Le trafic de drogue, une richesse nationale ?

Où donc est passé la morale ? Et le Bien comme boussole ? Ok, dans le monde qui va, commencer un texte par l’invocation de la morale et du Bien est une faute de goût. La morale, c’est emmerdant et le Bien, c’est relatif. Si vraiment ça vous défrise, invoquez l’éthique et, peut-être la justice. Mais notre système impose des décisions qui insultent la décence et le sens communs.

La France va ainsi intégrer, certes après avoir longtemps résisté, le trafic de drogue dans le Produit Intérieur Brut. Comme La Croix l’explique assez bien ici, il y a des raisons économiques à cela. Son exclusion « conduisait à des disparités dans certains indicateurs, notamment dans le revenu national brut (RNB) qui sert d’assiette pour calculer la contribution de chaque pays au budget européen ». Aussi les pays qui nous ont précédé dans la déliquescence morale estimaient-ils fort injuste que la France garde le cap, et contribue moins. Eurostat faisait pression. Il fallait que tous intègrent le trafic de drogue, et la prostitution. Sans être expert en comptes publics, pourquoi ne pas imaginer que l’harmonisation se fasse dans le sens inverse : pourquoi ne pas déduire drogue et prostitution du PIB des pays qui l’y intégraient ? Leur part est estimée, il suffisait de retrancher la ligne correspondante. Pourquoi l’harmonisation se fait-elle encore, ici aussi, sur le moins-disant éthique ? Soyons sans illusion : par intérêt financier. Les institutions européennes avaient intérêt à gonfler le PIB des États-membres, assiette de leur budget, plutôt que le diminuer. Des intérêts financiers qui priment sur les impératifs moraux, ce n’est certes pas un schéma qui a de quoi surprendre.

Le trafiquant de drogue peut donc désormais se vanter : il contribue à la richesse nationale, il est un acteur de l’économie, il soutient la croissance ! Vous gênez pas : fumez des tarpés, sniffez-vous une poutre ! Hé, pour un peu, en voilà, un acte patriote ! Car qu’y-a-t-il de plus patriotique aujourd’hui que de soutenir la croissance ? Un bon patriote, c’est un gars qui suit la ligne blanche.

Et dites-moi un peu : comment ne progresserions-nous pas demain vers une forme de reconnaissance de fait, puisque l’on va par-là ? J’avoue ne pas bien connaître la fiscalité de la beuh, mais je ne crois pas encore que l’on s’appuie sur les factures. Or puisque la France va désormais contribuer davantage au budget européen sur la base du trafic de drogue, il va bien se trouver à Bercy un gars (ou une nana, ne soyons pas sexiste, par les temps qui courent) pour proposer l’imposition du trafic : il faut bien reprendre par l’impôt ce qu’on paie par ailleurs. On s’arrangera. On fera un guichet unique – coke, héro, crack ou shit – où des fonctionnaires assermentés s’abstiendront aimablement de réflexions sur l’origine des bénéfices. Il faudra bien sûr discuter du régime de déclaration. Réel simplifié, ou pas ? Et la paie du guetteur, on la passe en frais, c’est assujetti aux cotisations sociales ?

Cette logique financière est désespérante. En statisticien, Ronan Mahieu (chef du département des comptes nationaux de l’Insee) déclare à La Croix : « au-delà des aspects moraux, la statistique a vocation à mesurer ce qui se passe dans le champ économique ». Mais voilà, moi, je ne tiens pas à aller « au-delà des aspects moraux » et la statistique pour la statistique, je m’en tamponne. La statistique est peut-être scientifique, mais l’intégration au PIB est politique. Et c’est un choix politique fort – pour preuve : la France a longuement résisté.

