Sale Pute (A. Rimbaud ?)

« Que ce ne soit pas non plus pour sacraliser ce geste du brisement : il y a un intégrisme de la transgression, et ses prêtres sont d’autant plus féroces qu’ils sont persuadés d’être les thuriféraires de l’absolue liberté » (La foi des démons ou l’athéisme dépassé, p.12, Fabrice Hadjadj, éd. Salvator).

Je commence ma lecture du livre de Fabrice Hadjadj. Et si ce passage n’a, à première vue, rien à voir avec Orelsan, cette phrase ne manque pas de m’y faire penser, dans le débat que nous avons, une fois encore, sur la liberté d’expression. Que nous avons, ou que nous avons eu puisque, oui, je sais, la vague est passée. Avant de revenir, sous je ne sais quel prétexte, avec les mêmes questions, suscitant les mêmes réponses, au moyen des mêmes arguments. Aussi, si ce billet est en retard d’une polémique, il est juste un peu en avance d’une autre.

« On verra comment tu suces Quand j’te déboitrai la mâchoire (…)

J’vais te mettre en cloque (sale pute). Et t’avorter à l’opinel »

Frédéric Mitterrand, dans une posture impossiblement lénifiante, a découvert une filiation, à tout le moins de principe, avec Arthur Rimbaud. Quel sombre aveu pour la culture française. Et quelle terrible perspective pour le XXIIème siècle, dont on présume ainsi qu’il trouvera aussi poétiques les saillies d’Orelsan que les vers de Rimbaud le sont pour nous. Triste avenir au demeurant : il semble que l’art soit appelé à tomber de Rimbaud en Orelsan, avant de choir là où l’on ne sait pas encore. Mais que cela rassure ceux qui s’inquiètent : Mitterrand reste bien un homme de gauche, avec cette espéce de trouille viscérale d’apparaître comme un un vieux con qui vous fait accepter n’importe quelle ânerie pourvu qu’elle vous restitue un peu de la jeunesse présumée de son auteur. Il faisait bien d’invoquer les mânes de Jack Lang, l’autre soir : nous n’en sommes pas loin

Tout est tout de même plus compliqué qu’il n’y paraît. Ségolène Royal, elle, a choisi de faire pression et de paraître vieille conne mais (ou et ?) féministe. Elle aurait fait savoir qu’elle ne subventionnerait plus un festival qui programmerait de telles chansons. J’avais envie de l’approuver, ne serait-ce que pour paraître ouvert.

Mais elle n’en reste pas moins sommaire, et le diable était là, dans les détails et, comme le disait mon facteur, tout est plus compliqué qu’il n’y paraît. Il n’est en effet pas indifférent de savoir que cette chanson n’était pas programmée au festival : Orelsan devait-il alors être irrémédiablement banni de toute programmation, en raison d’une seule chanson[1] ? Et tout un festival devait-il être sanctionné pour les paroles d’un seul artiste (au sens statutaire, s’entend, pas au sens qualitatif) dans une seule chanson, qui ne serait même pas chantée ? A ce rythme, et blindés comme on est de chanteurs cons et médiocrement provocateurs, nous n’aurions plus guère de festivaux en France.

J’aurais en revanche approuvé sans réserve votre Ségolène si Orelsan avait envisagé de chanter son ode à la bêtise et au déclin de la culture occidentale à La Rochelle. Car l’hypothèse Orelsan va encore un peu au-delà des cas habituels d’invocation de la liberté d’expression.

Orelsan n’a en effet pas fait l’obet d’une « censure », celle dont se parent les médiocres pour faire croire qu’ils en valent la peine. On ne lui interdit pas, en effet, de se produire. Si Orelsan était un vrai saltimbanque, un Rimbaud, un Baudelaire, si la liberté lui était absolue, il crèverait dans une chambre de bonne surchauffée, venderait sa musique pour un dîner, et poserait une estrade à l’entrée du festival pour y chanter tout de même. C’est qu’il est libre, l’artiste. On se contente de refuser d’y mêler les fonds publics. S’il se veut transgressif, l’artiste ne court pas les subventions. Il ne quette pas la bénédiction de l’administration de l’Etat pour mettre l’ordre public en péril. Nos artistes tournent en caricatures.

Je ne puis donc, et je regrette, approuver Ségolène Royal. D’un point de vue com’, sa position a du sens. D’un point de vue sens, elle n’en a pas.

Transgression, tête de con. Là où ça coince, évidemment, c’est que l’art est présumé transgressif. Et c’est en partie à raison, il faut bien l’admettre, même quand ça nous emmerde. Mais, par un raccourci paresseux, ce qui est transgressif finit artistique. Le préjugé est à ce point posé qu’un ministre de la Culture se doit d’être homosexuel (voir Lang, Aillagon, Mitterrand) : s’il ne devait pas s’avérer bon, au moins est-il transgressif. C’est, après tout, le milieu du gué.

Il est un fait que les artistes ont fréquemment enfreint les règles admises pour, véritablement créer. Avant d’en passer par Hadjadj, je finis La beauté du monde, de Michel Lebris, et une idée y fait écho à ce qui nous occupe : la création suppose la violence, la beauté, la sauvagerie ou, à tout le moins, le tourment.

« Et si vous pensez qu’en un lion se concentrent la plus grande violence et la plus grande beauté concevables ici-bas, alors vous avez approché le mystère même du monde. »

L’art – ou son succédanné administratif, la culture – suppose donc la liberté d’expression. Il suppose ce garde-fou (ou plutôt garde-rationnels) qui autorise l’expression même de ce qui trouble l’ordre public du moment.

Mais, comme tout est plus complexe qu’il n’y paraît, on ne peut pas se satisfaire de la transgression. Tout ce qui est transgressif n’est pas de l’art. Parfois, c’est juste du cochon[2]. Tenez, en photo, il y a quelques règles de composition : on ne met pas l’horizon au milieu, on respectea règle des tiers[3]. Le photographe amateur débutant ne jure que par la règle, et réprimandera cet artiste qui ne l’a pas respectée. S’il cherche, plus tard, il ne jurera que par la transgression de la règle, « sacralisant ce geste de brisure ». Or parfois, le respect de la règle se serait imposé et, à vouloir transgresser, il aura aussi transgresser la beauté. Ou plus simplement, la qualité. C’est que la règle doit se transgresser à bon escient, et si les artistes l’ont souvent transgressée, ceux qui la transgressent n’en sont pas pour autant tous des artistes.

