vous montrez ici:

    • « Je suis absolument persuadé que si l’on faisait le même sondage en France, Italie ou Espagne, on obtiendrait des résultats totalement différents », qu’est-ce qui vous fait croire ça ?

    • « la Suisse c’est pas non plus l’exemple même de la population rebelle anarcho libertaire « , oui, sans doute, mais qu’est-ce qui vous fait associer le suicide assisté avec une attitude rebelle ou anarchiste ?

    Le vent dominant, en France comme ailleurs, est clairement en faveur de l’ADMD et des associations similaires. Tenez, voyez ici:
    http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/societe/20070315.OBS7223/87_des_francais_favobablesa_leuthanasie.html
    (notez la faible différence entre les opinions de la gauche et celles de la droite).

    Tenez, en voilà un autre qui vient d’un peu plus loin:
    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Index/nouvelles/200411/18/003-euthanasie-sondage.shtml

  • @ Tara et @ Gninkfynfdfried

    Bon en fait, malheureusement, je n’ai pas tant de certitudes que ça. Mais bon, l’ADMD reste dans un cadre très spécifique au moins dans la tête des gens. Je pense qu’à l’heure actuelle, les gens pensent à Chantal Sebirre ou ce genre d’affaires. Mais là, il ne s’agit pas d’euthanasie ou assimilée face à une mort inéductable à courts termes, mais de suicide des invidus dans une situation de détresse. On ne parle pas de la Loi Leonetti là.

    Faut prendre des exemples réels. Une femme voit son mari déprimer parce qu’il vient de se faire virer et veut se tuer – ok, elle l’aide… Ou votre fille, 18 ans, vient de se faire larguer par son mec et veut en finir, ok, on l’aide… Enfin, je rêve ou quoi ? Même par « médecin » interposé, je doute que ça donne 72% d’opinions favorables.

    Et quand bien même ça serait le cas, il faudrait se demander pourquoi l’opinion a évoluée de ce sens. C’est tellement abérrant qu’il me prend l’envie d’enquêter sur ce genre de choses.

    Quant à ma remarque sur les anarcho libertaires, c’était une boutade car c’est souvent présentée cette histoire comme une « liberté absolue » sans se poser la question si une personne qui souhaite se buter est réellement libre dans sa tête, mais bref.

    Ceci dit, c’est aussi une façon assez « anarchique » voire même « nihiliste » dans son sens premier, de régler des problèmes sociaux ou d’aider les gens en détresse.

  • @Eponymus:

    Faut prendre des exemples réels, oui. Pour y arriver, faut d’abord éviter de lire dans la dépêche AFP ce qui ne s`y trouve pas.

    La question posée (trouvée sur un site suisse) était:
    «Que feriez-vous si une personne gravement malade de votre entourage ou de vos amis proches vous demandait de l’aider à s’enlever la vie avec un produit mortel?» A cette question directe, 61% ont répondu qu’ils seraient prêts à accompagner au suicide.

    On est assez loin des histoires de rupture ou perte d’emploi.

    Je pense, aussi, que comme dans tout bon sondage il y a pas mal de différence entre ce que les gens peuvent répondre et ce qu’ils seraient prêts à faire dans une situation réelle et personnelle. Répondre oui à cette question permet de se donner à soi-même une image de courage, à peu de frais.

  • Quelques précisions sur la situation légale en Suisse concernant l’assistance au décès. (site du dpt fédéral de Justice et Police; très complet)

    Assistance au suicide = aide apportée à une personne qui fera elle-même le geste (selon un cadre défini par la loi). L’assistance au suicide est différente de l’euthanasie (active) qui n’est pas légale en Suisse.

    On peut se demander si le fait que l’assistance au suicide ne soit pas condamnée par la loi n’est pas un des éléments majeurs pour ce type de sondage. Pourquoi être contre ce qui est i) légal, 2) discuté largement dans le pays.

    Je suis aussi d’accord avec Gwynfrid: répondre à un sondage est largement plus facile que d’être confronté au problème soit d’un proche malade en fin de vie qui souffre, soit d’un proche non malade mais suicidaire qu’il faut arriver à aider à vivre.