Tous les libéraux n’excluaient pas la morale de la logique de marché. A tout le moins certains comptaient-ils sur la morale existante, extérieure au marché, pour en guider les choix. Mais tout se passe ici, comme à d’autres égards, comme si dorénavant la morale, c’était le marché. Car voilà que l’on explique que « selon les critères d’Eurostat, les pays doivent décompter tous les échanges effectués « d’un commun accord » ». Le critère est donc le choix, l’accord, la rencontre des volontés, l’échange des consentements, la liberté des transactions, tout ce que vous voudrez : bref, le marché. Et lui seul. Dès lors que deux parties sont d’accord, ni la société ni l’Etat n’ont plus rien à dire. Le « commun accord » expulse la loi, le politique. Pourtant, même cette logique est incohérente. Les fameuses « travailleuses du sexe » assurent qu’elles choisissent librement cette activité : combien de temps pour nous dire qu’il y a commun accord ? Et combien d’activités illégales reposant sur un accord entre les parties ? Et même, quel est l’accord du junkie ? Quelle est la liberté du drogué ? Quel est le choix de ce voisin, que je vois tristement passer, seul, un pétard à la main, complètement stone, se déplaçant avec peine ?

Moi, je pisse dans un violon. C’est improductif, mais ça soulage. Et c’est sans accoutumance.

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19 commentaires

  • Bonjour,

    J’aime beaucoup vous lire. Vos contributions au débat public sont très utile : vous représentez un point de vue rare et nécessaire.

    Cela dit, ce billet est très décevant. Vous faites les mêmes erreurs que vous reprochiez à Enthoven il y a peu sur le Notre père.

    1) Techniquement, il n’y a aucun doute sur le fait qu’il est désirable, du point de vue du statisticien national, d’intégrer les activités, y compris illégales, dans le PIB. Le PIB a pour vocation d’intégrer toutes les transactions, y compris illégales. Que vous le vouliez ou non, les transaction illégales sont des transactions économiques. Comme telles, il est utile de les mesurer. La seule raison pour laquelle cela n’a pas été fait avant, c’est simplement que c’est difficile à faire.

    2) Vous insinuez que l’UE souhaiterait ainsi augmenter son budget. C’est évidemment totalement faux. Les négociations prendront en compte une éventuelle variation du niveau (il y a eu des révisions nettement plus importantes, de l’ordre de 20 %, dans le passé, pour certains pays, sans répercutions budgétaire.)

    Donc comme Enthoven sur le Notre père, vous débarquez dans un débat qui dure depuis des dizaines d’années, vous accusez les uns et les autres, vous prononcez des oukazes méthodologiques. Et vous êtes bien tranquille, parce que personne ne viendra se défendre.

    Je me permets de vous signaler que ces décisions ne résultent pas de « pressions » d’Eurostat ou de quiconque. Elles résultent d’un règlement européen de 2014, qui a été voté par le Parlement, et soutenu par l’unanimité des Etats membres.

    Vous valez mieux que ça !

    Bien cordialement,

    • Ah, le fameux « vous valez mieux que ça ». Pour la prochaine fois, je vous propose le « je vous ai connu plus inspiré ». Si vous saviez combien de fois on me l’a fait en 13 ans de blog… En tout cas, il n’est jamais trop tard pour apprendre que la statistique peut conduire à des réactions aussi virulentes que sur le Notre Père. Il doit y avoir une dimension sacrée dans l’affaire qui m’échappe.

      Et vous êtes bien tranquille, parce que personne ne viendra se défendre.

      Manifestement, votre commentaire dément directement votre propos.

      Techniquement, il n’y a aucun doute sur le fait qu’il est désirable, du point de vue du statisticien national, d’intégrer les activités, y compris illégales, dans le PIB. (…) La seule raison pour laquelle cela n’a pas été fait avant, c’est simplement que c’est difficile à faire.

      Techniquement, je m’en fous. J’avais prévenu, pourtant. Navré si je me permets d’émettre un avis comme citoyen.

      L’intégration a une portée politique qui m’intéresse bien plus que la technique statistique. J’observe par ailleurs que ce trafic faisait déjà l’objet d’une évaluation.

      Quant au fait que le trafic de drogue n’ait pas été intégré préalablement uniquement parce qu’il est difficile à mesurer, c’est directement contredit par le fait que l’on se refuse toujours à intégrer la prostitution. Je ne vois pas en quoi elle serait plus difficile à mesurer que le trafic de drogue. J’aurais même tendance à penser que c’est plus facile. Donc, contrairement à ce que vous affirmez de façon assez vindicative, il y a manifestement d’autres raisons qui président à l’intégration ou non de telle ou telle activité dans le PIB.

