Au-delà.

Je n’ignore pas ce que l’alternance entre les articles politiques et les questionnements spirituels peuvent avoir d’incongru pour vous, camarades lecteurs… « frères humains« . Je sais le rejet que cela provoque chez certains, l’incompréhension, l’indifférence chez d’autres. Et je ne cherche pas à nier que mes choix politiques soient susceptibles de ne pas être pleinement cohérents avec mes convictions. Involontairement, bien sûr. Je ne prétends nullement, non plus, attirer sur moi et mes idées, une quelconque onction. Je me connais, j’imagine mes insuffisances.

Mais, au final, que ce soit la politique ou la foi, n’y-a-t-il pas un point commun : la recherche d’un dépassement, d’une transcendance ?

La politique s’arrête un peu plus tôt sur le chemin de la transcendance, certes. Le soir tombant, viendra toujours la question de la vanité, de la vacuité, de l’existence. Du sens de sa propre existence, comme du sens de l’existence, plutôt que du néant (le monde existe, il est… pourquoi ?). Quoi qu’on ait réalisé.

La politique n’a, également, de communauté d’inspiration avec la foi, la spiritualité, que si elle est sincèrement vécue, comme engagement au service de la communauté, et non en exhibition de son gros ego.

Mais si l’on prend leur idéal à toute deux, il y a dans la politique comme dans la foi une volonté de porter le regard plus loin, au-delà de soi-même, vers les autres.

Voyez : j’arrive pas trop mal à me justifier, hein ?

Et puis, sans vouloir transformer ce blog en un journal de mes questionnements, je dois aussi veiller à la pluralité de l’information. La foi doit bénéficier, grosso grosso, du même temps de parole que le doute. Sinon, c’est pas du jeu.

Le doute, je vous en ai parlé, sous mon billet « J’ai serré la main du diable« . Croire en Dieu malgré l’horreur et la puissance du Mal ? Croire en Lui alors qu’ils ont frappé et qu’Il n’aurait pas ouvert, qu’ils auraient demandé, et qu’ils n’auraient pas reçu ? Certaines de vos réponses ont contribué à la poursuite de ma petite réflexion. Certaines interventions, aussi.

Faut-il y voir le même phénomène que celui qui vous amène à voir des femmes enceintes partout lorsque la vôtre l’est, ou des camions Duchmol partout après votre tout premier achat chez Duchmol ? Toujours est-il que les mots n’ont pas le même poids en fonction de vos circonstances.

Or, à la suite de la mort de l’Abbé Pierre – une figure de chrétien en politique – La Croix a publié de nombreux documents à son propos, ou émanant de lui. Et j’ai souri d’ailleurs, en pensant à ceux qui ont voulu, veulent encore, le dépouiller de sa foi[1], pour en faire un saint laïc. J’ai relevé, aussi, l’étendue de mon ignorance à son égard, n’en connaissant en fin de compte vraiment que l’écume médiatique.

J’aime ces mots simples. C’est l’apanage de certains grands de savoir parler simplement des choses profondes. Sans se croire obligés de mettre « apanage« , par exemple, même si ça fait bien.

Ainsi, sur Dieu et le Mal

« (…) Alors que vous avez ce pouvoir de le faire cesser, comment comprendre que subsiste le Mal ?

La prière de Jésus ne culmine-t-elle pas dans « Délivrez-nous du Mal » ?

Merci, Père, de m’aider à refuser, ce qui serait tricherie, de « croire » comme si j’étais indifférent à la perpétuation du Mal, et en ce monde, et dans l’au-delà du temps.

Croyant, aimant, je ne peux être que ce « croyant quand même », c’est-à-dire ne comprenant pas. Trop de mes frères humains restent au bord de vous aimer, détournés par la nécessité de ce « quand même ». Pitié pour eux et pitié pour l’Univers.

Père, j’attends depuis si longtemps de vivre dans votre totale PRÉSENCE qui est, je n’en ai jamais douté, malgré tout, AMOUR »

Et sur l’acte de foi…

« Croire en la vie, c’est croire en d’autres. Pas tous les autres, sans doute, mais si l’on prend ses responsabilités face à la vie, on se fait des alliés. Être ensemble devient une nécessité absolue. Et pour se faire des alliés, il faut faire crédit. Sans ce crédit fait à l’humanité on ne pourrait pas respirer : tant d’humains se comportent de façon pire que des bêtes sauvages et s’entretuent dans la folie.

(…)

Récemment, au cours d’une nuit où je ne dormais pas, m’est venue à l’esprit cette évidence : on ne peut dire vraiment « credo » (Je crois) si on ne fait pas crédit. La foi est de cet ordre-là : il arrive un moment où, comme dans l’amour humain, il faut plonger, prendre des risques, faire véritablement crédit. Sans caution.