    Je note (merci la recherche google) quand même une volonté des pouvoirs publics et de certains médecins de garder un strict contrôle de la démarche, en particulier pour éviter le « tourisme de mort » et la banalisation.

    Cf cet article d’un médecin suisse

    Cela étant, si on peut parler d’un certain consensus suisse reconnaissant à la personne, à titre individuel, son autonomie et par conséquent le droit à une détermination de mettre fin à ses jours, il nous paraît que l’assistance au suicide doit garder, au plan de la collectivité, une dimension de transgression. Etant admis que cette transgression est compréhensible dans certaines situations considérées chacune dans ses caractéristiques spécifiques. Il convient donc d’être attentif à ne pas donner l’impression au public – et aux patients suivis en particulier – que le suicide devient une option comme les autres, une chose « normale ». Tout
    en respectant la liberté des personnes, il importe qu’institutions et pouvoirs publics évitent toute démarche susceptible d’être interprétée comme une caution du suicide, voire une propagande! Il y a là, conceptuellement et très pratiquement, un chemin de crête éthique qui doit recevoir une attention adéquate.

  • @ Gwynfrid

    Ah en effet, c’est plus rassurant… Merci pour la recherche. Pour conclure, je trouve quand même que la rédaction de la dépêche de l’AP est tout à fait ambigüe dans ce cas.

  • Jean Leonetti favorable à la dépénalisation des « homicides par compassion »

    LEMONDE.FR | 21.03.08 | 13h53 • Mis à jour le 21.03.08 | 18h09

    D’après le député UMP chargé de l’évaluation de la loi sur l’accompagnement en fin de vie, « rien n’interdirait des dispositions spécifiques de dépénalisation de l’acte d’homicide dans des circonstances compassionnelles », comme cela a été le cas dans l’affaire Humbert.

    Arnaud : Concrètement, que propose la loi sur l’accompagnement en fin de vie ?

    Jean Leonetti : Aujourd’hui, concrètement, ce qu’il est possible de faire, c’est d’abord de supprimer toute souffrance physique ou morale en fin de vie, même si c’est au prix de raccourcir cette vie. Le principe est simple : la qualité de vie en fin de vie prime sur la durée de la vie.

    De manière concrète, cela signifie qu’on a le droit, et même le devoir, d’utiliser tous les moyens thérapeutiques possibles pour supprimer la souffrance, même si, par les produits utilisés ou par les doses utilisées, on est conscient que l’on hâte la mort.

    Sur le malade inconscient, on est en droit d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre des traitements qui apparaissent inutiles ou disproportionnés. Ou qui n’ont d’autre but que de maintenir le malade artificiellement en vie.

    Jen2604 : Pourquoi refusez-vous encore de rédiger un texte de loi permettant d’autoriser l’euthanasie active dès lors que le patient a été en mesure d’exprimer un consentement libre et éclairé, comme pour le cas de Chantal Sébire ?

    Jean Leonetti : Chantal Sébire était dans une situation que l’on peut beaucoup plus rapprocher d’une demande de suicide assisté que d’une euthanasie active. Donc sa demande, recevable en Suisse, l’est beaucoup moins en Hollande.

    La demande d’euthanasie, c’est une demande qui dit : Je suis en fin de vie, je souffre trop, je vous demande d’abréger mes souffrances. La demande de suicide assisté, c’est plutôt quelqu’un qui dit : La vie que je mène ne vaut pas à mes yeux la peine d’être vécue, et je vous demande de m’aider à me supprimer.

    Même si l’on voit qu’il existe des liens entre l’un et l’autre, le fait pour Chantal Sébire de refuser les soins palliatifs, de refuser les sédatifs, de refuser l’hospitalisation a mis la médecine devant l’impossibilité d’agir, puisque sa seule demande était une demande de mort.

    bric : Faire la différence entre « laisser mourir » et « faire mourir » est bien difficile parfois. Quand un médecin « débranche » par exemple un respirateur artificiel ou une sonde gastrique, comme la loi l’y autorise, on ne parle que de « laisser mourir » alors qu’il s’agit bel et bien d’un acte abrégeant délibérément une vie que l’on aurait pu encore prolonger…

    Jean Leonetti : La loi condamne l’acharnement thérapeutique et en même temps les traitements dont le seul but est le maintien artificiel de la vie. Elle permet donc désormais d’arrêter ces traitements, même si cela a pour conséquence la mort. Pour autant, même si le médecin qui arrête un respirateur n’ignore pas la conséquence de son acte, il ne provoque pas délibérément la mort par un acte médical, et respecte le code pénal français.

