Il s’est passé quelque chose en 2008

Certains l’oublient peut-être. Tous n’ont pas été touchés comme je l’ai été, puisque tous ne l’ont pas vécu comme je l’ai vécu. Il s’est passé quelque chose en 2008, et il y eut un après. Je vous parle de moi. Ce n’est pas nécessairement le sujet que je connais le mieux mais puisqu’au bout du compte, ici, ce n’est pas un autre qui écrit…

Le tournant est à l’automne. Le 15 septembre, Lehman Brothers est officiellement en faillite. Cette issue rodait depuis quelques jours. Le 15 septembre, donc, un symbole du système financier, de l’économie spéculative, est en faillite et, le 13, je suis avec 260.000 personnes. Je ne manifeste pas, j’écoute.

L’homélie de ce jour prend une autre acuité. « Fuyez le culte des idoles ». Ce propos rebattu reprend sa vigueur. Et si le pape évoque les idoles ce 13 septembre 2008, ce n’est pas par un quelconque esprit d’à-propos. Ce n’est pas par opportunisme. Ni par esprit de revanche ni par on-vous-l’avait-bien-ditsme. C’est parce que les lectures de ce jour-là, telles que prévues par le calendrier liturgique, évoquent directement les idoles.

Ce jour-là, l’hypothèse d’un effondrement total du système économique paraît plausible. Ce jour-là, l’hypothèse de devoir s’organiser sur d’autres bases est envisageable. Je l’ai en tête comme probablement bien des 260.000 personnes qui méditent ces lectures avec moi dans le plus total silence. Ces jours-là, un pape m’a donné des racines et des ailes. Face à la possibilité de l’effondrement, c’est peu de dire que la conjonction des événements me fait forte impression.

Je ne déteste pas ces crises, temps cataclysmiques où le quotidien est menacé. Des questionnements pointent, on croit un temps qu’« autre chose » est possible. Des personnalités se révèlent. Les inquiets, les sereins. Ceux qui paniquent, ceux qui restent fermes. Ceux qui, sans l’avoir, sont peu de choses. Et les autres. Un temps, on voit s’ouvrir la porte sur le sens véritable. Puis la parenthèse se referme. On oublie ce moment, on reprend comme avant. Il va s’agir de sauver le système.

Nicolas Sarkozy, avec d’autres mais à la manœuvre, s’y emploie, avec une efficacité que l’on prêterait guère à ses ex-concurrents aux présidentielles. Mais il s’emploie à sauver le système. Admettons que cela ait été utile, et même indispensable, reconnaissons que nul ne peut imaginer les conséquences du chaos potentiel que son écroulement aurait pu susciter. Mais il s’agit avant tout de sauver le système. Le changer, le réformer ? A la marge. Le système n’est même pas encore sauvé que c’est business as usual. De ce cataclysme évité de justesse, Nicolas Sarkozy ne semble pas devoir tirer d’autre leçon que l’ouverture des magasins le dimanche. Cette fois, la conjonction est cruelle.

On espérait l’être, c’est l’avoir qui l’emporte. Comme l’évoque Guillebaud :

« Emancipation ? Civilisation ? Culture ? La seule lumière qu’émettent encore l’Europe et l’Amérique s’apparente trop souvent à l’enseigne d’un supermarché ».

C’est un peu la croisée des chemins. Je suivrai une autre voie. Pas révolutionnaire, non. Je l’aurais prétendu que vous ne m’auriez pas cru. Notons d’ailleurs que nos révolutionnaires se sont fait tout petits. Quand il ne fallait peut-être qu’un coup de force pour faire chuter le système, les grands imprécateurs, nos Mélenchon, nos Besancenot, révolutionnaires factices, aboyeurs de plateau, ont surtout discuté les modalités du sauvetage. Pas de grève générale, personne dans les rues. Ceux qui contaient l’insurrection qui vient et l’avènement du Grand Soir ont peur dans le noir. N’est pas Lénine qui le dit.

Je me faisais ces réflexions devant ma page web blanche. Cela fait bien des fois que je veux saisir l’occasion d’un billet sans pape, d’un billet sans « chrétien », parce que ce blog est aussi politique. Les vœux de Nicolas Sarkozy aux autorités religieuses, voilà qui aurait du faire une belle transition. Sarkozy + chrétiens d’Orient = occasion en or. Et je me sens presque coupable de ne pas réussir à le faire. Car l’initiative est importante : Nicolas Sarkozy a souhaité donner une solennité toute particulière à ces vœux. A quelques perplexités près, le propos est plus que bienvenu.

Sur les chrétiens d’Orient, le discours sonne particulièrement juste.

« Les martyrs d’Alexandrie ou de Bagdad ne sont pas uniquement des martyrs coptes, syriaques, ou maronites. Ils sont collectivement nos martyrs. Ils sont les martyrs de la liberté de conscience. »

Sur la laïcité, j’abonde vigoureusement.

« Comment peut-on réclamer, avec raison d’ailleurs, le dialogue à tous les étages de la société et décider qu’il faut enfermer les croyants dans leurs églises, leurs synagogues, leurs temples et leurs mosquées pour ne les autoriser à en sortir que comme des citoyens indifférenciés ? ».

Mais si je le lis, après je l’écoute. Je vais encore me faire me disputer : malgré ma bonne volonté, je n’arrive pas à m’empêcher de penser que si le texte sonne juste, l’interprétation n’y est pas. Il reste le sentiment d’une dissonance. Une jovialité décalée, une diction décalquée. J’ai beau me dire que l’important est dans le texte, le propos porté par le Président de la République Française, je cale.

C’est à ce stade-là que, prenant ma tête entre quatre zyeux et mon nombril à deux mains, je me suis dit que peut-être, depuis 2008 plus qu’auparavant, j’attendais la cohérence. Est-ce naïf ou vain, en politique ? La naïveté ne me fait pas peur, je crains plutôt de sombrer dans le cynisme. Je ne peux qu’espérer que ce ne soit pas vain. Mais les politiques n’offrent pas aujourd’hui le meilleur spectacle. On a parlé de Sarkozy, mais allez, Mélenchon : ses affrontements avec les journalistes sont des pitreries. Ils invitent le « bon client », il joue le « bon client ». Chacun y trouve son compte. Le système marche à merveille. Et prenons le pèlerinage du week-end : Mitterrand. On saisit mal les contours de l’héritage politique qui les a réuni au cimetière; à part le succès électoral. On se souvient en revanche très bien que Mitterrand, c’était le cynisme en politique. Le Florentin. Que c’était Bousquet, l’Observatoire, Urba Gracco… Que c’était la preuve qu’on ne meurt jamais en politique, qu’on ne se retire pas. Que l’honneur est une question de temps.

Il est certes trop confortable de s’imaginer dans les hautes sphères sans s’affronter au concret. Alors j’essaierai de nouveau. Il est probable que, pour parvenir à me bouger, il faudra proposer de l’être, et l’incarner. Un voeu pieu de début d’année, peut-être.

credit photo : Christopher Penn

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43 commentaires

  • Eh oui, il ne suffit pas d’avoir de bonnes plumes pour ses discours. Il faut avoir à la fois la conviction et le talent pour les lire. Les deux manquent hélas.

