J'ai aimé, chez les autres

« Silence pour Maddie«  – C’est le titre de l’edito de Dominique Quinio, dans La Croix. Cela faisait plusieurs jours, au vu des derniers développements de cette affaire, que je repensais à l’affaire Grégory. Va-t-on reproduire, dans cette affaire, les mêmes erreurs que l’affaire Grégory ? Emballement médiatique, mise en cause de la mère… La Croix a choisi le silence sur cette affaire et Dominique Quinio s’en explique en Une. Voilà peut-être ce qui crée, aussi, un lien particulier entre La Croix et ses lecteurs.

« Mais il nous semble que la retenue et la prudence s’imposent. Il n’est pas piteux de reconnaître que l’on ne sait rien. Par respect pour chacun des acteurs de ces événements, pour ne pas relayer les rumeurs, pour ne pas combler l’absence de faits avérés par des suppositions, aux conséquences parfois assassines, pour nous imposer à nous-mêmes une distance décente, nous ne donnons sur l’affaire que des informations brèves, factuelles. »

Deux journaux portugais, en revanche, ont choisi de publier des extraits du journal intime de la mère de Maddie, dans lequel elle confie sa fatigue face à des enfants à la vitalité excessive. Le Figaro a choisi également de reproduire ces extraits. Le chapeau est assez révélateur : « deux journaux portugais ont réussi à se procurer les photocopies du journal de bord de Kate McCann actuellement épluché par la police« . Félicitations, en effet.

Le soupçon pèse donc sur la mère de Maddie. Et ces mots, que nombre de mères ont pensé, que nombre d’autres mères ont écrit, ces mots anodins deviendront pour certains une preuve.

Il n’est pas piteux de reconnaître que l’on ne sait rien !

Classement sans suite – Il y aurait un fil rouge entre ces deux nouvelles : cette présomption d’innocence dont le respect ne semble plus peser que sur quelques « naïfs ».

Il ne fait pas bon affirmer certaines positions, pas bon être homme d’Eglise et savoir communiquer. La plainte portée contre le père Tony Anatrella – appuyée par cette revue, Golias, prétendument catholique mais qui ne s’épanouit qu’en roulant les autres catholiques dans la fange – a été classée sans suite. Un an d’enquête, pas même de saisine d’un juge d’instruction et un classement qui fera, c’est certain, bien moins de bruit que n’en fit le vol du soupçon.

Certains resteront, de toutes façons, toujours persuadés qu' »il n’y a pas de fumée sans feu« . C’est le propre de la rumeur, le propre du soupçon. Et l’on a, parfois, du mal à penser que ce dernier ne soit pas opportunément orienté.

Le silence tolérant – Alors, se taire ? PP, toujours, met en balance le témoignage actif de sa foi de Memona Hinterman, et le « témoignage par le silence tolérant » que lui vantait dernièrement un cadre supérieur. On peut certes s’abstenir de tout « prosélytisme« . On peut faire preuve d’écoute. On peut faire preuve d’ouverture d’esprit. Adopter un silence tolérant peut être requis dans certaines occasions. Imaginer témoigner par un « silence tolérant » me parait être une optique des plus originales dont l’efficacité me laisse songeur. Certains croyants voient Dieu partout, d’autres verraient des témoignages en tout : témoigner en passant sa foi sous silence, c’est une spiritualité qui ne manquera pas de laisser perplexe.

Saint Hugues – En voilà un auquel on pardonnerait presque d’avoir soutenu Ségolène Royal durant la campagne, tant il fait preuve de constance à placer ses amis socialistes face à leurs tabous et s’offrir en martyr du social-libéralisme.

C’est qu’Hugues s’en prend aux tabous de Joffrin et Holande sur les régimes spéciaux.

« Comprenons-nous bien. Comme le parti socialiste, Laurent Joffrin est totalement « aware » des problèmes posés par l’évolution de la pyramide des âges, l’allongement de la durée de vie et le déficit structurel des caisses de retraites de la SNCF ou d’EDF. Comme François Hollande, il est tout à fait conscient de l’injustice d’un système permettant à quelques uns de travailler moins longtemps, de verser des cotisations inférieures et de percevoir une pension supérieure. Mais il n’est pas prêt à le dire franchement. Il n’est pas prêt à lâcher qu’il n’est pas plus légitime d’augmenter le nombre de trimestres de travail donnant droit à une retraite complète dans le privé que de modifier le contrat des gaziers en cours de carrière. « 

C’est effectivement un argument auquel je me confrontais, dans mon for intérieur, et qui avait d’ailleurs été choisi par Le Figaro pour orner la photo d’un conducteur de la RATP : « j’ai signé pour la retraite à 55 ans« .

