Nicolas Sarkozy : la Question

laviedelautre1 C’est un homme qui pourrait être heureux. Il s’inquiétait d’être inaudible lorsqu’il était président de la République, il est désormais l’homme le plus écouté depuis qu’il ne l’est plus. Entre Patrick Buisson et la Justice, il semble que l’un n’a pas voulu injurier l’avenir quand l’autre lui aura fait payer le passé. Il est en effet possible que, si Nicolas Sarkozy n’avait pas alimenté des relations aussi conflictuelles, et à plusieurs reprises fondamentalement injustifiées, avec les juges, il ne bénéficierait pas d’une attention aussi soutenue.

Nul ne peut non plus exclure que le fond du dossier soit exact, et choquant. Si Nicolas Sarkozy a obtenu des informations sur la procédure en cours devant la Cour de cassation en échange de son intervention pour obtenir un poste, c’est doublement choquant : un justiciable ne devrait pas être informé par d’autres voies que les voies procédurales ordinaires et le reste relève du trafic d’influence. Cela étant, il ne faut pas non plus être naïf et de telles occasions d’information parallèle existent aussi devant des juridictions moins prestigieuses, dans des dossiers moins sensibles, avec des personnages plus quelconques et ne me poussez pas sinon je lâche des noms. Par ailleurs, si Nicolas Sarkozy a trafiqué son influence sur Monaco, le magistrat en question n’ayant pas obtenu le poste convoité, c’est peu flatteur pour l’influence de Sarko. Cela étant, la tentative est punie comme l’infraction et l’instruction dira ce qu’il y a à dire – si elle survit, ce qui est là aussi incertain.

Sur le principe du recours aux écoutes et sur leur durée, pas inédite mais néanmoins marquante, Daniel Soulez-Larivière a écrit un billet plus subtil que son titre ne le laisse présager dans lequel il affirme ainsi :

Je prétends que si vous et moi étions mis sur écoute pendant onze mois, on pourrait par une construction paranoïaque trouver des propos critiquables, voire susceptibles de quelque infraction. Personne n’est innocent de tout.

Mais il y a, sur la question des écoutes et de leur légitimité et plus spécialement sur le fait d’avoir écouté un avocat, un point central soulevé par mon confrère et ami Eric Morain sur Twitter, et qui a été insuffisamment mis en exergue à mon sens.

Je précise que la question a des répercussions politiques, pour ceux qui n’attacheraient pas autant de prix que moi à la protection du secret de ma profession.

En effet, à quel moment a-t-on choisi d’écouter Thierry Herzog : l’a-t-on écouté parce que l’on nourrissait quelque soupçon sur une infraction identifiée et en cours d’instruction, ou a-t-on procédé à une mesure d’écoute générale, comme on irait à la pêche ?

Sur ce point, Le Monde, que personne ne saurait soupçonner de malveillance à l’égard du pouvoir en place, ni d’être mal informé, puisqu’il fait même état du contenu des écoutes[1] – ce qui, au passage, ne semble plus émouvoir grand monde, s’agissant d’une instruction en cours, d’une part, concernant le précédent président de la République d’autre part – écrit ceci :

L’épisode inquiète les sarkozystes. M. Sarkozy lui-même devient laconique sur son téléphone « officiel ». Les juges s’interrogent, et finissent par découvrir que l’ex-chef de l’Etat dispose d’un second portable, enregistré sous un nom fictif. A son tour, cet appareil est placé sous surveillance. Les écoutes révèlent des échanges avec un autre téléphone mobile acquis avec une identité d’emprunt : il s’agit du portable acheté par Me Herzog pour échanger en toute confidentialité avec son client.

Il apparaît ainsi que, très vite, les juges constatent que ce portable est explicitement et exclusivement destiné aux conversations entre un avocat et son client. Il s’agit d’ailleurs très précisément de l’avocat habituel de Nicolas Sarkozy. Il devient à ce stade assez perturbant de constater qu’un avocat doive prendre de telles précautions pour être certain de préserver la confidentialité de ses échanges avec son client.

Mais surtout, à ce stade, les juges ne semblent avoir aucun soupçon de quelque sorte que ce soit à l’encontre de Thierry Herzog, sauf à ce que Le Monde soit mal renseigné, ce que l’on a raisonnablement exclu. Ils font donc procéder, en toute connaissance de cause, à l’interception des conversations entre un avocat et son client. Il est bien évidemment légitime qu’un avocat puisse être traité comme tout autre justiciable s’il est soupçonné d’avoir commis une infraction ou de prendre une part active à sa commission. Contrairement à ce que certains laissent entendre, les avocats ne réclament aucune immunité d’aucune sorte à cet égard. Mais en l’absence de soupçon à leur encontre et, a fortiori, en l’absence de soupçon à l’encontre de leurs clients dans leurs relations avec leur avocat, les écoutes devraient s’interrompre[2]. Ce qui n’a pas été le cas, jusqu’à ce que les juges découvrent les faits qui auraient pu les justifier ab initio.

C’est bien là que le bât blesse et que l’on bascule dans la possible affaire d’Etat car cela donne fortement le sentiment que les juges se sont livrés à des écoutes générales, dans le but de trouver d’éventuelles infractions. On bascule là dans un autre type de régime, lorsque l’on vous écoute pour vous surveiller.

Les questions qui sont dès lors légitimement posées sont notamment celles de savoir si les juges ont agi ainsi de leur propre chef, ou s’ils y ont été incités afin d’écarter un adversaire politique qui ne cesse d’adresser des cartes postales aux Français, en attendant son retour.

La connaissance qu’avait le pouvoir de l’existence de ces écoutes, et de leur contenu, en est une autre. L’exécutif, Christiane Taubira, Manuel Valls (dont dépendent les agents qui pratiquent les écoutes), étaient-ils, par exemple, moins bien renseignés que Le Monde ? Il semble que Christiane Taubira connaissait tant l’existence que le contenu des écoutes. Quant à Manuel Valls, les dénégations de l’ancien DCPJ laissent très profondément dubitatifs, compte tenu du risque qu’il aurait pris à taire une telle information à son ministre, et de ce à quoi nous a habitué ce dernier.