    Le cynisme en politique n’est pas nouveau. Mais j’ai un peu le sentiment qu’il a maintenant pris toute la place. Que restera-t-il de Sarkozy dans 15 ans ?

    http://ngrams.googlelabs.com/graph?content=Mitterrand%2CGiscard%2CChirac%2CSarkozy&year_start=1940&year_end=2008&corpus=7&smoothing=3

    ou à l’international

    http://ngrams.googlelabs.com/graph?content=Mitterrand%2CGiscard%2CChirac%2CSarkozy&year_start=1940&year_end=2008&corpus=0&smoothing=3

  • IL y a tout de même forts peu de leçons tirées côté entreprises. Les idées du MEDEF n’ont pas changé d’un iota alors qu’ailleurs les associations d’employeurs ont pensé la crise et l’après-crise. Là rien. Le doctrinal ne retient pas les erreurs du passé. Pourtant il y a un champ de réflexion pour les entreprises.

  • Il est intéressant que pour toi « la Crise » soit au moins en partie un évènement, en l’occurrence la chute de Lehmann Brothers le 15 septembre 2008 (et les jours immédiatement avant et près, visiblement). Pour moi la crise est exclusivement une période, sans début, avec ses signes annonciateurs, puis ses répliques qui nous ont entrainé à chaque fois un peu plus bas. Sans fin non plus, avec cette sortie de crise cent fois annoncée, et qui se révèle être au moins mollassonne. Seul reste la certitude de l’existence d’un « avant » daté assez imprécisément, et d’un après certainement différent mais encore à construire. Cela participe pour moi à rendre l’évènement aussi désespérant, d’ailleurs.

    Ca me frustre, car j’ai l’impression d’être passé à coté de quelque chose. J’ai conscience d’avoir vécu un basculement a posteriori, mais il y manque une dimension émotionnelle qui aurait pu m’amener à changer, comme ce que tu décris pour parler de ton ressenti. J’ai l’impression que mes (éventuels) petits-enfants pourraient un jour me demander « Alors, tu as vécu la chute de Lehmann Brothers en 2008? », et je me sentirai un peu con, il n’y aura pas grand chose à dire. A l’inverse, je pourrais leur raconter ma journée du 11 septembre 2001, mais cela les intéressera-t-il autant que nous avons pu l’imaginer? Je prends aussi ton billet pas catho comme une invitation à être plus attentif dans ma prière et à la messe, puisque tu révèles que le calendrier liturgique aurait pu m’ aider :-).

    Sinon, le très cynique « l’honneur est une question de temps », c’est de toi? Parce que si oui, chapeau, et je tenais à relever.

  • @ hipparkhos: non, le cynisme n’est pas nouveau. Mais à quel point a-t-il vraiment pris toute sa place aujourd’hui plus qu’avec François Mitterrand ?

    @ Vivien: et, en même temps, j’ai le sentiment de ne pas cesser de vivre en période de crise. Je me souviens de mes parents, évoquant un voisin au chômage, d’une façon qui laissait à penser que c’était un phénomène relativement nouveau, et menaçant. Je me souviens de 91. J’ai commencé à travailler en 2001 etc. etc.

    Vivien a écrit : :

    « Alors, tu as vécu la chute de Lehmann Brothers en 2008? »

    Oh, là-dessus, rassure-toi, je pense tout de même qu’on se souviendra davantage de la chute des tours.

    Vivien a écrit : :

    Parce que si oui, chapeau, et je tenais à relever.

    Arrête, là, tel que je suis, sans en avoir l’air, ma modestie souffre.

  • Je ne m’attendais tellement à rien en écoutant les voeux de Sarkozy que j’ai été surpris et agréablement surpris (ça me fait un peu mal de le dire). J’ai constaté le même hiatus entre la forme et le fond. J’ai même commencé à ironiser sur le ton présidentiel et ses cafouillages (not. la référence peu canonique aux « axes des Apôtres »). Mais sur le fond, c’est tout de même pas mal du tout. Il y a juste une erreur de casting… le texte est bon même si l’acteur ne l’est pas !

  • J’ai remarqué aussi la référence au « Crixt». Je table donc sur une légère difficulté d’élocution sur ces mots difficiles. J’ai été plus « gêné » par le grand sourire à l’arrivée. C’est poli mais lorsque l’on va évoquer solennellement un massacre, ca paraît décalé. Même chose lors de l’évocation de la différence entre les calendriers liturgiques catholiques et coptes : certes, c’est surprenant, mais pas méga fendard. Enfin, il y a cette insistance dans le ton sur « notre Saint Sylvestre », qui donnait l’impression que, comme on était devant les autorités religieuses, fallait tout de même pas oublier que la Saint Sylvestre, c’est aussi la fête de tous les Sylvestre et de Saint Sylvestre en particulier. Il y a surtout la diction mécanique (pas le premier, tu me diras) entendue sur tous les sujets, qui ne laisse pas penser à une grande implication personnelle.

    Maintenant, oui, en effet, le texte est bon. Il place le débat au bon niveau, il me semble, sur la liberté de conscience, ce qui rappelle d’ailleurs que la liberté religieuse est souvent le premier exercice de la liberté de conscience. Sur la laïcité, également, j’ai apprécié le rappel à une laïcité neutre, mais qui laisse aux religions l’espace nécessaire pour s’exprimer.

  • oui, sur les aspect religieux, il n’est pas hyper sensibilisé, mais comment pourrait-il se rendre compte, par exemple, de la gravité ou pas d’un massacre un jour de fête liturgique?
    Par contre, sa façon d’appuyer sur la liberté de conscience, et de relier ces attaques contre des chrétiens à cette cause universelle du respect de la liberté de conscience, je trouve que c’est très approprié. On dirait presque du « Pape ».

    Cela dit, sur le contenu, il est clair qu’il a un type compétent pour lui faire ses discours sur la religion,
    et que tout ça ne peut pas venir de lui: cette cohérence, cette pertinence, cette universalité, c’est pas trop lui.

    Ensuite, on ne peut pas s’empêcher de relier ça à sa stratégie -affirmée- de séduction des voix chrétiennes, et pour moi, c’est surtout ça qui me gène.
    Mais bon, j’aime mieux ce discours que s’il n’avait rien fait de spécial, ou que le discours du président égyptien qui nie toute persécution de chrétiens. Et il aurait pu choisir cette option. Ce choix est quand même significatif, et ce n’est pas la première fois qu’il prend nettement une position favorable au christianisme, sans pour autant être défavorable aux autres confessions, et sans nécessité absolue. ça me semble, sinon un engagement solide sur lequel on pourrait s’appuyer, au moins un penchant sincère.

  • Sarkozy a dit (d’après cette note) : « Ils [les Coptes] sont les martyrs de la liberté de conscience. »

    Il y a justement une différence notable entre la liberté de conscience et la liberté de religion ; l’Eglise catholique parle, dans le décret Dignitatis Humanae, de liberté de religion (décret sur la liberté de religion) et non de conscience, car celle-ci ne dispose pas d’une liberté équivalente : la consience, lorsqu’elle a reconnu le bien et le vrai, oblige l’homme à s’y tenir : « Tous les hommes, sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église ; et, quand ils l’ont connue, de l’embrasser et de lui être fidèles. »

    La seule authentique liberté possible pour la conscience est de choisir le vrai et le bien une fois qu’ils ont été reconnus comme tels (et l’exercice n’est pas toujours facile). Le bien et le vrai contraignent l’homme et donc je ne suis pas libre de suivre ou non ma conscience : j’ai l’impérieuse obligation de la suivre. Par exemple ma conscience pourrait me pousser à m’engager vers telle religion sur l’intime conviction qu’elle est vraie, mais j’en choisis une autre pour des raisons pratiques (au hasard pouvoir divorcer, accéder à un poste de haut-fonctionnaire etc.)

