J'ai serré la main du diable

Ceux qui ne me veulent pas de mal – et il y en a – imaginent bien que c’est sans grande réjouissance que j’ai envisagé la lecture d’un livre présenté comme critiquant durement l’attitude de la France (ou du/des gouvernement/s français). Après avoir vu Hôtel Rwanda, il me paraissait difficile de ne pas chercher à en apprendre davantage sur le génocide intervenu là-bas, et la nature de la responsabilité française. Aucune curiosité « morbide » de ma part mais la volonté de ne pas me contenter d’une approbation par principe de notre politique étrangère parce que c’est nous, et que nous sommes nécessairement bons.

Pour autant, et j’en finirai avec ce propos introductif, je ne me fais aucune illusion sur la possibilité, pour moi, de connaître la vérité à cet égard. L’objet de la « dispute » – le génocide de plus de 800 000 personnes – est tel que les positions des parties engagées sont nécessairement « suspectes » d’être partisanes, et la tentation serait grande de vouloir trouver la vérité « entre les deux« .

* * *

Bonne âme, j’ai chapitré les développements de ce billet, et en ai rendu les titres clicables afin que vous puissiez éventuellement le lire en plusieurs fois… A titre de précaution, je précise que, quoique ce billet soit déjà long, les aspects du livre que je n’évoque pas sont nombreux. Je n’ai, par ailleurs, pas de prétention d’exactitude sur les faits. En l’occurence, en relatant brièvement la chronologie de la crise (1), je ne fais que survoler ce qui ressort de « J’ai serré la main du diable« . Ceux qui suivent un peu les débats autour du génocide rwandais savent à quel point le sujet est sensible. Je n’entends donc pas prendre parti sur un thème qui me dépasse.

La lecture de « J’ai serré la main du diable, la faillite de l’humanité au Rwanda » soulève incontestablement la question du rôle de l’ONU (2). Au-delà, ce génocide, comme d’autres avant lui pose la question de la nature humaine et, à vrai dire… de la place de Dieu (3) – vous comprendrez aussi, je l’espère que je n’ai pas non plus la prétention d’écrire quoi que ce soit de définitif à ce sujet mais uniquement d’évoquer les questions qu’ont soulevé cette lecture, qui m’a accompagné pendant plusieurs semaines. Enfin, je reviendrai, donc, sur cette question de la responsabilité française (4), telle qu’évoquée dans ce livre.

* * *

Le lieutenant-général Roméo Dallaire, canadien, est appelé à se rendre au Rwanda, en 1993, pour surveiller la mise en place des accords d’Arusha, accords de paix entre le mouvement rebelle Tutsi, le FPR, et le gouvernement du Rwanda, hutu, dirigé par le Président Habyarimana, dont l’assassinat a marqué le début des massacres.

Ces accords devaient conduire à la mise en place d’un gouvernement transitoire. Pourtant, il fut assez vite perceptible, à ce que raconte le Général Dallaire, que des éléments extrémistes – dont certains ne sont pas identifiables – étaient à l’oeuvre pour saboter un processus soutenu, en revanche, par des Hutus modérés. Le rôle du Président Habyarimana apparaît quant à lui, confus. Le FPR, force politique de l’actuel président du Rwanda, Paul Kagame, apporte pour sa part un concours prudent au processus.

Au titre des actions souterraines, menées par les extrémistes, le Général Dallaire rapporte notamment le cas de ces listes constituées, dans les écoles, les administrations, figurant l’ethnie des personnes ainsi recensées ou encore de ces caches d’armes constituées au sein de Kigali, qu’un informateur lui avait indiqué.

La Minuar (Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda), par l’intermédiaire de son commandant, fit part de l’existence de ces caches d’armes à l’ONU.