Illustration : #MonConfrèreEtAmi Eric Morain

  1. l’absence de conditionnel dans cette phrase : « M. Azibert, qui a accès au service intranet de la haute juridiction, renseigne le camp sarkozyste sur l’évolution des tendances au sein de la Cour de cassation, les écoutes en font foi » laisse en effet circonspect, outre le fait que ce n’est pas la première fois que des écoutes fuitent ans Le Monde, comme les journalistes le signalent eux-mêmes. []
  2. C’est aussi une violation grave des droits de la défense, d’ailleurs susceptible de mettre à mal toute défense pénale : s’il suffit, pour écouter un avocat, de mettre sur écoute son client alors un juge d’instruction pourra avoir connaissance des conversations entre un avocat et son client, et de leur défense, avant de les auditionner… []

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38 commentaires

  • Là, je me dis que vous avez hésité entre 3 titres pour ce billet… Et vous avez réussi à garder les trois : bien joué !
    (J’ai peut-être une préférence pour le titre du film, mais celui de la barre d’adresse me fait particulièrement sourire).
    Merci pour vos analyses solides, pleines de finesse, d’humour et de nuance.

  • Je me faisais en effet la réflexion que cette violation du secret de l’instruction (puisque le Monde est au courant du contenu des écoutes, si j’ai bien compris) ne semble pas gêner ceux-là même qui s’offusquent de la violation du secret de l’instruction par Nicolas Sarkozy… Je crois ne l’avoir lu à aucun autre endroit qu’ici.

  • Nous savons bien qu’il ne suffit pas qu’un acte soit légal pour qu’il soit moral.

    Le simple respect des formes ne garantit pas grand chose.

    Je comprends qu’on n’aime pas NS et moi-même je suis hostile à son retour.

    Mais le manque de proportionnalité entre les moyens mis en œuvre contre lui et la substance des dossiers instruits me laisse songeur. Comment justifier un an d’écoutes en 2013 sur le dossier du financement libyen en 2007 d’une campagne dont les comptes ont été épluchés par la justice ? Les formes ont été respectées…

  • Voyons le bon côté des choses ! Ces affaires discréditent tellement les uns et les autres qu’on peut espérer que les candidats aux municipales soient élus en fonction de leurs mérites et pas selon leur étiquetage politique.

  • Pour ce qui est de la mise sous écoute de Thierry Herzog il semblerait qu’on la justifie par cet achat classique de deux téléphones dédiés ( pas tant que ça apparemment sinon je ne vois pas comment on aurait pu les repérer) sous des noms d’emprunts , chose apparemment illégale dans la durée, surtout pour deux avocats. Ceci étant j’ai l’impression que les vices de forme dans cette procédure vont s’accumuler assez vite.
    Le plus grave me parait etre cette ministre de la justice plusieurs fois parjure en quelques jours qui ose brandir des lettres irréfutables pour démontrer sa bonne foi alors que les dites lettres prouvent le contraire de ce qu’elle affirme comme vient de le prouver Le Monde !
    Notre république bananière en sort encore grandie………..

  • La question du quand exactement a-t-on commencé à écouter Herzog est de fait très importante.

    Mais mettons-nous à la place d’un juge d’instruction. Il ordonne une écoute qu’il sait « tangente ». Qu’arrive-t-il au pire pour lui ? Bien longtemps après, un tribunal jugera que les éléments ainsi réunis ne peuvent être versés au dossier. En attendant, ils ont été étalés sur la place publique. Et aucune sanction ne viendra frapper le juge d’instruction, voir Outreau.

    Il faudrait une vertu surhumaine à un juge qui ne porte pas un justiciable dans son cœur pour ne jamais succomber à la tentation de saisir un prétexte.

  • Rien à redire à ce billet dont j’apprécie le rare équilibre. Tu prends la peine de rappeler qu’il y a deux aspects à cette affaire: les graves soupçons dont Nicolas Sarkozy fait l’objet d’une part, et la légitimité des écoutes de ses conversations avec son avocat, d’autre part. Du côté droit de l’échiquier, il y a une forte tendance à se servir du second pour faire oublier le premier, alors que du côté gauche on aimerait faire l’inverse, mais on est tellement empêtré dans les explications qu’on y arrive même pas.

    J’aurais une observation sévère à faire, pas à toi, mais à Me Soulez-Larivière:

    Je prétends que si vous et moi étions mis sur écoute pendant onze mois, on pourrait par une construction paranoïaque trouver des propos critiquables, voire susceptibles de quelque infraction. Personne n’est innocent de tout.

    Excusez-moi de vous demander pardon, Maître, mais… il ne faut pas prendre votre cas pour une généralité. Si on m’écoutait pendant onze mois, on entendrait certainement des choses qui m’embarrasseraient beaucoup, c’est entendu. Mais des choses qui pourraient me conduire devant un tribunal? Désolé, je ne vois pas. Des choses pouvant être qualifiées de trafics d’influence? Quelle influence? Ce n’est pas que je sois un saint, mais je ne saurais même pas par où commencer pour commettre une infraction de ce type…

    La façon dont Me Soulez-Larivière présente les choses me frappe comme un symptôme de l’éloignement des élites par rapport au Français de base. Pour lui, il est tout naturel de s’identifier à Nicolas Sarkozy, dans un monde où « personne n’est innocent de tout », où tout peut être vu sous l’angle de la faute, où chacun a une influence et un réseau dont il tire des avantages. J’admets qu’il puisse y avoir là déformation professionnelle. Mais ne voit-il pas comment, par cet argument, il apporte de l’eau au moulin du discours « tous pourris »? Qui plus est, dans un contexte où désormais « tous » n’englobe plus seulement les politiques, mais aussi les avocats, les juges, les journalistes et les policiers qui sont les protagonistes de cette histoire?

  • @ Gwynfrid:

    Je rends hommage à votre vertu.

    Mais le problème reste. Même pour les rares individus qui pourraient éventuellement commettre un délit, aurait-on le droit de les surveiller au moyen d’écoutes avant d’avoir des soupçons fondés qu’une infraction a peut-être été commise ?

    Et puis il y a ce truc rigolo : l’instruction pour violation du secret d’instruction et trafic d’influence est immédiatement fuitée, on se demande par qui : je m’étonne qu’on n’ouvre pas presto subito une instruction sur cette violation du secret d’instruction, etc…

  • @ Ma Soeur : merci. Je n’ai pas hésité avec « la vie de l’autre », vu qu’un autre l’avait déjà faite, mais avec l’url, en effet !