      Il y a en outre bien d’autres activités illégales qui ne sont pas intégrées au calcul du PIB.

      En l’occurrence, le règlement européen de 2013 fait directement référence à la notion de « commun accord« , ce que je questionne dans mon billet, et qui n’est pas un critère qui exclut l’interprétation (pour preuve, une fois encore, la prostitution).

      Enfin, le refus explicite de l’INSEE en 2014 – donc de l’Etat français – d’intégrer ces activités, et les arguments opposés, viennent encore contredire (i) le fait que le sujet ne soit qu’un sujet technique et (ii) que ces dispositions rencontrent un soutien unanime des Etats Membres.

      Et, soit dit en passant, le fait même que l’on sacrifie unanimement à cette logique ne serait pas un argument susceptible de me convaincre de son bien-fondé.

      • Votre commentaire sur le refus supposé de l’INSEE en 2014 montre bien que vous n’avez aucune idée de la manière dont ces décisions son prises.

        Les comptes nationaux révisé portent le nom de ESA 2010 (European System of Accounts). Ils sont fondés sur le système des Nations unies (SNA 2008). Aussi bien pour développer la méthodologie des Nations unies que celle d’Eurostat (qui n’est en réalité qu’une traduction au niveau européen de ce qui s’est décidé pour au niveau NU), la France a joué un rôle majeur (elle jouit d’un grand respect dans le domaine, historiquement).

        En 2014, la décision avait été prise depuis belle lurette, puisque le réglement a été adopté en 2013. Ce n’était alors qu’une question de timing.

        Au moment des discussions du règlement adopté en 2013, à aucun moment cette question n’a fait débat sur le principe. Il s’agissait d’une amélioration qui devait venir depuis longtemps. Au reste, je vous signale que tous les partis politiques ont voté en faveur de ces dispositions, (jusqu’au PiS polonais). Le rapporteur était un catholique maltais peu soupçonnable de sympathie pour la prostitution.

        Votre paragraphe sur la prostitution montre que vous n’avez pas compris le débat technique. On ne prend pas en compte les transactions involontaires dans le PIB. Dans le cas de personne soumises à des réseaux de prostitution, le consentement des parties pose question. Dans le cas de vente de drogue, non : le vendeur veut vendre, l’acheteur veut acheter.

        Vous dites enfin : « Il y a en outre bien d’autres activités illégales qui ne sont pas intégrées au calcul du PIB. » Citez m’en une qu’on peut raisonnablement estimer, et qui n’est pas dans ESA 2010, ça m’intéresse.

        Vous dites « il y a une dimension sacrée qui m’échappe ». Je ne crois pas. A mon avis, ce qui vous échappe c’est que des gens travaillent dur, depuis des décennies, dans l’honnêteté et la sincérité, et que vous venez taper dessus à coup de serpe, accusant l’UE de conspirer pour augmenter son budget. Ca m’attriste, c’est tout.

        J’aime beaucoup votre : « Techniquement, je m’en fous. J’avais prévenu, pourtant. Navré si je me permets d’émettre un avis comme citoyen. » On voit que vous avez retenu la leçon du professeur Enthoven : si j’ai un sentiment, ça vaut toutes les expertises, et j’ai le droit de froisser toutes les sensibilités.

      • Cher Monsieur,

        Le fait de commenter ici pour la première fois ne vous autorise pas à utiliser n’importe quel ton. J’ai une patience assez modérée pour le type d’agressivité dont vous faites preuve. Je réitère : la « sensibilité » que vous avancez sur les comptes nationaux, que vous comparez à ce que l’on peut penser d’un propos foulant aux pieds la prière centrale des chrétiens, me paraît un peu décalée. J’ignore à quelle religion je viens de toucher mais je ne manquerai pas de me renseigner.