    Il ne s’agit pas d’une hypocrisie, mais bien, au contraire, de clarifier l’action médicale, ses limites et la proportionnalité du traitement mis en œuvre. Il est par ailleurs évident que l’interruption d’un traitement qui maintient en vie doit s’accompagner d’un traitement palliatif, le plus souvent une sédation profonde, qui évite au malade de s’étouffer, de s’angoisser ou de ressentir la faim ou la soif.

    carpediem : Etes-vous favorable à une loi d’exception, pour les cas comme celui de Chantal Sébire ?

    Jean Leonetti : Aucune loi, dans quelque domaine que ce soit, ne résout tous les problèmes. C’est la raison pour laquelle aucune loi n’est définitive, et tout texte peut être amélioré.

    En revanche, si l’on considère que la loi actuelle résout 95 à 99 % des cas de fin de vie, il faut s’entendre sur ce que serait éventuellement l’exception d’euthanasie. Cela correspondrait-il au droit au suicide assisté comme le prévoit la loi suisse ? à une procédure judiciaire particulière après un acte euthanasique qui permettrait à un juge de ne pas poursuivre les auteurs d’un homicide par compassion dans certaines circonstances ? ou s’agirait-il de la permission a priori de donner délibérément la mort à des patients pour lesquels les limites de la médecine, et en particulier des soins palliatifs, sont avouées par le corps médical ?

    On voit donc bien que chaque cas est un cas particulier, et qu’avant de modifier ou d’interpréter la loi, il convient de clarifier de manière précise l’intention d’éventuels nouveaux textes législatifs.

    Lol : Et a priori, pour vous, à quoi cela correspondrait-il ?

    Jean Leonetti : La mission qui m’a été confiée par le premier ministre est une mission d’évaluation de la loi actuelle, mais qui porte aussi sur les éventuelles modifications qui pourraient y être apportées. J’ai donc bien l’intention à la fois de mieux faire connaître et respecter le texte législatif en vigueur – malheureusement souvent mal connu et mal appliqué par une partie du corps médical lui-même –, mais aussi d’explorer sans a priori toutes les pistes et toutes les propositions, de quelque endroit qu’elles viennent.

    C’est cette méthode qui nous avait déjà permis de faire adopter un texte consensuel, et rien ne serait pire que d’avoir des certitudes personnelles, des a priori ou des interdits, qui rendraient vaines toutes capacités de lucidité dans l’évaluation ou les propositions.

    Nardo : L’euthanasie active existe chez nos voisins, qui sont des Etats de droit aussi recpectueux de la personne humaine que nous. Pourquoi ne pas s’inspirer de leur expérience ? Qu’est-ce qui nous différencie d’eux qui rendrait cette évolution dangereuse pour la société française ?

    Jean Leonetti : L’exemple le plus intéressant est l’exemple hollandais. A la fois sur la méthode utilisée et sur l’évolution de leur législation et de leurs mœurs. Lorsque nous nous sommes rendus en Hollande, nous nous sommes bien rendu compte que la loi de dépénalisation de l’euthanasie de 2001 avait été précédée de plusieurs étapes qui avaient obtenu le consensus de la population, ou du moins un large assentiment. En particulier, une étape avait consisté en des instructions données au parquet de ne pas poursuivre les cas d’euthanasie dans lesquels aucune intention égoïste n’était manifestée.

  • (…)A l’époque, les soins palliatifs n’étaient pas développés. Aujourd’hui, dans ce même pays, on constate le développement des soins palliatifs, la chute des demandes d’euthanasie au « profit » de la sédation palliative terminale, rejoignant ainsi une des options ouvertes par la loi de 2005 française.

    Cela prouve bien que chaque pays est en réflexion sur ce problème difficile, qu’aucun pays n’est « en avance » par rapport à d’autres, et que chacun poursuit une réflexion respectueuse à la fois de la vie humaine et de l’autonomie de la personne.

    grey : Serait-il possible d’instituer dans notre droit une « exception d’euthanasie » quand le droit à la vie est inscrit dans l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ?