    Aristote a écrit :

    Mais le manque de proportionnalité entre les moyens mis en œuvre contre lui et la substance des dossiers instruits me laisse songeur

    Il est vrai que l’on entend davantage parler de procédure que de fond. Cela dit, le financement d’une campagne présidentielle par un pays étranger, et pas n’importe lequel, serait grave, même si pas franchement inédit.

    Pascale a écrit :

    Je me faisais en effet la réflexion que cette violation du secret de l’instruction (puisque le Monde est au courant du contenu des écoutes, si j’ai bien compris) ne semble pas gêner ceux-là même qui s’offusquent de la violation du secret de l’instruction par Nicolas Sarkozy… Je crois ne l’avoir lu à aucun autre endroit qu’ici.

    Oui, ça aussi, c’est formidable : c’est devenu un classique absolu. On retrouvait déjà des informations, on s’est mis à retrouver des PV d’audition et si, là, le contenu n’apparait pas clairement, les journalistes ont soit eu accès aux documents soit été informés. C’est tout de même détestable et scandaleux de pouvoir ainsi écouter quelqu’un et balancer dans la presse. Est-ce que cela se fait aussi sans aucune assurance-vie politique ? Est-ce que ce ne sont que des magistrats qui prennent sur eux de le faire ? Ou est-ce que cela vient des politiques ?

    Le fait est que les journalistes, eux, sont fort bien protégés compte tenu de la loi sur la protection des sources, qui ne permet pas que de couvrir les meilleurs procédés.

    @ Aristote : oui, c’est aussi un problème et je le soulignais en note de bas de page, s’il suffit pour écouter un avocat de mettre sur écoute son client et considérer que l’on n’a écouté l’avocat que « par incidence », alors il suffira à un juge dans une affaire de mettre les clients de tel avocat sur écoute pour connaître toute la stratégie de défense. On ne peut pas accepter cela dans un Etat de droit.

    @ Gwynfrid : Soulez-Larivière exagère peut-être un peu. Toutefois, il précise que ce serait par une « construction paranoïaque ». Tiens, prenons ma femme : elle a joint une femme de ménage, qui lui a proposé de bosser au black. Ma femme n’a pas rejeté net, surtout pour ne pas froisser la personne, mais nous ne le ferons pas. Pourquoi ne pas la mettre en examen sur la base de cela ? Ca ne tiendrait pas très longtemps mais peut-être le temps de la mettre en difficulté. Et ça, c’est sans parler de ceux qui auraient accepté d’emblée.

    Après, il ne serait pas non plus nécessaire d’aller chercher très haut dans les élites pour trouver des pratiques, peut-être moins gênantes qu’un trafic d’influence, mais pas reluisantes. Et encore est-ce démagogique : les faits que l’on trouve sont d’une autre nature, mais dans les milieux plus simples, on trouverait probablement sans trop de difficulté des petits arrangements avec la loi.

  • @ Aristote:
    Ce n’est pas une question de vertu. Comme j’ai essayé de l’expliquer: c’est une question de normalité. Les tenants du « nous sommes tous un peu coupables » ignorent (ou font semblant d’ignorer) que le citoyen lambda n’a pas le carnet d’adresses d’un ministre, d’un ténor du barreau, d’un magistrat de la Cour de cassation, ou du rédac’chef d’un quotidien national. Cette tentative d’établir une équivalence entre les délits « de base » (excès de vitesse? petit oubli sur la déclaration de revenus? note de frais un brin gonflée? emploi de service au noir, comme dans l’exemple donné par Koz?) et les magouilles de haut niveau dont on parle aujourd’hui relève soit de l’aveuglement, soit de l’hypocrisie.

    Aristote a écrit :

    Mais le problème reste. Même pour les rares individus qui pourraient éventuellement commettre un délit, aurait-on le droit de les surveiller au moyen d’écoutes avant d’avoir des soupçons fondés qu’une infraction a peut-être été commise ?

    Non, on n’en aurait pas le droit, bien sûr. Mais ce point ne me paraît pas pertinent. Le téléphone de Nicolas Sarkozy a été surveillé parce qu’il était soupçonné d’une infraction passible de plus de 2 ans de prison (si j’ai bien compris, c’est le numéro de N.Sarkozy qui était surveillé, et non celui de Me Herzog, mais c’est là un point de détail puisque ce sont les conversations entre les deux qui ont été écoutées). Tout cela est, formellement, légalement, réglo. Sauf erreur de ma part, nul ne le conteste, d’ailleurs : la droite a préféré concentrer les feux sur l’angle « qui savait quoi? »

    La question légitime est de savoir si la loi devrait changer pour rendre cela impossible à l’avenir, par exemple en protégeant de façon absolue les communications professionnelles des avocats. C’est peut-être une solution. Mais mon petit doigt me dit que ni la majorité ni l’opposition ne sont prêtes à faire une telle proposition, et s’accommoderont toutes les deux très bien du statu quo, une fois la poussière retombée.

  • Gwynfrid a écrit :

    Cette tentative d’établir une équivalence entre les délits « de base » (excès de vitesse? petit oubli sur la déclaration de revenus? note de frais un brin gonflée? emploi de service au noir, comme dans l’exemple donné par Koz?) et les magouilles de haut niveau dont on parle aujourd’hui relève soit de l’aveuglement, soit de l’hypocrisie.

    Je suis loin d’en être certain. Comme dit le dicton populaire, « de base », c’est l’occasion qui fait le larron. Nombreux sont ceux que seul le manque d’occasions protège du délit.

  • Gwynfrid a écrit :

    Tout cela est, formellement, légalement, réglo. Sauf erreur de ma part, nul ne le conteste, d’ailleurs : la droite a préféré concentrer les feux sur l’angle « qui savait quoi? »

    Non, pas nécessairement et d’ailleurs, dans les notes brandies par Taubira, on voit bien que les magistrats n’en étaient pas absolument certains. On ne doit pas écouter un avocat qui échange avec son client, sauf lorsqu’un soupçon pèse sur la participation de l’avocat à une infraction. Or, manifestement, les écoutes ont été poursuivies en l’absence de tout soupçon à l’encontre de Thierry Herzog et ce n’est que dans un second temps, du fait des écoutes, qu’un soupçon est né.

    C’est un peu le point qui fait l’objet de mon billet. Il est bien différent d’écouter parce qu’un soupçon existe ou d’écouter pour voir si on pourrait trouver quelque chose.