(…)

Les contemplatives, qui ne vont pas soigner les malades et restent dans leur couvent clos, fot elles aussi crédit. L’Adoration n’est réelle que parce qu’elle porte avec elle la douleur de l’humanité toute entière. Leur adoration – Amour de Dieu – serait vaine si elle n’était pas en même temps amour de l’homme, crédit fait à l’homme »

(Testament, page 48)

Oui, sans caution ni assurance, sans filet, ni certitude. Parce qu’il y va de la liberté, de l’abandon, de l’absolu. Et que, si Dieu existe, il ne saurait être question de croire en Lui, sans faire le libre choix de l’abandon, pour l’absolu.

  1. « Père, je vous aime plus que tout. Avant tout parce que vous êtes celui qui peut dire JE SUIS. Et d’avoir rencontré cela dans mes seize ou dix-sept ans fait que, à quatre-vingt-treize ans, j’en vis. Je vous aime plus que tout. []

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12 commentaires

  • Bonjour KoZ. Ton article m’a amené à lire celui que tu as écris sur « j’ai serré la main du diable ». Je réponds ici car je ne suis pas sûr que le dialogue soit toujours d’actualité sur ton post précédent. Tu peux donc déplacer mon commentaire si tu estimes qu’il n’a pas sa place ici.

    C’est ton interrogation sur l’existence du malin et du mal dans notre humanité à laquelle j’essaye modestement d’apporter ma pierre personnelle.
    Tu dis croire en Dieu, en Jésus, mais pas au diable. La réflexion de ton post me fait penser à quelques versets de la Bible que l’on entend très souvent lors des mariages religieux. Il s’agit de 1 corinthiens 13 4-8 sur le thème de la charité. On peut très facilement remplacer charité par amour ou par Jésus. On se rend compte alors qu’avant tout l’Amour n’est pas un concept humain mais bien une personne, la personne de Jésus (beaucoup ne seront peut-être pas d’accord avec moi, mais le mot amour est tellement piégé dans la langue française…). Avec ce regard il me vient naturellement à l’idée que si l’amour est une personne, le mal en est une aussi. Et si Dieu est celui qui EST alors le mal est celui qui n’est pas. On peut reprendre alors le chapitre des Corinthiens et remplacer charité par « le mal ou le malin » et les affirmations par des négations pour avoir une idée pertinente de ce qu’est la personne du malin.
    Je tenais également à souligner qu’il ne faut pas confondre nos pensées issues de l’activité parfois sans limites de notre cerveau et nos actes, dont la pensée volontaire fait partie. Notre cerveau est un organe magnifique que l’on ne peut vraiment contrôler. Il est capable de nous amener à penser à toutes choses, bonnes, neutres ou mauvaises. Il n’y a, à ce stade, aucune intervention du mal. La nature humaine est ainsi faite. Nous ne sommes donc pas responsable des idées qui nous traversent la tête, en revanche nous sommes tout à fait responsable de ce que nous en faisons. Les actes, comme les pensées dans lesquelles nous nous complaisons de façons malsaines, sont de notre responsabilité, de notre choix, donc de notre liberté. Ni Dieu, ni le mal ne peuvent agir sur notre liberté. Autant l’Esprit de Dieu veut que nous SOYONS avec Lui, autant l’esprit du mal veut que nous Le refusions. Au cœur de ce dilemme entre le bien et le mal pour l’homme, il y a l’orgueil. Le malin ne peut pas nier l’existence de Dieu, en revanche il peut installer le doute, et s’il ne peut directement abaisser l’homme sans son consentement, il peut abaisser l’image de Dieu et faire croire à l’homme qu’il peut s’en passer. Le seul vrai pouvoir du malin est là, et il ne peut rien faire sans l’homme. S’il arrive à faire croire à l’homme qu’il n’y a rien de plus grand que l’homme, il a gagné. Celui-ci ne peut alors évaluer ses actes qu’au regard de la justice humaine et de l’amour humain. Il n’y a plus d’absolu, que du relatif. Le malin est bien une personne qui n’aime pas, qui ne veut pas notre bien. Je suis à son image à chaque fois que je dis non à Dieu. Mais c’est moi qui fait le mal pas le malin. Jésus lui-même a été tenté. Le mal de l’homme n’est pas dans la tentation, mais dans la négation de Dieu. De même je suis à l’image de Dieu à chaque fois que je fais Sa volonté.

  • Billet très intéressant mais si tu le permets Koz, je tenais à vous faire part du premier message envoyer par les amis de Ségolène à ses « colleurs d’affiches du net », acteurs essentiels de la « net-campagne ».