Abrégeons : j’en appelle, grandiloquemment, à notre conscience. Ne faisons pas de la liberté d’expression l’horizon indépassable et lénifiant de notre culture. Ne nous retranchons pas peureusement et sentencieusement à son abri avec en prime, pour certains, un relativisme farce qui lrur fait invoquerr Rimbaud à propos d’Orelsan. Assumons le jugement, propre de l’homme. Les paroles de « sale pute » sont odieuses et médiocres et il ferait beau voir que les deniers publics y soient mêlés. Ce qui n’empêche pas de dire que Ségo a, encore, déconné.

Un peu de couilles, donc, osons dire ce qui est beau et ce qui ne l’est pas. Le risque, c’est de se planter. Mais au moins on aura vécu.

  1. bien sûr, je ne veux pas m’avancer, et reste ouvert à l’hypothèse que le reste de sa production soit également merdique []
  2. oui, je sais, elle était facile []
  3. je sais, ce n’est pas valable qu’en photo []

Billets à peu près similaires

Aucun billet similaire (même à peu près).

43 commentaires

  • mitterand ; posture lénifiante ? dans lénifiante il y a fiante ou posture léninifiante?, je ne pouvais pas la rater
    A trop jouer les intellectuels on finit par se refugier dans des jugements ineptes

  • Koz a écrit « Le préjugé est à ce point posé qu’un ministre de la Culture se doit d’être homosexuel […] C’est, après tout, le milieu du gué ». Vous avez voulu écrire « le milieu du gay », naturellement. 🙂

    Pour me faire pardonner ce calembour indigent, je me permets de vous conseiller sur ce sujet « La Grande Déculturation » de Renaud Camus, un essai qui remet en perspective nos récentes « politiques culturelles ».

  • Vous nous avez épargné une grande partie de cette  » oeuvre à vomir » .Cela a déjà été remarqué mais l’on peut le répéter si cet individu avait attaqué de la même façon les juifs, les musulmans, les homos etc… il aurait eu un procès aux fesses mais comme il ne s’agit « que » des femmes et que malheureusement l’on semble y être habitué, la réaction de Ségolène Royal est jugée excessive. Comme vous le soulignez ce genre d' »artiste » est par le biais de ces g festivals, subventionné, comme l’on ne peut pas lui couper les attributs dont il semble être si fier, qu’on lui coupe au moins les crédits, c’était bien vu de la part de Ségolène ! N…

  • Je ne suis pas sûre d’avoir compris.

    Si j’ai bien suivi : les paroles d’Orelsan sont inacceptables, et Mitterrand (on est obligé de l’appeler Mitterrand ? chaque fois, je pense au vrai, on pourrait trouver un surnom à Badinguet peut-être ?) ne les tolère que pour paraître jeune.
    Royal en revanche se fiche d’être jeune, elle est ou veut être féministe. Donc elle annonce qu’elle ne veut pas subventionner le festival qui accueillerait Orelsan. Or le chanteur a déjà annoncé qu’il ne chanterait pas la chanson incriminée au festival.

    Et là j’ai du mal à suivre ton raisonnement. Tu dis « ce n’est pas de la censure, on ne l’empêche pas de se produire ». Qu’est-ce qui te gêne alors dans la position de Royal ? Son discours est injuste parce qu’Orelsan ne comptait pas chanter « Sale pute » de toute manière ? Ou au contraire tu voudrais qu’elle le fasse vraiment censurer ?

    Et sinon, des « festivaux », tu es sûr ? 😉

    (je suis la fiancée de PEG, on se tutoie sur Twitter donc je me permets de te tutoyer ici, si ça ne t’ennuie pas)

  • @robespierre jusqu’à preuve (recevable) du contraire, je suis seul juge de l’intérêt du sujet. Non mais.

    @marie oui, tu as saisi, si ce n’est que Mitterrand ne les admet pas seulement pour paraître jeune mais aussi en vertu de cette idée que, puisque l’art est transgressif, alors plus personne n’a rien à dire. Mettez la pire connerie en chanson, il faudra que ça passe.

    En ce qui concerne Royal, je l’aurais approuvée si les fonds publics avaient directement subventionné « sale pute ». Or là, c’est plus qu’indirect, puisque ce n’est pas Orelsan en lui-même qui est subventionné, mais le festival, et qu’il ne chantait pas cette chanson. Dans le cas contraire, j’aurais été favorable à ce qu’on lui sucre ses subventions. Et qu’on ne parle pas de censure : personne ne l’empêche de chanter des conneries, à condition qu’il le fasse sur fonds privés.

    Sinon, « festivaux », c’est transgressif, alors museau.

  • Mais alors, pourquoi la dame qui a dit sur un Blog que je sais pas quelle ministre était une menteuse, elle a été condamnée?
    c’est pas de la liberté d’expression? c’est pas transgressif?
    ah non! c’est vrai! c’était pas de l’art! non, c’était des « propos gravement injurieux et qui ne sont pas admissibles dans un système démocratique »… Par contre, ceux qui avaient dit sur le même blog que la même ministre était une sale pute, ils ont pas été condamnés, ça devait être de l’art.

    Fofana devrait dire qu’avec Ilan Halimi, il essayait de faire de l’art transgressif visuel et auditif, il serait probablement relaxé!

  • Juste pour faire remarquer que Francis a raison, et que notre Ministre manque, sinon de culture, du moins de mémoire: la référence du XIXe siècle en la matière, c’est Baudelaire, condamné à une forte amende pour pornographie et outrage aux bonnes moeurs. Il a été contraint d’expurger les Fleurs du Mal de plusieurs poèmes, dont certains que j’ai pour ma part étudiés en classe.

    Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,

    D’un air vague et rêveur elle essayait des poses,

    Et la candeur unie à la lubricité

    Donnait un charme neuf à ses métamorphoses…

    Orelsan, ce n’est pas tout à fait le même niveau. Le parallèle est encore plus ridicule que choquant.

  • en fait, le problème devrait porter sur l’incitation à la violence, ou à la haine, ou à la discrimination (envers les femmes), ou à la privation de liberté (sa copine, elle était quand même libre de coucher avec un autre, l’adultère n’est plus un délit en France, et ils étaient pas mariés, et en plus, même en cas de délit ou crime, c’est la justice qui punit, pas la victime).

    Est-ce qu’on doit censurer ceux qui incitent à commettre des crimes ou seulement ceux qui les commettent? La justice doit bien savoir trancher ce genre de trucs. Mais qui aurait dû porter plainte, dans un tel cas? Pourquoi personne ne l’a fait? y a t il un volontaire?

    Parce que ce n’est pas juste le problème d’un festival: si un type perturbé achète ce CD et massacre sa copine, qui sera tenu pour responsable, et ne devrait-on pas y penser avant pour l’éviter?

  • Bonsoir Koz,

    voici un sujet riche, et j’aimerais commencer en évoquant le fait que l’art de ce début de 21ème siècle ne me semble pas en moyenne particulièrement transgressif/violent/pornographique, comparé à ce qui se faisait avant, et en particulier à ce qu’a produit le 18ème siècle (Sade par exemple, qui s’il écrit mieux, est aussi beaucoup plus violent que le rappeur que tu cites).