    En revanche, comme par essence il ne saurait y avoir de contrainte en matière religieuse ( on voit mal comment on pourrait contraindre qqu’un à avoir la foi), ici la liberté est pleine et entière, dans un sens positif ou négatif : ne pas pratiquer, ou au contraire pouvoir pratiquer la religion de son choix.

    Il est donc, me semble-t-il, faux de dire que les Coptes sont « martyrs » de la liberté de conscience. Ceci dit le discours est plutôt positif – même si on n’oubliera pas que N.S est déjà en campagne électorale, et qu’il a bien « conscience » que les catholiques ne lui ont globalement pas pardonné sa législation sur le travail du dimanche.

  • Koz a écrit : :

    Ce
    jour-là, l’hypothèse d’un effondrement total du système économique
    paraît plausible. Ce jour-là, l’hypothèse de devoir s’organiser sur
    d’autres bases est envisageable. Je l’ai en tête comme probablement
    bien des 260.000 personnes qui méditent ces lectures avec moi dans
    le plus total silence. Ces jours-là, un pape m’a donné des racines
    et des ailes…

    Bonsoir Koz,

    je propose une lecture un peu différente des faits:
    l’effondrement de Lehman Brothers est le premier symptôme du mal,
    mais pas sa cause. Le mal, c’est que l’occident vit au dessus de
    ses moyens depuis 20 ou 30 ans: car derrière Lehman et la
    spéculation des financiers (qui pourrait certes être mieux régulé),
    il y a surtout l’endettement scandaleux de ménages américains
    achetant des maisons trop grandes, d’états européens qui ne se
    réforment pas assez et de nombreuses entreprises et individus qui
    préfèrent la médiocrité. Tout ce petit monde a été trop content de
    croire au dessus du raisonnable que les miracles financiers
    existaient.

    Du reste, la crise n’est pas finie,
    et si les gouvernements ont acheté du temps en sauvant les banques
    et en dépensant à tout va, l’acte II, la rigueur, devrait nous
    occuper pour quelques années de plus. Il faudra bien à un moment
    donné que nous assumions complètement nos actes, et que nous
    sortions de ce petit confort suicidaire entretenu par notre sociale
    démocratie, mais où la doctrine économique de l’église est
    probablement aussi un facteur amollissant
    mineur.

  • @ Courtlaïus:

    « Il y a justement une différence notable entre la liberté
    de conscience et la liberté de religion ; l’Eglise catholique
    parle, dans le décret Dignitatis Humanae, de liberté de religion
    (décret sur la liberté de religion) et non de conscience, car
    celle-ci ne dispose pas d’une liberté équivalente : la conscience,
    lorsqu’elle a reconnu le bien et le vrai, oblige l’homme à s’y
    tenir »

    Je ne comprends pas votre
    remarque.

    Pour moi la liberté de conscience
    c’est la liberté offerte à chacun de déterminer ce qui est bien,
    dans un même principe, de choisir la religion qui lui semble la
    plus adaptée à ses croyances.

    La liberté de
    pensée donne à l’individu les outils intellectuels lui permettant
    de choisir et d’exercer avec discrimination et libre arbitre, ses
    choix de conscience, de religion, de conviction.

  • @ Hervé : on adhère au catholicisme par la foi ; personne ne peut être contraint à la foi, c’est impossible et même absurde. C’est pourquoi en matière religieuse Dignitatis Humanae parle « d’immunité de contrainte » (nul contrainte en religion dirait le Coran, qui a le mérite dans ce domaine d’être explicite).

    La conscience nous oblige au bien et au vrai : cf gaudium & spes chp 16 => « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. » Je suis toujours tenu, obligé, de choisir le bien ; choisir le mal n’est pas une option, et je ne peux pas me prévaloir d’une liberté de conscience pour promouvoir un mensonge. En revanche si l’on veut vous contraindre à faire une chose que la conscience vous défend, on parlera d’objection de conscience.

    J’ai peut-être mal compris (on me corrigera dans cas), mais il me semble que le catholicisme fait une distinction assez nette entre liberté de conscience et liberté religieuse, et que les deux notions ne sont pas équivalentes et interchangeables.

  • Y a pas à dire, t’es un bon. Ca fait un certain temps que je rôde ici, et je te le dis. T’es parfois agaçant, irritant, ou dérangeant, mais tu fais un truc bien.

    Tu fais avancer les choses, et tu rends Jésus vivant. Tu as tout mon respect, même si tu t’en cognes sûrement.

    Continue.

  • S’est-il vraiment passé quelque chose en 2008 ? Plus qu’en 2000 au moment de l’éclatement de la bulle Internet ? Plus qu’au moment du krach boursier de 1987 ? Là aussi, il y a avait à l’origine de la crise des spéculations, des instruments financiers incompréhensibles pour le pékin moyen, des investisseurs panurgiens. Là aussi, on avait entendu du « rien ne sera plus jamais comme avant ». Et là aussi, on a fait quelques corrections marginales au modèle avant de repartir de plus belle.

    Une fois n’est pas coutume, je ne vois pas grand-chose à reprocher à Sarkozy sur ce coup-là. Il n’a pas été élu pour profiter d’un coup de vent pour flanquer toute la baraque par terre. Oui, il aurait pu refuser aux banques la garantie de l’État, suspendre les exportations de capitaux, bloquer les prix et les salaires, imposer une taxe Tobin unilatérale… Je ne crois pas que cela nous aurait beaucoup avancés. Comme tu le soulignes très bien, même les gauchistes les plus stridents n’ont pas tellement moufté quand il s’est agi de sauver la SocGen de la fermeture.

    D’autre part, je suis bien placé pour observer que les réactions françaises à la crise ne sont pas universelles. Le réflexe nord-américain – par exemple – face à ce genre de choses n’est certainement pas une remise en question des fondements du système. On s’intéresse uniquement faire revenir les choses vont revenir à la normale le plus vite possible. Je ne prétends pas que c’est génial. Mais pour ce qui est de Sarkozy, il était obligé de tenir compte des politiques menées dans le reste du monde.

    Après, il y a les voeux, bon. Beau texte, certes. On voit bien que ce n’est pas Mitterrand, bien sûr (Mitterrand lassait moins, car il parlait rarement; il était meilleur acteur; et il était plus cohérent sur le long terme). Mais je n’ai jamais été très impressionné par l’exercice convenu des voeux, même à l’époque de Mitterrand. Alors, bon, Sarkozy n’est guère convaincant, mais je lui donne crédit d’avoir essayé.

    Ah oui, au passage: de Mitterrand, il reste aussi le souvenir d’une hausse quasi ininterrompue de la Bourse, et de réformes libérales auprès desquelles l’autorisation d’ouvrir le dimanche fait figure d’amusette.

  • do a écrit : :

    Cela dit, sur le contenu, il est clair qu’il a un type compétent pour lui faire ses discours sur la religion, et que tout ça ne peut pas venir de lui: cette cohérence, cette pertinence, cette universalité, c’est pas trop lui.

    Et en même temps, il y a une certaine constance entre ce qu’il écrivait dans les religions, la république, l’espérance et ce qu’il dit ici. J’imagine qu’il en pense une bonne part, mais je regrette qu’il n’en tire pas, à mon sens, plus de conséquences.

    @ Courtlaïus: la distinction est intéressante, mais faut-il vraiment distinguer entre le « jeu » de ma conscience et ce qui me détermine dans la foi ? Par ailleurs, à mon avis, on a tout à y gagner, en France, à souligner que la liberté religieuse et la liberté de conscience ont « maille à partir », compte tenu de la situation particulière de la France à l’égard de la religion. Cela incite certains à voir au-delà de la seule question de la laïcité, et à se mobiliser un peu.