« La réponse signée de la main d’Annan est arrivée le 3 février. Ce fut un autre coup dur. Une fois de plus, il a préconisé une position passive pour la mission. Il a écrit : « […]Nous sommes prêts à autoriser la MINUAR à répondre de façon positive, sur une base de cas par cas, aux demandes du gouvernement ou du FPR pour obtenir de l’aide dans des opérations de récupération d’armes. Cependant, il doit être bien compris que si la MINUAR est en mesure d’offrir de l’aide ou de l’assistance dans de telles opérations, elle ne peut pas, je le répète, elle ne peut pas jouer un rôle actif dans leur exécution. Le rôle de la MINUAR est strictement un rôle de surveillance ».

Mes mains étaient liées. »

Il est toujours facile de frémir, a posteriori. Il n’empêche : a posteriori, on frémit. Surtout lorsque l’on sait que ces armes furent ensuite largement distribuées pour la commission du génocide.

Faut-il taire l’horreur du génocide, jeter un voile pudique par crainte du voyeurisme ? Ou parce qu’on imaginerait bien ce qui a du se dérouler ? Dallaire ne se complaît pas. Mais il décrit ces heures où Tutsis et Hutus modérés appelaient au secours la MINUAR qui ne pouvaient parfois qu’être témoins en direct, au téléphone, de l’exécution de ces personnes.

« Je l’ai assurée que nous arriverions dès que possible, et Brent a transmis le message au secteur de Kigali. Au moment où je prononçais ces paroles, elle m’a arrêté pour me signaler qu’elle entendait des personnes à l’extérieur. Sa voix est devenue d’un calme indescriptible, comme si elle n’avait d’autre choix que de se résigner à son destin, et elle a raccroché. Le jour suivant, j’ai su que son mari avait appelé Luc Marchal et que, pendant ce temps, la Garde présidentielle avait maîtrisé ses gardes et massacré la famille au complet. Comme tant d’autres, Hélène avait fait confiance à la MINUAR pour sa protection. Lorsqu’ils se sont fait assassiner, Luc a tout entendu au téléphone.

Je ne peux supporter de penser à la quantité de Rwandais à qui, ce jour-là, on a annoncé l’arrivée des secours et qui ont été massacrés par la suite. »

On peut se blinder, refuser d’imaginer, penser que c’est terrible, mais que c’est le lot commun des horreurs du monde, et qu’après tout, Dallaire, Brent Breadsley et Luc Marchal sont des soldats. Inutile peut-être de vouloir entendre l’angoisse au téléphone, de se figurer l’odeur de la mort. Mais à garder cela à distance, ne passe-t-on pas à côté de l’essentiel ?

Roméo Dallaire raconte ce pont sur le fleuve, un pont souple, contre lequel venaient buter des dizaines de cadavres gonflés, d’autres restant bloqués sous lui, et sur lesquels il faut marcher, à l’aller, au retour…

Il raconte ces bébés, jetés en l’air, ces femmes enceintes éventrées pour en extraire le foetus… Cortège « habituel » des ignominies des génocidaires….

Parce qu’il faut regarder en face ce dont il s’est agi, il cite Shaharyar Kahn, deuxième Représentant Spécial du Secrétaire Général (RSSG) de l’ONU qui raconte, dans son ouvrage, The Shallow Graves of Rwanda:

« Les extrémistes de Interahamwe avaient l’habitude de tuer des jeunes enfants tutsis devant leurs parents, leur coupant d’abord un bras et ensuite l’autre. Avec une machette, ils leur pratiquaient alors une entaille dans le cou pour les laisser lentement saigner à mort. Pendant qu’ils étaient encore vivants, ils leur tranchaient les parties intimes pour les lancer au visage de leurs parents terrifiés, qui étaient à leur tout assassinés à peine plus rapidement. »

Exhibitionnisme morbide de ma part, en recopiant tout cela ? Vous jugerez. Mais peut-on réagir correctement aux futurs génocides, de par le monde, et en premier lieu peut-être au Darfour, si génocide ne reste qu’un simple mot, déshumanisé, désincarné ? La prochaine fois que l’on entendra Schönberg ou Chazal évoquer des « mutilations« , au Darfour ou ailleurs, on s’en fera peut-être une autre idée…

Après des semaines, des mois d’atermoiements, de massacres – que le FPR, de Paul Kagame, ne semble pas s’être fait une priorité de stopper, lorsqu’il ne s’est pas rendu coupable de massacres lui-même (cf. notamment page 475) – c’est l’Opération Turquoise. La France envoie des troupes en nombre, pour des raisons humanitaires… qui ne convainquent pas Dallaire.

