On irait si loin ensemble

Face à la polémique estivale sur l’interdiction des jets privés, un ami libéral me rétorquait que l’on devait encore pouvoir faire de ses biens personnels l’usage que l’on voulait, négligeant l’impact collectif de l’usage de certains de ces biens. Face à mon opposition à l’euthanasie, un commentateur également libéral se prévalait d’une solution simple, la liberté de la personne qui ne nuirait pas à autrui, oubliant l’intrication profonde des relations sociales, les influences sur le patient et les conséquences de sa demande. Il privilégiait aussi la liberté formelle à la liberté réelle. Et certains libéraux reprennent encore l’antienne d’une illustre prédécesseuse, Margaret Thatcher : « there is no society ». Dans l’équilibre du débat public, le libéralisme a l’intérêt de rappeler que la liberté est le principe, surtout lorsque le temps est au festival des interdictions. Mais le libéralisme sert trop souvent de faux-nez à l’individualisme commode.

Or, après des temps de paix et de prospérité propices aux mirages individualistes, les temps que nous vivons sont indéniablement collectifs. Il y a une société, il faut une société. Ni les pandémies, ni le dérèglement climatique, ni la guerre ne trouveront de solutions strictement individuelles, même si l’engagement de chacun peut être requis. Une chose est à tout le moins certaine : en l’absence de réponse collective, il n’y aura plus de liberté individuelle.

La conversion d’Emmanuel Macron est à cet égard éclairante. Au pied du mur, le chantre de la start-up nation, de l’emploi de l’autre côté de la rue, du rêve à partager de devenir milliardaire, insiste moins sur les premiers que sur la cordée. Il cherche ses mots, évoque la Nation comme « un tout organique » puis invoque « le peuple » dont il espère la « force d’âme ». Le peuple, malheureusement, ne se décrète pas sur un changement de pied. Ce qui est vrai pour Emmanuel Macron l’est pour notre pays entier, hier et aujourd’hui. Qu’avons-nous fait, ces cinquante dernières années, pour forger un peuple, quand l’insistance sur la diversité a trop souvent occulté l’unité ? Que faisons-nous aujourd’hui quand certains adoptent le conflit comme principe d’action, alimentent la lutte de tous contre tous, communauté contre communauté, identité contre identité ? Nous irions tellement plus loin, si nous y allions ensemble.

Chronique du 28 août 2022 (oui, j’ai du retard de publication)

Photo by Shane Rounce on Unsplash

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2 commentaires

  • Belle réflection sur un sujet complexe.
    Il importe d’essayer de rester simple en évitant d’être simpliste, que ce soit pour protéger la vie humaine ou modérer le changement climatique, ou pour nourrir le monde le mieux possible.

    Merci encore

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