    @ Joyeux Acier: le propos de mon billet n’est absolument pas de dégager les raisons de la crise, et je ne fais aucunement de la chute de Lehman Brothers le facteur déclencheur. J’ai tendance à penser que l’esprit spéculatif (et même, au risque de faire hurler certains, l’avidité) et la déconnexion des outils financiers du réel comptent au nombre des explications. Lib a proposé une autre vision dont bien des aspects me convainquent. Il serait de toutes façons illusoire et erroné de penser que l’on puisse dégager une cause unique à la crise. Chacun insiste sur ce à quoi il est plus sensible, et certains cherchent à y voir une confirmation forcenée de leurs positions. Mais encore une fois, ce n’est pas le propos du billet, qui est, je le confesse, un peu plus égotique que ça.

    Balkonx a écrit : :

    Tu as tout mon respect, même si tu t’en cognes sûrement.

    Non pas. J’espère susciter moins souvent l’agacement et l’irritation que le respect mais c’est ainsi. Et ton respect ne m’est pas indifférent.

    Gwynfrid a écrit : :

    S’est-il vraiment passé quelque chose en 2008 ?

    S’est-il passé quelque chose au sens de « en a-t-on tiré les conséquences » ? Probablement pas. Sarko semble tout de même dessiner quelques voies. Il évoque une réforme du système monétaire, qui doit bien avoir un lien quelque part avec le schmilblick, et il a insisté sur quelques pistes plus sociales. Quelle en est la portée exacte, en revanche, j’avoue ne pas mettre assez plongé dans le sujet pour le déterminer.

    Gwynfrid a écrit : :

    Une fois n’est pas coutume, je ne vois pas grand-chose à reprocher à Sarkozy sur ce coup-là.

    Comme je l’ai dit, et même si certains s’emploient immédiatement à minorer son rôle, il a été en première ligne, a fait preuve de l’énergie et de la réactivité nécessaires (que j’ai bien du mal à imaginer chez Bayrou et Royal), et je mets sa réaction à la crise financière à son crédit. J’aurais d’ailleurs aimé qu’il y ait eu plus d’actions en ce sens au moment du bilan.

    Et c’est certain, il n’a pas été élu pour mettre le système à terre. Je l’ai écrit aussi : si certains semblent en rêver, je ne suis pas certain qu’ils mesurent les conséquences sociales immédiates que cela aurait pu avoir.

    Ce que je veux dire, c’est que j’aurais aimé que sa réaction aille au-delà, que l’on en tire des conclusions au niveau politique voire (le mot fait classe) ontologique. On a entendu certains évoquer un temps une question de « sobriété ». C’est probablement perfectible mais j’aurais aimé que l’on creuse la question de notre réaction éthique (d’une certaine manière) à cette crise. Plus qu’un débat sur l’identité nationale, par exemple, j’aurais aimé que l’on creuse dans cette direction.

    Symboliquement, donc, la décision d’élargir le travail dominical (décision symbolique et d’ailleurs bien peu mise en oeuvre, de sorte que pour moi, les dégâts politiques sont importants et le bénéfice minimum) m’est apparue totalement décalée et caractériser la poursuite d’une ancienne logique et d’un ancien système, sans tenir aucunement compte de ce qui se passait. Bien sûr, cela tient à ma réaction personnelle à cette crise et Nicolas Sarkozy a le droit d’en avoir une différente. Mais je pense, c’était un peu mon propos, que je peux dater de cette période mon éloignement progressif.

    Gwynfrid a écrit : :

    Comme tu le soulignes très bien, même les gauchistes les plus stridents n’ont pas tellement moufté quand il s’est agi de sauver la SocGen de la fermeture.

    Ca m’a frappé en écrivant ce billet, en effet. En fin de compte, à ce moment-là, le système était dans une vraie crise et si nos révolutionnaires auto-proclamés avaient de réelles velléités de faire advenir le Grand Soir dont ils parlent, alors c’était probablement là qu’il fallait déclencher la révolution. Finalement, nos Besancenot et Mélenchon sont bien des matamores comme tous les extrémistes (à l’image de Le Pen) : des bateleurs et des coureurs de plateau télé. Mais au final, ils sont définitivement irresponsables (note que je ne m’en plains pas spécialement sur cette occasion).

    Gwynfrid a écrit : :

    Alors, bon, Sarkozy n’est guère convaincant, mais je lui donne crédit d’avoir essayé.

    C’était aussi un peu ma perspective et le billet est un peu né du malaise que je ressentais à ne pas réussir à l’écrire vraiment, à ne pas avoir envie de le faire.

    Maintenant, oui, quel que soit le circuit, il a pris la décision de donner une solennité particulière à ces voeux, ce dont je le remercie. Et son propos porte au-delà de son interprétation. Il a probablement été retranscrit ici ou là à l’étranger (ne serait-ce qu’en entrefilet dans la presse ou dans les cercles diplomatiques) et c’était bienvenu.

  • @ Koz: & @ Courtlaïus il y a en effet une différence importante dans Dignitatis humanae entre liberté religieuse et liberté de conscience (qui est distinguée elle-même de la liberté de la conscience). Au plan politique actuel, c’est un peu secondaire mais du point de vue catholique ce n’est pas rien ; la liberté de conscience est surtout négative et relativiste. La liberté religieuse est fondée sur la dignité humaine et prend sa source dans la recherche de la vérité et les devoirs envers Dieu. On peut lire le livre du P. André-Vincent sur le sujet (et mon billet sur le message de Benoît XVI…).

  • @ Courtlaïus:

    « La conscience nous oblige au bien et au vrai : cf gaudium & spes chp 16 => « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. » Je suis toujours tenu, obligé, de choisir le bien ; choisir le mal n’est pas une option, et je ne peux pas me prévaloir d’une liberté de conscience pour promouvoir un mensonge. »

    Pour ma part, dans 80% des cas effectivement, j’ai une idée claire de ce qui est bien et ce qui est mal mais dans 20% des cas ma conscience hésite alors je ne me sens pas tenu d’obéir à une loi qui reste floue.

    Pour étayer mon propos, j’ajoute que la plupart des gens quand ils votent le font « en conscience » et ces votes se répartissent le plus souvent à 50-50.
    En résumé, le distinguo est trop subtil pour moi mais il fait réfléchir.

  • En fait j’ai un souci avec notre bon président. A chaque fois qu’il est intervenu dans le domaine religieux, il n’essayait même pas de maquiller la manoeuvre politique sous jacente, les clins d’oeil à son électorat bla bla bla. Finalement, de toutes ses chouettes déclarations il n’est jamais rien ressorti, ça ressemblait toujours plus à des réactions toutes politiques qu’à de vraies intentions.

    A force, je n’arrive plus à voir autre chose que du clientélisme ou de la récupération lorsqu’il évoque ce genre de sujet. Une grave crise de confiance à ma minuscule échelle quoi. Je n’ai donc même pas écouté ce qu’il avait à dire dans ses voeux, j’avais peur que vu la situation, ça n’en devienne indécent.

  • si nos révolutionnaires auto-proclamés avaient de réelles velléités de faire advenir le Grand Soir dont ils parlent, alors c’était probablement là qu’il fallait déclencher la révolution.

    Parce que les seuls vrais révolutionnaires sont les libéraux. Des libéraux qui se tuent à dire depuis toujours, et particulièrement depuis 2008, que la faillite est le seul outil efficace de régulation. Ou, ainsi que j’introduisais mon billet que tu lies plus haut, dans une économie libérale la faillite n’est pas un bug mais une feature.