    Dans l’intervalle durant lequel Thierry Herzog, avocat de Nicolas Sarkozy, a été identifié comme tel et où aucun soupçon ne pesait contre lui, les écoutes auraient dû être interrompues. Pourquoi ont-elles perduré ? Excès de zèle, instruction ?

  • Koz a écrit :

    Cela dit, le financement d’une campagne présidentielle par un pays étranger, et pas n’importe lequel, serait grave, même si pas franchement inédit.

    Certes, mais le dossier, à ce que l’on peut en comprendre de l’extérieur, semble bien vide pour justifier si tardivement des écoutes si longues ! je n’ai pas accès au dossier, mais Médiapart oui et il aurait fait son miel d’éléments accablants. je peux me tromper.

    Pour mettre un peu d’animation, faisons nous l’avocat du diable sur le « trafic d’influence » ramené par le chalut des écoutes.

    Azibert renseignerait Herzog sur l’avancement du dossier des agendas. Les juges fuitent dans tous les sens ce qu’ils veulent bien fuiter, mais l’intéressé serait condamnable parce qu’il chercherait à se renseigner. Assez véniel à mes yeux.

    Nettement plus grave serait une pesée sur la décision. Mais Azibert n’appartient pas au collège, la Chambre Criminelle, qui tranche. Il peut certes s’entretenir avec ses collègues. Lesquels ne sont pas des perdreaux de l’année et savent quelles sont les amitiés d’Azibert, lequel n’a aucun moyen de pression sur eux. A moins qu’Azibert ne soit un magnétiseur, l’influence me paraît au pire des cas fort limitée.

    Quant au quid pro quo, NS ne pourrait le garantir, quand bien même il essaierait. Et le réflexe pavlovien d’un homme politique, comme chacun sait, est de promettre…

    Oui, je préférerais une France où de telles pratiques n’auraient pas lieu d’être parce que la justice serait vraiment indépendante des politiques de tous bords et que les juges veilleraient jalousement à préserver la réalité et l’apparence de leur impartialité.

    Mais je n’arrive pas à me scandaliser de l’affaire, quand bien même elle irait au bout. Et j’ai du mal à l’accepter comme une justification de l’écoute d’Herzog et d’une perquisition qui est allée bien au-delà de ce qui aurait pu être requis par l’affaire elle-même.

    Mon sentiment est que les juges ont sauté sur le prétexte. Je peux comprendre qu’on ne soit pas du même avis.

  • Pour ma part, j’ai le plus grand mal à croire que des écoutes téléphoniques de Sarkozy effectuées en 2013 puissent être utiles à des juges dans une affaire supposée de financement de campagne électorale par Khadafi en 2007. Ce que je dis n’est pas si stupide puisque après des mois et des mois d’écoutes, les juges n’ont rien eu à se mettre sous la dent de ce côté-là.

  • Quand le gouvernement nous dit que la justice fait son travail en toute indépendance et que personne n’est au-dessus des lois, cela me fait sourire. Je ne crois pas du tout au caractère universel de ces affirmations. Tout le monde n’est pas traité de la même manière que Sarkozy a été traité. Certains juges veulent avoir la peau de Sarkozy et ils ont fait un peu plus que d’habitude et le gouvernement a laissé faire. Je crois que la norme est que jamais on va écouter un avocat, mais quand il s’agit de l’avocat de Sarkozy, on ne va pas se gêner. D’où la maladresse de la ministre de la justice qui savait que cela n’était pas complètement au-dessus de la ceinture. Je crois que beaucoup de gens pensent comme moi, le gouvernement et les juges ne sortiront pas de cette affaire comme ayant pratiqué une justice propre et honnête.

  • Koz a écrit :

    Non, pas nécessairement et d’ailleurs, dans les notes brandies par Taubira, on voit bien que les magistrats n’en étaient pas absolument certains. On ne doit pas écouter un avocat qui échange avec son client, sauf lorsqu’un soupçon pèse sur la participation de l’avocat à une infraction. Or, manifestement, les écoutes ont été poursuivies en l’absence de tout soupçon à l’encontre de Thierry Herzog et ce n’est que dans un second temps, du fait des écoutes, qu’un soupçon est né.

    Les explications techniques que je lis ici ne vont pas dans ce sens (voir également chez Eolas). Il semble que la jurisprudence autorise précisément ce que tu décris: les juges soupçonnent un délit, les écoutes en révèlent un autre et cela justifie la transcription.

    C’est le raisonnement que l’on trouve dans la lettre du procureur Lagauche (on remercie Mme Taubira qui a involontairement rendu public le document):

    Après examen de la jurisprudence relative à l’interception et à la retranscription de conversations entre une personne et son avocat, il apparaît que la validité de celles-ci, même si elle peut donner lieu à des contestations, peut se soutenir,le contenu des conversations et l’usage d’une ligne ouverte sous une identité d’emprunt étant de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d’une infraction au sens de l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 1er octobre 2003.

    La nécessité de faire procéder à des investigations ne pouvant être ordonnées que par un magistrat instructeur – notamment de nouvelles écoutes – a conduit le procureur de la République financier à requérir l’ouverture d’une information distincte des chefs visés en objet, ces faits n’ayant pas de rapport direct avec le dossier initial.

    Aristote a écrit :

    Azibert renseignerait Herzog sur l’avancement du dossier des agendas. Les juges fuitent dans tous les sens ce qu’ils veulent bien fuiter, mais l’intéressé serait condamnable parce qu’il chercherait à se renseigner. Assez véniel à mes yeux.

    Renseigner sur l’avancement d’une procédure n’a rien d’anodin. Que se passe-t-il si la personne soupçonnée est prévenue d’une perquisition imminente, par exemple?

    Pour ce qui est des conclusions à tirer de l’affaire, j’attendrai un peu, mais il semble bien que la crédibilité d’à peu près tous les protagonistes va en prendre un coup. Les dénégations des ministres de la Justice et de l’Intérieur sont absurdes: non seulement il est clair qu’ils étaient informés, mais c’était leur devoir de l’être… Nicolas Sarkozy et son avocat sont, au minimum, coupables d’un délit, l’usurpation d’identité. Le coup du téléphone occulte ramène l’ex-président au rang de dealer de quartier.

    Pour ce qui est des juges, ils ont à mon avis ont une latitude trop grande pour écouter, même si tout ne peut pas être retranscrit (Eolas explique bien la distinction et pourquoi cela pose problème). Mais on ne peut pas leur reprocher d’utiliser au maximum les moyens que la loi leur permet.

