Hélie de Saint-Marc, ses choix, les nôtres

45 minutes cet après-midi, le casque sur les oreilles, à écouter « Toute [sa] vie« . Originalité, en effet, l’ouvrage vient avec un CD audio, « reprenant un entretien d’une heure, enrichi d’archives sonores, entre le journaliste Benoît Collombat et Hélie de Saint-Marc« . Vous connaissez mon sentiment sur Hélie Denoix de Saint-Marc. 45 courtes minutes pour une plongée dans ces incroyables 20 années d’Histoire qui s’ouvrent sur les mots de Pétain :

Buchenwald. L’Indochine. L’Algérie. Et l’entrevue de Denoix de Saint-Marc avec le Général Challe, cette entrevue décisive. Comme il le dit aussi dans l’extrait qui suit, « en quelques secondes, je suis passé du statut d’officier discipliné et légaliste à celui de rebelle passible de recevoir douze balles dans la peau dans les fossés de Vincennes. Sur la lame du rasoir, j’ai fait basculer mon destin. »

Je l’écoutais sur mon portable. J’ai ensuite, mécaniquement, ouvert mon navigateur, et relevé les derniers développements de l’affaire Clearstream.Je sais que des hommes tels que Saint-Marc ont pu se battre pour que nous vivions une vie sereine, en paix. Je sais que ces heures ont été des heures de malheur pour tant de familles, des heures de mort, de déchirures. Des heures terribles. Je sais qu’il est ridicule et inconvenant de faire preuve d’une once de sentiment d’envie. Pour autant, j’écoute la vie de ces hommes, je vois notre vie, je regarde leur époque, et vis la nôtre, et j’ai du mal à ne pas la trouver insignifiante. Non, bien sûr, il ne nous faudrait pas « une bonne guerre« . Oui, bien sûr, il y a certainement d’autres enjeux, d’autres combats à mener.Mais j’ai malgré tout l’enthousiasme un peu réticent pour nos heures à nous. Même nos « affaires d’Etat » sont des affaires d’Etat de merde, minables, que l’on affuble de ce nom pour se donner le frisson de vivre les instants décisifs que nous ne vivons pas.Je suis et je resterai fasciné par cet homme, par ses choix, par ces instants improbables où, sur la lame du rasoir, il a fait basculer son destin. Avec un peu d’amertume, mais un peu d’espoir tout de même.

Je veux conclure en citant quelques mots de Saint-Marc.

« Pour notre bonheur ou notre malheur, je ne sais, nos destins furent tributaires du destin du monde. Tout se jouait en une rencontre, un détail et l’on basculait d’un côté ou de l’autre. » (Toute une vie, page 38)

 

« Les bonnes consciences que l’on polit en dénonçant l’infamie des autres me font horreur » (p. 187)

 

« Un homme doit toujours garder en lui la capacité de s’opposer et de résister. Trop d’hommes agissent selon la direction du vent. Leurs actes disjoints, morcelés, n’ont plus aucun sens » (p. 215)

 

« A l’heure des choix, les hommes adorent employer le futur ou le futur antérieur. Je ferai ou J’aurai fait sont des phrases creuses sur l’échelle des valeurs humaines. Quand il faut solder les comptes, je préfère le passé ou le présent. Je fais ou J’ai fait. » (p. 216)

« La vérité d’un jour nous aveugle. Les règles que les sociétés s’imposent à elles-mêmes changent avec l’écorce du monde, en perpétuelle évolution, sans modifier la difficulté de la condition humaine. Aussi est-il souvent préférbale d’être à la fois dans et hors de son époque. La liberté intérieure est un idéal à conquérir qui ne dépend pas de la société environnante, mais de soi. » (p. 249)

« Un homme ne change pas, il se complique » (p. 253)

« Au fond de l’épreuve, chacun connaît sa part de vérité, qui ne ressemble à aucune autre. Chacun porte sa part d’ombre. Chacun sait où le courage s’est arrêté et où, parfois, a commencé la lâcheté. Il n’existe pas de grand homme qui n’ait été un jour un pauvre homme. Il n’existe pas de pauvre homme qui ne soit ni plus ni moins digne de respect qu’un grand homme » (idem)

« Je crains les êtres gonflés certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des chosesPour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes. » (p.254)

Et finir ainsi :

« Je ne demande qu’à croire aux forces de l’esprit. Jean Guitton a dit : « Entre l’absurde et le mystère, je choisis le mystère« . Je fais mienne cette devise. Mais je ne peux m’empêcher de douter : si l’absurde avait le dernier mot, ce serait horrible. » (p. 262)

Disponible aussi dans ma « librairie« 

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Et merci à Oupsman, qui m’a permis de trouver le moyen d’intégrer le lecteur flash sans pourrir ma mise en page

Pour une raison que j’ignore, les lecteurs flash n’apparaissent qu’en page d’accueil… Raison pour laquelle, notamment, j’ajoute un lien vers le fichier mp3

Edition du 16.05.06 : et pour une raison qui dépasse mes compétences, mon blog n’aime pas les lecteurs flash. Ils disparaissent donc totalement…

Initialement publié et commenté ici

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