Déchirures

affiche-la-dechirureOn n’oublie pas La déchirure. Je devais avoir un peu plus de dix ans, et cette affiche, déjà, m’impressionnait. Des années plus tard, j’ai vu ce film, seul. Cela doit faire plus de quinze ans mais j’ai encore des scènes bien ancrées dans ma mémoire.

En ce moment se déroule le procès de Kaing Guek Eav, connu sous le nom Douch, gardien et tortionnaire du centre d’interrogatoire S-21 où 12.380 adultes et enfants ont été tués. Faut-il s’infliger la liste de ces horreurs, qui nous en rappellent d’autres ? Malheureusement, je crois que oui. Et c’est ce qui fut fait au tribunal, hier.

« Quatre heures durant, ce fut une terrifiante litanie : les enfants arrachés à leur mère et jetés du troisième étage de la prison pour leur casser la nuque, les quatre étrangers brûlés vifs, les ongles des doigts et des orteils arrachés, des «autopsies pratiquées sur des vivants». Puis il y eut ce film, tourné par les soldats vietnamiens lorsqu’ils sont entrés dans Phnom Penh en 1979. Aux images de salles de tortures où des corps décapités, enchaînés à un lit baignant dans des mares de sang, succèdent celles des corbeaux déchirant les chairs en putréfaction. »

Fort heureusement, on sait aussi ce dont l’Homme est capable pour venir en aide à l’autre, son voisin, son prochain.

Car c’est encore la question de notre humanité qui est interrogée par ce genre de faits, au travers de la question de l’humanité des bourreaux. C’est la même question que celle qui a agité l’Allemagne lors de la diffusion de La Chute. C’est la même question que celle que soulève brillamment Eric-Emmanuel Schmitt dans La Part de l’autre. Aussi horrible que soit l’énoncé de ces crimes, aussi horrible que soit l’idée que des enfants puissent être arrachés à leur mère et précipités ainsi dans le vide, on ne peut pas simplement rejeter les bourreaux hors de l’humanité. Trop facile. Hitler était un homme, comme moi. Douch est un homme. Comme eux, en moi, il y a cette part de l’autre, dont je ne peux qu’espérer qu’elle ne s’exprimera jamais. Mais de toute évidence, en notre humanité, il y a la part de l’autre.

Douch est un homme. Trente ans après les faits, il reconnaît sa responsabilité. Lors d’une reconstitution, l’an dernier, il s’est effondré en larmes sur l’épaule de son gardien, en disant : « je sais que vous ne pouvez pas me pardonner, mais je vous demande de m’en laisser l’espoir« .

On peut penser que ces regrets, cette demande de pardon ne sont qu’une stratégie opportune, qu’il a « le même air « suffisant et autoritaire » qu’à S-21″. Mais le bourreau Douch est aussi cet autre. Il a aussi en lui cette part de l’autre qui, en l’occurrence, est cette part qui lui permet de pleurer, et de demander pardon.

Son avocat veut y voir une occasion de «ramener dans l’humanité celui qui a commis des crimes contre l’humanité». La formule est plaisante et pas totalement fausse. Mais cette humanité, il ne l’a jamais quittée, aussi inhumains que ses actes nous apparaissent.

Changement d’époque et de lieu. Autre déchirure, toujours en cours, elle. Nous sommes à Doha. La ligue arabe, et Hugo Chavez, viennent d’apporter leur soutien à Omar El-Béchir, accusé d’être « coauteur indirect ou qu’auteur indirect, d’attaques intentionnellement dirigées contre une importante partie de la population civile du Darfour, de meurtres, d’actes d’extermination, de viol, de torture, ainsi que de transfert forcé d’un grand nombre de civils et de pillage de leurs biens », ce à quoi on pourrait ajouter l’expulsion des ONG qui venaient en aide à ces populations harcelées.  Ils oublient que « les juges qui ont inculpé M. Al-Bachir étaient ghanéenne, lettone et brésilienne », comme le rapporte Le Monde. Et, comme il le souligne également, que « la justice internationale est patiente et obstinée ».

Billets à peu près similaires

64 commentaires

  • C’est vrai qu’on n’oublie pas La Déchirure, comme on ne peut oublier certains témoignages, certains noms, certains visages. Ceux des victimes, ceux des bourreaux, ceux des saints et ceux des « hommes gris ». Tous hommes.

    Rejeter les monstres hors de l’humanité, c’est élever un barrière protectrice (et tellement illusoire) entre « eux » et « nous ».

    Parfois, prendre conscience que notre humanité, c’est aussi cet être pervers, égoïste, violent, sadique qui sommeille en nous, c’est un des garde-fous pour ne pas se réveiller un jour dans la peau d’un assassin. Peu d’entre nous (lecteurs de Koz) sommes confrontés à des situations où l’éclatante blancheur de la morale tourne au gris, puis parfois au noir le plus sombre. Mais on est plus souvent sur le fil que ce que l’on peut imaginer. Les guerres peuvent révéler le pire en l’homme. Les caves aussi.

    Ces histoires qui ont l’air de venir d’autres temps, d’autres lieux, d’autres mœurs nous interrogent sur « qu’est-ce que l’humanité? ». Humanité de moi, ici, aujourd’hui. Humanité de l’autre, ailleurs, hier, demain. Vaste question.

    Une toute petite partie de la réponse peut être que l’humanité, c’est être capable de traiter en homme celui qui a déshumanisé ses semblables, en l’amenant à répondre de ses actes devant la justice et en lui laissant la possibilité de trouver le repentir.

    Merci pour ce billet qui donne largement matière à réflexion.

  • La déchirure, 1984. Il me reste une image, qui me serre encore la gorge.

    « Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. » Terriblement dur, et terriblement vrai.

    Philo a écrit:

    l’humanité, c’est être capable de traiter en homme celui qui a déshumanisé ses semblables

    +1.

  • Philo a écrit:

    Une toute petite partie de la réponse peut être que l’humanité, c’est être capable de traiter en homme celui qui a déshumanisé ses semblables, en l’amenant à répondre de ses actes devant la justice et en lui laissant la possibilité de trouver le repentir.

    Et que la justice des hommes serait « la revanche » de l’humanité ? Un peu comme Harry renonce au dernier moment à abattre Luigi, qu’il tient pourtant au bout de son flingue, puis le saisit par le col, le relève, et le livre à la justice, avec la lèvre inférieure contractée, montant ainsi qu’il maîtrise sa part de l’autre.

  • Un detail qui n’en est pas forcement un: Douch attribue ses regrets (et sa demande de pardon) a sa conversion au christianisme.

  • Oui. Je ne l’ai pas évoqué pour deux raisons : (i) j’avais résolu d’aborder un sujet non catho cette fois-ci et en ai donc évacué un autre pour traiter celui-là avant de m’apercevoir qu’il y avait tout de même une dimension catho (certainement pas un hasard) et (ii) si je n’ai pas de raison de douter de la sincérité de ses remords et de sa demande de pardon, je suis bien trop éloigné du dossier et de l’actualité cambodgienne pour m’en faire une idée. Je ne préférais pas mêler le christianisme à ce qui pourrait être une stratégie judiciaire. Même si, tout de même, il est le seul à ce jour à assumer, et à demander pardon.

  • Koz a écrit :

    Il a aussi en lui cette part de l’autre qui, en l’occurrence, est cette part qui lui permet de pleurer, et de demander pardon.

    A rapprocher de : « te voilà redevenu un homme puisque tu pleure » (Jules Verne, « L’île mystérieuse »), cité par Mauriac dans « Le Sagouin ».

    Philo a écrit :

    Les guerres peuvent révéler le pire en l’homme.

    Oh que oui, hélas! (Hi Philo, nice to see you again here)

  • Il n’y a pas que les guerres… sous la colère, personne d’entre vous n’a jamais fait qq chose qu’il ait profondément regretté ensuite ? Frappé un enfant, ou un animal ?… Et encore, on dit « sous l’effet de la colère » pour se dédouaner… Mais l’inhumanité est au tréfonds de chacun de nous, malheureusement… Et qui sait comment nous aurions réagi dans certaines situations…
    Merci de ce papier qui donne des frissons et des angoisses…

  • « Et, comme il le souligne également, que “la justice internationale est patiente et obstinée”. »

    Peu importe, la décision de la cours reste d’une affligeante stupidité. La paix ne s’obtient pas à coup de grande déclaration morale et de désir de justice. Que cela plaise ou non il n’est pas question d’envoyer plusieurs dizaine de milliers d’hommes occuper les milliers de km² du Darfour ni même faire un raid sur Khartoum pour obtenir l’extradition de Al-Bashir.

    Par conséquent, il faudra négocier avec ce régime. Mais voilà, nos brillants défenseurs des droits de l’homme ont eu la merveilleuse idée de le mettre en rogne. Maintenant ce sera plus difficile, à commencer par les populations locales privées d’aide humanitaire. La paix ne s’obtiendra pas en demandant la justice illimité, la juste punition des méchants mais en acceptant des compromis difficiles.

    Cela tombe bien, c’est précisément ce qui a avait été fait dans le sud du Soudan. Les deux camps avaient fini par accepter la paix de compromis au lieu de s’entêter dans l’espoir d’une victoire totale et la réparation des tords passés.

    http://www.alliancegeostrategique.org/2009/03/09/edito-ags-justice-et-paix-au-soudan/

  • Lu, à la suite de quelques articles « linkés » dans ce « post », les commentaires.
    Si être humain c’est « être capable de traiter en homme celui qui a déshumanisé ses semblables », je suis triste d’avoir à conclure que certains de ces commentateurs ne sont pas humains. Avant de parler de pardon, il faudrait avant tout penser à rétablir la Loi du Talion : ce serait déjà une grande oeuvre civilisationnelle !

  • Je ne suis pas sûr qu’à toutes choses provocation soit bonne, PMalo. Sans même entrer dans un débat sur votre conception de la loi du talion, notez seulement qu’elle était une expression de la justice. Ce qui ne contredit donc pas le propos que vous citez.