  • Malgré les nombreuses « fuites », nous ne connaissons pas exactement les éléments dont disposent les juges au moment où ils décident de mettre Nicolas Sarkozy sur écoute. Mais nous pouvons raisonnablement supposer qu’écouter un ancien président de la République n’étant pas un acte tout à fait banal, une certaine vigilance aura été de mise pour s’assurer que cette procédure tenait la route. Je crois qu’il serait donc abusif d’affirmer qu’il s’agissait seulement d' »aller à la pêche ».
    Les juges décident ensuite de continuer à écouter notamment les conversations de Nicolas Sarkozy avec son avocat. Là encore, pour faire cela, j’imagine qu’ils doivent avoir des billes (dont on a une petite idée, peut-être partielle, avec le petit manège supposé du trio Sarkozy-Herzog-Azibert).

    Certains voient dans ces affaires l’acharnement des juges qui se vengeraient du peu de considération que leur a manifesté Nicolas Sarkozy durant son quinquennat. D’autres imaginent même un complot ourdi par le pouvoir socialiste avec des juges à sa botte – alors que la très grande majorité de ces affaires a démarré sous le quinquennat précédent (les principaux changements étant que Nicolas Sarkozy n’a plus d’immunité présidentielle d’une part et que les affaires suivent désormais leur cours d’autre part).

    Il me semble qu’un autre constat s’impose : cette hallucinante accumulation d’affaires (certes très différentes les unes des autres et dont on ne sait pas encore à quels jugements elles aboutiront) impliquant Nicolas Sarkozy et nombre de ses proches à des degrés divers (Guéant, Buisson, Woerth, Hortefeux, Balladur, Gaubert, Balkany, Copé, Tapie, Pérol, etc.) ne témoigne-t-elle pas d’une certaine pratique du pouvoir ? Et la multitude d’interventions répertoriées, de serviteurs zélés dans la police ou dans la justice, et de coups tordus, pour influer sur le cours de ces affaires, n’illustre-t-elle pas aussi une certaine considération de la justice ?

    Le parcours du fameux M. Azibert semble à cet égard édifiant. Surnommé « Annulator » dans les milieux judiciaires à ses débuts, quand il déminait avec efficacité les affaires du RPR chiraquien, il a continué à servir son camp, à cultiver son réseau, à collectionner les postes et les honneurs pour services rendus (« avec ce que tu as fait ! »)… Beau parcours au service de la justice, un exemple de méritocratie républicaine.

    Mais qui peut encore s’accommoder de telles pratiques et de tels parcours ?

  • Gwynfrid a écrit :

    Les explications techniques que je lis ici ne vont pas dans ce sens (voir également chez Eolas). Il semble que la jurisprudence autorise précisément ce que tu décris: les juges soupçonnent un délit, les écoutes en révèlent un autre et cela justifie la transcription.

    Je suis d’abord peiné que tu préfères les explications du Monde aux miennes, mais ces explications ne contredisent nullement ce que je dis. Elles concernent un autre point : peut-on écouter un avocat ?

    Ces explications soulignent que l’on peut écouter un avocat si des soupçons pèsent sur lui, y compris si c’est une conversation entre un avocat et son client. Mais je le réaffirme : ce n’est pas parce que les juges avaient des soupçons contre Thierry Herzog qu’ils l’ont écouté mais parce qu’ils l’ont écouté qu’ils ont nourri des soupçons. Et c’est radicalement différent.

    En l’absence de soupçon, quand ils ont constaté qu’il s’agissait de communications entre un avocat et son client, ils auraient dû interrompre les écoutes. Ont-ils poursuivi de leur propre chef ou sur instruction ?

    J’avoue ne pas être spécialement convaincu par le raisonnement du procureur qui tend à justifier sa propre procédure plus que bancale.

    Jeff a écrit :

    D’autres imaginent même un complot ourdi par le pouvoir socialiste avec des juges à sa botte – alors que la très grande majorité de ces affaires a démarré sous le quinquennat précédent (les principaux changements étant que Nicolas Sarkozy n’a plus d’immunité présidentielle d’une part et que les affaires suivent désormais leur cours d’autre part).

    Et il serait évidemment impossible d’imaginer que M. Valls ou Mme. Taubira ait incité les juges à se sentir tout à fait libres dans leurs investigations, voire à trouver tout ce qui pouvait l’être.

    Je sais que Mme Taubira affirme qu’elle ne donne jamais d’instructions particulières mais puisqu’elle a déjà menti en affirmant ne pas avoir été régulièrement informée des écoutes, peut-être serait-ce être un poil crédule que de l’imaginer pure et innocente ? Tout comme on peut s’étonner de cette séquence à 15 jours d’un scrutin mal engagé pour le pouvoir. Tout comme on peut s’étonner que le produit d’écoutes judiciaires pour le moins tendancieuses se retrouve dans la presse.

    Quant aux pratiques sarkozystes, on peut les rejeter sans accepter pour autant les pratiques socalistes.

  • Gwynfrid a écrit :

    Renseigner sur l’avancement d’une procédure n’a rien d’anodin. Que se passe-t-il si la personne soupçonnée est prévenue d’une perquisition imminente, par exemple?

    Vous choisissez bien votre exemple. Mais il s’applique difficilement à un dossier de cassation qui se juge uniquement en droit.

  • Gwynfrid a écrit :

    Nicolas Sarkozy et son avocat sont, au minimum, coupables d’un délit, l’usurpation d’identité. Le coup du téléphone occulte ramène l’ex-président au rang de dealer de quartier.

    Euh…

    Vous vous savez ou vous vous doutez d’être écouté et vous cherchez à communiquer confidentiellement avec votre avocat.

    Vous discutez livraison de poudre avec vos fournisseurs.

    On peut faire un parallèle, mais cela ne convainc que les convaincus.

    Et d’ailleurs, sur le Net on se gausse de NS qui n’a pas pris les précautions de base que tous les dealers connaissent…

  • Aristote a écrit :

    Vous choisissez bien votre exemple. Mais il s’applique difficilement à un dossier de cassation qui se juge uniquement en droit.

    Et au stade duquel, surtout, aucune perquisition ne peut être déclenchée.