La description du rôle de l’ONU est, peut-être, influencée par le propre rôle de Dallaire. Si l’on veut se faire son contradicteur, on pourrait moquer le tableau de l’homme seul – des hommes seuls – aux prises avec une organisation défaillante et des technocrates bornés. On pourrait aussi souligner que Dallaire, auquel on a reproché la faillite de l’ONU, tente de s’en dédouaner « facilement« .

En l’occurence, je suis porté à croire que ce tableau est exact, à espérer qu’il était exact, il y a quatorze ans, sans assurance aucune que les velléités de réforme de l’ONU aient d’une quelconque manière changé la donne.

La liste des déficiences est longue, à commencer par l’inadéquation manifeste entre le fonctionnement administratif, bureaucratique, multinational et une situation d’urgence.

Le général Dallaire souligne lui-même à quel point il était dépourvu de toute formation politique, et de toute connaissance de l’Afrique. Il rencontrera pourtant tous les protagonistes d’un jeu politique complexe, d’un pays étranger, et dont on connaît désormais les enjeux. Certes, il bénéficiait de l’assistance d’un RSSG, diplomate et politique africain, Jacques-Roger Booh-Booh mais le moins que l’on puisse dire est que Dallaire ne paraît pas convaincu par l’implication et le discernement de cette personne[1].

Imagine-ton, aussi, que certains contingents arrivent non équipés ? Sans véhicules ? Certes, d’autres pays, peut-être mieux dotés, envoient de l’équipement, et non des hommes, mais l’on voit bien là qu’il y a un léger souci de cohérence.

Dallaire pointe aussi du doigt l’incompatibilité des systèmes de communication. C’est ainsi qu’il indique que, de ce fait, les ordres devaient parfois passer par quatre interlocuteurs différents, dont le point commun était généralement de n’avoir pas l’anglais pour langue maternelle, langue dans laquelle ils devaient pourtant s’échanger lesdits ordres ! On imagine la perte de temps et d’efficacité, lorsqu’il s’agira de réagir à des situations d’urgence extrême.

Ayant estimé nécessaire l’envoi d’une centaine de véhicules blindés de transport de troupes, les Etats-Unis acceptèrent d’en envoyer une cinquantaine, datant du début de la guerre froide :

« Puis, les mesures dilatoires commencèrent : le personnel du Pentagone se mit à hésiter avant d’envoyer les véhicules en Afrique centrale, semblant plus enclin à les laisser rouiller dans des dépôts situés en Allemagne. Il commença à bombarder le DOMP[2] de questions qui m’étaient consciencieusement retransmises. Puis, les Etats-Unis décidèrent que les véhicules blindés de transport de troupes ne pouvaient être donnés à titre gracieux à la mission, qu’il valait mieux nous les louer et que les termes de cette location restait à négocier. Finalement, les fonctionnaires décidèrent que cette location coûterait quatre millions de dollars, payables d’avance. Lorsqu’on souleva la question du transport de ces véhicules à Kampala afin de pouvoir former les Ghanéens à les utiliser, les Etats-Unis exigèrent six millions de dollars de plus pour les acheminer par la voie des airs. Après le financement du projet – un exercice interminable, comme on peut l’imagine – les véhicules furent expédier à Entebbe par avions. Après de nombreuses négociations avec l’Ouganda, ils arrivèrent sans mitrailleuses, sans radios, sans outils, sans manuels d’utilisation, et j’en passe. En fait, les Etats-Unis nous livrèrent tout simplement des tonnes de métal rouillé. Nous n’avions pas de camions pour transporter les véhicules à Kigali et pas de chauffeurs pour les conduire »

Ceci étant dit, gardons-nous de trop maudire les Etats-Unis : au moins envoyèrent-ils du métal rouillé.

