Nous

Ce sont deux bras qui s’avancent, deux mains qui se tendent, qui retombent le long du corps, deux mains qui signent un geste rapide et navré de dénégation et d’impuissance mêlés. 2020, ce sont des grands-parents qui marquent la distance, qui se privent du câlin d’un enfant. Ceux qui n’ont pas connu de deuil, ont probablement connu ce geste d’éloignement de ceux qui ne devraient pas l’être. 2020, c’est encore ceci, qui nous est connu : la cohorte des personnes isolées, étudiants confinés, aînés solitaires, célibataires cloîtrés, les adieux impossibles, les vocations entravées et toujours, chaque jour, ces visages masqués. Passe derrière moi, 2020.

C’est aussi notre « moment de Noé », comme l’écrit le pape François dans son dernier livre, Un temps pour changer. Oui, les eaux sont montées, elles ont infiltré chaque interstice et asphyxié nos vies. Quand elles se retireront, car nous avons l’espoir qu’elles se retirent bientôt, cette année même, trouverons-nous simplement des lendemains comme hier ? Certains s’en contenteront par paresse, d’autres s’y précipiteront par intérêt, comme si les eaux pandémiques n’étaient pas venues nous dire que le temps de l’individu triomphant, uni par les seuls liens qu’il choisit et la simple rencontre des consentements personnels, est passé. Dans le discours d’Emmanuel Macron, la start-up nation a cédé la place à Mauricette première vaccinée. Le Chief happiness officer a moins apporté que la caissière et tant d’autres maillons, plus invisibles parfois mais aussi indispensables. Nous avons redécouvert comme nos efforts seuls sont impuissants, comme notre propre quotidien ainsi que notre avenir personnel dépendent de ceux que veulent bien consentir les autres. L’issue ne peut être que collective, par la somme de nos efforts conjoints.

Bien sûr, la fraternité ne s’imposera pas d’évidence, il faudra lutter pour la faire prévaloir. Dans la pandémie déjà, certains ont voulu opposer aux vieux les jeunes. Les mois à venir, chargés d’échéances électorales, multiplieront les occasions d’affrontement, stériles le plus souvent. Mais précisément, pour ces élections, il faudra entendre ceux qui sauront nous parler des liens qui nous unissent, d’un Etat présent pour servir dans ses missions essentielles sur tout le territoire, de la force du collectif, du bien commun. De nous.

Photo by Mary Blackwey on Unsplash

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2 commentaires

  • Je ne vois pas l’intérêt de comparer comme vous le faite les apports du Président et de la caissière … Chacun son rôle, c’est tout. La caissière, comme les autres, elle a surtout été contente que son boulot ne s’arrête pas, mais elle n’est pourtant pas indispensable, elle est même souvent remplacée par des machines, ce que je déplore. Arrêtons ce cliché.
    Quand au Président et son administration imparfaite, s’ils n’étaient pas là, ce serait la jungle. Ils ont donc le mérite d’exister. Dans notre État très centralisé, ils ont surtout le mérite pour une majorité de nos concitoyens (dont vous apparemment) d’être le bon bouc émissaire de toutes les frustrations contradictoires : trop, trop peu, trop rapide ou trop lentement… Et d’oublier ainsi les responsabilités individuelles de chacun.
    Il faudrait donc surtout reparler du principe de subsidiarité cher à la Doctrine sociale de l’Église plutôt que de comparer inutilement la caissière et le Président.

    • « Chief Happiness Officer » n’est pas une façon de désigner le Président de la République, c’est une fonction qui s’est développée récemment au sein de certaines entreprises.

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