La liberté de conscience n’est pas négociable

Enfin ! Enfin un scrutin sans « points non négociables » ! Depuis que Benoît XVI a dégagé cette dizaine de sujets politiques prioritaires, au premier rang desquels la défense de la vie, à chaque élection, le même milieu d’extrême droite articule un raisonnement étrange selon lequel un catholique fidèle ne peut voter que pour lui. On imaginait que nos intransigeants trouveraient cette fois aisément leur chemin, entre Jordan Bardella (RN), qui ignore certainement jusqu’à l’existence de ces quelques points, et François-Xavier Bellamy (LR), qui pourrait les citer dans l’ordre et sans doute à l’envers. Pourtant non. Cette fois, un autre raisonnement devait aboutir au même résultat imparable, mais sans un mot, un bruit, un souffle de nos points non négociables. Ci-gisent-ils donc, délaissés, sans égard pour leurs années de service. On datera du 26 mai 2019 au soir le dévoilement sans fard de ce que leur invocation partisane a toujours été : un grossier abus de conscience.

Ainsi libérés d’une supercherie, les catholiques auraient dû respirer l’air vivifiant de la liberté de conscience. Las, le cataclysme de la droite a laissé surgir des commentaires acerbes et des condamnations hâtives : un catholique pratiquant n’a pu voter Nathalie Loiseau qu’au mépris de sa foi. Sans forcément partager leurs conclusions, est-il donc objectivement absurde que des catholiques mettent dans la balance, au nom même des points précités, les positions des Républicains concernant les migrants et leur euroscepticisme ? Et que faire de ceux qui ont voté Yannick Jadot et ne sont, dit-on, pas tous de gauche, voire parfois quelque peu catholiques ?

Au-delà des élections, trop de débats ces temps-ci montent aux extrêmes, et les premières réserves exprimées semblent valoir soupçon d’hérésie. Tout se passe comme si des catholiques anxieux de se voir minoritaires et soucieux de faire corps oubliaient de rendre témoignage à la liberté de conscience. Elle est pourtant l’un des plus précieux legs de notre foi chrétienne – promue par John Henry Newman, célébrée par Benoît XVI et jusque Vatican II, pour n’évoquer que les derniers temps. Elle est aussi notre meilleure alliée, dans une période de crise qui devrait nous apprendre à nous défier de la perte de la distance critique, de l’alignement des consciences et du silence imposé.

Chronique du 4 juin 2019
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4 commentaires

  • Merci Koz

    Le vote catholique reste assez éclaté, les quelques enquêtes sur le sujet sont intéressantes. C’est révélateur de l’absence d’un socle politique suffisamment fort sur ses valeurs.

    Pour ma part j’aurais voté les yeux fermé pour FX Bellamy. Mais ça voulait dire voter tout autant pour Mme Morano, M. Hortefeux, un programme douteux dont je ne veux plus. Et les européennes ne sont pour moi pas une élection de personne mais d’idée, de vision de l’Europe. Je préfère des européens moyens mais convaincus aux eurosceptiques. Je n’en suis pas heureux pour autant mais je n’en peux plus de cette droite incohérente et sans idée.

    J’espère que M. Bellamy et ce qu’il porte inspireront et apporteront une autre posture plus mature, plus constructive, plus claire sur un corpus qui a du sens que la ligne Wauquiez/Ciotti/Hortefeux etc. dont effectivement on en vient à se demander pourquoi préférer la copie à l’original.

    Et effectivement comme dit par ailleurs il faut aimer être bâtisseur par les temps qui courent…

  • … Oui à la liberté de conscience et, à l’instar du cardinal Newman [Bienheureux] portons un toast. Mais aussi pourquoi à chaque scrutin vouloir sonder le « vote catholique » ? Cela m’apparait quand-même une violation flagrante de cette liberté. On cherchera vainement un enseignement évangélique qui valide la seule hypothèse. Laissons donc les catholiques exercer leur devoir de citoyen en toute responsabilité mais aussi en leur demandant de former leur conscience et à ceux qui peuvent et doivent l’assurer de le faire

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