    La régulation étatique crée (i) des obligations de moyens, (ii) de la déresponsabilisation, (iii) de l’opacité, (iv) des transferts massifs de valeur de la collectivité vers les gens qui ont réussi à convaincre que leur sort était plus important que celui des autres.

    La faillite crée (i) une obligation de résultat pour l’actionnaire et le prêteur, (ii) la responsabilité qui va avec, (iii) de la clarté, (iv) aucune contribution publique.

    L’alternative artificielle entre fermer la SocGen et la gaver de fonds publics n’existe que parce qu’on refuse d’envisager la solution normale : commencer par rincer les actionnaires puis les obligataires pour éponger les pertes. A la différence des déposants ou des contribuables, ce sont des investisseurs avisés qui ont pris un risque assumé en contrepartie d’un profit espéré.

    La réaction des Mélanchon et Besancennot est parfaitement logique. Ils n’ont rien contre le fait qu’on pique à la collectivité pour donner à Pierre, Paul ou Jacques. Ils veulent seulement faire partie de ceux qui décident à qui on donne.

    Sinon, si Sarkozy est moins convaincant que ses discours, c’est peut-être parce que ce n’est pas lui qui les écrit.

  • Détail qui me gonfle dans ce billet intéressant. Je cite : « Notons d’ailleurs que nos révolutionnaires se sont fait tout petits. Quand il ne fallait peut-être qu’un coup de force pour faire chuter le système, les grands imprécateurs, nos Mélenchon, nos Besancenot, révolutionnaires factices, aboyeurs de plateau, ont surtout discuté les modalités du sauvetage. Pas de grève générale, personne dans les rues. Ceux qui contaient l’insurrection qui vient et l’avènement du Grand Soir ont peur dans le noir. N’est pas Lénine qui le dit. »
    C’est typiquement le genre de remarque inutile et facile, qui amalgame tout et n’importe quoi et qui dénote par ailleurs une ignorance totale de ce qu’est la révolution, le mouvement ouvrier, le communisme, le léninisme, le NPA, le Parti de gauche, etc. J’imagine que Koz se récrierait si on lui disait que son blog est tout simplement un blog de droite finalement très classique. Mais ce type de passage le prouve avec éclat.

  • Lib a écrit : :

    Des libéraux qui se tuent à dire depuis toujours, et particulièrement depuis 2008, que la faillite est le seul outil efficace de régulation. Ou, ainsi que j’introduisais mon billet que tu lies plus haut, dans une économie libérale la faillite n’est pas un bug mais une feature.

    Bien d’accord. J’ai relu ton billet, que j’avais trouvé excellent en octobre 2008 (et je n’étais pas le seul), et il est toujours aussi intéressant et convaincant. Tiens, je remets le lien, à toutes fins utiles: lecture fortement recommandée à ceux qui veulent comprendre quelque chose à la crise financière.

    Il est frappant de voir, avec le recul, que le sauvetage sans restrictions des banques par le contribuable a été mis en oeuvre partout, pas seulement en France, mais aussi dans des pays comme l’Irlande que nous considérons abusivement comme libéraux. Et ne parlons pas des États-Unis, où finalement Lehman Brothers fait figure d’exception à titre d’avertissement symbolique, pas plus.

  • @ koz

    « De ce cataclysme évité de justesse, Nicolas Sarkozy ne semble pas devoir tirer d’autre leçon que l’ouverture des magasins le dimanche. »

    Propos très sévère, car NS est à la tête d’un vieux pays endetté qui ne pèse qu’1% de la population mondiale.

    Dans la crise, compte tenu du poids déclinant de la France dans l’économie du monde je trouve qu’il a essayé de bien faire. On ne peut lui reprocher de ne pas avoir réussi l’impossible.

  • Lib a écrit : :

    L’alternative artificielle entre fermer la SocGen et la gaver de fonds publics n’existe que parce qu’on refuse d’envisager la solution normale : commencer par rincer les actionnaires puis les obligataires pour éponger les pertes.

    Intéressant, mais en pratique, les entreprises (je ne parle pas des petites : j’en connais qui l’ont fait) commencent-elles vraiment par rincer les actionnaires puis les obligataires pour éponger les pertes ? Et si elles ne le font pas, est-ce vraiment parce que l’Etat les en empêche ?

    Hervé a écrit : :

    Propos très sévère, car NS est à la tête d’un vieux pays endetté qui ne pèse qu’1% de la population mondiale.

    Mon billet a un déroulement chronologique. Je ne prétends pas faire un bilan de l’action de Nicolas Sarkozy à cet égard. Comme je l’ai dit, dans sa réaction immédiate, je l’ai trouvé d’une grande efficacité mais, d’un point de vue symbolique, l’enchaînement sur le débat sur le travail dominical m’a frappé. Le genre de détail soudain révélateur.

    Je ne lui reproche pas davantage, dans mon billet, de ne pas nous avoir préservé de la crise. Je dis seulement que j’aurais aimé que l’on dégage d’autres types de leçons de cette crise.

  • Bien sûr que NS n’écrit pas ses discours. Mais il a assumé celui-là, et il sait ce qu’il fait. Visée électoraliste ? Certainement, mais uniquement visée électoraliste ? Je ne sais pas. Et faut-il se plaindre si, pour une fois, la manoeuvre politique pousse dans le bon sens ?

  • Aristote a écrit : :

    Et faut-il se plaindre si, pour une fois, la manoeuvre politique pousse dans le bon sens ?

    S’en plaindre, non. Mais on n’est pas obligé d’y croire non plus.

  • @ Aristote: bien d’accord pour ne pas reprocher à Sarko de ne pas avoir écrit son discours. Que ce soit lui ou un autre, ils ont tous des « plumes » pour le faire, même pour des charges moindres que celle de Président de la République.

    D’accord aussi pour ne pas tout invalider sous prétexte de visée électoraliste. A ce stade, que ce soit lui ou un autre, aucune décision ne se prend sans tenir compte du bénéfice électoral à en attendre. Ce qui ne signifie pas que ce soit la seule motivation de la décision.

    En revanche, il reste que j’ai du mal à ne plus prendre ces interventions avec une certaine distance et, si c’est vrai qu’il assume, politiquement, ce discours, à regretter qu’il ne l’incarne pas davantage.

  • @ Lib:

    En 2009, ce sont toutes les banques qui se sont trouvées en difficulté à cause d’événements externes. Absence de régulation aux USA.

    l’état n’a fait qu’aider un secteur stratégique sinistré.

    L’alternative était soit de laisser partir en vrille plusieurs banques, soit de sauver le secteur.

  • @ LIb

    Je suis souvent sur la même longueur d’onde que vous, mais s’agissant de « rincer » les actionnaires des banques, il y a quand même un problème. Au plus fort de la crise, toutes les banques étaient menacées de mort, les plus imprudentes bien sûr, mais aussi celles qui avaient su raison garder. Il n’y alors plus aucun encouragement à un comportement « vertueux », si la fin est la même. Quitte à faire, autant se donner du bon temps tant que ça dure…

    Mon intuition est qu’il faut rendre possible la faillite d’une banque, donc limiter leur taille, non pas en fixant une limite arbitraire, mais en imposant des ratios prudentiels de plus en plus onéreux au fur et à mesure que la taille du bilan augmente.