    Jean Leonetti : Toutes les tentatives européennes d’écrire un texte unique sur ce sujet ont échoué. Dans l’affaire Pretty [Diane Pretty, une Britannique gravement atteinte d’une maladie incurable, qui souhaitait pouvoir être euthanasiée], la Cour européenne des droits de l’homme, comme l’a rappelé d’ailleurs la récente décision du tribunal de Dijon, spécifiait qu’il n’y a pas un droit à la mort équivalent au droit à la vie.

    Donc inscrire dans la législation française un droit à mourir serait non recevable, puisqu’en contradiction avec la décision de la Cour européenne des droits de l’homme.

    En revanche, rien n’interdirait des dispositions spécifiques de dépénalisation de l’acte d’homicide dans des circonstances compassionnelles, qui mériteraient alors d’être codifiées et précisées. Ce sont les fameux « critères de minutie » hollandais.

    ryo : Le code de déontologie médicale dispose que « le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». Faut-il le réformer ?

    Jean Leonetti : Le code de déontologie n’est dans ce sens qu’en conformité avec le droit pénal français, puisque l’homicide est condamné dans le code pénal. Le code de déontologie n’est qu’un code moral appliqué à une profession, qui ne peut être en contradiction avec la législation française. Si l’on voulait dépénaliser l’euthanasie, il ne suffirait donc pas de réformer le code de déontologie.

    CecMan : A priori, la mort de Chantal Sébire n’a pas une origine naturelle. Pensez-vous que la famille peut être poursuivie pour « non-assistance à personne en danger » (ou pire), ou le cas Humbert va-t-il faire jurisprudence ?

    Jean Leonetti : Dans l’état actuel du droit, le juge a l’opportunité des poursuites. Il procède en deux étapes : la première consiste à qualifier l’acte : s’agit-il d’un homicide ?

    Deuxième étape : il étudie les circonstances de cet éventuel homicide. Au vu des deux éléments, il a la liberté ou non de poursuivre.

    A l’instar de ce qui s’est passé en Hollande, je suis favorable à ce que des instructions soient données au parquet pour que, dans certaines circonstances d’homicide par compassion, avec l’aide possible d’experts demandée par le juge d’instruction, on puisse, comme cela a été le cas dans l’affaire Humbert, ne pas poursuivre les auteurs de ces actes.

    Je crois que si la loi est assez mal comprise par le corps médical, elle l’est encore moins par les acteurs judiciaires, avec lesquels nous devons développer un dialogue beaucoup plus approfondi. C’est l’esprit de l’exception d’euthanasie proposée par le Comité national d’éthique.

    Dom29 : Chiffres entendus hier sur France Info : 10 000 à 15 000 euthanasies seraient pratiquées sous le manteau à l’hôpital …

    lily : Allez-vous encadrer davantage les médecins dans leur pratique, dans le cadre de cette nouvelle loi ?

    Jean Leonetti : Je suis toujours surpris de ceux qui peuvent affirmer des chiffres d’actes pratiqués dans la clandestinité. Dans le même ordre d’idée, on prétend qu’en Hollande, il y aurait autant d’euthanasies clandestines que d’euthanasies codifiées.

    Par ailleurs, lors de l’appel de signataires paru dans Le Nouvel Observateur, j’ai eu la surprise de constater que des médecins pensaient avoir eu des pratiques euthanasiques alors qu’ils étaient parfaitement dans le cadre de la loi (arrêt de respirateur, augmentation des doses de sédatifs, etc.).

    A l’inverse, certains médecins pensent être en toute légalité alors qu’ils pratiquent des actes euthanasiques, quelquefois à l’insu même du malade dont ils s’occupent.

    C’est dire la nécessité de rappeler à l’ensemble du corps médical les règles de la loi de 2005, basée sur la transparence et le dialogue, et dont l’objectif est le non-abandon et l’absence de douleur.

    Cela correspond bien aux deux rapports qui ont déjà été effectués sur ce sujet par Régis Aubry et Marie de Hennezel, qui mettaient l’accent sur la mauvaise application et la mauvaise connaissance de la loi de 2005 par le corps médical. C’est un objectif prioritaire de l’action à mener dans les prochains mois.

    lou : De quelle manière encadrer cette pratique ?