  • Gwynfrid a écrit :

    Cette tentative d’établir une équivalence entre les délits « de base » (excès de vitesse? petit oubli sur la déclaration de revenus? note de frais un brin gonflée? emploi de service au noir, comme dans l’exemple donné par Koz?) et les magouilles de haut niveau dont on parle aujourd’hui relève soit de l’aveuglement, soit de l’hypocrisie.

    Il ne fait rien de tel, il dit : « Je prétends que si vous et moi étions mis sur écoute pendant onze mois, on pourrait par une construction paranoïaque trouver des propos critiquables, voire susceptibles de quelque infraction. Personne n’est innocent de tout. »

    Tes « oublis sur la déclaration de revenus, note de frais gonflée, emploi au noir » entrent largement dans le cadre de « propos critiquables voire susceptible de quelque infraction ».

    Hier j’ai discuté avec une startup qui a développé une plateforme mettant en relation des particuliers qui se rendent des services (c’est très à la mode). Ce genre de dispositifs est assez ambigu en matière de droit social (est-ce du travail dissimulé? faut-il l’assujettir aux charges sociales?) Surtout en France où donner du travail est un méfait particulièrement combattu. Je suis convaincu que notre discussion, si elle avait été écoutée par un juge zélé, aurait pu conduire à mettre en examen l’entrepreneur, et peut-être moi aussi.

    Me Soulez-Larivière ne dit rien d’autre. Il pense que laisser l’autorité violer l’intimité des citoyens est liberticide. Tu es libre de ne pas être d’accord et de penser que ça ne gêne pas ceux qui n’ont rien à se reprocher. Pas besoin d’inventer un parallèle inexistant.

    Gwynfrid a écrit :

    Nicolas Sarkozy et son avocat sont, au minimum, coupables d’un délit, l’usurpation d’identité.

    Même s’il était mis en examen, Sarkozy serait présumé innocent. A ma connaissance il n’a pas été mis en examen à ce sujet. Si les faits allégués étaient avérés, ce serait un usage d’identité fictive ou une substitution d’identité, très différents d’une usurpation d’identité.

    Gwynfrid a écrit :

    Le coup du téléphone occulte ramène l’ex-président au rang de dealer de quartier.

    Ou au rang de n’importe quel opposant à un pouvoir corrompu.

    Eolas dans son billet recommande aux avocats de crypter toutes leurs communications. Dirais-tu que ça les ramènerait au rang de terroristes?

    Jeff a écrit :

    Malgré les nombreuses « fuites »

    C’est ironique n’est ce pas? On soupçonne Sarkozy d’avoir suborné un magistrat pour avoir des infos sur une affaire en cours alors qu’il suffit de lire Le Monde pour tout savoir. Il est trop con Sarko. Il aurait dû monter un journal plutôt que d’être avocat, ça a l’air plus efficace contre le secret de l’instruction.

    Jeff a écrit :

    Il me semble qu’un autre constat s’impose : cette hallucinante accumulation d’affaires

    Le constat qui s’impose est que l’homme au centre de cette hallucinante accumulation d’affaires a été mis sur écoute non-stop pendant 1 an, et aucune de ces hallucinantes affaires n’a été semble-t-il confirmée.

    Je me relis, j’ai l’air d’un partisan de Sarkozy. C’est inévitable dans ce système où on est forcément pour ou contre. Pourtant je me réjouis qu’un étatiste (doué, qui plus est) comme Sarkozy sorte du paysage. S’il peut emporter dans sa chute un autre spécimen sinistre (Taubira), j’en serais ravi.

    Mais la fin ne justifie pas les moyens. S’ils sont éliminés par des moyens pareils, c’est que leurs successeurs seront pires encore.

  • Bonjour,

    il me semble qu’il y a derrière cette affaire le problème du contrôle des juges, la seule corporation dans notre société qui n’est jugée que par elle même. Il y a certes un nombre important de gardes fous au processus judicaire, mais même une procédure annulée au bout d’un n-ième appel peut avoir fait un mal énorme, et les juges responsables de ces erreurs ne risquent pas grand chose.

    Ce contrôle des juges ne peut selon moi être exercé par les juges eux-mêmes: c’est la situation actuelle, qui est à mon avis un corporatisme confortable. Il ne peut évidemment être exercé par le gouvernement ou le parlement, sinon, un juge enquêtant sur les magouilles du pouvoir en place ne passerait pas l’hiver. Je n’ai pas de solution géniale, mais peut-être un juré de citoyens pourrait il faire l’affaire (il me semble que dans certains pays, les juges sont aussi élus).

  • @ Koz : Vous dites : « Ces explications soulignent que l’on peut écouter un avocat si des soupçons pèsent sur lui, y compris si c’est une conversation entre un avocat et son client. Mais je le réaffirme : ce n’est pas parce que les juges avaient des soupçons contre Thierry Herzog qu’ils l’ont écouté mais parce qu’ils l’ont écouté qu’ils ont nourri des soupçons. Et c’est radicalement différent ».

    Je suis entièrement d’accord avec vous. C’est effectivement le point névralgique du débat. Si l’on a des indices préalables d’une participation de l’avocat à un délit, l’écoute peut se justifier.

    A défaut de telles indices, rien ne peut justifier que l’on écoute des conversations couvertes par le secret. On bascule alors dans des pratiques de pêche aux preuves sans aucun lien avec l’objet de l’enquête initiale et dignes d’un Etat policier.

    Il reste que c’est la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui encourage ce genre de pratiques de pêche aux preuves. Depuis son arrêt Buffalo Grill de 2003, elle juge que « le principe de la confidentialité des conversations échangées entre une personne mise en examen et son avocat, ne saurait s’opposer à la transcription de certaines d’entre elles, dès lors qu’il est établi, comme en l’espèce, que leur contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d’une infraction, fussent-ils étrangers à la saisine du juge d’instruction » (Cass. crim., 1er octobre 2003, 03-82909). Cette jurisprudence, qui ne contient aucun garde-fou et ne formule aucune condition tenant à l’existence de soupçons préalables contre l’avocat, est une incitation directe à écouter de manière prolongée les conversations avocat/client dans l’espoir d’y entendre quelque chose d’incriminant.

    De manière plus générale, et pour parler crûment, les droits de la défense, les garanties de procédure, la Cour de cassation (et spécialement sa chambre criminelle) n’en a cure. Les évolutions favorables à un renforcement des droits de la défense lui ont toujours été imposées par d’autres, à commencer par la Cour européenne des droits de l’Homme.