  • C’est un très bon sujet parce qu’il est rare qu’un criminel de cette ampleur soit non seulement attrapé vivant, soumis à une justice qui ne soit pas une simple parodie, et en plus exprime ses plus profond regrets et demande pardon. Je remarque que de nos jours, la plupart des terroristes/criminels jugés pour des faits extrêmement graves ne se repentent plus jamais; je serais par exemple époustouflé que le meurtrier Fofana se repente pour le calvaire qu’il a fait enduer à Ilan Halimi, et s’il le faisait alors cela pourrait faire plus pour le futur de la France que n’importe quelle loi prise par n’importe quel exécutif. Le pardon demandé par Douch sera je crois, essentiel pour le futur du Cambodge – une chance que n’ont eue ni l’Allemagne ni la Russie. Ni la France pour 1793.

    Mettre un criminel hors de l’humanité est effectivement la solution de facilité, mais il est à noter que c’est la solution naturelle que TOUTES les cultures jusqu’au christianisme ont pratiqué. Le retour de bâton c’est qu’on risque d’en faire une divinité baroque en le mettant ainsi au ban; on peut d’ailleurs avec René Girard penser que tous les faux dieux étaient au départ des victimes de la foule unanime, des hommes mis au ban. C’est aussi une façon de se dédouanner, de ne pas voir en face le mal en chacun de nous et de nier le dogme du péché originel.

    Mais c’est aussi à partir de ce genre de cas que les accusateurs du christianisme n’hésiteront pas à faire feu de tous bois. Ils diront qu’il est trop facile à un tel criminel de demander pardon, qu’il est insoutenable pour les victimes de ne pas se venger, de ne pas pouvoir au moins pratiquer le oeil pour oeil, dent pour dent. Les mots hypocrisie, injustice, désordre social sortent alors plus vite que les revolvers. L’islam en particulier joue sur du velours à cette occasion, convertissant allègrement à mon avis à la lumière de ce genre de cas et du traitement que le christianisme en fait.

    C’est quelque-chose de l’immense drame de la nature humaine qui se joue là. Le Mystère est tout autant qu’un homme puisse se montrer aussi cruel, que le fait qu’il puisse plus tard s’humilier à demander pardon. Et le Mystère le plus incroyable, la preuve la plus inouïe de l’Amour de Dieu, serait qu’il se trouve quelqu’un pour lui pardonner. Nous ne pouvons que nous incliner devant ces Mystères, et faire s’incliner la Raison qui n’arrivera jamais à les percer.

    Quoiqu’il en soit je pense qu’il faut décoreller le processus de guérison chrétienne – repentance, pénitence, pardon – de la peine infligée par les autorités civiles. Laquelle doit être graduée, et dans des cas comme celui-ci je ne suis pas opposé à la peine de mort laquelle n’est pas forcément incompatible avec le pardon des victimes.

  • Je suis d’accord avec une bonne partie de votre commentaire, sous quelques réserves, mais très surpris par sa chute.

    En ce qui concerne les réserves : nul ne dit qu’il faille accueillir naïvement la demande de pardon. En outre, que l’islam convertisse à la lumière de ce genre de cas est regrettable mais n’est certainement pas une raison pour changer le traitement qui en est fait.

    Je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’il faut décorreller la question du pardon de la réponse judiciaire. Le comportement doit recevoir une juste sanction et, en l’occurrence, la prison à perpétuité ne semble pas exagérée.

    Mais conclure, dans ce cas précis, au bien-fondé de la peine de mort me laisse pantois. Ainsi donc on reconnaîtrait la démarche de pardon, on accorderait son pardon, et on exécuterait ensuite ? Jusqu’où décorrellez-vous ?

  • Koz a écrit:

    Mais conclure, dans ce cas précis, au bien-fondé de la peine de mort me laisse pantois. Ainsi donc on reconnaîtrait la démarche de pardon, on accorderait son pardon, et on exécuterait ensuite ? Jusqu’où décorrellez-vous ?

    Je ne vois pour ma part aucune contradiction dans le raisonnement d’aquinus et plutôt le dénouement le plus harmonieux possible d’une tragédie atroce.
    Le coupable n’a pas sollicité pitié mais pardon, ce qui est fondamentalement différent.
    La peine est, autant que faire se peut, à la dimension de la faute.
    Le condamné meurt serein car pardonné.
    La sincérité de la demande de pardon se mesure à hauteur de l’admission de la faute et de son châtiment par le condamné.
    Staline avait bien compris ce principe de fonctionnement.

  • Si pardon il y a, d’où vient-il? des victimes directes du crime me semble-t-il. L’institution judiciaire c’est autre chose, elle est bien obligée de répondre au moins partiellement de la paix civile. Récemment à Toulouse un homme a croisé en pleine rue le meurtrier de sa mère qui avait purgé sa peine; cet homme a réussi à se contrôler et le canard local n’a fait que rapporter l’événement incongru. Mais si on lâchait Douch en pleine rue à Pnomh Penh je doute fort qu’il reste vivant longtemps.

    Perpétuité me dîtes-vous, mais alors Douch prend la même peine que celui qui tue sa femme parce qu’elle commet un adultère. Où est la graduation de peine? inévitablement on en arrive à réduire les autres peines, et donc un « simple » meurtrier ne fait que quelques années de prison dorénavant. Je suis assez d’accord avec la tendance récente qui dit qu’une peine de prison peut toujours être comuée en libération anticipée; la contrepartie à cela me semble être la possibilité de recourir à une peine capitale pour les cas les plus extrêmes. Tout ceci prenant un relief encore plus incroyabe lorsque le « pocessus chrétien de justice » n’est plus opératif, c’est-à-dire lorsque les criminels ne se repentent plus. Si Fofana ne demande pas pardon, pleinement et sincèrement, alors je pense complètement fou que cet homme puisse un jour déambuler librement dans les rues de sa ville. Les torrents de haine que cela provoquerait, seront inarrêtables.

    Ce qui est insupoortable avec la peine de mort, c’est lorsqu’elle tourne au lynchage public et euphorique, qui crée du mythe et du sacré là où il ne doit surtout pas y en avoir. Comme c’est malheureusement encore le cas en maints endroits du monde. Mais la façon aseptisée dont les Américains la pratiquent me semble moins dangereuse.

    Il me semble aussi que l’abolition de la peine de mort est la cerise sur le gâteau; certainement pas un principe d’airain auquel on doit se tenir mais l’aboutissement d’un processus de civilisation long et toujours fragile. En France par exemple, je suis prêt à parier n’importe quoi que dans le demi-siècle qui vient la peine de mort sera rétablie parce qu’elle apparaîtra comme un outil coercitif indispensable dans un pays en cours avancé de barbarisation. Le « peuple » finira par la réclamer à grands cris, et à l’obtenir. Lorsque le chaos social est avancé, comme au Mexique en ce moment, je ne vois pas bien comment s’en passer.

  • voituredupeuple a écrit:

    Staline avait bien compris ce principe de fonctionnement.

    Merci, voituredupeuple, de recadrer le débat.
    Il est vrai que les khmers rouges eux-mêmes demandaient à leurs victimes de faire leur autocritique publique, de sorte qu’ils étaient bien conscients de leurs crimes avant d’être exécutés. Ils mourraient sereins, du coup.

    aquinus a écrit:

    Si pardon il y a, d’où vient-il? des victimes directes du crime me semble-t-il. L’institution judiciaire c’est autre chose, elle est bien obligée de répondre au moins partiellement de la paix civile.

    Outre le fait qu’il s’adresse en partie au pays tout entier, Douch demande, précisément, pardon aux parties civiles.

    aquinus a écrit:

    Perpétuité me dîtes-vous, mais alors Douch prend la même peine que celui qui tue sa femme parce qu’elle commet un adultère. Où est la graduation de peine ?

    Il est sûr qu’avec la peine de mort, on n’a plus de problème de graduation de peine. Mais alors, celui qui fait pire que Douch, on fait quoi ? On pisse sur son cadavre après l’exécution, histoire que ce soit pire que pire ?

    aquinus a écrit:

    Si Fofana ne demande pas pardon, pleinement et sincèrement, alors je pense complètement fou que cet homme puisse un jour déambuler librement dans les rues de sa ville. Les torrents de haine que cela provoquerait, seront inarrêtables.

    C’est un peu définitif, et absolument pas étayé par les expériences passées. Croyez-vous que Fofana serait le premier ? Au demeurant, il est probable qu’il ne sorte pas avant 30 ans.

    aquinus a écrit:

    En France par exemple, je suis prêt à parier n’importe quoi que dans le demi-siècle qui vient la peine de mort sera rétablie parce qu’elle apparaîtra comme un outil coercitif indispensable dans un pays en cours avancé de barbarisation.

    Donc, il s’agit de l’aboutissement d’un processus long de civilisation, mais réversible. Bref, ce n’est pas un aboutissement.

    Quant à la « barbarisation » de la France, je crois que je commence à mieux comprendre ce qui sous-tend vos raisonnements.

  • aquinus a écrit:

    C’est quelque-chose de l’immense drame de la nature humaine qui se joue là. Le Mystère est tout autant qu’un homme puisse se montrer aussi cruel, que le fait qu’il puisse plus tard s’humilier à demander pardon. Et le Mystère le plus incroyable, la preuve la plus inouïe de l’Amour de Dieu, serait qu’il se trouve quelqu’un pour lui pardonner.

    C’est ce qu’à fait Jean-Paul II avec celui qui avait tenté de l’assassiner.
    Et aussi la personne qui avait bruler une fille qu’il aimait parce qu’elle l’avait rejeté avant de lui demander pardon au procès. On n’en parle pas bcp.