        Mais je vois que vous n’avez manifestement pas l’intention de lire le billet que vous commentez.

        Votre paragraphe sur la prostitution montre que vous n’avez pas compris le débat technique. On ne prend pas en compte les transactions involontaires dans le PIB. Dans le cas de personne soumises à des réseaux de prostitution, le consentement des parties pose question. Dans le cas de vente de drogue, non : le vendeur veut vendre, l’acheteur veut acheter.

        Je n’ai pas vraiment le goût de réécrire mes billets en commentaires. Aussi je vous renvoie à ce que j’ai écrit sur le consentement des personnes droguées. Vous évoquez la notion de transaction volontaire ou involontaire, vous m’excuserez de me référer aux passages expressément consacrés à la vente de drogues dans le règlement, qui fait mention d’un « commun accord », notion qui renvoie à tout autre chose.

        Je vous remercie pour vos éclairages historiques. Qui ne changent rien au fait que l’INSEE refusait en 2014 (ce qu’elle n’aurait pas dû faire si tout le monde était d’accord « depuis belle lurette », à l’initiative de la France) de prendre en compte drogue et prostitution.

  • Le pib ne mesure pas la création de richesse, mais les échanges monétaires.

    Ils n’ont pas besoin d’être volontaires puisque les dépenses publiques financées par l’impôt prélevé de force entrent dans le pib. Et l’aspect moral est effectivement hors sujet.

    Quand tu élèves tes enfants, donnes un coup de main à un ami ou écris un billet de blog, ça crée de la richesse, c’est moral, mais ça n’entre pas dans le pib puisque c’est gratuit. Quand Whatsapp permet à un milliard et demi d’êtres humains de communiquer, ça crée de la richesse, c’est moral, mais ça n’entre pas dans le pib puisque c’est gratuit.

    Quand Anne Hidalgo me prend de force le fruit de mon travail pour ériger un plug anal géant ou organiser une ode à un assassin sanguinaire dont elle partage les idées, ça ne crée pas de richesse, c’est totalement immoral mais ça entre dans le pib.

    Par ailleurs, il y a des arguments moraux pour dépénaliser la vente de stupéfiants mais je ne suis pas sûr que ce soit le sujet ici.

    • On ne peut pas apprécier ce sujet exclusivement sous l’angle technique, en négligeant la portée symbolique de cette décision. Une fois encore, les dissensions et le refus initial de l’INSEE – et persistant sur la prostitution – soulignent qu’il ne s’agit pas d’une question exclusivement statistique, sans impact politique.

      On ne manque pas de classements de pays selon leur PIB, c’est même le classement ordinaire, celui que tout le monde prend en référence – que cela soit rigoureux ou non d’un point de vue économique étant à mon sens indifférent. C’est de cette manière que l’on désigne ordinairement les pays les plus riches, les économies les plus performantes.

      Il n’y a d’ailleurs qu’à entrer « pays les plus riches » dans Google pour voir que tout le monde fait référence aux PIB des pays. Que cela soit orthodoxe ou non, d’un point de vue économique, n’est pas le sujet. Qu’il y ait d’autres indicateurs pour mesurer la seule richesse nationale non plus. C’est juste ainsi.

      Et l’idée qu’un pays se classe mieux parce que le trafic de drogue y est plus développé me pose, tu l’auras remarqué, une difficulté.

      • « Et l’idée qu’un pays se classe mieux parce que le trafic de drogue y est plus développé me pose, tu l’auras remarqué, une difficulté. »

        Bienvenu dans le monde de la comptabilité nationale. Si demain quelqu’un vient casser toutes vos vitres, alors le PIB augmentera (il faudra les réparer). Si un avocat vous harcèle de procès non justifiés, pareil (2% du PIB américain, de tête). Si vous épousez votre femme de ménage (exemple d’A. Sauvy), il diminuera. Si on achète plein de missiles et qu’on les balance un peu partout, pareil.