    A mon avis, art et politique doivent être le plus possible séparés. Apprécier un artiste, ce n’est pas apprécier tout ce sur quoi il s’est engagé, c’est même aussi prendre du recul par rapport au contexte d’une oeuvre. Je trouve par exemple que le « Voyage au bout de la nuit » (Céline) est une oeuvre superbe, même si je n’approuve pas le comportement de l’auteur (collaborateur patenté). Je n’ai pas de honte à dire non plus que je trouve l’hymne soviétique (maintenant russe) plutôt beau, alors que je n’ai aucune sympathie pour le bolchévisme.

    J’ai aussi très peur des institutions qui essaient d’encadrer l’art (académies …). Ces institutions réussissent en général à éliminer à la fois le très mauvais et le très bon, en faisant converger tout le monde vers une moyenne … moyenne, qui en art n’a aucune valeur (voir les peintres académiques du second Empire). Je préfère honnêtement un système qui permet à une oeuvre de génie de sortir, même si elle laisse créer cent horreurs. Ainsi, un souverain qui choisit des artistes suivant son bon plaisir (Louis XIV est l’exemple facile, mais aussi Frédéric II) sera peut-être plus efficace en fin de compte que la bureaucratie complexe et raisonnée du ministère de la Culture.

    En tout cas, je ne vais pas pleurer si un rappeur n’est pas invité à un festival public. Le droit qui s’arrogent certains métiers « artistiques » (des intermittents du spectacle à la chanson française en passant par le cinéma) de vivre de subventions m’exaspère au plus haut point. Le rap français est un bon exemple puisqu’il s’est beaucoup développé à cause des quotas absurdes de diffusion d’oeuvres françaises dans les médias. Si je peux être favorable à ce que l’état investisse dans de l’art ou de l’architecture, il ne doit pas à mon avis assurer plus que les minimas sociaux de droit commun pour les perdants.

    Pour terminer, je souhaite que l’interdiction des oeuvres se limite strictement à celles qui posent des problèmes d’ordre public de type incitation au meurtre ou au viol, en allant éventuellement jusqu’à la consommation de drogue et à l’incitation au suicide.

  • … mais l’interdiction n’est même pas en débat. Orelsan n’a jamais été interdit. Son clip passe sur M6Music, sa chanson à skyrock, et il peut la chanter en concert. Il reste 100% libre de se produire. La limite posée (en partie à tort, à mon sens, dans ce cas précis, pour les raisons évoquées dans mon billet), c’est l’emploi des fonds publics.

    Pour le reste, assez d’accord avec vous sur l’invocation de Louis XIV, qui me fait penser au cas Lully. J’aurais tendance à préférer un Etat qui prenne le risque de faire des choix… et de les assumer devant l’opinion / les électeurs. Je trouve cela sain et vivifiant.

  • Lorsque un chanteur helveto-belge chante au frais du contribuable, le 14 juillet pour célébrer la république, ça ne vaut pas un billet … ce chanteur se permettant ensuite de dire que les impôts, il se passe bien d’en payer …
    Bref, voilà provocation qui me parait autrement plus gerbante qu’un rappeur dont personne n’avait jamais entendu parler et qui a parfaitement compris que dire « pipi caca popo » pouvait lui faire une bonne publicité à peu de frais.

  • Intéressant éclairage sur cette affaire, c’est finalement une très bonne chose que de proposer le débat avec un recul de quelques semaines.

    Cette comparaison Rimbaud – Orelsan n’a pas fini de faire parler d’elle. D’ailleurs, je me demande si en évoquant Rimbaud, plutôt que de comparer Arthur à Orelsan, Frederic Mitterrand ne souhaitait pas plutôt faire un cinglant rapprochement entre les grands bourgeois outragés de l’époque et les censeurs d’aujourd’hui. Après tout, avec Royal en face, ce jeune promu de la Sarkozie allait forcement être tenté de faire du zèle. Une occasion en or de faire la démonstration que la défense de l’expression artistique se trouvait encore une fois, après Hadopi (prière de ne pas rire), dans le camp gouvernemental.

    Mais comme toujours, le sujet est plus complexe qu’il n’y parait. Le problème qu’Orelsan pose aux organisations féministes est bien plus large que le seul titre polémique, qu’il est vrai, l’artiste s’est engagé à ne plus chanter sur scène. Tiens par exemple, prenons cet autre morceau, « transgressif » lui aussi intitulé « suce ma b*ite pour la St Valentin » ou le jeune auteur invite la jeune femme avec laquelle il compte passer cette soirée à « ferme ta gueule » si elle ne veut pas de « faire marie-trintigner ». Si on ne peut plus vraiment parler de dépit amoureux dans ce cas précis, je regrette que Fredo n’est pas été interrogé sur cette autre partie du répertoire Orelsan pour nous éclairer sur le jugement qu’il convient de tenir dans ce cas précis. Si on me posait la question par exemple, je ne trouverais pas Orelsan franchement transgressif, mais plutôt passablement réactionnaire, mais bon, c’est juste mon avis.

    C’est donc bien le répertoire d’Orelsan (teinté de cette misogynie pré-pubère) qui pose problème aux organisations militantes et à Royal, plus que ce morceau précis mis en avant par la polémique.

    Ceci dit, je suis d’accord avec toi, sur le coup Royal a déconné. Non pas parce qu’elle a trouvé choquant certain morceau du jeune artiste, mais parce qu’elle a tenté 1) de faire pression, plus ou moins directement, sur les organisateurs des Francofolies 2) refusé tout dialogue avec Orelsan qui l’a invité à pls reprises à venir débattre avec elle publiquement de ce sujet sensible. Cette pression arbitraire (car aucun tribunal n’a été sollicité pour établir si oui ou non les propos d’Orelsan tombaient sous le coup de la loi), même si elle se fait au nom des deniers publics, c’est la pire réponse que l’on pouvait apporter au débat. La région, l’état ne peut pas arbitrairement établir ce qui doit ou ne doit pas se produire sur scène, mm avec « nos » subventions, et se substituer a une décision que seuls les juges sont en mesure de prendre. D’autant que cette pression illégitime s’est déjà exercée quelques mois plus tôt, et qu’il est permis d’imaginer qu’elle s’exercera encore à l’avenir, sans qu’aucune décision de justice ne vienne la justifier. Peut être peu sures de leur chance de l’emporter au sein d’une instance juridique, les organisations militantes ont préféré la voie en demi-teinte du harcellement, et maintenir Orelsan dans un perpétuel procès médiatique dont on peut imaginer que loin d’apporter des réponses, va venir caricaturer les positions des uns et des autres.