  • voituredupeuple a écrit:

    Le coupable n’a pas sollicité pitié mais pardon, ce qui est fondamentalement différent. La peine est, autant que faire se peut, à la dimension de la faute. Le condamné meurt serein car pardonné. La sincérité de la demande de pardon se mesure à hauteur de l’admission de la faute et de son châtiment par le condamné.

    Là, dostoïevski le dit aussi dans crime et chatiment.
    Cela dit, l’argument de koz me semble juste au niveaud e la gradation de peine.
    Le risqsue avec cela c’est que la peine de mort devienne une façon de se venger. Le seul cas où la peine de mort me semble admissible, c’est celui où la légitime défense de la société l’impose.

    Quiant aux libérations anticipées, le problème serait en grande partie réglé si le juge qui atténuait la peine était responsable des conséquences négatives que ce choix peut avoir.
    Que dit Eolas sur ce sujet?

  • On ne peut pas évacuer le thème de la vengeance aussi rapidement. Les sociétés occidentales actuelles prennent pour un fait relevant de la nature humaine, que si le procès est équitable alors les parties civiles n’éprouveront pas ou peu le besoin de se venger, et que la blessure passera avec le temps. C’est une vision rousseauiste des choses qui est totalement déconnectée de la réalité; cela n’a fonctionné en Europe de l’ouest pendant quelques générations, uniquement parce que les populations y étaient toutes pétries de culture chrétienne. A mesure que cela s’estompe, va ré-apparaître plus vif que jamais le besoin naturel de vengeance. Ce problème n’est à peu près jamais évoqué par les intellectuels et jursites actuels, pour le peu que j’en sache, en raison d’une vision de la nature humaine qui n’est plus réaliste mais utopique; j’aimerais bien en discuter avec éolas ou lire ce qu’il a pu écrire sur la question.

    @koz: ouais bon et alors, on s’en sort comment entre la graduation des peines d’un côté, et le fait désormais admis qu’aucune perpét ne peut être réellement appliquée? sans parler des libérations anticipées pour cause de maladie grave, incapacité, etc… tout semble concorder pour faire en sorte qu’aucun prisonnier ne meure jamais. Comme si une mort sur le compte de la Justice discréditerait à jamais celle-ci en tant qu’institution, ce qui est encore une fois un contre-sens total.

    Bien des criminels furent relâchés koz, mais combien sans avoir exprimé le moindre pardon? peut-être pas tant que ça. Les assassins d’Action Directe viennent à l’esprit, et leur libération laisse à beaucoup un sale goût dans la bouche.

    Sur le processus de civilisation: lui est réversible et en effet, vous avez raison, l’abolition de la peine de mort n’est pas un aboutissement. Simplement une conséquence, certainement pas une cause.

    Pire: si Mr Chirac l’a fait graver dans le marbre, c’est précisément parce qu’il sent bien, comme presque tout le monde, que violence, incivisme et ignorance augmentent vitesse V et qu’il est urgent d’anticiper les demandes que ne vont pas manquer de faire les habitants d’ici quelque-temps.

  • Je pense que pour sortir un peu de la dimension de « l’humanité capable du pardon », qui est un sujet fascinant en incroyablement fondamental – j’y reviendrais peut être pour donner mon avis (et seulement si une majorité de lecteurs vote pour) – il y a aussi une démarche qui est un peu occultée ici mais qui est aussi tout à fait intéressante.

    Ce dont je veux parler, c’est l’aspect cicatriciel d’un procès public pour un peuple ou un pays qui a traversé l’épreuve du fascisme (rouge ou brun) et ses exactions criminelles ou génocidaires. C’est cette démarche qui avait présidé à la mise en place du procès de Nuremberg. Lorsqu’un peuple est confronté à « ça » personne ne peut en ressortir indemne – ni les victimes bien sur, ni les bourreaux, ni les complices, ni les passifs, ni même les enfants de bourreaux ou les enfants de victimes. Le problème lorsqu’une telle épreuve est traversée, c’est qu’on se retrouve vite complice (par omission, pour protéger sa famille, par peur, etc.) et tout aussi vite victime (par hasard, pour rien, pour certaines raisons et parfois les mêmes que pour celles qui vous font devenir complices).

    J’ai déjà dit ici que lors de discussions avec mon père ancien résistant où j’avais un jugement un peu tranché sur la collaboration, il était le premier à me rappeler que je n’avais pas vécu l’époque et que je n’aurais jamais tous les éléments à ma portée pour pouvoir émettre un jugement définitif d’ordre général et non au cas par cas.

    Le problème c’est que l’humanité « must go on », le pays « must go on ». Et Nuremberg avait aussi pour fonction de désigner le « ça » comme cause afin que la réconciliation et donc, les pardons de moindres ampleur puissent avoir lieu. Le monde, l’Europe, le peuple allemand lui-même devait se réconcilier avec l’Allemagne pour ne plus revivre « ça ».

    Le procès de Nuremberg n’était pas parfait, il était même teinté d’hypocrisie parfois lorsque certains nazis ont été sauvés et utilisés ensuite par les américains pendant la guerre froide, mais il possédait en lui cette sagesse qui consistait à désigner la responsabilité principale, la juger, la décrire, lui donner une qualification pénale, afin que l’histoire puisse continuer et continuer si possible sous un jour plus favorable. La peine de mort à l’issue des débats était anecdotique. D’ailleurs beaucoup de nazis se sont donnés la mort eux-mêmes. L’objectif de réconciliation était infiniment plus important. Et, grosso modo, il a été atteint.

  • Ca me rappelle un autre livre « Le Dit de Tyanyi » de François Cheng Prix Femina 1998.

    Ce livre se présente comme l’auto-biographie d’un chinois (Tyanyi) pris dans les tourmentes de l’histoire, et notamment de la Révolution Culturelle de Mao.

    Volontaire pour le goulag, il est envoyé en camps de rééducation où il subit mille tourments.

    A un moment, l’un de ses camarades intellectuels interné déclare (qqchose dans le genre) « le mal qu’on nous a fait est trop énorme, jamais notre soif de vengeance ne sera étanchée. Il nous reste qu’une solution, Pardonner comme le demande le Dieu des occidentaux »

    Je crois bien qu’en lisant cette tirade, j’ai compris un bon bout de l’intérêt de la philosophie chrétienne.

    Dans le cas de Douch, il est hiérarchiquement voire personnellement l’auteur de dizaines de milliers de morts atroces. Le ferions nous (enfin les cambodgiens) cuire à tout petit feu que ca ne serez même pas une fraction de ce que lui a fait subir.

    Comme le rapporte le « Le Dit de Tyanyi », il ne reste qu’une chose à faire : pardonner. Passer par perte et profit, et tourner vers la page.

    Mais comme dirait l’autre, avant de tourner la page, il faut la lire, jusqu’au bout.

    Je pense qu’il y a là un très intéressant débat sur ce qu’est le Pardon.

    A mon sens, ce n’est pas l’Oubli, même s’il permet la tranquillité d’esprit de la victime (j’allais dire le repos de l’âme), et ce n’est pas une Amnistie non plus, même si on renonce à des mesures de rétorsions sévères

  • Cyd a écrit:

    Mais comme dirait l’autre, avant de tourner la page, il faut la lire, jusqu’au bout.

    Très intéressant Cyd. Vous rejoignez mon post. En y apportant un autre élément qui est que pour pouvoir pardonner il faut encore savoir quoi pardonner. Et donc il faut l’établissement de la vérité complète.

    Cela rejoint aussi le génial programme de réconciliation nationale de Nelson Mandela – les bourreaux, à partir du moment où ils confessaient publiquement la totalité de leurs crimes, étaient amnistiés. Il n’y a pas eu de massacres de blancs afrikaaners.

  • @ Koz

    Je dois confesser, horresco referens, une réaction très ambiguë sur la peine de mort. Je laisse à d’autres le soin de disserter sur son efficacité, ou son manque d’efficacité, pratique.

    Non, ma question, c’est la dynamique qui a mené à son abolition. Car Badinter n’a rien aboli du tout. La peine de mort était déjà tombée en désuétude pratique : combien d’exécutions sous Giscard ?

    Réflexion d’une communauté humaine qui finit par refuser un châtiment qui retranche le condamné de l’humanité, affirmation que l’on n’a pas le droit de désespérer de quiconque, quelle que soit l’énormité de son crime ? Mais alors pourquoi l’escalade des peines, les peines de sûreté, etc. Et qui se soucie vraiment des condamnés, pourquoi ce désintérêt pour les conditions carcérales, le refus de payer pour la construction de prisons qui ne soient pas des taudis ?

    Au moins dans l’aire occidentale, l’abolition de la peine de mort a suivi la disparition de la foi en la Résurrection. En pays chrétien, la peine de mort n’était pas « ultime » et les plus grandes saintes se mobilisaient pour prier pour le salut éternel des condamnés à mort. La fin de cette espérance a conduit à clore la perspective de la société sur la vie biologique. La mort devient le grand tabou, tabou qui emporte avec lui la peine de mort. Ce n’est pas l’humanisation de notre société qui a conduit à la suppression de la peine de mort, c’est le déni de la mort.

    Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : non, le rétablissement de la peine de mort ne ferait pas ressurgir la foi en la Résurrection. Et un chrétien convaincu peut refuser la peine de mort. Mais il faut être lucide sur les raisons qui ont poussé nos sociétés à l’abandonner. Ce n’est pas parce que les Européens seraient plus « humains » que les Américains.

    Bien à vous.

  • Si vous vous confessez, Aristote, alors moi, je dois avouer. Et j’avoue ne pas vous suivre sur ce coup-là : l’Eglise non plus n’accepte pas la peine de mort, ne l’admettant que dans les cas, jugés « pratiquement inexistants« , « où celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie des êtres humains« . A-t-elle perdu la foi en la résurrection ?

    J’ai bien noté que ce ce n’est pas ce que vous écrivez directement mais les européens seraient-ils moins chrétiens que les américains, que leur foi pousserait à accepter encore la peine de mort ?