    On perdra quelques économies d’échelle, mais le coût de la prime d’assurances que représenterait cette perte serait plus que justifié. ,

  • Gwynfrid dit « S’est-il vraiment passé quelque chose en 2008 ? Plus qu’en 2000 au moment de l’éclatement de la bulle Internet ? Plus qu’au moment du krach boursier de 1987 ? »

    Koz dit « Oh, là-dessus, rassure-toi, je pense tout de même qu’on se souviendra davantage de la chute des tours. »

    L’histoire immédiate est un sport risqué donc je vais essayer de m’y risquer avec prudence. La comparaison entre la chute de Lehman Brothers et le 11 septembre est peut être un peu outrancière, mais elle illustre quand même ce que je voulais dire sur la notion « d’évènement ». Le soir du 11 septembre, tout le monde avait la sensation, juste, d’avoir vécu l’évènement qui marquerait la décennie. Voire même éxagérait la portée du moment, si tant est que ce soit possible.

    Au soir de la chute de Lehman Brothers, on pouvait effectivement dire comme Gwynfrid: juste un krach boursier de plus. Sauf que ça me parait définitivement tenable aujourd’hui, comme position: on a quand même vécu (et continuons de vivre depuis) une des pires crises de confiance en lui-même de l’Occident en général et de l’Europe en particulier (depuis la chute du Mur, au moins). Si le 15 septembre 2008 devait être choisi à posteriori comme la date qui symbolise le mieux la fin de l’hyper-puissance américaine, une crise existentielle profonde de l’Europe et l’émergence définitive de la Chine, pourra-t-on toujours défendre qu’il ne s’est pas passé grand chose en 2008? Et ce même si le fonctionnement du système financier s’incrit derrière dans la continuité de l’avant-crise…

    Mais de toute façon, même si cette crise prend autant de sens que je cherche à lui prêter, toujours est-il que nous, les contemporains, auront eut largement du mal à saisir que le monde était en train de basculer. Et que la définition d’un « évènement » avec une date comme le 15 septembre ou une autre, ne serait qu’un pis-aller pour nous aider à appréhender ce que nous avons finalement raté dans les grandes largeurs. D’où le passé dans le titre, assez judicieux : oui, il s’est passé quelque chose en 2008, et pas que pour Koz, et nous commençons peut être juste à avoir le recul pour savoir quoi.

    Sinon, juste un mot sur le discours de Sarkozy : on parle bien du même gars à qui l’on a reproché toute l’année dernière de privilégier la forme médiatique sur le contenu politique?

  • @ Gatien:

    Je vous invite à lire ce sujet le livre que Bernard Debré a écrit sur sa mère « Et si on parlait d’elle ».

    Il parle de cet épisode pathétique (vu d’aujourd’hui) que des personnes de sa famille proches ont pu observer de leur fenêtre.
    J’ai tendance à croire cet homme là qui n’a rien à prouver et qui le raconte gentiment.

  • Gwynfrid a écrit : :

    J’ai relu ton billet, que j’avais trouvé excellent

    Merci. Je l’ai relu aussi, du coup… et je ne le renie pas 🙂

    Koz a écrit : :

    Intéressant, mais en pratique, les entreprises (je ne parle pas des petites : j’en connais qui l’ont fait) commencent-elles vraiment par rincer les actionnaires puis les obligataires pour éponger les pertes ? Et si elles ne le font pas, est-ce vraiment parce que l’Etat les en empêche ?

    Bon point. Pour la faire courte, c’est ce qu’organise le droit des faillites pour toutes les entreprises. Le problème est que ces procédures sont longues et lentes, ce qui n’est pas très grave pour une entreprise normale mais rend ces procédures complètement inopérantes pour éviter l’effondrement du château de cartes bancaire. Du coup on envisage des mécanismes de faillite accélérée, avec des mécanismes pré-déterminés permettant de « nettoyer » le capital et la dette instantannément. L’article d’Objectif Liberté que je lie plus haut explique ça assez bien. Et j’ai entendu dire que la Commission Européenne venait de pondre un texte précisément sur ce sujet : décrivant comment on peut mettre en place des mécanismes de faillite accélérée pour les banques en Europe. Faudra que j’aille regarder ça quand j’aurais 5mn.

    Aristote a écrit : :

    Au plus fort de la crise, toutes les banques étaient menacées de mort, les plus imprudentes bien sûr, mais aussi celles qui avaient su raison garder. Il n’y alors plus aucun encouragement à un comportement « vertueux », si la fin est la même. Quitte à faire, autant se donner du bon temps tant que ça dure…

    Je vois 3 défauts à votre raisonnement :

    (1) Je ne suis pas du tout sûr que toutes les banques étaient menacées, ou toutes au même niveau. Un debt-equity swap généralisé aurait fait mal à proportion du niveau de dette qu’il fallait apurer; la punition aurait donc été proportionnelle à la faute.

    (2) Même s’il avait fallu traiter tout le monde de la même façon, je pense qu’il aurait mieux valu punir tout le monde que subventionner tout le monde. Je ne vois pas comment on encourage un comportement vertueux si on récompense tout le monde quand la plupart ont fauté.

    (3) Plus important, les actionnaires doivent être sanctionnés, qu’ils aient fauté ou non. C’est précisément la force du système, la question du mérite ne se pose pas, seul le résultat compte. Il faut considérer les actionnaires comme des assureurs. Leur risque est fixe et leur revenu est indéterminé alors que c’est le contraire pour les assureurs, mais le principe est le même.

    Quand l’usine brûle, l’assureur paie. Personne ne se demande s’il est ou non responsable, c’est hors sujet. Il paie parce que c’est son job et c’est pour assumer ce risque qu’on lui a versé une prime d’assurance.

    De même, quand l’entreprise ne peut plus honorer ses engagements, l’actionnaire est écrasé. Il est là pour ça, c’est exactement à ça qu’il sert. Il concentre le risque et l’absorbe en priorité, à concurrence de ses apports. C’est parce qu’il assume ce risque qu’il a droit à sa part du profit quand il y en a. Le même raisonnement s’applique au prêteur qui joue le rôle de 2e ligne derrière l’actionnaire.

    Dégager l’actionnaire ou le prêteur de sa responsabilité au motif qu’il aurait été méritant, vertueux ou sympa est catastrophique. Cela réduit à néant un pilier essentiel au fonctionnement de l’économie.

    Et c’est selon moi justement parce que ce pilier a été méthodiquement érodé depuis des décennies que la situation s’est dégradé de la sorte.

    Dans un bouquin de 1986 (1986! il y a déjà un quart de siècle), Irvine Sprague écrivait : « Of the fifty largest bank failures in history, forty-six—including the top twenty—were handled either through a pure bailout or an FDIC assisted transaction where no depositor or creditor, insured or uninsured, lost a penny. » Ce qui donne, traduit par mes soins : « Sur les 50 plus grosses faillites bancaires de l’histoire, 46 (dont les 20 plus grosses) ont donné lieu à une intervention publique et les créanciers n’ont pas perdu un centime ».

    Bref, ça fait 50 ans que les créanciers et actionnaires des banques sont systématiquement protégés par une intervention publique en cas de faillite. Il s’est passé quelque chose en 2008, et je pense que c’en est la directe conséquence.

  • Koz a écrit : :

    Ca m’a frappé en écrivant ce billet, en effet. En fin de compte, à ce moment-là, le système était dans une vraie crise et si nos révolutionnaires auto-proclamés avaient de réelles velléités de faire advenir le Grand Soir dont ils parlent, alors c’était probablement là qu’il fallait déclencher la révolution.

    Je pense que l’occident de 2008 était loin des situations qui ont déclenché autrefois les révolutions: il n’y avait pas de guerre, ni de famine, ni de chaos stoppant complètement l’activité économique (comme un tremblement de terre). De nombreux pays ont vécu des épisodes économiques désastreux (mais moins qu’une guerre ou une famine) sans pour autant déclencher des révolutions totalitaires: l’inflation au Brésil ou la dévaluation en Argentine n’étaient pas des épisodes anodins, mais ils n’étaient pas suffisant pour risquer de perdre son travail et sa maison à la roulette russe des révolutions.