Pendant le temps des négociations, sur place, le génocide continue.

Précisément, décider de l’utilisation ou non du terme « génocide » fut un enjeu diplomatique important. C’est en partie légitime, en partie effrayant : légitime car les mots ont un sens, surtout dans un cadre diplomatique, effrayant car, derrière cela, on perçoit bien que les pays qui en débattaient s’inquiétaient notamment de se voir obligés, dès lors, d’intervenir. « Massacres« , c’est mieux, c’est moins impliquant…

Ultime dysfonctionnement – à mon sens : durant toute cette crise, le Rwanda faisait partie des membres (non permanents, donc) du Conseil de Sécurité. Le résultat, selon Dallaire, fut que nombre de ces rapports confidentiels, adressés exclusivement au Conseil de Sécurité pour l’informer de la situation, de ses découvertes, des renseignements obtenus et des initiatives qu’il souhaitait prendre, étaient directement consultés par un représentant des extrémistes rwandais, qui ne manquait donc pas d’informer ceux-ci. Il semble totalement aberrant que, dans une situation de guerre civile, il ne soit pas prévu que le pays concerné ne puisse siéger au Conseil de sécurité.

Au final, on ne peut se départir, durant toute cette lecture, du sentiment que l’ONU sert – ou a servi, soyons optimistes – de gigantesque façade à la communauté internationale, se donnant bonne conscience par l’envoi de quelques hommes ou matériels, pour pouvoir ensuite, à nouveau, regarder ailleurs…

« Après mon retour du Rwanda, au fil des ans, je découvris lentement à quel point des pays comme la France, la Belgique, les Etats-Unis, entre autres, et des formations politiques comme l’AGR et le FPR avaient manoeuvré de manière cynique. Je ne peux m’empêcher de penser que nous constituions une sorte dediversion, une victime à sacrifier pour que ces hommes d’Etat montrent aux yeux du monde qu’ils agissaient pour mettre un terme au génocide. En fait, ce que nous faisions relevait du camouflage. J’ai touche le fond à la fin des années 90, après mon premier témoignage à Arusha, parce que j’avais enfin compris à quel point j’avais été dupe de cette comédie. J’avais poussé mes hommes à accomplir des choses qui, en fin de compte, avaient sauvé des vies humaines, mais qui, dans le conteste de cette grande tuerie, semblèrent presque insignifiantes. Et, pendant tout ce temps, je pensais être la cheville ouvrière des efforts entrepris pour mettre un terme à la crise. »

Auschwitz, Rwanda… Face à un génocide, la question est toujours la même : comment l’homme peut-il être capable de tels horreurs ? Oui, bien sûr, je vous lis d’ici : une vieille lune. Est-ce parce qu’on ne parvient pas à répondre à une telle question qu’il faut cesser de se la poser ?

Bien sûr, l’homme est capable du pire. On le sait, depuis les siècles qu’il s’en rend coupable, parallèlement au meilleur, toutefois. Mais je pense souvent au gardien de camp incapable de la moindre empathie pour les cohortes de personnes se dirigeant vers les fours. Je pense aussi à ceux qui, au Rwanda, sont allés chercher quarante enfants dans une école pour les aligner contre un mur, et les exécuter. Que l’on exécute des opposants politiques est déjà une chose, que l’on exécute des personnes adultes, une autre, que l’on aille, de façon délibérée, préméditée, froide, exécuter l’innocence dépasse l’entendement. Alors, on se prémunit, on fait les blasés, les cyniques, les désillusionnés… parce qu’il faut bien continuer à vivre, tout de même… en sachant que l’homme est capable de cela aussi.