    Je crains que, parfois, le contrepied ne conduise à la perte d’équilibre.

  • @ Aristote : il y eut plusieurs exécutions sous Giscard, et je ne suis pas du tout certain que la peine de mort serait tombée en désuétude si celui-ci avait été réélu…son électorat y était opposé. Les peines de sûreté incompressibles, en France sont de 22 ans, ce qui laisse tout de même un espoir de sortie et de vie « après »…il est d’ailleurs parfois question de les allonger.
    qui se soucie des condamnés, beaucoup de gens, les prisons sont vétustes et en amélioration constante (mais il est vrai que l’augmentation du nombre d’embastillés ne facilite pas les choses…). mais il y a a une loi d’airain de la vie en prison : Elle ne doit pas être, paraître, pour les prisonniers, plus facile, confortable, que celle des moins bien lotis de la société qui les entoure et dont ils sont largement issus…

    et c’est bien une plus grande considération pour la vie humaine, une compassion oui, j’ose le dire, une civilisation plus humaine qui a amené l’Europe à abolir là ou les USA voisinent aujourd’hui avec la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite…

  • aquinus a écrit:

    Et le Mystère le plus incroyable, la preuve la plus inouïe de l’Amour de Dieu, serait qu’il se trouve quelqu’un pour lui pardonner.

    Le mystère, preuve de l’amour de Dieu, c’est surtout que Dieu pardonne, et en particulier, qu’il puisse pardonner à celui qui ne s’est pas repenti.

    En ce qui concerne le pardon de la part des victimes, je plussoie le beau commentaire de Cyd et les remarques d’Eponymus. Pardonner, c’est, pour une part importante, guérir.

    aquinus a écrit:

    En France par exemple, je suis prêt à parier n’importe quoi que dans le demi-siècle qui vient la peine de mort sera rétablie parce qu’elle apparaîtra comme un outil coercitif indispensable dans un pays en cours avancé de barbarisation.

    Soyez gentil de me donner la marque de votre boule de cristal, que je choisisse une concurrente.

    aquinus a écrit:

    Les sociétés occidentales actuelles prennent pour un fait relevant de la nature humaine, que si le procès est équitable alors les parties civiles n’éprouveront pas ou peu le besoin de se venger, et que la blessure passera avec le temps.

    Du tout. Elles interdisent, par la loi, aux victimes de se venger. C’est tout à fait différent, et c’est aussi un élément fondamental de la civilisation.

    aquinus a écrit:

    on s’en sort comment entre la graduation des peines d’un côté, et le fait désormais admis qu’aucune perpét ne peut être réellement appliquée?

    Vous avez une source ? Aux États-Unis, la perpétuité réelle existe. Certains États sont actuellement en train d’abolir la peine de mort pour la remplacer par la perpétuité réelle pour la simple raison que cette dernière… coûte moins cher au contribuable.

    Eponymus a écrit:

    j’y reviendrais peut être pour donner mon avis (et seulement si une majorité de lecteurs vote pour)

    A voté. Pour.

    Aristote a écrit:

    La peine de mort était déjà tombée en désuétude pratique : combien d’exécutions sous Giscard ?

    La dernière exécution en France (et en Europe de l’ouest) a eu lieu le 10 septembre 1977 (source Eolas). Il y a eu 3 exécutions sous Giscard, après 3 sous Pompidou (source Wikipédia). On peut parler d’une application rare, mais pas de désuétude.

  • Koz a écrit:

    Merci, voituredupeuple, de recadrer le débat. Il est vrai que les khmers rouges eux-mêmes demandaient à leurs victimes de faire leur autocritique publique, de sorte qu’ils étaient bien conscients de leurs crimes avant d’être exécutés. Ils mourraient sereins, du coup.

    Je paie normalement le prix de l’éllipse et c’est bien fait pour ma g…e. Mais enfin, Koz, vous aviez bien compris que le parallèle se limitait exclusivement à l’évocation des purges staliniennes des officiers supérieurs.
    Si certains d’entre eux ont certainement réagi comme le personnage de Montand dans « L’aveu » de Costa-Gavras, je suis persuadé que d’autres sont allés devant les pelotons d’exécution, peut-être en mouillant leur slip mais avec la « glorieuse » certitude de servir la Révolution et le Parti.

    Eponymus a écrit:

    La peine de mort à l’issue des débats était anecdotique. D’ailleurs beaucoup de nazis se sont donnés la mort eux-mêmes. L’objectif de réconciliation était infiniment plus important. Et, grosso modo, il a été atteint.

    Je partage totalement votre opinion sur le fait que l’objectif de réconciliation était – en bonne Realpolitik, dans l’intérêt général des Etats et des peuples concernés- l’essentiel.

    Pour autant et concernant sur un plan individuel, la réaction des proches des victimes, il ne m’apparaît pas nécessairement évident que l’impact cicatriciel d’une application de la peine de mort aux bourreaux ait été purement anecdotique.

    L’esprit de vengeance est aussi partie de notre humanité et, si après tout, l’application de cette peine a permis à certains desdits proches d’apaiser un peu leur souffrance, son intérêt peut au moins donner lieu à questionnement (tout le monde n’a pas la force morale que pouvait avoir JP2).

    Concernant le fait que certains nazis se soient donnés la mort, ainsi que Douch pourrait au demeurant être conduit à le faire: comment un catholique convaincu (surtout zélateur de fraîche date) pourrait-il résoudre l’insoluble contradiction existant entre vivre dans le perpétuel remords de l’épouvante des faits commis et l’interdit du suicide ?

    Le délivrer de cette souffrance en décidant de sa condamnation à mort ne serait-il pas faire preuve de davantage de miséricorde que de le laisser vivre ? Et d’une vraie charité chrétienne pour les décideurs, s’ils sont eux-mêmes croyants, à charge d’assumer moralement le lourd poids de cette décision.

    S’il en est besoin et pour éviter toute équivoque ou suspicion de trollage à fins obscures ou inavouables, je précise que je ne suis en rien un partisan forcené de la peine capitale. Mais l’abomination en cause et la rédemption de Douch sont en tous points exceptionnelles et peuvent justifier à mon sens une approche particulière.

  • Non je suis d’accord avec Aristote, si l’Europe a aboli la peine de mort c’est avant tout par perte totale de foi et tabou de la mort – syndromes post-modernes. Certainement pas par compassion, puisque cette soudaine compassion pour les meurtriers semble aller de pair avec une diminution fulgurante de compassion pour les victimes.

    C’est aussi très certainement la peur qui a motivé ces décisions, la peur de devoir un jour rendre des comptes, la peur panique d’être en position d’autorité et d’execer cell-ci. La preuve en étant que cette peur de donner la mort dans des conditions extrêmes, va de pair avec celle de punir en général.

    Il y a trop de faits concordants pour que l’on puisse mettre cette soudaine abolition générale sous le compte de l’humanisme compassionel, et non pas sur celui-ci de la désertion en rase campagne. A comparer au maladif pacifisme européen, qui rompt avec le principe de légitime défense: ça n’est en rien noble, c’est juste une trouille bleue.

    Je sais ce que dit le catéchisme de l’Eglise (depuis 1997) et j’ai du mal avec cette approche à ce point minimaliste. Sans compter de puissants mouvements dans l’Eglise qui demandent une nouvelle révision fisant à l’abolition pure et simple de toute peine de mort.

    Rappelons que pour un catholique, la peine d’excommunication est infiniment plus grave que celle de mort qui peut même être un honneur dans certains cas. Tout ceci laisse une bien curieuse impression…

  • C’est fou, tout de même, je choisis exprès un sujet parce qu’il me semble dépourvu d’implication religieuse directe, même si le thème du pardon n’y est pas étranger, et nous voilà en train de justifier de l’attitude chrétienne…

    voituredupeuple a écrit:

    comment un catholique convaincu (surtout zélateur de fraîche date) pourrait-il résoudre l’insoluble contradiction existant entre vivre dans le perpétuel remords de l’épouvante des faits commis et l’interdit du suicide ?

    Le délivrer de cette souffrance en décidant de sa condamnation à mort ne serait-il pas faire preuve de davantage de miséricorde que de le laisser vivre ? Et d’une vraie charité chrétienne pour les décideurs, s’ils sont eux-mêmes croyants, à charge d’assumer moralement le lourd poids de cette décision.

    Il y a quelques principes de base. Je me contenterais de rappeler ce que disait le Cardinal Poupard au lendemain de la condamnation de Saddam Hussein :

    « La vie humaine est toujours inviolable (…) Chaque créature humaine, même la plus misérable, a été créée à l’image et à la ressemblance du Seigneur. Dieu est le maître de la vie et de la mort »

    Par voie de conséquence, il me paraît aberrant de mêler un questionnement religieux à une réflexion qui consiste à dire qu’il serait bon pour un décideur chrétien d’appliquer la peine de mort à un homme pour lui éviter de vivre la tension entre le perpétuel remords et l’interdit du suicide. Notamment parce que, en décidant qu’il serait bon de soulager cet homme d’une tension que vous présumez, et que vous présumez insoluble, vous vous prenez pour Dieu (et encore, j’ai de gros doutes sur le fait que Dieu donne la mort). Vous vous permettez de vous ériger en juge de la vie d’un autre homme, ce qui n’est simplement pas acceptable.

  • @Gwynfrid: que Dieu puisse pardonner à celui qui ne s’est pas repenti est évident, même si ce n’est pas l’exemple qu’a donné Jésus sur la Croix. Tout comme il est possible qu’Hitler soit au paradis, car Dieu peut tout. Cela ne m’émeut guère, bien moins que de voir une victime perclue de douleurs pardonner à son boureau, et guérir de désir tout à fait naturel de vengeance. Car cela, c’est le miroir de la bonté divine, et ça arrive qu’on le voit – Nelson Mandela a été cité sur ce fil, et quel exemple il fut à cet égard.