    Et même si de grandes banques avaient fait faillite, je ne suis pas sûr que le cataclysme ait été aussi grand que cela: la majorité des biens des entreprises et des particuliers n’est pas dans les banques, et même une banque en faillite n’aurait pas signifié que ses clients perdent tous leurs dépôts.

  • @ Lib

    Je ne croie pas que l’on gère l’économie en distribuant des prix de vertu. Mais si l’on ne veut pas que le système soit pris en otage par les cyniques parce que non, on ne laissera pas, et vous le savez bien, la totalité du système bancaire partir en vrille, il n’est peut-être pas inutile de réfléchir à un système réglementaire qui ne pousse pas au crime. Et la course à la taille pousse au crime…

  • Vivien a écrit : :

    Au soir de la chute de Lehman Brothers, on pouvait effectivement dire comme Gwynfrid: juste un krach boursier de plus. Sauf que ça me parait définitivement tenable aujourd’hui, comme position: on a quand même vécu (et continuons de vivre depuis) une des pires crises de confiance en lui-même de l’Occident en général et de l’Europe en particulier (depuis la chute du Mur, au moins).

    Votre perception est intéressante à mes yeux, et ce d’autant plus que la mienne est à peu près inverse. Pour moi, au soir de la chute de Lehman Brothers, ou, mettons, quelques jours plus tard, il était concevable de penser que rien ne serait plus comme avant, que le système était en train de vaciller et allait soit s’écrouler soit devoir être complètement chamboulé. Alors que vu d’aujourd’hui, on est revenu, ou presque, au business as usual: on compte minutieusement les quelques dixièmes de point de croissance supplémentaire qu’on peut espérer pour l’année, les Bourses repartent cahin-caha, les bonus versés aux experts du maniement d’argent battent des records… Quant aux éventuels bouleversements, on allait voir ce qu’on allait voir, et on n’a pas vu grand-chose. Le système économique est strictement inchangé, le système financier n’est retouché qu’à la marge.

    Vivien a écrit : :

    Si le 15 septembre 2008 devait être choisi à posteriori comme la date qui symbolise le mieux la fin de l’hyper-puissance américaine, une crise existentielle profonde de l’Europe et l’émergence définitive de la Chine, pourra-t-on toujours défendre qu’il ne s’est pas passé grand chose en 2008?

    Comme vous dites, il faudra qu’on décide a posteriori et arbitrairement de choisir une date symbole. Mais ce ne sera que le symbole d’une période qui a commencé bien avant la crise et continuera bien au-delà. Koz a fait remarquer ci-dessus qu’on a le sentiment d’une période de crise plus ou moins permanente depuis longtemps. Il a cité 1991, je pourrais citer 1982 et Pierre Mauroy: « nous allons nous battre sur la crête des deux millions de chômeurs ». En fait, aussi loin que je puisse m’en rappeler, la crise a toujours été là.

    Aristote a écrit : :

    Mais si l’on ne veut pas que le système soit pris en otage par les cyniques parce que non, on ne laissera pas, et vous le savez bien, la totalité du système bancaire partir en vrille, il n’est peut-être pas inutile de réfléchir à un système réglementaire qui ne pousse pas au crime. Et la course à la taille pousse au crime…

    Pas d’accord. L’appât du gain pousse au crime. Ça marche quelle que soit la taille. Si vous imposez les banques pour les empêcher de grossir, elles chercheront et trouveront des techniques pour contourner cette réglementation. Je suis tout à fait d’accord avec Lib pour dire que le frein doit venir de la prise de conscience des conséquences du risque, ce qui exige que le risque soit réel et que l’on refuse la collectivisation des pertes. L’État a donné caution aux banques presque sans contrepartie. Il aurait très bien pu exiger qu’on lui donne des parts à la hauteur de son engagement financier, voire, dans le pire des cas, une nationalisation quasi complète de l’entreprise (comme l’on fait les États-Unis avec leur plan de sauvetage de General Motors). Il n’est pas nécessaire de faire partir tout le système en vrille: on peut très bien faire subir aux actionnaires une perte proportionnelle à la taille du plan de sauvetage sans pour autant passer par la case faillite.

  • @ Gwynfrid

    Il est toujours imprudent de prendre les conversations en route. Comme je le disais précédemment, si je suis pour pousser à limiter la taille des banques, ce n’est pas parce que miraculeusement cela limiterait l’appât du gain, mais parce que cela rendrait beaucoup plus crédible la menace de mise en faillite d’une banque imprudente, dont je suis bien d’accord que c’est la seule façon d’éviter la collectivisation des pertes.

    Certes les banques chercheront à contourner. Mais on n’est pas sans défense. Par exemple, vous pourriez passer une loi qui rende impossible de demander en justice à une banque d’honorer une obligation de paiement sur un instrument financier si celle-ci n’est pas enregistrée auprès de l’organisme chargé de surveiller les engagements bancaires. Les grands pays de l’OCDE pourraient exiger de toutes les banques qui opèrent sur leurs territoires, qu’elles y aient ou non leur siège social, respectent les réglementations mises en place. Enfin toute créance d’une banque « OCDE » sur une institution financière « offshore » serait à couvrir en fonds propres avec le même ratio qu’un junk bond, même s’il s’agit d’une filiale.

  • @ Aristote: je n’ai aucune compétence pour vous répondre sur le détail d’une réglementation proposée. Cependant, à l’instinct, je dirais que plus la réglementation est complexe, plus elle devient compréhensible aux seuls experts, alors plus il devient possible de la contourner – entre autres raisons, parce que dans ce cas les régulateurs ne peuvent être que des experts, et donc des responsables importants, ou d’anciens responsables importants, de l’industrie même qu’il s’agit de surveiller.

    D’autre part, la cause est aujourd’hui à peu près entendue: quelques modestes réformes ont été faites, mais il n’y en aura pas d’autres, malgré les gesticulations de notre président à nous. Il ne sert à rien d’être le seul pays à renforcer sa régulation si les autres ne le font pas, et il est clair aujourd’hui que les pays partisans de le faire n’ont pas le poids nécessaire pour y contraindre les autres.

  • On le sait les régulateurs ont tendance à être « captés » par les régulés. Faut-il ne rien faire ? Après tout l’existence d’un code pénal n’empêche pas le crime d’exister, faut-il supprimer justice, police, prisons…

    Je vous rejoins sur la difficulté qu’ont les politiques à traiter les dossiers complexes qui demandent de la persévérance. Et pourtant, les banquiers ne sont pas vraiment populaires ces temps-ci, il y aurait des points à gagner vis-à-vis de l’opinion !

  • @Gwynfrid

    On va peut être avoir du mal à tomber d’accord, mais je pense que la divergence est uniquement due à un angle de vue différent, sur ce qui est important.

    Vous avez une vision très systémique: rien ne saurait fondamentalement changer si le système financier ou économique ne bouge pas.

    J’ai une vision plus centrée sur les acteurs: pour moi, que les règles du jeu changent ou pas (j’aurais aussi apprécié qu’elles changent sur certains aspects), le fait que les joueurs autour de la table aient changé ou tirent une nouvelle main est un évènement en soi.

    2008, c’est quand même l’année de la mort du consommateur américain dont le moral était si cher à Jean-Pierre Gaillard. J’ai du mal à voir comment la géographie de notre monde pourrait ne pas en être affectée.