  • Merci pour ton éclairage à toi, qui modifie un peu ma perception du sujet. S’il s’avère que le répertoire général d’Orelsan est à la hauteur de « Sale Pute », alors… cela justifie un peu plus la position de Royal.

    Orelsan est-il transgressif ou réac ? Il me semble bien transgresser un certain ordre moral établi (on ne frappe pas les femmes, on les respecte). C’est que, précisément, la transgression n’a pas de « valeur », elle n’est pas chargée positivement et, à la sacraliser, artistes comme Etat comme public tombent dans le nawak.

    Alors, oui, je comprends bien la position selon laquelle l’Etat, les collectivités, ne sauraient se mêler de la production culturelle. Ils ne devraient pas réagir en fonction du contenu de l’oeuvre. Mais précisément, je ne suis pas d’accord avec cette sorte de neutralité de l’Etat. Au demeurant, si l’Administration est neutre, alors qu’elle ne subventionne pas car, ce faisant, elle s’implique, même si elle le fait de façon purement indifférenciée.

    Je considère que le politique a encore son mot à dire – sur nombre de sujets – et que l’Etat aussi. D’un point de vue très bassement pragmatique, l’Etat peut-il à la fois payer de campagne de sensibilisation à la violence (physique et même désormais psychologique) faite aux femmes, et contribuer financièrement à la promotion d’un chanteur qui chante l’exact opposé ?

    Et je ne pense pas qu’il y ait lieu de recourir aux tribunaux : une fois encore, ceux-ci n’interviennent que pour une interdiction. Ici, la seule décision prise, c’est : pas avec mon pognon. Mais Orelsan peut toujours chanter.

  • En accord avec Koz, cette fois: l’autorité qui organise, commandite, subventionne le festival a parfaitement le droit, voire le devoir d’en choisir le style, de dire que tel ou tel contenu ne lui semble pas « approprié », que tel artiste ne représente pas le concept de l’évènement…et d’envisager, s’il y a désaccord avec le gestionnaire, de limiter leurs collaborations futures….
    on a le droit de ne pas trouver oreslan bienvenu, de n’être pas convaincu par sa prose…d’ailleurs un électeur demain pourrait demander des comptes sur ce point…

  • Du temps où l’affaire Rushdie battait son plein, un mot d’un autre Mitterrand circulait dans Paris : « C’est d’une bêtise insondable que de vouloir faire interdire un livre aussi médiocre », aurait soupiré le président en prenant connaissance de la fatwa lancée contre l’auteur des « Versets sataniques ».

    Ce mot cruel, que Rushdie ne méritait certes pas, eût bien mieux convenu à l’affaire Orelsan : c’est d’une bêtise insondable que de vouloir faire interdire un artiste aussi médiocre. Le chantage à la subvention exercé par Ségolène Royal à l’encontre des Francofolies fait à ce pseudo-rebelle une publicité démesurée. Qui connaissait Orelsan, avant que les féministes ne s’emparent (deux ans après sa parution) de cette « chanson » et que Ségolène Royal ne cherche à l’exclure des Francofolies? Personne. (Du reste, hélas, Orelsan n’est pas un cas isolé : consultez les paroles du groupe TTC si vous ne me croyez pas)

    Et voilà qu’on en a fait un rebelle, un artiste sulfureux, un héros (et héraut) de la transgression victime de la censure du pouvoir, qui pourra désormais invoquer Flaubert et Baudelaire, et les « mutins de Panurge » chers à Muray vont désormais militer pour qu’au nom de la liberté d’expression, Orelsan puisse pousser sa chansonnette imbécile sur toutes les ondes et tous les sites web. C’est navrant. Comme cette chanson, qui n’est pas choquante (comment la bêtise peut-elle choquer?), mais navrante. Je reste convaincu que, face à une « chanson » de ce genre, la meilleure réponse demeure le silence et le mépris : ce texte était bien assez stupide et cette musique bien assez médiocre pour que cette chanson retourne sans bruit au néant, d’ailleurs le seul endroit où elle puisse se sentir chez elle.

    Je partage, cela dit, votre avis sur l’argumentaire confondant de bêtise de notre nouveau ministre de la Culture, et ajoute que la réaction des sommités de l’UMP, dont le patron avait pourtant, en son temps, attaqué les textes de plusieurs rappeurs, ne les honore pas. Défendre Orelsan pour mettre à mal Royal, je ne suis pas sûr que l’on y gagne. Me gêne cependant beaucoup la manière dont Ségolène Royal a orchestré cette « interdiction ». Certes, des fonds publics sont engagés, mais la tradition veut que l’Etat laisse les organisateurs de festivals libres de leur programmation. Le chantage et la dissimulation pratiqués dans cette affaire ne me plaisent guère.

  • à quiu, il n’y a eu, officiellement, ni interdiction, ni chantage à la subvention.

    mais je comprends qu’un président de région puisse savoir que répondre quand, l’année prochaine, des électeurs umpistes ou féministes lui demanderont des comptes sur l’utilisation de leurs impôts pour payer des artistes de cette sorte….
    il répondra de s’adresser au duo lefevre-mitterand, gardien des libertés…

  • Une fois encore, Qiu, et peut-être cette fois-ci, serai-je lu : Orelsan ne fait l’objet d’aucune interdiction. Il figure par exemple dans une compilation dont la publicité est faite sur M6 aux heures de grande écoute. Bon, mais je ne vais pas refaire mon billet. Mais tt de même : qd on emmerde l’ordre social, on ne chasse pas les subventions, ça fait assez minable.

    Cela dit, précisément, je ne vois pas pour quelle raison il faudrait nécessairement les organisateurs de festical entièrement libres de leur programmation. Qu’ils le soient par principe, ok, mais dès lors qu’un message paraît incompatible avec les valeurs républicaines ou avec certaines valeurs spécifiquement mises en avant par l’autorité qui subventionne, on est sur une question de cohérence. Et puis, hein, les traditions, ce n’est tt de même pas la gauche qui va nous les sacraliser, si ?

    Je comprends bien que cela ouvrira la voie à des choix contestés (quoique…) mais cela pourra aussi refaire de la culture un enjeu démocratique. Je préfère cela au concensus mou et peureux qui veut que l’Etat soit bon pour filer le pognon mais que les « artistes », invoquant le nom d’aïeux plus grands qu’eux (du genre, Rimbaud pour Orelsan), soient intouchables dans leurs programmations. D’ailleurs, ce festival, c’est de l’art ou de la culture ?

  • Dans cette histoire, il me semble que deux débat s’entremêlent. Le premier concerne la liberté d’expression. Le second, le rôle de l’état en matière de politique culturelle.