Je lisais, en parcourant quelques pages sur le web que les génocidaires abolissent, psychologiquement, l’humanité de leur victime. Le raisonnement est attribué à Finkielkraut, sans que je n’ai pu en trouver la source. J’ose espérer qu’il ne s’arrête pas là. Car oui, évidemment, ils abolissent cette humanité. Comment pourrait-il en être autrement ? Comment commettre les atrocités mentionnées plus haut contre un « frère » ? On remarquera d’ailleurs que les nazis s’efforçaient de dépeindre les juifs en « rats« , quand les extrémistes hutus – et notamment les animateurs de Radio-Télé La Mort (ça ne s’invente pas) – appelaient continuellement les Tutsis des « cafards« .

Dallaire, lui, parle d’automates. Je me demande d’ailleurs si, précisément, les génocidaires n’abolissent pas, parallèlement à l’humanité de leurs victimes, la leur propre. Si, après avoir tranché le bras d’un enfant, en regardant ses parents, vous ne basculez pas nécessairement. Si, le sang goûté, vous ne vous engagez pas sur un chemin de non-retour. Si le premier meurtre, ou les premiers meurtres commis, vous ne vous dévêtissez pas vous-mêmes de votre propre humanité, pour retourner à la vie sauvage.

Si je doute parfois – allez… souvent – de Dieu, je ne pense pas avoir jamais cru à l’existence de Satan. Pourtant, lorsqu’on lit ce livre, que l’on suit cet acharnement, que l’on sait qu’un autre nom du Diable (celui dont il a serré la main) est « Le Diviseur« , ce qui serait assez cohérent avec ce génocide inter-ethnique et que, pour couronner le tout, la voix de la haine s’appelle Radio Télé La Mort, on se prend à penser que l’hypothèse pourrait gagner en crédibilité.

Avec l’interrogation sur la nature humaine vient donc, eh oui, l’autre question, sur le rôle de Dieu. Après Auschwitz, après le Rwanda, comment croire en Dieu ?

Demandez et vous obtiendrez, nous dit-Il. Mais combien ont crié vers Dieu ? Combien ont supplié ? « Dieu ne répond pas toujours comme on le voudrait » ? La belle affaire, dans un tel cas !

Les Lucs, Oradour-sur-Glane, Gikondo, ce sont dans Ses églises que Ses enfants se font massacrer. A chaque fois.

Alors, je connais deux tentatives d’explication. L’une veut que Dieu ne soit, évidemment, ni avec le camp d’en face, ni indifférent, qu’il soit avec l’humanité souffrante, à ses côtés, martyrisé à chaque fois que l’on touche à l’un de ses enfants, comme il laissé les Hommes crucifier son Fils, pour leur offrir la victoire contre la Mort. Pas un Dieu Tout-Puissant, mais un Dieu souffrant, un Dieu Tout-Amour.. J’aime l’idée d’un Dieu qui respecte la liberté des hommes, qui leur laisse la liberté de Le choisir, ou non, qui aimerait tellement la liberté des hommes qu’il se refuserait à agir, même dans un tel cas, laissant aux hommes la tâche de de progresser vers la Paix… Mais ne pourrait-on accepter une entorse au principe dans de tels cas ? Qu’Il se prenne à ne pas respecter cette liberté ?

« Entre l’absurde et le mystère, je choisis le mystère« , disait Jean Guitton. Si vous avez d’autres tentatives de réponse, pour me convaincre que la vie n’est pas, en fin de compte, le choix entre deux absurde, ne vous gênez pas, je prends.

J’avais voulu lire ce livre, sur la suggestion de l’un d’entre vous, pour tenter d’éclaircir un tant soit peu la question de la responsabilité française. A vrai dire, au terme de ce billet, je n’en ai plus vraiment rien à foutre. Tout cela, c’est la France, pas la France, c’est toi, c’est moi, c’est l’humanité… Mais soit, je vais en dire un mot tout de même.