      • J’ai bien saisi que j’étais un imbécile. Mais je m’amuse de vos comparaisons. Quand quelqu’un vient casser mes vitres, ce n’est pas son action (illégale) qui entre en ligne de compte, mais celle (légale) du vitrier qui viendra les remplacer. Qu’un avocat me harcèle de procès non justifiés est, également, légal même si fort désagréable, et a bien peu à voir avec le trafic de drogue. De même pour les deux autres exemples évoqués. Amalgamer ainsi des activités illégales par principe à des activités légales ou désagréables n’est pas des plus pertinents.

      • Ha ha! Heureux les simples d’esprits 🙂

        Jeune scarabée, tu progresses sur le chemin de la sagesse, bientôt tu verras que les statistiques économiques sont un instrument maléfique.

        Laisse-moi te parler de Sir John Cowperthwaite. Non content d’avoir un nom à coucher dehors, il a été le secrétaire financier (une sorte de ministre des finances) d’Hong Kong dans les années 60. Il refusait catégoriquement de collecter les statistiques pour éviter que les bureaucrates viennent micromanager l’économie. Beaucoup de libéraux considèrent que le miracle économique Hong-Kongais lui doit beaucoup.

    • C’est bien ce que je dis : il faut de la politique, de la décision, des choix, sans se retrancher derrière la prétendue objectivité du chiffre et le consentement des parties. Un moment où l’on fixe une limite et où l’on assume son caractère potentiellement arbitraire. Je n’entends pas discuter de chacun de vos exemples en particulier, ni vous dire qu’ils me comblent de joie. Juste qu’à un moment donné, on accepte de fixer ces bornes, de ne pas considérer que l’existence de produits susceptibles de créer une accoutumance justifie d’ouvrir largement les portes à tous les produits créant de l’accoutumance. Que nos erreurs passées justifient les conneries à venir.

      Votre commentaire illustre aussi autre chose : du débat sur l’intégration des produits d’une activité illégale dans le PIB, on glisse très vite vers le débat sur la légalisation de ladite activité.

      • Et nous glissons ensuite rapidement, je reconnais que je pousse à la roue, sur le respect de la liberté de chacun, y compris de se détruire, face à la promotion d’un « Bien » personnel ou collectif.
        Merci Koz de tes interpellations toujours riches sur ce sujet. Pour moi, elles soulignent surtout l’hypocrisie d’un grand nombre de décideur qui n’osent pas affronter les conséquences de la liberté individuelle et surtout les confondent trop souvent avec les libertés collectives et leurs impacts sur le « vivre ensemble » qui nécessite une limitation.
        La question de ces limitations devient de plus en plus prégnante maintenant qu’il est clair que les hommes souhaitent accéder au même niveau de vie mais que l’ « optimum » vendu, mode euro américain, n’est physiquement pas supportable s’il ne se réforme pas.
        Oui le choix de l’usage d’une statistique est politique, mais reconnaissons que sa définition mathématique doit pouvoir être non politique et basée sur des faits objectifs, ici mouvements de valeurs d’échange mesurables entre deux acteurs. Mais je pense que le volet « intentionnel ou non » ne devrait pas être pris en compte pour une définition « mathématique » « propre ».
        Merci de continuer à dénoncer l’hypocrisie d’accepter certaines transactions et pas d’autres, certaines substances addictives et pas d’autres. L’histoire nous montre le bien de ces choix.
        Je reconnais aussi que la cohérence libertaire peut faire peur dans ses conséquences aux personnes qui ne se sentent pas assez « fortes », mais l’Homme a construit des communautés pour faire face à ces situations. Je pense que les communautés ont plus à gagner à se coordonner pour répondre à leurs besoins inter communautaire qu’à vouloir être hégémonique, même si la situation serait alors beaucoup plus simple à vivre…

  • Ceci dit à des fins de comparaison c’est bien d’utiliser les mêmes critères. Et il y a des pays pour lesquels on ne peut pas faire l’impasse sur le trafic de drogue (si on enlève la cocaïne, le PIB et la balance commerciale de la Colombie perdent leur sens il me semble).

    Après ça me parait pas idiot de mesurer et quantifier les faits contre lesquels on veut lutter, pour avoir des plans d’action plus efficaces.