    1- Pour ce qui est de la liberté d’expression, a n’en pas douter, la pauvreté de la chanson incriminée devrait suffire a laisser s’exprimer son auteur. On ne combat l’intolérance et la violence verbale que par la honte et le mépris, et non par la censure qui magnifie ce qui ne devrait même pas être cité. Même si des décennies d’égalitarisme culturel ont réussi a faire passer pour de la musique ce genre d’imprécations infantiles, rien, ni dans cette chanson ni dans ses paroles, ne justifie que l’on s’y attarde ou, pire encore, qu’on lui fasse publicité en interdisant leur auteur de se produire sur scène.

    Il conviendrait au contraire qu’on écoute attentivement ces paroles, où le tribalisme de l’objectivation de la « petite amie » le dispute a l’indigence du vocabulaire. Loin d’interdire cette chanson, il faut l’entendre pour ce qu’elle est : la traduction d’une vision mortifère de la femme, dans nos cités (non que ces cités aient le monopole de la vision machiste, il est des zones sociales ou géographiques bien françaises ou cette vision perdure, sans s’exprimer par la chanson).

    En vérité, il faut faire honte a celui qui écrit ces paroles ou a celui qui les entend comme un manuel de dressage a l’usage de sa « pute ». Il faut mépriser, et bien ouvertement, loin de la censure, ceux qui rient ou sourient en entendant cette chanson. Ou, pire encore, ceux qui ose la comparer a un chef d’œuvre rimbaldien… Si cette chanson d’Orelsan provoque un quelconque débat sur la liberté d’expression, il n’est pas tant sur la possibilité de proférer les paroles de cette chanson, que sur la longueur de la robe qu’une beurette pourra se permettre d’afficher en sa banlieue.
    Cf. Francois Miclo in Causeur http://www.causeur.fr/pour-une-geopolitique-de-la-beurette,2362

    2- Pour ce qui est des politiques culturelles, on retrouve un sujet assez familier. Dans quel mesure l’état doit-il faire preuve d’inventivité en matière culturelle ? Selon que l’on sera conservateur ou avant-gardiste, la réponse tombera d’elle-même !

    Pour le reste, il est d’usage semble-t-il que les autorités ne se mêlent pas des choix artistiques des musées ou des festivals. Certes. On y voit une victoire sur la « commande » qui régentait la vie des artistes jusqu’il a y peu. Je m’en suis toujours étonné. Il ne m’a jamais semblé que la commande ait empêché Mozart ou Michel-Ange de signer leurs plus beaux chefs-d’œuvre.

    En réalité, ce qui se joue dans la protestation contre Ségolène Royal tient bien de la vision politique. Celle de la politique du fromage dont la « caste artistique » s’est emparé et qu’elle entend bien ne pas lâcher. Voir un politique, même de gauche, se permettre une intrusion dans la gestion de leur subsides, voila qui est le « grand scandale » pour les artistes qui y voient mieux que nous un danger mortel (celui que leur propre népotisme soit remplacé par un autre, politique).

    Alors au final, pour notre nouveau Ministre de la Culture, la comparaison d’Orelsan avec Rimbaud, aussi ignarde et grotesque soit-elle, elle est un prix bien peu cher a payer ! Puisqu’en taclant l’adversaire de celui qui l’a fait ministre, il fait allégeance bien plus surement a son véritable maitre Rue de Valois, la classe artistique.

  • J’ai bien lu que vous tacliez la Gauche et les Homos..ministres.
    Je n’ai rien lu sur les caniches de l’UMP qui aboient en dénonçant la censure…Uniquement à cause de l’implication de SR. l’UMP qui défend le RAP violent des banlieues. Savoureux non ?

  • Ce n’est certes pas moi qui vais défendre Orelsan, mais enfin, vous exagérez lorsque vous dites qu’il « chasse les subventions » : il a simplement accepté de se produire dans un festival qui bénéficie (entre autres sources de financement), comme la quasi-totalité des festivals de musique en France, des subventions de la région.

    La position que vous défendez est tout à fait cohérente, mais je ne peux m’empêcher d’y voir un risque, car elle laisse la porte ouverte à une dérive dangereuse. Car enfin, Orelsan n’a rien fait de pénalement condamnable. Et je crains bien que les mêmes apôtres du politiquement correct qui n’ont pas voulu subventionner Orelsan (pour des raisons moins nobles que celles que vous défendez, hélas!), ceux que Muray appellait les « matons de Panurge », en viennent un jour à user des nouveaux moyens de pression en leur pouvoir pour s’attaquer à ceux qui contestent ce politiquement correct aux ambitions quasi-totalitaires. Les polémiques qu’ont provoqué nombre de trublions de droite (Houellebecq, Dantec, Finkielkraut, Zemmour…)ces dernières années ne présagent, à cet égard, rien de bon.

    A mon sens, il eût mieux valu laisser Orelsan éructer ses bêtises dans l’indifférence générale.

  • Qiu a écrit:

    A mon sens, il eût mieux valu laisser Orelsan éructer ses bêtises dans l’indifférence générale.

    Je suis intimement convaincu de la même chose : le laisser brailler , c’est le laisser se rendre ridicule, et surtout indéfendable. Donc tout à fait disposé à sombrer dans l’oubli.

    Même si ma première réaction, en lisant le mot d’Amon qui en traitait, a été de trouver inadmissible qu’on laisse passer à l’antenne des ignominie pareille.

  • @ uchimizu:
    et
    @ Flamby:
    d’accord avec vous.

    @ Koz:
    « L’Etat peut-il à la fois payer des campagnes de sensibilisation à la violence… , et contribuer …à l… l’exact opposé ? »:
    Pour la cigarette, ça ne lui pose aucun problème de dépenser (de mémoire) 10 fois plus pour sa promotion que pour la « dés-incitation ».

    @ Qiu: »A mon sens, il eût mieux valu laisser Orelsan éructer ses bêtises dans l’indifférence générale. »:

    et

    @ Koz: « Et je ne pense pas qu’il y ait lieu de recourir aux tribunaux « 

    en tant que femme, je trouve plutôt que si, car si on laisse banaliser par des chansons ce type d’actes, des esprits faibles se sentiront autorisés à les pratiquer. Savez vous que 98% des viols en France sont classés sans suite?
    Un politique qui avait dit que l’homosexualité était inférieure à l’hétérosexualité a été condamné. Pourquoi tout un chacun ne bénéficierait pas d’une loi qui interdise qu’on dise, même pour des motifs artistiques, culturels ou religieux, des paroles qui peuvent les heurter ou les menacer?