    A titre informatif, en voici le contenu:(…)

    Bien à toi!

    Koz : alexouse, c’est précisément le sujet d’un minibillet, pas de celui-ci…

  • Vous dites :
    « La politique n’a, également, de communauté d’inspiration avec la foi, la spiritualité, que si elle est sincèrement vécue, comme engagement au service de la communauté, et non en exhibition de son gros ego. »

    On ne peut qu’acquiescer.

  • [quote comment= »1724″]C’est ton interrogation sur l’existence du malin et du mal dans notre humanité à laquelle j’essaye modestement d’apporter ma pierre personnelle.

    Tu dis croire en Dieu, en Jésus, mais pas au diable. [/quote]

    Je dirais que je n’ai rien de certain, de rationnel, de réfléchi (quoique).

    Certains plus croyants que moi me disent que, au vu de ce que je dis, écris, pense, bien sûr, oui, je crois en Dieu. Et que chercher, c’est déjà croire un peu. J’ai, à cet égard, apprécié les mots de Georgina Dufoix (croire, c’est faire un choix), comme j’apprécie ceux de l’Abbé Pierre (on ne peut dire vraiment « Credo » que si l’on fait crédit. Sans caution. Comme dans l’amour humain). Ce sont des éléments, des pierres… que j’engrange.

    Pour le diable, une réflexion de Dang m’a paru assez utile. Il disait ne pas douter de Dieu du fait de l’existence du mal (ou du Mal), mais que l’existence du mal tendrait à lui faire croire en Dieu. En gros. Croire en Dieu, en passant par « le Diable ».

    Sur le sujet, je lis et j’intègre le passage de l’Abbé Pierre sur le « quand même« . J’aime son « sans comprendre » : on peut, comme tu le fais dans ton commentaire, lever les objections sur lesquelles on bute. Mais « comprendre » vraiment, ce n’est pas à notre portée. On ne peut pas « comprendre Dieu, l’infini, avec nos capacités finies. On ne peut pas « comprendre » non plus l’existence du Mal.

    Maintenant, pourquoi ai-je du mal à croire au Diable ? Probablement en partie par ce qu’il y a là-dedans une tendance populaire à se défausser. Tu montres dans ton commentaire que l’homme garde une responsabilité et j’acquiesce. Tout en ne pouvant pas savoir si j’acquiesce parce que j’estime que c’est ce que je veux tenir pour vrai, ou parce que c’est effectivement vrai. Mais bon… faire crédit.

    Bref, j’ai parfois le sentiment que l’homme est assez fort pour faire le mal tout seul sans l’aide du Diable.

    Mon doute sur le Diable, le Malin, ou le Mal, est peut-être aussi simplement le signe que, sur ce chemin de foi, je préfère accorder mon attention à Dieu.

  • Aaah, ça aura au moins servi à ça. Le pavé est intimidant mais il est de lecture assez facile, et j’y ai découvert un Pape que je n’ai pas véritablement connu, celui des 10 premières années.

    Bonne lecture !

  • Etant de loin votre ainée, je dois dire que toutes vos questions je me les suis posées et que souvent j’ai renoncé à « raisonner » me disant que losque j’aimais , je ne cherchais pas à décortiquer, j’aimais – point – C’est bien de votre part aussi de redonner ses lettres de noblesse à la politique. En fait, beaucoup de français partageraient votre avis si des jounaleux ne cherchaient pas surtout à vendre du papier en lui retirant toute sa noblesse. Beaucoup de politiques disent q’u’ils « y » sont venus par intérêt pour les autres, il n’y a aucune raison de ne pas les croire. Même s’ils ont aussi de l’ambition, qui n’en a pas et … souvenons-nous de la parabole des « talents » qu’il ne faut pas enfouir !

  • Et bien à en juger par le nombre de commentaires, la métaphysique attire moins que la politique.

    L’existence du mal est à première vue paradoxale puisqu’il faut l’accorder avec l’existence de Dieu. C’est ce paradoxe qui fait perdre la foi à beaucoups de (jeunes) gens trop cartésiens, à l’heure des grandes interrogations sur le sens de la vie.

    Et non seulement c’est paradoxal mais à considérer le problème sous tout ses aspects on arrive rapidement à des notions comme le moindre mal (qui est l’équivalent d’un certain bien selon la scholastique médiévale) et d’autres encore qui achèvent de compliquer le problème.

    Il est possible que le mal ne soit tel que d’un certain point de vue.
    Il est également possible qu’il soit nécessaire (« il faut que le scandale arrive… »). Vous connaissez le proverbe « sans Judas, pas de Christ ».