    En ce qui concerne la vengeance, les états peuvent décréter ce qu’ils veulent et l’interdire comme en d’autres temps on criminalisait l’adultère. Et se gargariser en bons moralisateurs de l’avoir fait, ça ne change rien au fait que ce genre de pulsions tout à fait naturelles ne se combattent pas à coup de lois, mais par la foi. Non pas seulement l’éducation cela je n’y crois pas, mais par un supplément d’âme. On renonce réellement à la vengeance lorsque l’on sait comment en guérir – pas par peur de se faire coffrer. Or de nos jours, l’outil principal de guérison n’est plus enseigné, suscité ni promu; il me semble donc tout à fait logique de ne pas avoir à attendre longtemps avant que la vengeance repointe le bout de son nez et vienne modifier en profondeur notre culture et pratique juridiques. Voilà d’où je tire ma boule de cristal, et en grattant un peu on voit que c’est déjà bien avancé avec des expéditions punitives en hausse constante, et la pratique de l’omerta aussi qui est une conséquence indirecte de la pratique vengeresse.

    Quant à la façon d’aborder pepétuité, je pensais à l’Europe. les USA ne sont déjà plus la même civilisation.

  • francis a écrit:

    et c’est bien une plus grande considération pour la vie humaine, une compassion oui, j’ose le dire, une civilisation plus humaine qui a amené l’Europe à abolir là ou les USA voisinent aujourd’hui avec la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite…

    J’ai vécu 6 ans aux USA et j’ai beaucoup de mal avec la prétention des Européens à être plus « humains » que les Américains.

    Bien à vous.

    Koz a écrit:

    J’ai bien noté que ce ce n’est pas ce que vous écrivez directement mais les européens seraient-ils moins chrétiens que les américains, que leur foi pousserait à accepter encore la peine de mort ?

    « Chrétiens » peut se dire dans tant d’acceptions différentes que je ne sais pas répondre. Mais que les Européens soient nettement plus agnostiques ou athées que les Américains est un constat sociologique. Et ce sont plutôt les pays européens où un protestantisme de tradition libérale a très tôt affaibli la foi en la Résurrection qui ont été les premiers à abolir la peine de mort. Je ne prétends pas que la corrélation soit parfaite.

    Encore une fois, je ne suis pas du tout un militant de la peine de mort. Je dis simplement qu’il ne faut pas se leurrer sur les raisons qui nous ont conduit à l’abandonner.

    Je connais la position de l’Église avec laquelle je n’ai pas de querelle.

    Bien à vous.

    Gwynfrid a écrit:

    La dernière exécution en France (et en Europe de l’ouest) a eu lieu le 10 septembre 1977 (source Eolas). Il y a eu 3 exécutions sous Giscard, après 3 sous Pompidou (source Wikipédia). On peut parler d’une application rare, mais pas de désuétude.

    Merci pour les chiffres.

    Je parlais de désuétude pratique. La nuance sémantique avec application rare m’échappe.

    Bien à vous.

  • @koz #28: on peut tout aussi bien faire dire à cette citation du cardinal Poupard, que la légitime défense est illicite. Tenons-nous en au catéchisme en la matière, qui est plutôt explicite et penche en votre faveur.

    Ce que je pointe, mais j’ai sûrement tort, c’est qu’un tel principe juridique ne devrait être suivi par une juridiction civile que s’il est compris dans la population. C’est-à-dire, si celle-ci comprend la démarche chrétienne sous-jacente. L’aberrtion est de s’en tenir à cela dans une société qui n’est plus chrétienne, et où presque plus personne ne comprend ce qu’est le repentir, la pénitence, le pardon. L’abolition de la peine de mort n’est en Europe tout du moins, que le reflet d’une peur panique de la mort, de la peine, de la souffrance, de l’autorité.

  • Je ne connais pas « La déchirure ».
    En revanche, j’avais lu il y a quelques temps, dans Le Monde je crois, une interview de Douch assortie de quelques articles.
    Il en ressortait que Douch était un parfait exécutant, pas forcément très malin, mais fidèle et sincère.
    Il pensait faire le bien parcequ’il obéissait aux consignes de ses supérieurs, qui lui disaient que tous ces gens étaient des ennemis.
    Cette dimension est intéressante aussi je trouve.

    Sur Omar El Béchir, on peut dire que vous soufflez dans le sens du vent. J’aimerais bien entendre les mêmes anathèmes que ceux entendus au sujet de la Chine et du Soudan lorsqu’il s’agit du Cameroun, du Gabon, du Congo, du Tchad…

    Et, comme il le souligne également, que “la justice internationale est patiente et obstinée”.

    J’espère que vous (ou Le Monde) avez raison. Je milite pour ma part dans ce sens (au delà du cas d’Omar El Béchir, qui reste quand même un cas particulier assez compliqué – comme l’explique ZI).
    Reste que la justice internationale est encore quelque peu embryonnaire, et qu’elle est souvent freinée par les grandes puissances occidentales autant que par les autres, sinon plus.

    Pourtant, quel meilleur moyen de dissuader les criminels de masse potentiels que de mettre fin à leur impunité? C’est ça aussi l’intérêt de Nuremberg.

  • Je ne vois pas bien le rapport entre « peine de mort » et « pardon ».
    En revanche, je vois un rapport entre « peine de mort » et « tu ne tueras point »…

  • aquinus a écrit:

    Ce que je pointe, mais j’ai sûrement tort, c’est qu’un tel principe juridique ne devrait être suivi par une juridiction civile que s’il est compris dans la population. C’est-à-dire, si celle-ci comprend la démarche chrétienne sous-jacente. L’aberrtion est de s’en tenir à cela dans une société qui n’est plus chrétienne, et où presque plus personne ne comprend ce qu’est le repentir, la pénitence, le pardon.

    Faudrait-il donc abandonner les principes chrétiens dans une société qui ne les comprendrait pas ? Votre raisonnement aurait de multiples applications…

    Par ailleurs, ce que vous affirmez (« une société qui n’est plus chrétienne, et où presque plus personne ne comprend ce qu’est le repentir, la pénitence, le pardon« ) ne repose que sur votre propre conviction, que je ne partage pas, ce qui est un peu léger pour rétablir la peine de mort.

    Accessoirement, si je peux me permettre, si vous considérez que la société n’est plus chrétienne, c’est que vous estimez qu’elle l’était auparavant. Or cette société qui, selon vous, comprenait alors ce qu’est le repentir, la pénitence, et le pardon, pratiquait largement la peine de mort.

  • voituredupeuple a écrit:

    Le délivrer de cette souffrance en décidant de sa condamnation à mort ne serait-il pas faire preuve de davantage de miséricorde que de le laisser vivre ?

    Intéressante question qui rejoint celle du suicide.

    Le suicide n’est pas seulement un interdit. Le suicide est aussi, dans ces cas là, une façon de fuir ses responsabilités. La fuite de sa responsabilité pour un bourreau consiste effectivement à se donner la mort. Il se coupe aussi toutes possbilités d’affronter ce qu’il a fait qui est la première étape vers une rédemption. Mais en croyant échapper à ses responsabilité, il s’interdit à lui-même toute rédemption.

    Cepndant, le juge qui le condamne à la peine de mort, fait de meme si l’on regarde bien la chose sous cet angle. Il lui enlève toute possibilté de rédemption. Si la personne vit un enfer dans sa culpabilité qui fait qu’il apparait plus miséricordieux de lui donner la mort, c’est oublier qu’il s’agit d’un enfer auto-affligé. L’homme est libre de faire le mal et ainsi, libre lorsqu’il s’inflige un enfer. Et ne croyez pas que le refus de voir les choses, l’oubli et le non affrontement de sa culpabilité ne soit pas aussi un enfer. Se perdre soi-même totalement dans l’inconscience et la folie est un enfer encore pire que la culpabilité.

  • Autant je ne supporte pas le coté cul-bénit de ton site, autant j’apprécie que tu n’abordes ce sujet sous l’angle de la conversion au catholicisme.
    J’ai moi aussi vu ce film étant jeune. J’ai été bouleversé par l’histoire (et aussi par la musique).
    Je ne saurais trop vous conseiller le livre Le Portail de François Bizot. L’histoire vraie de ce français qui fut l’un des tout premiers prisonniers de Douch, et avec lequel il eut une relation amicale (qui lui sauva probablement la vie). Avec le syndrome de Stockholm, je ne sais pas quelle a la part d’objectivité dans ce récit, mais il est puissant et troublant: comment cet homme instruit et intelligent à pu sombrer dans la barbarie. Et de nous renvoyer à ces mots de Bizot: « Je hais l’idée d’une aube nouvelle où les homo sapiens vivraient en harmonie, car l’espoir que cette utopie suscite a justifié les plus sanglantes exterminations de l’histoire ».

  • boby the frenchy a écrit:

    Autant je ne supporte pas le coté cul-bénit de ton site

    C’est marrant, le web est vaste, pourquoi se faire du mal à lire un blog qu’on ne supporte pas ?

    [Y’a pas de t à cul-béni. Crois-en un connaisseur]

  • @koz #34: les croyants n’abandonneront pas les principes chrétiens, quant aux autres je pense qu’ils les abandonneront même si cela doit êre malgré eux. Mais je peux me tromper. Je pense, comme Chesterton, que nous vivons selon des idées chrétiennes devenues folles et que cela ne pourra pas durer bien longtemps.

    Ensuite je ne milite pas pour le retour de la peine de mort, je pense simplement qu’il va arriver mécaniquement. J’ai une position partagée sur la question; je ne sais pas combien il y avait de condamnations à mort par exemple au XIXe siècle en France, ni quels effets elles produisaient sur la population. Je constate seulement que l’abolition de la peine de mort a coincidé avec la « décroissance religieuse ». Et je pressens comme Aristote que c’est tout sauf un hasard.

  • Koz a écrit:

    Il y a quelques principes de base.