    Jean Leonetti : Trois possibilités existent : augmenter la formation des étudiants en médecine dans les domaines de la mort et de la douleur ; diffuser dans le cadre de la formation médicale continue cette information à l’ensemble des médecins (cancérologues, gérontologues, etc.) qui sont en contact quotidien avec la mort dans leur service ; et enfin, créer un observatoire des fins de vie permettant d’avoir une vision objective de la façon dont on meurt dans notre société.

    Respecter l’obligation de la loi, enfin, qui, dans chaque structure hospitalière, crée des lits identifiés de soins palliatifs et un médecin référent dans ce domaine.

    Scaflown : Pourquoi ne pas organiser un référendum sur la question de l’euthanasie active ?

    Jean Leonetti : Je suis favorable à un grand débat national, non pas sur le seul problème de l’euthanasie, mais sur la fin de vie dans notre société, car si l’affaire Humbert ou l’affaire Sébire peuvent apparaître comme scandaleuses, on ne peut oublier le drame de la canicule, qui, contrairement à son intitulé, n’est pas le drame d’une chaleur extrême, mais un drame de la solitude et de l’abandon.

  • (…)Enfin, je pense qu’il est très difficile de répondre par « oui » ou par « non » à des problèmes complexes. Et les problèmes de la fin de vie se définissent justement par la personnalisation de la situation et la complexité et la diversité des situations.

    ryckca : L’homicide par compassion est-il éthiquement plus recevable que l’euthanasie active ?

    Jean Leonetti : On est encore dans un problème de définition. Pour nous, l’euthanasie active n’existe pas, puisqu’il n’y a pas d’euthanasie passive. Seule l’euthanasie existe, et elle pourrait être définie, justement, par la mort donnée par compassion, le plus souvent par un médecin, à un malade qui le réclame en raison de souffrances intolérables.

    MC : Et Dieu dans tout ça ? et la conscience dans tout ça ? Combien de personnes vont dormir en paix après avoir accompli un tel acte si la loi le permet ?

    Jean Leonetti : Dans la mission que j’ai eu l’honneur de diriger, nous avons constaté que les choix qui étaient faits par les uns ou les autres n’étaient fixés ni par leur appartenance politique, ni par leur croyance religieuse. La loi de la République doit s’appliquer à tous, à ceux qui croient comme à ceux qui ne croient pas.

    Plutôt que de dire « Et Dieu, dans tout ça ? », je préférerais dire : « Et l’homme, dans tout ça ? » Comment définir sa dignité ? Et l’homme malade est-il moins digne que l’homme bien portant ? Comment respecter sa liberté tout en continuant à sauver, aux urgences, malgré eux, les malades qui ont tenté de se suicider ? Et la vie humaine, dans tout ça ? Même ceux qui pensent qu’elle n’est pas sacrée ne peuvent pas nier qu’il s’agit de la valeur suprême de notre civilisation, reconnue comme un droit.

    C’est pourquoi je suis persuadé que nous ne pouvons avancer dans ces sujets complexes qu’en évitant la simplification, qu’en progressant de manière collective et qu’en posant à terme le problème de l’homme dans la société, et du respect dû à chacun.

    arthur14 : Ne pensez-vous pas qu’aider une personne qui souffre à mourir est l’un des plus grands gestes de respect de la dignité humaine ?

    Jean Leonetti : Que veut dire aider à mourir ? Si c’est accepter de ne jamais abandonner la personne qui souffre, la regarder jusqu’à l’ultime moment comme une personne à part entière, alors oui, bien sûr, c’est reconnaître sa dignité, qu’elle pourra lire dans le regard de tous ceux qui l’entourent.

    La loi actuelle constitue indubitablement une avancée considérable pour lutter contre la souffrance en fin de vie, permettre d’accompagner les malades, de respecter leur autonomie, et de renoncer à l’acharnement thérapeutique. C’est sur ce socle que nous devons progresser et éventuellement expliquer, préciser ou ajuster nos propositions législatives dans un débat non partisan et le plus consensuel possible.

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