L’argument avait l’apparence de la légitimité. Mais a-t-il échappé aux bénéficiaires des régimes spéciaux que l’ensemble des salariés du privé avait, pour sa part, « signé » pour une retraite à 60 ans et que, même si cela ne réjouit personne, il a bien fallu accepter de voir s’allonger la durée du travail ? Leur a-t-il échappé qu’il parait en réalité peu légitime qu’un conducteur de bus de la RATP travaille dix ans de moins que le conducteur de bus de Veolia Transport qui, lui, prend sa part de l’effort national pour contribuer à sauver les retraites ?

Leur a-t-il échappé que, leur régime étant déficitaire, ce sont, de surcroît, ceux qui ont « consenti » cet effort qui financent aujourd’hui, par l’impôt, leur propre refus, leur propre absence de solidarité ?

Le PS restera-t-il tétanisé sur ses tabous, au risque de devoir admettre plus tard que, sur cette question également, tout le monde pensait qu’il fallait réformer, mais qu’il était politiquement impossible de le dire ?

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22 commentaires

  • « Le PS restera-t-il tétanisé sur ses tabous, au risque de devoir admettre plus tard que, sur cette question également, tout le monde pensait qu’il fallait réformer, mais qu’il était politiquement impossible de le dire ? »

    Oui

  • Sur le dernier point: avancer le concept du contrat (concept éminemment libéral) comme dernier argument pour sauver les régimes spéciaux, c’est tout de même amusant. Surtout que les « luttes sociales » des 50 dernières années ont bien été des moyens de modifier ce contrat de force. Un contrat ne vaut que quand les deux parties le respectent.

    Sur le premier point: pas de commentaires 🙂 parce que justement, je ne sais rien.

  • Et il ne doit pas avoir beaucoup d’amis, vu que les gens préfèrent s’adresser à Dieu plutôt qu’à lui, crois-je savoir.

    Mais bon, il doit bien y avoir des avantages. A quel âge ça prend sa retraite, un saint ? Parce que l’éternité, c’est long. Surtout vers la fin. Quel est le taux de remplacement de son dernier denier du culte ?

  • En pratique, le saint n’est pas rémunéré pour ses prestations. Je reconnais que c’est un peu abusé, puisque tout travail mérite salaire, mais les catholiques ont toujours eu un problème avec l’argent. Et puis… c’est un Saint ! Si ce qui l’intéresse, c’est de faire du blé, il faut trouver une autre voie.

  • Bon, alors je laisse tomber le job. D’autant plus que j’ai mieux : un Serraf, c’est un Séraphin. Soit un ange de catégorie supérieure, ce qui est plus classe qu’un simple mortel canonisé pour services rendus au système de retraite.

  • Attends, tout n’est pas perdu. On ne me fera pas croire que Saint Matthieu, patron des banquiers et Saint Yves, patron des assureurs et des avocats ne s’intéressaient pas à l’argent.

    La place de saint patron des traders semble libre…

  • [quote comment= »45243″]Le choix de La Croix est celui d’un journal responsable.[/quote]

    c’est pour cela que ce journal est différent et survit dans monde difficile pour les quotidiens…

    sur les régimes spéciaux, si je fais du copié/collé de ma contribution sur les blogs du PS, serai-je mis hors jeu par le maitre des lieux?

    je tente…..

    « La réforme des régimes spéciaux, oui, sans doute, car le projecteur fixé dessus par l’équipe au pouvoir en a fait une figure emblématique de l’inéquité, que donc les français ne comprendraient pas qu’on revoie périodiquement toutes les conditions de départ en retraite (régime général, fonctionnaires,…) sans toucher à celles-ci.
    Même si, de fait, leur impact financier est modéré, ces régimes spéciaux sont devenus un symbole, il faut les faire évoluer, mais pas dans n’importe quelles conditions.

    Je suis partisan de cinq conditions que le PS pourrait reprendre.

    D’abord, bien sûr, que cette évolution privilégie la négociation, qu’elle donne toute leur place aux organisations syndicales représentatives.

    Deuxièmement, qu’elle s’intéresse à l’ensemble des régimes spéciaux, en examinant lesquels ouvrent des droits « spécifiques », lesquels sont dans un déficit purement démographique, qu’elle revoie tous les mécanismes de compensation entre régimes.

    Bien sûr le caractère symbolique des parlementaires n’échappe à personne, mais ne pas oublier aussi les militaires, etc.…

    Troisièmement, que la mise en œuvre de cette réforme soit conditionnée par l’aboutissement de la négociation sur les retraites anticipées liée à la pénibilité, afin que certaines catégories puissent passer , lorsque justifié, d’un régime spécial ancien au régime spécifique « pénibilité ».

    Quatrièmement, que des mécanismes de compensation financière adaptés soient mis en œuvre pour ceux qui perdent un droit sur lequel ils pouvaient raisonnablement compter, à court terme.