    J’adhère au principe de base du caractère sacré de la vie humaine et il est dans la nature compréhensible de la politique actuelle de l’Eglise catholique d’en réaffirmer la primeur. Pour autant il est des circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier un questionnement à ce sujet.

    Dans l’intervention à laquelle vous vous référez, le Cardinal Poupard se refuse ainsi à se prononcer sur le cas de Saddam Hussein.
    Que justifie donc un tel refus? A l’époque de la condamnation, l’exception doctrinale de légitime défense était pourtant en tout état de cause irrecevable, l’intéressé étant hors état de nuire.

    Est-il si déraisonnable d’envisager que, dans sa sagesse, l’Eglise catholique, n’ait pas entendu faire ressortir le cas -en lui-même exceptionnel- de l’ex-dictateur des circonstances « quasi-inexistantes » pouvant justifier, au regard de très forts impératifs de la Cité des Hommes, l’application de la peine de mort?

    Koz a écrit:

    en décidant qu’il serait bon de soulager cet homme d’une tension que vous présumez, et que vous présumez insoluble, vous vous prenez pour Dieu (et encore, j’ai de gros doutes sur le fait que Dieu donne la mort). Vous vous permettez de vous ériger en juge de la vie d’un autre homme, ce qui n’est simplement pas acceptable.

    Dieu me garde de me prendre pour Lui, j’ai déjà assez de mal avec mon troupeau de gnous personnel pour imaginer être tenu de m’occuper en sus du reste de l’Univers.

    Je sais également, même si cette idée peut apparaître parfois modérément stimulante, que Lui seul peut sonder les reins et les coeurs et que peut-être, à son décès, Douch entrera directement au Paradis alors que certains de mes contemporains que je perçois comme dignes d’admiration seront relégués dans les abysses du Purgatoire.

    Pour autant que cela soit possible -c’est-à-dire très imparfaitement- il m’est néanmoins permis d’essayer de me placer dans la situation actuelle de Douch, dont vous avez justement relevé qu’il restait un homme jusque dans l’inhumanité de son comportement antérieur.

    Dans sa situation, je prierais Dieu qu’on m’exécute, à charge pour Lui, Gardien de la vie et de la mort, d’influer sur le choix en ce sens des décisionnaires terrestres.

  • aquinus a écrit:

    Quant à la façon d’aborder pepétuité, je pensais à l’Europe. les USA ne sont déjà plus la même civilisation.

    Wikipédia, encore : les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Hongrie et l’Estonie sont les pays de l’UE où la perpétuité réelle s’applique.

    Aristote a écrit:

    j’ai beaucoup de mal avec la prétention des Européens à être plus “humains” que les Américains

    +1. C’est là joindre la suffisance à l’ignorance.

    Aristote a écrit:

    Je parlais de désuétude pratique. La nuance sémantique avec application rare m’échappe.

    Désuétude: abandon où est tombée une chose dont on a cessé depuis longtemps de faire usage (Petit Robert).

    J’aime la précision, mais je vous accorde que la nuance entre les deux peut passer pour une affaire de goût.

    aquinus a écrit:

    L’abolition de la peine de mort n’est en Europe tout du moins, que le reflet d’une peur panique de la mort, de la peine, de la souffrance, de l’autorité.

    Ah. Je croyais que c’était l’aboutissement d’un long processus de civilisation. Dois-je conclure que vous préférez une civilisation moins avancée ?

  • Eponymus a écrit:

    Se perdre soi-même totalement dans l’inconscience et la folie est un enfer encore pire que la culpabilité.

    Pour le moins, là, il y a doute, sauf peut-être à distinguer préalablement psychoses et névroses (mais sauf erreur Koz fait peu dans le médical).

    Sombrer dans l’inconscience ou la folie est usuellement considéré comme une réaction de défense de l’organisme confronté à une souffrance physique ou mentale trop élevée pour être « raisonnablement » supportable.

    Je ne suis pas sûr par ailleurs que les démons de la nuit fréquentent beaucoup les patients sous anxiolytiques. La pharmacopée a beaucoup progressé.

    La rédemption en perd elle-même son sens. Comment ce but pourrait-il y être accessible à un fol? Ne retrouve pas-t-il son innocence dans sa folie? N’est-elle pas même la preuve divine de l’intervention de sa rédemption?

  • J’ai découvert, il n’y a pas si longtemps que cela, que les salauds n’existent pas. J’entends par salaud celui ou celle qui fait le mal en sachant absolument que c’est mal, en toute connaissance de cause, en l’assumant complètement.

    J’ai vu des gens faire des choses vraiment moches, j’ai beaucoup lu sur le nazisme, le communisme… A chaque fois, il est manifeste que ceux qui se sont rendus coupables d’exactions avaient une justification morale pour le faire; ils ne se considéraient jamais comme des salauds.

    Selon les cas, on invoque la légitime défense, la défense de sa famille, du bien commun, la résolution d’une injustice. Parfois on a simplement fait son job, obéi aux ordres (voir l’expérience de Milgram). On invoque aussi souvent les crimes réels ou supposés des victimes, leur statut d’ennemi de la nation, du peuple, de l’humanité…

    J’en déduis que pour éviter de se comporter soi-même comme un salaud, il faut faire un effort actif, conscient pour refuser les justifications morales. A cet égard, je découvre et apprécie beaucoup la citation de Bizot mentionnée plus haut :
    boby the frenchy a écrit:

    “Je hais l’idée d’une aube nouvelle où les homo sapiens vivraient en harmonie, car l’espoir que cette utopie suscite a justifié les plus sanglantes exterminations de l’histoire”.

    La dernière sécurité est le commandement chrétien : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît ». M’être mis à la place de l’autre une seconde m’a évité de faire quelques mauvais gestes que j’aurais regrettés. Et à chaque fois que je me suis comporté d’une façon dont je ne suis pas fier, je m’en étais abstenu.

  • Pour revenir au Cambodge… en plus de La Déchirure, il faut absolument lire Le Portail, de François Bizot. Bizot vivait au Cambodge et enseignait à l’école française d’Extrême-Orient quand a éclaté la révolution khmère. Il a été arrêté et a connu la captivité, avant d’être libéré de manière inopinée. Quatre ans plus tard, il vit la chute de Phnom-Penh, les derniers jours d’angoisse à l’ambassade de France, où sont réfugiés Français et familles cambodgiennes.
    Douch est la figure centrale du récit, tout le livre tourne autour du mystère qu’il représente. C’est magnifique, empreint d’une humanité bouleversante, plutôt amère, et d’une beauté littéraire incontestable.

  • voituredupeuple a écrit:

    Dans sa situation, je prierais Dieu qu’on m’exécute, à charge pour Lui, Gardien de la vie et de la mort, d’influer sur le choix en ce sens des décisionnaires terrestres.

    Vous voulez dire, prier pour que quelqu’un d’autre commette à votre place un crime contre la vie ?

  • voituredupeuple a écrit:

    Pour le moins, là, il y a doute, sauf peut-être à distinguer préalablement psychoses et névroses (mais sauf erreur Koz fait peu dans le médical).

    Comme si tout cela avait été tranché et résolu. Ce réflexe n’est pas forcemment un réflexe organique. Les spécialistes sont loins d’avoir fait le tour de cette question. Quant aux anxiolitiques, ce n’est pas ce qui est donné à un fou furieux, mais des neuroleptiques qui ont surtout un effet paralysant. Bref. Le simple fait qu’il existe plusieurs écoles dont certaines font un lien entre la responsabilité individuelle et certaines formes de folies psychotiques est suffisament intéressant pour que l’on se pose la question. Disons qu’en termes de folie innocente proche de la rédemption, je n’aimerais pas être dans la tête de Francis Heaulmes.

  • Gwynfrid a écrit:

    Vous voulez dire, prier pour que quelqu’un d’autre commette à votre place un crime contre la vie ?

    Non. Prier Dieu, dont les voies nous sont impénétrables et qui n’est tenu (ou pas) par les préceptes de l’Eglise de Pierre que par ce qu’il a bien voulu entendre, autorise (ou pas) un suicide par procuration en fonction du seuil-limite de souffrance qu’il considère pouvoir être supporté par l’individu en question. Comme il sera juge du degré de culpabilité que les hommes qui prononceront la sentence seront capables d’assumer à raison de leur décision.

  • @ voituredupeuple:

    Ça me paraît très tiré par les cheveux… La subtilité de la distinction est grande et la prière compliquée à souhait. Dites tout de suite que la vie n’est pas si sacrée que ça, ou que du moins ce serait bien de prévoir quelques exceptions. Ce serait plus franc.

    Si on veut essayer de se mettre dans les chaussures d’un homme dans cette situation (pas facile, mais on a bien dit plus haut qu’il faisait toujours partie de l’humanité), alors je me contenterai de dire que je prierais d’abord pour les victimes, le pardon et la paix de mon âme. Je ne sais pas s’il me resterait du temps pour autre chose.

  • Eponymus a écrit:

    Comme si tout cela avait été tranché et résolu

    Je n’ai jamais rien prétendu de tel et c’est justement pourquoi j’ai renâclé à l’assertion selon laquelle se perdre dans « l’inconscience et la folie » serait pire que la culpabilité.

    Il y a bien évidemment « des folies » sur les causes et les effets desquels il ne pourra, pour les déterministes, être formulé une affirmation définitive que lorsque le fonctionnement du cerveau sera connu à 100% et les mystères de la génétique totalement décodés. Et encore à supposer que les psychiatres cessent leurs querelles d’école et arrivent à relier ce fonctionnement à la singularité évènementielle de chaque individu.

    Ce qui n’est pas pour demain la veille, et les batailles d’ « experts » sur l’irresponsabilité pénale ne sont pas prêtes de s’achever.

    Eponymus a écrit:

    je n’aimerais pas être dans la tête de Francis Heaulmes

    Pour être franc, moi non plus. J’aurais fait un très mauvais profiler.
    Mais Douch et Heaulme ne me semblent pas ressortir à la même catégorie d’humains inhumains. Et je ne suis pas certain que Heaulme ait formulé lors de ses deux procès une demande de pardon aux familles de ses victimes.