  • Si on commence à rentrer dans la morale, alors il faut le faire complètement, et distinguer du coup la dangerosité différenciée de l’alcool (légal), tabac (légal), tranquillisants (légaux), avec cannabis (illégal ici, autorisé ailleurs, effets positifs et négatifs), cocaïne, etc. Malheureusement on n’en sortira jamais.
    Ce que dit M. Monard n’est pas faux… la « moralité » en la matière nous a quitté depuis longtemps, c’est dommage mais c’est ainsi. On pollue ca augmente le PIB, on dépollue ca crée du PIB. C’est d’une absurdité sans nom. Les externalités négatives ne sont pas non plus vraiment prises en compte.
    Dans le cas du trafic de drogue, il y a aussi l’aspect « consommation » des gains. Acheter des villas pour blanchir ou partir en voyage à Phuket ca reste de la « consommation », et donc à comptabiliser. C’est à l’image de notre société… et du coup ce débat rend encore plus intéressantes les démarches « alternatives » de mesure de la richesse, et du bien-vivre (genre le Bonheur National Brut), où on pourrait comptabiliser aussi l’engagement associatif, la protection de l’environnement, le service aux ainés, etc.

  • Ah, et enfin, pour relativiser quelques leçons assénées avec la force de l’évidence, on renverra à la note méthodologique de l’INSEE publiée en mai 2014, L’évaluation macroéconomique de l’économie non observée, dont le premier paragraphe dit ceci :

    En comptabilité nationale, toute forme d’activité entreprise sur le territoire par les agents économiques doit être intégrée dans le produit intérieur brut, y compris celle qui ne peut pas être directement observée, parce que dissimulée ou informelle. On considère ici des activités à la fois productives du point de vue économique et légales dans leur principe, même si elles échappent à une observation directe de l’appareil statistique.

  • Par ailleurs suite à cette mesure des féministes ont rappelé qu’une de leurs très anciennes revendications, à savoir la prise en compte du travail domestique (majoritairement féminin) mais aussi de celui des aidants familiaux (lui aussi majoritairement féminin) dans le PIB, n’est toujours pas à l’ordre du jour. Il est pourtant régulièrement évalué, avec un degré d’incertitude qui ne semble pas supérieur à celui du trafic de drogues. Et c’est légal.

    Mais comme ce n’est pas comptabilisé, ça ne compte pas. Et voilà comment on dévalorise des pans entiers de l’activité économique. Et au passage, ça contribue au problème actuel des EPHAD (et autres métiers du soin). Un métier qui est l’héritier direct du travail (gratuit) d’aidant familial, c’est plus difficile à faire reconnaître et rémunérer.

    Et quand vous allez voir votre patron pour lui dire que non, les semaines de 70 h c’est plus possible à cause des enfants / des vieux parents / de ma femme qui a un cancer, il vous répond que c’est votre problème privé.

    C’est un débat très riche car il touche, comme vous le signalez, à la notion de valeur, à ce qui a de l’importance dans une société, mais aussi à l’importance que l’on donne à ce qui est gratuit ou à ce qui est légal. L’économie n’est pas morale, j’ai tendance à faire avec, mais je partage toutefois votre désaccord profond.

  • Bonjour,
    Si l’Afghanistan, au hasard, florissait grâce au traffic d’opium au point d’entraîner une hausse massive du niveau de vie des afghans, faudrait-il par principe considérer l’Afghanistan comme toujours aussi pauvre? Pour quoi faire?

    La solution serait-elle d’établir deux échelles distinctes?
    Le « PIB-E », ou PIB « éthique », pour ceux qui comme Koz aiment les statistiques éthiques (on peut imaginer des variantes selon que l’on est pour ou contre l’agriculture OGM); PIB-R « réel » pour ceux qui veulent se renseigner sur la réalité.

    J’ai quand même un peu de mal avec le raisonnement du billet: le PIB c’est la richesse, la richesse c’est bien, donc si on compte le trafic de drogue dans le PIB ça signifie que le trafic de drogue c’est bien. Pas convaincu…

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