    Je trouve comme vous que l’on doit préserver la liberté artistique, religieuse ou d’expression, car elles sont facilement menacées par le pouvoir, mais cette précaution ne doit pas servir à protéger des actes ou paroles malveillants.

    soit c’est pénalement condamnable, et il doit être condamné (et je trouve que ça devrait l’être, comme incitation à la barbarie; cela dit, ce n’est pas à moi de juger si c’est dangereux, c’est à un tribunal),

    soit ça ne l’est pas, et il peut se produire où on l’accepte, ceux qui l’acceptent prenant la responsabilité de leur image. (Ou encore, on peut demander que la loi évolue pour encadrer de tels propos si elle ne le prévoit pas encore).

    Mais je ne pense pas que si quelqu’un fait quelque chose de dangereux, on doive le laisser faire en regardant ailleurs et en espérant qu’il s’arrêtera de lui même: la réalité nous montre que ça ne marche pas. Ce qui me choque c’est que tout le monde a déblatéré, politiques, médias, associations féministes, sans que ça ne serve à rien, et que personne n’a demandé à une institution compétente de trancher.

    Ce qui est consternant, au delà, c’est que les médias et les politiques en font plus de pub que le festival, d’autant plus que ça devient récurrent de faire de la pub aux pires trucs; ça appellerait une réflexion.

  • Plusieurs questions:

    *doit on subventionner sous prétexte de culture ce genre d’ « artiste »?

    Ma réponse est non (et je rejoints Ségo).
    Tout simplement parce que subventionner un artiste, veut dire « subventionner un artiste » et non un illettré ou se présentant comme tel.

    *l’état doit il interférer dans le choix culturel?
    Oui et non!

    1-Dans la mesure où pour moi, il n’y a aucun début de commencement de culture ou de création de culture, je ne vois pas pourquoi « on » pourrait choisir un tel « artiste ».

    2-Non s’il s’agit effectivement d’art, ce qui n’est pas le cas ici

    3-Oui dans la mesure où c’est une incitation à la haine et à la violence.

    Certains parlent de création artistique.
    C’est bizarre, j’aurais juré que l’argot datait de bien longtemps et n’avait rien ni de créatif ni d’artistique (bien qu’étant culturel, puisque langue d’une « certaine catégorie de personnes »)

    Qiu a écrit:

    Car enfin, Orelsan n’a rien fait de pénalement condamnable.

    Pour moi, ses « oeuvres » sont pénalement condamnables.

    La liberté d’expression si chère à tous en ce moment (c’est la mode!) est un peu bizarre!
    Les personnes qui comme moi, sont conservatrices n’ont pas le droit de s’exprimer (ou peu) et les personnes qui font de l’incitation à la haine et à la violence, par tous les moyens -que ce soit les chansons, l’art (?) ou les manipulations syndicales sont admirées et protégées…

    Alors bien sûr, il faut s’accorder sur la définition de l’art et c’est la bouteille à l’encre.
    Si on part du mot « création » et si on considère que toute création est un art, il me semble qu’on va vers une dérive sans nom!

    Si on part de la beauté, du respect de l’oeil ou de l’oreille, si cet art nous fait penser à la phrase magnifique « oh merveille des merveilles », si cette oeuvre nous fait passer vers le spirituel, le transcendant, la définition est toute autre.

    Je n’ose pas penser que la laïcité qui réfuterait toute spiritualité à une oeuvre (spiritualité en référence à l’esprit et non à la religion ou à une croyance religieuse)est majoritaire et que c’est ce nivellement par le bas qui nous impose ces sottises et autres laideurs de l’art d’aujourd’hui.

    Laisser Orselan dire ses bêtises?
    Je ne suis pas si sûre que ce soit la solution : nombre de fans de ce genre de littérature n’ont pas besoin de publicité pour se vautrer dans ces horreurs, quitte à les mettre en application.

    La censure fait parfois plus de mal que de bien, mais en l’occurence, peut être cela limiterait il les dégâts dans l’esprit de jeunes (sans connotation péjorative du terme jeune) en mal de repères.

    Alors oui à Ségo, à 100% sur ce coup là.
    Peu importe les sous-entendus, la finalité de son action et les raisons profondes.
    Vive Ségo! …et si c’est moi qui le dit, eh bien dites donc! 😉

    PS : je n’aime ni Rimbaud, ni Verlaine… Un désastre pour beaucoup d’intellectuels sans aucun doute!

  • @koz, qq commentaires rapides:

    ce que j’entendais par « réactionnaire plutôt que trangressif », c’est que la femme objet, telle qu’elle apparaît dans certains des textes d’Orelsan, est plus proche du statut traditionnel de la femme que de son statut actuel et en devenir. Mais bon j’en conviens, la formule n’est pas très heureuse, et ne s’applique pas parfaitement a ce cas précis.

    Quand à l’absence de valeur positive dans la transgression, il me semble qu’elle sous entend un « effort sur soi-même », qu’elle renvoie au « fait de progresser (évoluer dans le sens d’un mieux) aux dépens d’autre chose ». (cf mon dico en ligne préféré). C’est finalement uniquement a postériori que l’on peut évaluer le caractère transgressif d’un élément du débat. Même si je doute que cela puisse s’appliquer dans l’affaire Orelsan.

    Subvention publics // Droit de regard: je suis tes attachée à l’indépendance des organisations et médias culturels vis à vis du pouvoir. Prenons par exemple le cas de la presse, que l’état subventionne à hauteur de 288 Millions par an. Cet apport donne t-il à l’État (ou à ses différents échelons) un droit de regard sur une partie de ce que la presse publie ?

    Aller jusqu’au procès// excessif? je suis bien d’accord avec toi, mais malheureusement l’option intermédiaire choisie par les organisations militantes (manifestation devant salle de concert, pression sur les politiques, harcellement médiatique) dans l’objectif de ne plus voir se produire Orelsan, n’est manifestement pas une voie très satisfaisante. Si on estime que certains morceaux d’Orelsan font l’apologie de la violence, et qu’il est dangereux de laisser un tel artiste s’exprimer librement (avec ou sans fonds publics), je ne vois pas d’autres moyens que ceux qui consistent à faire appel à la justice pour contraindre « sa liberté d’expression » (si une telle restriction est possible par la loi). Sauf a vouloir se satisfaire du barnum médiatique et laisser à jamais cette question sans réponse satisfaisante pour l’une et l’autre des parties.

  • et puis ce n’est pas à Ségolène ni à moi ni à une association féministe de statuer selon l’air du temps sur le danger représenté par ce genre de paroles pour l’ordre public, mais à la justice, qui seule est compétente.

    Cela dit, il me semble que ce qui caractérise des menaces condamnables, c’est le fait qu’elles soient réitérées! est-ce qu’une chanson chantée plusieurs fois entre dans ce cas? 😉

    Le problème est surtout la victime: réelle, virtuelle, ou symbolisant toute femme, est-elle une victime acceptable?
    (Il ne s’agit pas de mettre Orlesan en prison, entendons nous bien, mais de statuer sur le droit ou non à chanter ce genre de choses en public).