    Gwynfrid a écrit:

    Dites tout de suite que la vie n’est pas si sacrée que ça, ou que du moins ce serait bien de prévoir quelques exceptions. Ce serait plus franc.

    Je veux bien le dire si cela vous agrée en cette heure tardive mais ce n’est pas ce que je pense…

    Je ne vois aucune subtilité particulière dans mon raisonnement. S’il a été mis en pièces de longue date par un Père de l’Eglise qui me regarde d’En Haut avec une douce commisération (je sais, à l’imaginer j’ajoute à ma suffisance un péché supplémentaire d’orgueil), merci de me briefer.

    Pour synthétiser :

    1) L’Eglise catholique est parfaitement dans l’exercice de sa mission en soutenant mordicus, sous réserve de microscopiques réserves, le respect de la vie au regard de différents questionnements sociétaux (contraception, euthanasie, peine de mort and so…), cela en opposition à de puissantes forces contraires.

    2) Les catholiques sont supposés (pas fastoche mais l’Eglise le sait) suivre ces enseignements. Pour autant, en tant qu’individu, en mon for intérieur et au droit de la liberté dont Dieu m’a doté, je reste par la prière en possibilité de Lui demander d’exaucer ce qui m’apparaît fondamentalement bon pour moi, dès lors que le vœu émis ne porte pas trop gravement atteinte, par effet papillon, à mes frères humains.

    En période de souffrance extrême, il ne me semble pas illégitime à un croyant de prier qu’il soit mis fin à son existence.

    3) Dieu décide d’agréer ou non à la requête, en fonction de paramètres qui échappent à mon entendement et, sauf erreur, à celui de qui que ce soit sur cette planète, B16 included avec tout le respect que je lui porte.

  • @ voituredupeuple:

    La synthèse est nettement plus longue que l’original, mais elle est aussi moins alambiquée, ce qui me permet de vous comprendre.

    Je suis à l’aise avec vos points 1 et 3. Pour le 2, ma réserve est sur « le vœu émis ne porte pas trop gravement atteinte, par effet papillon, à mes frères humains »: il porte évidemment atteinte à ceux qui prendraient et exécuteraient la décision. Donc, j’admets qu’en la circonstance, on puisse prier de recevoir la mort, mais pas au moyen de la peine capitale.

  • Yogui a écrit:

    Soyez prudent tout de même.

    Merci du lien et félicitations pour son à-propos, qui me fait redescendre sur terre.
    C’est pas St Augutin qui disait en substance : « Méfiez-vous de ce que vous demandez à Dieu, il pourrait bien exaucer vos voeux »?

  • Gwynfrid a écrit:

    Pour le 2, ma réserve est sur “le vœu émis ne porte pas trop gravement atteinte, par effet papillon, à mes frères humains”:

    Pour ne rien vous cacher, je ne suis pas moi-même totalement à l’aise sur ce point-là et me soupçonne d’avoir bricolé la doctrine à ma sauce personnelle.
    Mais dans le sens inverse que votre appréciation.
    Alors que je m’indignais un jour du spectacle de supporters de foot priant, les mains jointes et avec tous les signes de la ferveur la plus mystique, pour la victoire de leur équipe, un ami-plus-catho-que-moi m’a rétorqué qu’on pouvait prier pour tout, à charge pour Dieu de faire le tri…
    Alors…

  • Cyd a écrit:

    A mon sens, ce n’est pas l’Oubli, même s’il permet la tranquillité d’esprit de la victime (j’allais dire le repos de l’âme), et ce n’est pas une Amnistie non plus, même si on renonce à des mesures de rétorsions sévères

    à mon avis, c’est plutôt d’accepter de ne pas entretenir de haine. Je ne parle pas de ressentir, mais bien d’entretenir.

    C’est peut-être accepté que ce qui est passé est passé, que la justice doive s’exercer,
    Koz a écrit:

    mais les européens seraient-ils moins chrétiens que les américains,

    Oui, évidemment. Regarde un peu. Ce qu’Aristote veut dire, c’est que si la peine de mort a été abolie, que ce soit bien ou mal, ce n’est pas à cause d’un espoir de l’homme mais du désespoir, et ce serait le même processus qui conduirait aujourd’hui à atténuer sans cesse les peines: on n’a pas le droit de priver qqn de tt sur cette terre, quoi qu’il ait fait.
    voituredupeuple a écrit:

    comment un catholique convaincu (surtout zélateur de fraîche date) pourrait-il résoudre l’insoluble contradiction existant entre vivre dans le perpétuel remords de l’épouvante des faits commis et l’interdit du suicide ?

    Là, tu confonds remords devant la faute avec repentir sincère, qui dans la religion catholique précède le pardon, et culpabilité destructrice, non liée à la gravité de la faute.

    Quant à la vengeance, si chacun se vengeait, le monde serait dans une vendetta sans fin: chacun vengerait ses morts. Il faut savoir parfois ne pas rendre violence pour violence, ce’ qui n’est pas l’impunité;

  • Liberal a écrit:

    J’en déduis que pour éviter de se comporter soi-même comme un salaud, il faut faire un effort actif, conscient pour refuser les justifications morales.

    En effet: parfois, il y a sans doute des cas qui nécéssite une mesure exceptionnelle, qui nous semblerait justifié. La difficulté me semble être de bien distinguer les cas.
    Je ne suis pas d’accord avedc ta formulation, car la justice a aussi des justifications morales.
    En revanche, je te rejoins tout à fait sur le fait que l’on ne peut en aucun cas se substituer à la jutice. (c’est le proccessus de la vengeancer ça: se faire justice soi-même)

    Le débat est intéressant, notamment le résumé de voituredupeuple, mais cela devient trop compliqué pour moi…

    A part une chose: ce que veulent les personnes qui se suicident, ce n’est pas la mort en tant que telle, mais un refuge contre la souffrance ou ce qui n’est pas supportable. voituredupeuple veut donc dire que toute personne emprisonnée souffre tant qu’elle ne peut que vouloir la mort, dans le cas dont nous parlons. C’est peuit-être discutable.

  • panouf a écrit:

    Quant à la vengeance, si chacun se vengeait, le monde serait dans une vendetta sans fin: chacun vengerait ses morts. Il faut savoir parfois ne pas rendre violence pour violence, ce’ qui n’est pas l’impunité;

    Oui, et c’est peut-être ce processus-là qui a fait de nous des êtres humains: le besoin de se trouver des raisons pour LIMITER notre vengeance. Ce fut le rôle de toutes les religions et leurs rites, de toutes les cultures. Jusqu’au Christ, étape religieuse terminale où Dieu nous révèle de façon terrifiante que même une vengeance contrôlée et canalisée est MAL, puisqu’elle peut conduire au déicide lui-même. Il invite alors tous les hommes à renoncer à cette vengeance à travers la mort et la résurrection du Christ, ce qui constitue je pense le message le plus anarchique et radical qui fut jamais. Evidemment les hommes en sont incapables, même les chrétiens; mais Dieu a laissé un phare à mi-chemin entre ciel et terre pour nous y aider et ce phare c’est l’Eglise.

    En d’autres termes, à moins d’être tous des saints, nous aurons toujours besoin de frontières, de barrières, de discriminations, d’inégalités mais nous sommes emmenés à les dépasser grâce au Christ et sans nous voiler la face.

    Le drame de la modernité occidentale est d’avoir voulu abolir tous ces tabous, tous ces « maux nécessaires », tout en s’affranchissant du Christ. C’est une folie qui entraîne et continuera d’entraîner, les pires violences et le pire chaos qui puisse s’imaginer. En ce qui concerne la peine de mort j’en ferais une de ces barrières culturelles, utilisées de tous temps, mauvaise mais qui peut parfois être nécessaire en particulier à des cultures qui ne connaissent pas le Christ, ou le rejettent, afin de maintenir un certain ordre.

  • voituredupeuple a écrit:

    Ce qui n’est pas pour demain la veille, et les batailles d’ « experts » sur l’irresponsabilité pénale ne sont pas prêtes de s’achever.

    Nous sommes d’accord et c’est ce que je voulais souligner.

    voituredupeuple a écrit:

    Et je ne suis pas certain que Heaulme ait formulé lors de ses deux procès une demande de pardon aux familles de ses victimes.

    Bien sur que non… et justement, cela illustre encore une fois mon propos. Si l’on prend l’intéressante théorie d’une part de responsabilité personnelle dans certains cas de folies psychotiques, on voit que l’un est murré dans une sorte d’inconscience meutrière et l’autre sur une voie (a condition qu’elle soit sincère évidement) oh combien inconfortable mais incontestablement rédemptive.

    D’ailleurs mon propos ne visait pas à débattre sur des hypothèses scientifiques concernant la folie mais de pousser votre raisonnement (doit on tuer par miséricorde) jusqu’au bout et à l’inverse. Tuer, c’est enlever à la personne toute chance de rédemption. S’échapper dans le suicide ou la folie, consisterait alors à s’ôter à soi-même toutes possibiltés de rédemption. De là, qu’est ce qui est le plus miséricordieux ?

    C’est une bonne question… d’ailleurs, paradoxalement, il existe aux US des mouvements opposés à la peine de mort parce qu’ils considèrent que le châtiment est bien trop clément. La souffrance de toute une vie en prison avec le rappel constant de ses crimes, leur semblent bien plus pénible à vivre qu’une exécution.

  • Liberal a écrit:

    La dernière sécurité est le commandement chrétien : “ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît”. M’être mis à la place de l’autre une seconde m’a évité de faire quelques mauvais gestes que j’aurais regrettés. Et à chaque fois que je me suis comporté d’une façon dont je ne suis pas fier, je m’en étais abstenu.