Car je n’ai pas vu dans le livre de Dallaire un réquisitoire contre la France. Certes, il l’accuse d’avoir préserver ses intérêts sous couvert d’action humanitaire. Certes, il réprouve la constitution de la Zone de Protection Humanitaire qui, en générant des déplacements en masse, aurait causé la mort de milliers d’autres personnes. Certes, il évoque non pas l’Opération Turquoise, mais l’Invasion Turquoise. Il dénonce aussi la présence en son seing d’officiers qui ont été des conseillers militaires de l’AGR dans sa lutte contre le FPR et le moins que l’on puisse dire est qu’une telle présence « surprend« .

Mais il relève aussi le rôle du Général Lafourcade, commandant de l’Opération Turquoise[3] , contre lequel il n’émet aucune critique, le louant, en revanche, d’avoir publiquement repris l’un de ses subordonnés (précisément ancien conseiller militaire) et note :

« Certains de ces officiers étaient issus de la tradition coloniale qui consiste à intervenir militairement dans les affaires de leurs anciens Etats-clients. Ils ne voyaient aucune raison de modifier leur point de vue au sujet de ce qu’ils présentaient comme une autre querelle interethnique. D’autres citoyens français, comme Bernard Kouchner, paraissaient véritablement motivés par l’humanitarisme. Je crois que les Français ne se sont jamais entendus sur l’attitude principale que devait adopter l’Opération Turquoise. Il serait juste de dire que peu de soldats de cette opération avaient une idée précise de l’ampleur des massacres ou du degré de complicité du régime de Habyarimana dans le génocide. Bien que je ne sois pas enclin à être généreux dans mon interprétation des motifs des militaires français, je pense sincèrement que leurs rapports subséquents avec le génocide ramenèrent nombre d’entre eux à la raison »

Bref. Je ne vois pas dans ce livre de quoi étayer les griefs entendus de « complicité de génocide« , avancé notamment par Kagame, dont le rôle à la lecture du livre – et malgré une évidente considération de la part de Dallaire – n’apparaît pas particulièrement exempt de tout reproche. Soyons clair : on n’y trouve pas, non plus, de quoi être fier, les motivations de la France apparaissant pour le moins mêlées d’humanitaire et d’intérêt franco-français…

* * *

Il a serré la main du Diable. Parce qu’il lui a fallu rencontrer et négocier avec les miliciens de l’Interahamwe. A plusieurs reprises, il précise qu’il lui a fallu vider son chargeur avant de les rencontrer, pour être sûr de ne pas commettre d' »impair« . Le Général Dallaire et ses hommes ont été plongés dans le plus horrible épisode contemporain, sans aide, sans considération, sans logistique et avec l’interdiction d’employer la force. Un peu comme si vous aviez le droit, en arme, d’observer Auschwitz, mais sans intervenir… Il a, apparemment, perdu la raison quelque temps, à son retour du Rwanda. On peut s’en étonner, certains s’en moqueraient… toujours depuis leur salon.

Son rôle est controversé, critiqué ? Lorsqu’il s’agit de se rejeter la responsabilité de 800 000 morts, le poids de l’inefficacité générale, qui pourrait se targuer d’être sans tâche ? Et si, à certaines occasions, il peut sembler se mettre quelque peu en scène, ce que certains ne manquent pas de pointer, ils omettent de signaler les nombreuses autres occasions où il examine, sans complaisance particulière, sa propre responsabilité.

La faillite de l’humanité ? Oui, doublement. Faillite de l’homme, de son humanité, puisque ceux-là ont renié la leur, et celle de leurs victimes. Faillite de l’humanité, qui n’est pas intervenue, qui a débattu, longuement, de la qualification de ce qui se déroulait sous ses yeux, pour savoir s’il était bon ou non, d’intervenir… et a trop souvent préféré ses seuls intérêts nationaux.

Se pencher sur l’Histoire, même contemporaine, vaut surtout pour les leçons que l’on peut en tirer pour le temps présent. L’éditorial du Monde, hier, titrait sur le « Devoir d’ingérence » au sujet du Darfour :

« La communauté internationale, prompte à dénoncer depuis quatre ans les crimes contre l’humanité au Darfour, n’a que trop tardé à réagir. Elle doit prendre M. el-Béchir au mot et accélérer le déploiement d’une force armée crédible. M. Ban Ki-moon ne doit pas se retrouver seul face aux obstacles. Washington et les Européens doivent concrétiser leur soutien.