  • Battre l’adversaire politique ou l’abattre?

    A mon modeste niveau:

    1. Je fais attention à ce que je dis en réunion.

    2.Je fais attention à ce que j’écris.

    3.Je considère depuis toujours que mon téléphone peut-être écouté et mon ordi « visité », tout comme ma maison qui l’a été d’ailleurs dans un passé récent.

    4.Je me demande si je ne vais pas me mettre à l’élevage des pigeons voyageurs.

    5.La situation présente me fait penser à l’assassinat du Duc de Guise. Et à celui du Maréchal Ney. En moins prestigieux et avec moins de panache. Mais toujours avec la même « envie »: battre, abattre le « rival » politique.

  • Lib a écrit :

    C’est ironique n’est ce pas? On soupçonne Sarkozy d’avoir suborné un magistrat pour avoir des infos sur une affaire en cours alors qu’il suffit de lire Le Monde pour tout savoir. Il est trop con Sarko. Il aurait dû monter un journal plutôt que d’être avocat, ça a l’air plus efficace contre le secret de l’instruction.

    D’autant plus que tu es bien protégé. De vraies blanchisseuses à violation du secret de l’instruction.

    Lib a écrit :

    Le constat qui s’impose est que l’homme au centre de cette hallucinante accumulation d’affaires a été mis sur écoute non-stop pendant 1 an, et aucune de ces hallucinantes affaires n’a été semble-t-il confirmée.

    Pour un peu, on entendrait des réactions de dépit. Mais si, effectivement, je ne m’illusionne pas trop sur l’extrême probité de Sarko, je fais le même constat : malgré les moyens déployés, il n’a toujours pas été mis en garde à vue, ni en détention préventive, et malgré toutes les fuites, rien de déterminant ne tombe dans la presse.

    oli71 a écrit :

    De manière plus générale, et pour parler crûment, les droits de la défense, les garanties de procédure, la Cour de cassation (et spécialement sa chambre criminelle) n’en a cure.

    D’accord sur votre premier point (sur la JP) et assez tristement d’accord sur celui-ci. Je ne suis pas pénaliste, et ne suis donc pas souvent confronté à la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais dans mon domaine, le droit de la concurrence, une partie de la procédure est calquée sur la procédure pénale, et je suis assez fréquemment scié de la tolérance vis-à-vis des irrégularités commises.

  • Bonjour,

    J’étais assez d’accord avec vos échanges jusqu’à lire un truc sur herodote.net :
    http://www.herodote.net/Herzog_Sarkozy_un_avocat_peut_en_cacher_un_autre-article-1460.php

    En résumé, il y est dit :
    – qu’il n’est pas bizarre que « les conversations téléphoniques de Nicolas Sarkozy, suspecté dans une affaire de financement libyen puis une affaire de trafic d’influence apparue incidemment, aient pu être écoutées et que ses conversations avec son avocat Maître Herzog l’aient été par ricochet ».
    – et que « Maître Herzog (..), Entretenant un flou savant, (..) a dénoncé des écoutes « entre un avocat et son client » alors qu’il s’agissait en vérité d’écoutes entre « un avocat suspect et son avocat », non critiquables sauf à considérer que les avocats jouissent d’une immunité leur épargnant la justice commune, ce qui n’est pas le cas comme l’a rappelé la garde des Sceaux. « 

    Qu’en pensez-vous ?.
    BigBen

  • @ Bigben:

    « ce n’est pas parce que les juges avaient des soupçons contre Thierry Herzog qu’ils l’ont écouté mais parce qu’ils l’ont écouté qu’ils ont nourri des soupçons. Et c’est radicalement différent. »

  • Il y a aussi l’intervention du juge Houlette du parquet financier. Le parquet n’existe que depuis janvier 2014 et elle instruit pour … un trafic d’influence dans une affaire déjà en cours depuis un an ? N’y a -t- il pas plus urgent pour un parquet financier dédié à la corruption financière et la grande fraude fiscale, de s’attaquer à une affaire politique en déshérence ? Voila un grand risque d’apparaître comme une intervention de pompiers en urgence ! Car, partir de 50 millions d’€ pour terminer sur une substitution d’identité n’est pas brillant. Quel juge ou responsable aurait envie après avoir fait bosser une petite équipe de leur dire : « Bon, finalement, non lieu : bon boulot, les gars ! … à la prochaine ? »
    Tout le monde n’a pas forcément le feu sacré…

  • Messieurs, Mesdames, permettez une observation de pur style: pourrait-on éviter le sigle « NS » pour désigner une personne physique ? C’est certainement mon histoire, mais ce sigle signifie historiquement un courant politique néfaste et que l’on apprécie l’individu ou non, dactylographier en entier un nom de surcroît assez simple devrait être peu de peine.

  • @ Bigben : je pense que c’est assez singulièrement stupide et qu’il est regrettable de mêler ce pauvre Hérodote à cela. Généralement, le client d’un avocat pénaliste vient le voir parce qu’il a quelques soucis, de nature pénale. La probabilité pour qu’il soit donc suspect de quelque chose est assez élevée. La protection des droits de la défense ne s’appliquerait donc qu’aux clients suspectés de rien ?

    C’est le coeur du boulot d’un avocat pénaliste que de s’entretenir avec des personnes « suspectes » et, dans une proportion non négligeable, innocentes.

    Pour le reste, la réponse est dans mon billet et ses commentaires.

    @ amike : il est effectivement remarquable que ce nouveau procureur n’ait pas trouvé d’affaires plus urgentes que celle-ci. A peine installée, on l’a mise en priorité sur le dossier Sarko. C’est assez révélateur.

    Et maintenant, Christiane Taubira nous sort la fable de la directrice de cabinet qui ne l’aurait pas informée. Qui peut croire à une idiotie pareille ? Cette dircab, d’un cabinet où les têtes ont valsé plus d’une fois, serait informée du fait que l’ancien président de la République est sur écoutes mais, voyant plusieurs fois par jour sa ministre, c’est précisément l’info qu’elle aurait choisi de ne pas lui révéler…

    En prime, Christiane Taubira affirme lui renouveler sa confiance alors que, si ce scenario était vrai, il s’agirait d’une faute politique majeure, ayant mis très directement en danger le ministre.

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  • Koz a écrit :

    J’avoue ne pas être spécialement convaincu par le raisonnement du procureur qui tend à justifier sa propre procédure plus que bancale.