    Enfin, que la droite propose, au plan politique, une réforme symbolique pour montrer que ce ne sont pas toujours les classes populaires qui trinquent…à elle d’être créative aussi dans ce domaine là. Sinon, nous pouvons lui faire quelques suggestions…

    Par exemple cet impôt plancher évoqué il y a deux semaines, qui interdirait que l’ensemble des niches fiscales n’aboutisse à ce que de très gros revenus ne paient aucun impôt (le SNUI a publié parfois des cas de revenus « de PDG » qui ne paient pas un euro d’impôt sur le revenu). »

  • [quote comment= »45259″]Quatrièmement, que des mécanismes de compensation financière adaptés soient mis en œuvre pour ceux qui perdent un droit sur lequel ils pouvaient raisonnablement compter, à court terme.[/quote]

    T’es pas mis hors jeu mais, sur ce point précis, tu as ma réponse dans le billet : au nom de quoi les bénéficiaires des régimes spéciaux ne devraient-ils pas contribuer, comme l’ensemble de la population, à l’effort fait pour sauver le régime des retraites ?

    Tout salarié, en commençant à bosser a fondé des espoirs raisonnables sur le fait de partir à la retraite à 60 ans. Il se trouve qu’un tel fonctionnement n’est plus possible et que les salariés du régime général ont dû consentir l’effort nécessaire pour contribuer à le sauver (et ce n’est que « contribuer à »).

    Il faudrait dédommager financièrement les bénéficiaires des régimes spéciaux de faire le même effort ?

    Par ailleurs, je veux bien que l’on prenne en compte la pénibilité mais alors, il faudra la justifier parce que le fait qu’un travail soit ch… ne signifie pas qu’il faille le prendre en compte au niveau de la pénibilité.

    Il y a, aussi, comme un élément psychologique qui entre en jeu, j’en conviens, mais qui n’est pas véritablement un argument : la plupart de ces « acquis » ont été obtenus en faisant ch… le reste de la population. Ca la rend probablement moins compréhensive.

    Enfin, sur le rapport entre les PDG et les régimes spéciaux : il est possible effectivement qu’il faille comparer les coûts relatifs des uns et des autres. Mais je ne suis pas certain, au final, que ce calcul ne révèle pas quelques surprises…

  • sur le point des compensations financiéres, je comprends que cela puisse sembler anormal, mais quelqu’un de 52 ans à qui tu dis la retraite ce n’est plus dans 3 ans mais dans 6, alors qu’il a déjà établi ses projets, organisé sa vie de futur retraité, lui donner un petit viatique pour l’aider à accepter ce désagrément cette « rupture du contrat moral » n’est pas absurde….
    je te renvoie au livre de charles wyplosz et jacques depla « payer pour réformer » qui montre que cette méthode est celle qui a le meilleur rendement…
    mon expérience pro m’a permis de le vérifier

  • Même si certaines coïncidences sont effectivement troublantes dans l’affaire maddie, il est particulièrement admirable de la part de la croix de vouloir laisser l’instruction avancer, en refusant de s’inscrire dans la concurrence habituelle à laquelle se livrent les journaux pour sortir « l’info » avant les autres.

  • A la différence de l’affaire Grégory, ce sont les parents de Maddie qui ont utilisés et utilisent encore les médias ( voir Paris-Match de cette semaine ) une utilisation qui leur a donné un quasi-statut de vedettes, leur a permis d’être reçus par le Pape, par le Premier Ministre, par des célébrités britanniques et leur a permis de récolter des fonds.
    Ils ne subissent pas de pression médiatique, ils l’ont organisée.
    Pour le reste, il ne relève pas de la rumeur de dire que la mère de l’enfant est mise en cause par l’enquête de la police portuguaise, c’est un fait.
    Cela ne veut pas dire qu’elle soit coupable mais compte tenu du battage médiatique autour de la disparition de Maddie en mai dernier, cette nouvelle orientation de l’enquête ne peut que fortement déranger.
    Une prudente réserve serait bienvenue de la part des médias mais est-ce encore possible ?

  • Francis > s’agissant de personnes proches de la retraite comme tu le dis, on peut le comprendre. Mais les salariés du privé ont-ils bénéficié de telles compensations lorsque le régime général a été réformé ?

    Le chafouin > yeap. A ce stade, il s’agit de coïncidences, qui sont peut-être révélatrices, ou ne le sont pas.

    carredas > vous omettez une différence de taille : l’affaire grégory a commencé sur la découverte du corps, pas sur une disparition. Comme vous avez pu le voir avec l’Alerte-enlèvement, médiatiser l’affaire peut-être utile (bon l’alerte, c’est dans les trois jours mais après, il y a les affiches dans les gares etc etc). Ce n’est pas par volonté de célébrité que les parents ont eu recours aux medias.

  • Ils sont coupables comme le péché.
    Ce qui est troublant c’est le doute sur l’adn.
    Je pense qu’ils ont donné leur jolie coeur à des « sphères ».
    L’affaire sera classée sans suite.

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