Jacques Chirac ne dit pas autre chose lorsqu’il évoque, dans son discours au corps diplomatique, une « responsabilité de protéger » les populations du Darfour et, plus largement, d’une Afrique centrale et orientale menacée d’embrasement. Cette « responsabilité » est, au-delà du droit d’ingérence, le véritable « devoir d’ingérence » théorisé par Bernard Kouchner. Or, si l’exercice de ce devoir n’est pas toujours nécessaire, et parfois même n’est pas souhaitable, il y a un endroit sur la planète où il mérite d’être exercé, sans l’ombre d’un doute et sans tarder : c’est au Darfour. »

Devoir d’ingérence, plus que « droit » : bien sûr le principe serait de maniement délicat. Bien sûr, nous trouverons des tas d’arguments raisonnables pour en dénier la pertinence. Mais on a mené nombre de guerres au nom d’intérêts obscurs, envoyé des millions d’hommes à la mort pour un simple jeu d’alliances, ne pourrait-on imaginer d’en mener par humanité ? La souveraineté d’un Etat est-il vraiment un principe inviolable ? Vaut-il davantage le respect international que les milliers de morts du Darfour ?

… Et va-t-on enfin se saisir vraiment, en France, de la question du Darfour, et en entendre parler par d’autres voix que celle du Docteur Carter ?!

* * *

Je lirai prochainement les larmes de l’honneur, façon de donner aussi la parole aux officiers français.

  1. Au point que Booh-Booh a écrit un livre en réponse, dans lequel il multiplie les accusations à l’encontre de Dallaire, dont certaines me paraissent à proprement parler rocambolesques. Cela étant, j’éviterai d’entrer dans une controverse qui m’échappe []
  2. Direction chargée des opérations militaires à l’ONU []
  3. qui a d’ailleurs fondé l’Association France-Turquoise constituée pour défendre l’honneur des militaires français – voir ici ou []

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36 commentaires

  • Je crois me souvenir que Jacques Chirac, du reste, avait préfacé l’ouvrage dirigé par Mario Bettati et Bernard Kouchner sur le « devoir d’ingérence ».

    Mais l’honnêteté commande de dire que je n’ai pas retrouvé la référence.

  • J’ai beaucoup de respect pour B Kouchner, qui est parfois excessif mais qui à le mérite d’essayer
    Il me semble qu’à partir d’un certain niveau de montée des extrèmes, les modérés sont impuissants. La montée du nazisme en Allemagne en est un bon exemple. Ce que tu racontes en est un autre.On peut avaoir un impact sur les détails (et sauver une seule vie n’est pas inutile) mais pas sur la dynamique globale
    En théorie une intervention extérieure peut modofier le rapport de forces et renforcer les modérés mais c’est extrèmement délicat.
    J’ai lu récemment une partie de la magnifique série de BD de J Ferrandez sur l’Algérie et je me suis fait exactement la même réflexion: il met en scéne un officier qui essaie d’être juste à la fin des années 50 mais c’est trop tard depuis longtemps (daprès la série, on peut estimer que les dernières chances ont été gachées en 1930)
    Je me suis fait d’ailleurs la réflexion que le fait d’avoir échapper à l’engrenage de la guerre civile en 1988 en Nouvelle Calédonie tient du miracle
    J’en déduis que notre responsabilité est d’agir avant qu’il ne soit trop tard, là où nous sommes, pour construire au quotidien les bases d’une vie ensemble paisible
    Cela veut dire par exemple lutter contre la ghettoisation en France ou pour les blogueurs jouer le jeu du dialogue avec ceux qui ne pensent pas comme nous plutôt que de l’invective
    Rien d’héroîque mais un vaste programme!