    Je ne prétendrai pas être capable de juger par moi-même de la validité de la procédure, je laisse ça aux pros. Vu la rapidité de la justice et les possibilités d’appel dans notre merveilleux pays, on devrait être fixés quelque part dans les années 2020.

    Aristote a écrit :

    Vous choisissez bien votre exemple. Mais il s’applique difficilement à un dossier de cassation qui se juge uniquement en droit.

    Soit, mon exemple ne serait applicable qu’à une enquête de moindre niveau. Mais dois-je conclure que, parce que c’est en cassation, les conversations sur l’avancement de la procédure sont sans importance?

    Aristote a écrit :

    Certes, mais le dossier, à ce que l’on peut en comprendre de l’extérieur, semble bien vide pour justifier si tardivement des écoutes si longues ! je n’ai pas accès au dossier, mais Médiapart oui et il aurait fait son miel d’éléments accablants. je peux me tromper.

    Pas du tout. Vous avez, au contraire, vu juste avec pas mal d’avance.

    Lib a écrit :

    Ou au rang de n’importe quel opposant à un pouvoir corrompu.

    Ah oui, c’est vrai, j’oubliais: on est en dictature socialiste, il faut utiliser les moyens de la Résistance avec un grand R.

    Lib a écrit :

    Eolas dans son billet recommande aux avocats de crypter toutes leurs communications. Dirais-tu que ça les ramènerait au rang de terroristes?

    Crypter ses communications n’est pas illégal. Acheter un téléphone sous un nom emprunté à quelqu’un d’autre l’est. Je ne suis pas expert du droit pour te dire comment le délit s’appelle mais il existe.

    Lib a écrit :

    Pourtant je me réjouis qu’un étatiste (doué, qui plus est) comme Sarkozy sorte du paysage.

    Pas moi. C’est ce que je pensais à propos de Chirac, mais j’avais oublié la possbilité que le successeur soit encore pire… Une remarque que tu fais toi-même en conclusion, d’ailleurs.

  • Gwynfrid a écrit :

    Pas du tout. Vous avez, au contraire, vu juste avec pas mal d’avance.

    De mémoire, Aristote parlait de l’affaire d’origine : le financement étranger suspecté. Et à ma connaissance, Mediapart ne sort rien là-dessus.

  • Koz a écrit :
    De mémoire, Aristote parlait de l’affaire d’origine : le financement étranger suspecté. Et à ma connaissance, Mediapart ne sort rien là-dessus.

    Zut, tu as raison. Moi qui comptais sur les pouvoirs de prescience d’Aristote pour me donner des tuyaux au Loto, me voilà tout déçu.

    Bon, tout de suite je n’ai pas le temps de commenter le nouveau billet… à plus tard.

  • Gwynfrid a écrit :

    Ah oui, c’est vrai, j’oubliais: on est en dictature socialiste, il faut utiliser les moyens de la Résistance avec un grand R.

    Je ne te reproche pas de ne pas avoir trouvé mieux, mais de t’être laissé aller à cette réponse. Tu aurais mieux fait de laisser courir.

    Non nous ne sommes pas en dictature. Nous sommes dans un régime où un ministre menace publiquement de contrôle fiscal une entreprise qui a gagné une affaire contre une autre qu’il avait choisi de privilégier. Un régime où le pouvoir utilise ouvertement l’appareil d’Etat contre ceux qui lui déplaisent.

    Gwynfrid a écrit :

    Acheter un téléphone sous un nom emprunté à quelqu’un d’autre l’est. Je ne suis pas expert du droit pour te dire comment le délit s’appelle mais il existe.

    Probablement. En France en 2014, si tu as un doute, tu peux être sûr que c’est interdit d’une façon ou d’une autre.

    Heureux de voir que ces écoutes de 11 mois ont permis de révéler ces graves faits délictueux. Ca justifie bien les écoutes a posteriori, hein?

  • @ Lib:
    N’ayant pas accès au dossier. Je ne trouve pas les écoutes justifiées, a priori. Je trouve que les jugements sur ce point sont prématurés. Après réflexion, je tombe d’accord avec Koz et Eolas pour rejeter les écoutes des conversations entre un avocat et son client. La justice française y a recours beaucoup trop facilement et cela conduit à des situations tordues comme celles dont nous discutons aujourd’hui.

    Pour ce qui est du comportement de Sarkozy, par contre, je trouve que les commentateurs de droite, comme c’était prévisible, ont l’excuse facile. Le coup du téléphone sous un faux nom est presque anecdotique, mais il est révélateur. Voilà un monsieur qui apprend qu’on écoute son téléphone, de façon illégale, d’après lui. Quelle est sa réaction? Porte-t-il plainte, fait-il grand bruit pour protester contre cette violation de ses droits? Il aurait sans doute une bonne chance, ce faisant, d’obliger les juges à mettre fin à l’opération ainsi éventée… Mais non. Il n’a rien de plus pressé que d’acheter un téléphone sous pseudo. Est-ce le comportement du gars sûr de son bon droit?

    Cela dit, je ne voudrais pas détourner toute la discussion. Ce point est mineur, relativement au problème d’ensemble que décrit Koz dans ces deux billets. Le sujet est bien plus intéressant que les faits et gestes, délictueux ou pas, de l’ancien président.

  • Gwynfrid a écrit :

    Pour ce qui est du comportement de Sarkozy, par contre, je trouve que les commentateurs de droite, comme c’était prévisible, ont l’excuse facile.

    Note que cela tombe bien, pour équilibrer avec les commentaires de ceux qui ont l’incrimination facile. 😉

    Tiens, par exemple, Nicolas Sarkozy n’apprend pas qu’on l’écoute, il ne fait que s’en douter. Comment le prouverait-il ?

    En outre, il n’y a rien d’illégal par principe dans l’écoute de son téléphone officiel. Cela devient éventuellement illégal en fonction des conversations enregistrées avec son avocat mais, dans la mesure où l’on n’adresse pas la retranscription de leurs écoutes aux personnes écoutées, rien ne lui permet d’affirmer que tel est le cas.

    Quant aux écoutes de son téléphone « dédié », manifestement, il ne les soupçonnait pas, sans quoi il aurait tenu d’autres propos, et son avocat également.

    Dans ces conditions, quelle protestation émettre ? Quel scandale faire ? Et quelle chance d’obliger les juges à mettre un terme aux écoutes.

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