  • Aristote a écrit : :

    on ne laissera pas, et vous le savez bien, la totalité du système bancaire partir en vrille

    Encore une fois, il y a là une alternative artificielle. Entre éponger les pertes avec l’argent public et laisser tout le système partir au tapis, il y a une voie moyenne tellement évidente qu’on ne la voit pas : faire avec les banques ce qu’on fait avec toutes les autres boîtes : éponger les pertes avec l’argent des actionnaires puis des créanciers.

    Gwynfrid a écrit : :

    on peut très bien faire subir aux actionnaires une perte proportionnelle à la taille du plan de sauvetage sans pour autant passer par la case faillite.

    On peut même faire mieux : sauver la boîte en ne mettant pas un euro de fonds publics et en écrasant tous les actionnaires. Ca arrive tous les jours dans la vraie vie quand des actionnaires jettent l’éponge et revendent la boîte pour un euro symbolique ou acceptent un « coup d’accordéon » qui permet à de nouveaux investisseurs de prendre 100% en contrepartie d’une injection d’argent frais ou encore vont faire leur déclaration de cessation des paiements au tribunal de commerce qui met en oeuvre un plan de continuation de l’activité.

    Gwynfrid a écrit : :

    je dirais que plus la réglementation est complexe, plus elle devient compréhensible aux seuls experts, alors plus il devient possible de la contourner

    +1000. Et avant même de parler de capture du régulateur par le régulé, la micro-régulation a des effets pervers très profonds. Elle affaiblit l’esprit des lois au profit de la lettre et transforme des obligations de résultats en obligations de moyens.

    Prenons le conflit d’intérêts entre les activités d’asset management et de structuration de produits. La première est supposée conseiller les clients sur les meilleures opportunités de placement et la deuxième en fabrique. Une banque qui a les deux activités peut être tentée de refourguer à ses clients les produits maison plutôt que les meilleurs produits du marché.

    On a mis en place des régulations extrêmement détaillées pour créer un « chinese wall » entre les 2 activités et empêcher que les gens se parlent. Un banquier de mes amis me racontait qu’il y avait chez lui une séparation physique entre les bureaux des deux entités qui s’étendait jusqu’à la cantine… mais pas jusqu’au parking, qui ne fait pas partie des locaux. Dans le même ordre d’idée, toutes les conversations téléphoniques des acteurs des marchés sont enregistrées et susceptibles d’être écoutées par l’AMF. Mais pas les portables persos…

    Gwynfrid a écrit : :

    Il ne sert à rien d’être le seul pays à renforcer sa régulation si les autres ne le font pas

    C’est là que nous divergeons. Comme tu le sais j’ai assez peu d’estime pour les grands trucs pan-nationaux qui sont souvent une bonne excuse pour ne rien faire. Rien n’empêche la France d’amender son droit des faillites pour faciliter les « debt-equity swaps » dans le domaine bancaire. Ca affaiblirait peut-être les banques françaises, mais (i) c’est leur problème et (ii) c’est pas sûr car par les temps qui courent, avoir un bilan nettoyé est plutôt utile.

  • Aristote a écrit : :

    Faut-il ne rien faire ?

    Certainement pas. Nous ne divergeons que sur la nature de ce qu’il faut faire. Je suggère pour ma part une réglementation aussi simple et brutale que possible, par exemple interdire par la loi aux pouvoirs publics de se porter au secours d’une entreprise privée sans exiger des actions en échange (c’est juste un exemple; un spécialiste du domaine pourrait trouver mieux). Lib, lui, est partisan de retoucher le droit des faillites pour les faciliter. Mais même cela, qu’on pourrait (abusivement) qualifier de laisser-faire, serait déjà un acte d’autorité énorme de la part du politique, par rapport aux habitudes prises.

    Vivien a écrit : :

    Vous avez une vision très systémique: rien ne saurait fondamentalement changer si le système financier ou économique ne bouge pas.

    En partie vrai. J’ai tendance à penser que les faiblesses humaines sont relativement constantes, et que, par conséquent, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Un changement de culture est toujours possible, mais pas à court terme, et encore moins dans le cas présent. Il aurait fallu pour cela que le traumatisme soit bien plus fort.

    Vivien a écrit : :

    J’ai une vision plus centrée sur les acteurs: pour moi, que les règles du jeu changent ou pas (j’aurais aussi apprécié qu’elles changent sur certains aspects), le fait que les joueurs autour de la table aient changé ou tirent une nouvelle main est un évènement en soi.

    Oui… si c’était le cas. Mais ici, le changement est comparable à la petite histoire que voici:

    Qu’est-ce qu’une réorganisation dans l’entreprise X (insérer le nom de votre choix) ? L’organisation est un arbre, avec des corbeaux perchés sur toutes les branches. La réorganisation, c’est quand un chasseur tire un coup de fusil. Deux ou trois corbeaux sont tués. Tous les autres s’envolent. Cinq minutes plus tard, tous les corbeaux sont revenus, ayant éventuellement changé de branche. Mais, vu d’en bas, le résultat est toujours un arbre avec des corbeaux perchés sur toutes les branches.

    Vivien a écrit : :

    2008, c’est quand même l’année de la mort du consommateur américain dont le moral était si cher à Jean-Pierre Gaillard.

    Alors là, vraiment pas d’accord. Il n’est pas mort du tout. Il est juste occupé à lécher ses plaies. Mais je suis bien certain qu’il attend avec impatience que les choses aillent mieux pour repartir de plus belle avec exactement les mêmes enthousiasmes qu’avant (et le consommateur européen aussi, juste avec un peu moins de précipitation). Je ne suis pas expert de l’état d’esprit américain, mais j’ai l’occasion de regarder un peu leurs médias, ainsi que leurs équivalents canadiens. Tout le monde se demande quand et à quelle vitesse l’économie va repartir, à commencer par la consommation, l’emploi, et les prix de l’immobilier. Je n’ai encore entendu personne dire qu’il fallait réfléchir à un changement de style de vie, autre que celui provisoirement imposé par les circonstances, ou, à la rigueur et très marginalement, par des préoccupations environnementales.

    Lib a écrit : :

    Rien n’empêche la France d’amender son droit des faillites pour faciliter les « debt-equity swaps » dans le domaine bancaire.

    En effet. Mais si c’est limité à la France, cela n’empêcherait pas un effondrement international de nous affecter aussi. Cela dit, j’ai eu tort d’utiliser le raccourci « cela ne servirait à rien ». Il est toujours utile de faire le ménage chez soi. Par exemple, le gouvernement canadien est tout fier que le pays ait évité le gros de la catastrophe, grâce à des réglementations et des habitudes plus conservatrices en matière de prêts bancaires. Ça n’a pas empêché le chômage et le déficit, mais ça a tout de même bien limité la casse, notamment dans l’immobilier.

  • @ Lib

    Je suis comme vous convaincu qu’il faut pouvoir rincer les actionnaires des banques. Mais je crois totalement utopique de penser qu’on pouvait, au plus fort de la crise de 2008, rincer tous les actionnaires de toutes les banques sans créer un chaos généralisé. Cela n’a rien à voir avec le cas d’une boîte lambda qui fait faillite.

    Il me semble donc important de mettre en place un système où il soit possible de mettre une banque en faillite, avant que les excès en tout genre ne conduisent à la faillite du système dans son ensemble. Et je doute que cela puisse jamais être « simple ».

    Quant à votre exemple du Chinese Wall, il montre simplement que le Glass Steagal Act était plein de bon sens. Mais c’est là une autre discussion.

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