    Les subventions, ça serait encore un autre débat, plus large: de quel droit un élu va-t-il choisir de faire passer de l’argent public (donc le mien…) dans les poches de tel artiste plutôt que de tel autre? Cet artiste n’est-il pas justement son beau-frère? Ou n’est-il pas sur-payé pour reverser en douce la moitié du prix dans telle poche légèrement moins publique? J’ai comme une suspicion quand je vois certaines horreurs que des administrations ont dû installer sur leurs pelouses à prix d’or… Je préfèrerais que l’Etat se cantonne à faire connaître des artistes en exposant gratuitement leurs oeuvres; si elles plaisent, les clients sauront l’exprimer!

  • en cette matière, comme dans d’autres,

    celui qui paye doit décider,c’est le marché ,

    celui qui est élu doit rendre des comptes,c’est la démocratie,

    celui qui parle doit assumer ses dires, c’est le courage politique,

    un incident très révélateur !!!

  • Pingback: Instant T, focus n°11 | Maxime-Viry.com

  • Bon, me voilà en retard de quelques wagons, mais je me lance quand même.

    D’un point de vue artistique, je ne trouve pas inintéressant de traiter la violence de la trahison par la violence de la chanson. Le clip d’ailleurs accrédite assez la position défendue par Orelsan: les phantasmes d’un mec qui souffre. La chanson semble être une sorte de long mail de rage d’une personne intégrée dans la société (costume, voiture, revient du travail : assez loin de l’univers banlieues paumées) et qui « pète un câble ». Dans tout le clip, on le voit seul, avec une bouteille à la main, l’air ivre (donc hors de contrôle). Mais il y a ce petit insert au début du clip: « Avertissement. Certaines paroles de cette chanson peuvent heurter la sensibilité des personnes ayant commis l’adultère ». Orelsan a donc l’air de jouer un double jeu, entre exutoire artistique et plaidoyer pour le lynchage en place publique de la femme adultère. Un double langage qui laisse la place à toutes les interprétations.

    Est-ce une incitation à violence dont les femmes peuvent être victimes de la part de leur compagnon ou de leur ex? Non: les cons, les violents et les jaloux trouvent toujours une « bonne raison » pour se laisser aller, pas besoin de se cacher derrière un chanteur.

    Est-ce que cela banalise (et même justifie) la violence, en particulier sexuelle, dirigée contre les femmes? Oui, et c’est cette banalisation qui est la plus dangereuse. Le public visé est manifestement un public jeune (très jeune) qui vit peut-être déjà dans une ambiance de violence, larvée ou déclarée. Ce genre de production est à la limite de la censure, ou de la diffusion restreinte. De plus, quand on se plonge un peu dans l’univers du garçon (ce que j’ai fait), là, on a beaucoup de questions à se poser, pas forcément sur la liberté d’expression mais sur la liberté de diffusion et sur le marketing ciblé.

    Zeyesnidzeno a fait référence à la chanson « je hais la Saint Valentin ». Pour moi, cette chanson est une œuvre pornographique (je n’ai même pas pu l’écouter jusqu’à la fin!) et devrait donc, au même titre qu’un film ou qu’une revue, être soumise à une distribution limitée auprès d’un public que l’on qualifie d’averti (au minimum + de 18 ans). Forcément si on créé une commission sur le mode du CSA qui puisse limiter la diffusion d’une œuvre, on pourra parler de censure, d’abus, d’injustice etc. A mon sens, c’est surtout (et comme souvent) une affaire de gros sous dans un marché du disque en déroute : limiter la diffusion de certains titres (je dis bien titres, pas artistes) auprès des jeunes, c’est se couper de la majeure (sic) partie de son auditoire potentiel. On connait aussi l’effet pervers de ces « mises à l’index » : ce qui est interdit attire et fait parler (d’ailleurs, ça pourrait arranger grandement la carrière en berne de certains chanteurs has-been). Néanmoins, marquer clairement une production (artistique ou commerciale) comme étant réservée à un public adulte, certes ça attise la convoitise des plus jeunes, mais ça leur indique aussi les limites. Psychologiquement, je crois que cela fait une très grande différence dans l’appréciation que les jeunes ou les plus influençables peuvent avoir de la réalité : si c’est interdit, ou d’accès difficile, c’est que ça n’est pas banal. A l’inverse, si on peut tout dire, tout écrire, chanter, voir etc, on tombe dans le relativisme moral qui peut faciliter un passage à l’acte dont la gravité de sera pas toujours comprise par les auteurs puisqu’ils ne savent plus où sont les limites.

    Pour moi, le seul intérêt de la diffusion sans restriction de la chanson « sale pute », serait qu’elle puisse servir de base à des discussions sur la violence mais aussi sur la canalisation de ses émotions, et peut-être paradoxalement, sur la fidélité et le flirt. Encore faudrait-il pour en parler que cette musique soit écoutée par les personnes les plus à même de voir l’impact d’une telle chanson : parents, profs, éducateurs. Comme cela me semble utopique, il devrait y avoir en matière de musique les mêmes alertes qu’en matière de programmes de télé ou de jeux vidéos (-10, -12, -16, -18).

    Revenons donc à notre festival, même en considérant qu’Orelsan écrit des textes à ne pas mettre entre toutes les oreilles, je pense que chacun doit prendre ses responsabilités et qu’en l’occurrence le directeur du festival connait son public, ses partenaires, les artistes et le milieu musical. Le programme des chansons est bien entendu discuté, pesé et marketé (d’où certainement l’invitation de certains artistes un peu sulfureux). Que les élus (et les citoyens) se plaignent a posteriori, bien sur. L’intervention a priori me semble par contre fort maladroite. Une action politique plus intéressante aurait pu être par exemple de demander un renforcement du contrôle du CSA sur les vidéomusiques et la proposition d’une mise en place d’un genre de BVP (devenu ARPP) pour les maisons de disques.

    Avec internet, les maisons auront de moins en moins de poids mais elles en ont encore et Orelsan n’est pas subventionné par nos impôts, il est financé par sa maison de disques. Celle-ci a fait un choix marketing, en sélectionnant un artiste dont la provocation n’est pas le moindre des attraits et qui « parle » à un public jeune, désœuvré, désabusé et éventuellement révolté, baignant dans la culture du porno et du jeu vidéo plus ou moins violent. Certes, l’artiste se positionne artistiquement (avec plus ou moins de talent) mais aussi commercialement et en cela il est largement aidé voire poussé par des producteurs, qui eux devraient être un peu plus responsabilisés. Producteurs de musiques mais aussi (et peut-être encore plus) producteurs de télé. Parce que si on y regarde de plus près, ce que chante Orelsan, c’est assez proche ce qu’on nous donne à voir et à entendre (entre les bips) tous les jours dans Secret Story. Pas étonnant après que plus personne (jeunes, adultes, élus, artistes etc) ne sache jusqu’où on est allé trop loin.