    Koz, si vous en avez le loisir,lisez à l’occasion « Le diable », de Giovanni Papini. Vous y trouverez quelques considérations plaisantes sur le sujet.

  • Je suis actuellement en train de lire « Si c’est un homme » de Primo Levi. Après celui-là, bien que j’en ai un autre qui m’attende, j’ai envie de suivre le conseil d’une amie : ne pas me surestimer, et lire quelques livres légers, quelques livres qui donnent la pêche, qui dispensent l’espoir.

    Pour le reste, en ce moment, Descartes n’est pas en odeur de sainteté chez moi. Faudrait peut-être que je le lise au lieu de me contenter de la pseudo-vulgate que j’en connais.

    Et quant aux commentaires, cela dépend parfois des billets. C’est sûr que c’est moins évident de réagir à ça. Mais je tiens à ces billets. C’est un témoignage pour moi (je sais où retrouver ce que j’ai pensé à tel moment), et pas que pour moi.

  • Pour Pappini, ne vous en faites pas non plus une obligation. Et on apprend parfois beaucoup dans des livres supposés légers.

    Quant à Descartes je trouve sa « pensée » d’autant plus détestable qu’elle a eu des conséquences effroyables sur les mentalités modernes.

    Mais c’est un autre sujet…

  • Koz, un commentaire robotique (je suppose) m’a fait découvrir ce billet. Tu dis :

    « Mais, au final, que ce soit la politique ou la foi, n’y-a-t-il pas un point commun : la recherche d’un dépassement, d’une transcendance ?
    […] La politique n’a, également, de communauté d’inspiration avec la foi, la spiritualité, que si elle est sincèrement vécue, comme engagement au service de la communauté, et non en exhibition de son gros ego. »

    Je suis d’accord avec toi sur ces points. Cela dit il reste à mon avis un énorme fossé entre les deux, c’est que la satisfaction de l’ego reste tout à fait possible en politique, voire conseillée, quand elle est très mauvais signe dans le cadre de la foi, telle que je la conçois en tout cas.

    Prenons (au hasard 😉 ) Nicolas Sarkozy. Personne ne niera qu’il est porté par une assurance en lui-même et en ses capacités assez exceptionnelle. Mais ce qui assure la moralité de sa réussite, c’est qu’il n’envisage de réussite personnelle qu’au travers de celle, universellement reconnue, de sa politique pour la France. Son intérêt particulier, celui d’être reconnu comme un grand chef d’Etat, et l’intérêt collectif, une France épanouie, sont compatibles. Plus encore : ils sont liés. Si l’un pèche par manque de crédibilité, l’autre s’en trouvera irrémédiablement affecté.

    Alors que dans la foi chrétienne, il me semble que le croyant ne peut s’approcher de Dieu qu’à la condition, au contraire, de renoncer à sa capacité éventuelle à le faire… « Il faut qu’Il croisse et que je diminue », disait Jean Baptiste. Le Christ lui-même rappelait à Pierre après la résurrection qu’un jour, un autre le ceindrait pour l’amener où il ne voudrait pas aller. Enfin, la crucifixion elle-même n’est-elle pas l’exemple parfait de la victoire par le renoncement à soi?

    La notion même de République (en France) est à ce titre frappante, par son caractère pragmatique : elle permet à l’homme (d’Etat) d’occuper un statut quasi divin, par sa capacité à légiférer, à ordonner, à agir. Il devient un démiurge. Il s’agit donc logiquement d’un système politique prévu pour que Dieu n’y ait pas sa place. Et pourtant, la République prend en compte l’incapacité de l’homme à assumer ce statut unilatéralement sans heurts, et prévoit donc une répartition des pouvoirs, ainsi qu’une actualisation régulière de son exercice, pour éviter à l’homme de se prendre véritablement pour un Dieu. On est dans l’application constante du « Sic transit gloria mundi » des papes, ou le « Memento mori » des généraux romains lors des triomphes.

    Un dernier mot, sur un sujet périphérique : Marie Balmary dans Abel ou la Traversée de l’Eden a fait une étude rapide mais intéressante de l’évolution de la place de Dieu dans les textes constitutionnels au cours des temps. Dieu est présent explicitement dans la Déclaration d’indépendance des USA de 1776, c’est sous son autorité qu’elle est proclamée. En 1789 en France, on ne parle que d’Etre Suprême, déjà. Puis en 1948, la Déclaration Universelle gomme l’idée de Dieu, pour y substituer celle de communauté humaine. Un grand débat de société pourrait être de savoir si cette substitution a eu un retentissement sur nos institutions, sur la morale, sur la foi en général aussi. Cela rejoint le débat sur l’état des Eglises, et la pertinence (ou non) d’en prendre en charge administrativement la réparation.

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