    C’est absolument vrai, et c’est absolument plus compliqué que ça n’en a l’air à appliquer. Mais c’est probablement la seule façon d’éviter d’éternels regrets, et le sentiment de culpabilité qui va avec, probablement une des plus atroces tortures que l’on puisse s’infliger d’ailleurs.

    Cela dit, comme vous le disiez, ça demande un effort intellectuel conscient, une honnêteté certaine, et quelques valeurs morales bien ancrées, sans quoi on finit vite par glisser vers le « n’aurait-il pas fait pareil à ma place? » ou pire, vers la haine de cet autre dont la douleur nous fait nous sentir si mal…

    J’ai donc du mal à l’envisager comme une sécurité quelconque, parce que dans l’urgence, dans le danger, il n’y a guère plus que les tripes qui fonctionnent. Cela étant, ça fait regretter, après, et ce souvenir cuisant sera sûrement utile la prochaine fois, mais la prochaine fois seulement.

    Mais ça ne nous sauvera jamais, je pense, de cette possibilité d’être un bourreau.

  • Braillard a écrit:

    Mais ça ne nous sauvera jamais, je pense, de cette possibilité d’être un bourreau.

    Bien sur que si. Pas universellement, bien sur, mais à titre individuel, si. Il me semble trop facile de voir chez l’homme cette part du pire, qui existe sans aucun doute, mais d’y associer une part de fatalité. Les bourreaux sont rares, ultra rares même et heureusement. Cela ne concerne qu’une fraction infime de la population. Et cela veut dire que beaucoup d’individus appliquent avec succès le principe énnoncé par Liberal. Savoir que cette part du pire existe, c’est une invitation à se montrer toujours vigilant, même envers soi-même. Mais pas une excuse pour y succomber.

  • J’arrive après la plupart des débats. J’aimerais toutefois souligner, à l’heure où l’on porte l’état aux nues, que le « délire » cambodgien est aussi un drame du collectivisme et des idéologies.

    Alors, il faut certes des gardes fous, mais le respect des libertés individuelles et de la propriété privée me semblent des remparts indispensables contre les délires collectifs.

    Je ne passerai pas mes vacances avec eux, mais même le pire hédoniste ou le vendeur de tapis le plus filou n’ont pas de cadavres sur la conscience, et ont le bon goût de ne pas ennuyer les gens qui n’ont rien demandé.

  • Enième avatar du matérialisme politique promu par le jacobinisme. L’Eglise a fait sa repentance, mais les Lumières n’ont pas encore fait l’objet d’une analyse critique sur leurs conséquences désastreuses ni leurs héritiers demandé pardon à l’humanité des massacres de masse auxquels a donné lieu les différentes réceptions de cette idéologie, de l’extrême droite à l’extrême gauche.

  • Etrepersienne,

    je suis d’accord avec toi sur le fait que de nombreuses idéologies laïques ont encore leur « coming-out » à faire. Dans un certain sens, célébrer en grande pompe la révolution française est indécent.

    On peut à mon avis aussi discuter de la responsabilité dans les drames des révolutions de ceux qui ont créé les injustices ayant engendrés ces révolutions, mais c’est un autre débat.

    Que les idéologies soient laïques ou religieuses, je les trouve en tout cas beaucoup plus dangereuses que le sens du commerce, du plaisir et de la vie privée que l’on critique très souvent dans ce blog.

  • J’aimerais savoir pourquoi tu penses que les cultures qui ne connaissent pas le Christ seraient plus susceptibles de désordres nécessitant la peine de mort.

    Je connais bien une société non-chrétienne, et de plus polythéiste (païenne comme on dit): le Japon. Le pays dispose de mécanismes de pression sociale qui sont à mon avis au moins aussi efficaces que les mécanismes religieux pour maintenir l’ordre oublic.

    De plus, j’ai l’impression que protestants et catholiques, qui partagent le message du Christ, ont une approche de l’ordre et de la loi assez différente.

    aquinus a écrit:

    En ce qui concerne la peine de mort j’en ferais une de ces barrières culturelles, utilisées de tous temps, mauvaise mais qui peut parfois être nécessaire en particulier à des cultures qui ne connaissent pas le Christ, ou le rejettent, afin de maintenir un certain ordre.

  • @ Uchimizu:

    Le lien entre le social est le religieux est un des thèmes fondateurs de la sociologie. Ce lien existe aussi dans les sociétés non-chrétiennes et fait les délices des anthropologues. C’est sans doute aller un peu vite en besogne que de conclure que le lien social japonais n’a aucune dimension « religieuse », mais je n’ai aucune compétence sur le sujet particulier du Japon. Il est à noter que la peine de mort est toujours en vigueur au Japon.

    Il est à mon sens intéressant de considérer les religions sous l’angle du « jeu », de l’écart plus ou moins important qu’elles autorisent, ou même qu’elles impliquent, entre le social et le « religieux ». De ce point de vue, je pense que c’est une erreur de réduire le christianisme à l’expérience historique de la chrétienté.

    Le judaïsme comme le christianisme remettent en place le social. Tout pouvoir vient d’en haut, certes, mais cela veut aussi dire que le pouvoir ne trouve pas en lui-même sa propre justification. Et il faut rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu.

    Bien à vous.

  • @ Uchimizu

    Les idéologies sont des théories de pouvoir, ce n’est pas l’objet de la théologie ni de la religion.

    La laïcité est une bonne chose pour l’Eglise. Elle l’a émancipé de la tutelle politique (gallicanisme et concordat). La séparation de l’Eglise et de l’Etat consacre la parole du Christ. Elle distingue et établit clairement les responsabilités de chacun, laissant à César ce qui relève de César (Matt 22-21).

    La nouvelle théologie politique ou la doctrine sociale de l’Eglise ne sont que l’expression moderne d’un discours séculaires promouvant et rappelant que l’action politique doit être dictée par la paix, la justice, dans le respect de la personne humaine (Elie ou Isaïe par exemples).

    Une religion investissant le politique ou empiétant sur l’exercice du pouvoir n’est donc plus une religion. C’est l’ambiguïté des partis politiques « chrétiens », « juifs » ou « musulmans ».

    Le commerce lui même s’oppose à l’enseignement catholique quand les pratiques marchandes viennent à mépriser les enseignements chrétiens. Et le commerce démontre alors une grande proximité d’intérêt avec le politique quand celui-ci témoigne d’un mêem opportunisme sans hésiter à renier ses propres valeurs ou principes.

    Il est difficle de prétendre que la solution puisse venir du commerce ou de l’économie quand on voit leur intrication dans le politique.

    Les préceptes de la religion la placent naturellement dans l’opposition au pouvoir, victime de la faiblesse et de la perfectibilité de l’homme (corruption, injustice, gaspillage, orgueil, opportunisme, violence, guerre, envie, …) à l’origine des maux. Elle expose le chemin pour s’en guérir.

    La préférence pour les pauvres et les faibles l’oppose aux modèles de sociétés d’inspiration matérialistes. Un discours contraire aux intérêts commerciaux finançant et assurant la conquête du pouvoir explique les tentatives régulières de décrédibilisation de l’Eglise pour dissiper l’opinion de l’essentiel de son message, qui est la paix, la justice et le respect de la personne humaine.

    La conscience catholique est libre de référence géographique, historique ou politique comme peut l’y enfermer le concept d’Etat Nation (cf. Claude Tresmontant ).
    http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/theses/tresmontant/enseignement_de_Ieschoua.htm

    La déchirure reste d’actualité en considération du sort des Tibétains et du soutien chinois aux Khmers rouges.
    http://www.chine-nouvelle.com/presse/article/4371/La_Chine_defend_ses_liens_avec_l_ancien_regime_khmer_rouge.html

    Ce soutien se fonde sur un même mépris de la personne dont la Chine donne de nombreux exemples.

    Elle exploite ainsi 50 millions de prisonniers dans des camps de concentration pour la production de produits bon marchés alimentant le commerce occidental.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Laogai

    La France ne dénonce pas ces pratiques. Au contraire, elle abdique ses principes.
    http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=493097
    http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=493539
    Une telle reculade rappelle sa désertion lors des accords de Munich :

    « La France abandonne la Tchécoslovaquie avec laquelle elle avait passé des accords pour garantir ses frontières. En France, les accords de Munich font consensus. La majorité des hommes politiques sont « munichois », les « antimunichois » sont dispersés sur l’échiquier politique.  »
    http://wapedia.mobi/fr/Accords_de_Munich?t=2.

    La « real-politik » a été affirmée par le ministère ayant cautionné la polémique sur le voyage du pape en Afrique.

    «Il y a contradiction permanente entre les Droits de l’homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France».
    http://www.lefigaro.fr/politique/2008/12/09/01002-20081209ARTFIG00636-kouchner-regrette-la-creation-du-secretariat-d-etat-aux-droits-de-l-homme-.php

    L’opportunisme (ex.:la Françafrique) est contraire à la pensée chrétienne. Il empêche l’Eglise d’approuver un gouvernement négligeant le respect de la dignité humaine. Cette absence de mansuétude déplaît et peut expliquer l’hostilité récurrente à l’égard de la religion et la communauté catholique. C’en est ainsi depuis l’origine.

    En faisant prévaloir des considérations matérielles – l’utile – sur le droit – le juste – Monsieur Sarkozy ravive le souvenir de Monsieur Daladier, soutenu alors également par l’élite politique française.

    Comme aucun pays n’ignorait pendant la guerre la Shoah, personne ne peut se prévaloir d’ignorer la réalité d’un régime pour sa promotion personnelle.
    http://www.dailymotion.com/video/xzq26_segolene-loue-la-justice-chinoise
    http://www.revoltes.org/chine.htm
    http://www.abolition.fr/ecpm/french/article-dossier.php?dossier=17&art=434
    http://www.infofalungong.net/Bulletin/files/Trafic%20organes.html

    « Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves. »

    http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2008/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20080912_parigi-cultura_fr.html

Les commentaires sont fermés