    Bref (pardon d’avoir fait si long), si l’artiste peut s’exprimer librement, la société a le droit et le devoir de protéger les plus jeunes de certaines œuvres, qui n’en seront pas moins savoureuses parce que découvertes tardivement par un esprit mieux à même de les apprécier (ou de les rejeter).

  • Quand on parle du loup…

    Le CSA est « très très fâché holala » contre TF1 au sujet de Secret Story.

    Doit-on organiser une manifestation de soutien pour ne pas être privé de ces grands moments de télévision?

    On est un peu loin d’Orelsan et des subventions publiques et ça ne va pas changer grand chose à la politique éditoriale de TF1 (ou d’autres qui pêchent dans les mêmes eaux) mais ça a au moins le mérite d’être dit.

  • Pingback: Koztoujours, tu m’intéresses ! » Il y a d’autres horizons

  • Bon je viens un peu tard… j’ai un paquet de billets de retard ayant pris des congés, du moins du net, un peu trop longtemps.

    Et je vais donner justement mon point de vue en tant qu’artiste.

    Je suis tout à fait d’accord avec Zeyes et vraiment +1 pour son commentaire. De même que celui de Philo sur d’autres points.

    Pour faire court et parce que Koz, Phil et Zeyes ont dit l’essentiel, c’est bel et bien aux tribunaux qu’il revient le soin de trancher. Pas aux subventionneurs. Bien sur Koz a raison sur un plan moral – l’anarchiste qui mendit la mâne du pouvoir, c’est une sorte de comble ; mais comme le dit Zeyes, le gouvernement subventionne la presse sans pour autant avoir un droit de regard sur le contenu. On ne peut pas, on ne doit pas mêler le politique à tout. Le politique est dans son rôle s’il pense qu’un système de subventions peut favoriser l’expression et la production artistique mais son rôle s’arrête là.

    Par contre les paroles mises en exergue par Zeyes, tombent ou devraient tomber sous le coup de la loi. Les associations féministes qui protestent ont eu bien tort de ne pas engager de poursuites et il est tout à fait possible que leurs réserves tiennent justement aux mêmes raisons qui font craindre à certains de condamner Orelsan : « Utiliser les outils de la répression pour intimer à un artiste de se taire – nous ne mangerons pas de ce pain là – on aurait l’air de quoi après ? »

    Et pourtant… une violation de la loi est une violation de la loi. Que ce soit un texte pro-nazi dans un concert rock skinhead ou un appel à la haine envers des personnes en raison de leur race, religion, sexe, dans un rap… ils doivent être condamnés. Et ce n’est pas de la censure – c’est l’établissement au sein d’une instance offrant le maximum de garantie (défense, expertise, possibilité d’appel, etc.) d’une culpabilité ou d’une innocence par rapport à une loi écrite.

    Là, il n’y a pas chantage. C’est clair, net et précis. Il n’y a pas d’ostracisme pour des opinions – il y a amendes, peines et interdictions. Et, bien évidemment, dans ce cas, Orelsan peut revenir ensuite chanter d’autres « oeuvres » à l’occasion d’un festival parce que l’organisateur peut exiger qu’une chanson ayant fait l’objet d’une condamnation pour incitation à la haine et à la violence ne soit pas au programme.

    Une dernière chose. Dans un monde dans lequel la production artistique est en surnombre, beaucoup d’artistes pensent qu’il faut etre bizarre ou transgressif pour se faire remarquer. A tel point qu’on en vient à penser qu’il faut être fou pour avoir du génie.

    La provoc est une façon classique mais surtout facile de créer un buzz autour de son nom. C’est du marketing pur et simple et rien d’autre. Courtney Love, la femme de Kurt Koben de Nirvana, expliquait un jour ce système pour en avoir usé et abusé elle-même – elle disait en substance, que la provoc était une solution de facilité d’un simplicité folle. Qu’elle pouvait pondre 20 idées de provoc absolument abjectes et révoltantes à l’heure, mais qu’elle devrait probablement suer sang et eau pendant des semaines pour écrire un texte ne serait-ce qu’un tant soit peu émouvant et sensible.

    Quand Orelsan sort un truc comme la « St Valentin », il ne devient pas « trangressif » – non – il devient commercial. Il décide justement de rentrer dans le rang parce qu’il en marre d’écrire ou de chanter pour des clopinettes. Alors, comme beaucoup de gens dans le métier, il va au plus facile. Il se demande quelles valeurs consensuelles existent – il trouve entre autres, le respect envers les femmes. Et ben, go – ça a jamais été trop fait – on va y aller du couplet myso (et pas qu’un peu) histoire de créer le petit buzz bien standard, bien marketté, bien ciblé. C’est ce que voulait dire Zeyes par « conservateur », je pense… Elle aurait pu dire beauf…

    Dans une émission de Taddei, un « auteur de pièces de théâtre transgressif » dont je me suis dépéché d’oublier le nom, expliquait avec sérieux et pas mal de cynisme que pour que l’on parle d’un spectacle, il fallait choquer. Que les trois domaines avec lesquels on pouvait encore choquer étaient le sexe, la religion et les excréments. Alors dans ses spectacles il mélait les trois comme ça il était sur qu’on parlerait de lui (je crois me rappeler que les « comédiens » nus, mais coiffés d’une cornette jetaient des excréments sur les spectateurs). La fameuse loi des trois tiers sans doute…

    Il n’est même pas certain que les poètes cités d’il y a quelques siècles n’aient pas eu la même idée en tête. Mais le coup facile de la provoc peut aussi être fait avec talent, originalité, subtilité voire même avec humour. Il est plus difficle d’essayer de célébrer la beautée d’une charogne en décomposition que d’écrire « si tu fermes pas ta gueule, je vais te marie-trintigné ». Lorsque Dali à qui il fut demandé de réaliser une œuvre sur une vitrine d’un magasin new-yorkais afin de lancer une nouvelle marque de parfum appelée « Fracas », arriva le jour du lancement pour simplement jeter un pavé dans la vitrine de la boutique de luxe, il ne faisait pas de l’art mais c’était au moins drole et teinté d’une subtile auto-dérision. Certains ont du talent et des idées – d’autres se contentent d’avilir, d’aller au plus court voire même décident de violer la loi. Après tout de quoi parle-t-on le plus dans les journaux ?

Les commentaires sont fermés