  • Merci Koz pour ce beau billet qui donne à réfléchir.
    On peut par exemple réfléchir sur la responsabilité des puissances coloniales qui, en ne voulant pas renoncer aux frontières artificielles de la colonisation, ont amené des ethnies violemment antagonistes à vivre ensemble.
    Peut-être les belges, l’ancienne autorité de tutelle, ont-ils pensé que la démocratie permettrait à ces populations fines et évoluées d’apprendre à vivre ensemble.
    Les limites du jeu démocratique étaient connues dès le lendemain de l’indépendance.
    Les journaux français et belges relataient, en 1960 je crois, sans que personne ne s’en émeuve, que les fleuves du Rwanda charriaient des cenatines de corps de géants (les Tutsis) massacrés par des pygmés (les Hutus).
    Comment pouvait-on imaginer forger une nation sur des haines ancestrales aussi violentes?
    N’oublions pas que les Tutsis, peuple particulièrement intelligent, avaient tenu plus ou moins sous leur coupe pendant des siècles les Hutus qui en gardaient une grande amertume et que le jeu démocratique permettait à ces derniers de prendre une revanche légale sur les Tutsis légèrement minoritaires.
    On pensait sûrement en Europe que l’ intérêt que ces peuples trouveraient à vivre ensemble effacerait les rancoeurs. Voeu pieux.
    Un autre sujet de réflexion à partir de ton billet est la quasi indifférence des grandes puissances devant le génocide.
    Pas seulement des dirigeants mais aussi des opinions publiques.
    Combien de grandes consciences prêtes à dénoncer l’attentisme de Pie XII devant la Shoah se sont-elles mobilisées pour le Rwanda?
    Par rapport à la population Tutsis les 800 000 morts représentent l’un des plus grands génocides de l’histoire. Même aujourd’hui cela n’empêche pas grand monde de dormir.
    Tu fais à juste titre allusion à Dieu, à la religion.
    Ce sont des chrétiens qui ont tué d’autres chrétiens.
    Des prêtres ont tué, des évêques ont été complices.
    Le Christ a donc été crucifié pour rien?
    René Girard dans « Le bouc émissaire » et dans « Je vois Satan tomber comme l’éclair » décrit très bien le processus satanique qui s’est développé sous nos yeux.
    Cela nous amène à ta question, essentielle : que faisait Dieu? Et comme beaucoup de chrétiens d’aujourd’hui tu dis douter parfois, souvent, de Dieu et ne pas croire à l’existence du diable.
    Or comment peut-on expliquer le monde tel qu’il est, comment peut-on expliquer que chacun de nous est bon et méchant à la fois, si le diable, le mal, n’existe pas?L’Ecriture n’arrête pas de faire allusion aux puissances du mal, au malin.
    La Shoah, le génocide rwandais ne me convainquent pas de la non-existence de Dieu mais au contraire de l’existence du diable, et j’ai cru comprendre que tu te posais la question aussi.
    Ne dit-on pas dans le Notre-Père « délivre-nous du mal »?
    Dans un billet écrit par Tristram Shandy on peut lire : « aucun de mes actes, aucune de mes pensées, ne peut être un péché ».
    Orgueil ou inconscience?
    Le « divin marquis » de Sade disait « il me plaît à moi d’être mauvais, qui d’autre imposera le contraire à ma volonté? »
    Au Rwanda ils ont été nombreux à penser qu’ils avaient le droit d’être mauvais.

  • Merci koz pour ce billet.
    J’ai lu ce livre lors de sa parution, il y a déjà 3 ans (un passage de son auteur sur France Inter m’en avait convaincu).
    Je souhaiterai juste rajouter un passage qui m’a pas mal marqué (à propos de l’évacuation de 50 enfants rwandais, p.509):
    Le vol arriva à Nairobi en début d’après-midi, mais l’appareil français n’était pas au rendez-vous […]. Les enfants restèrent dans l’appareil plus de 9 heures et leur santé en souffrit terriblement. L’un d’entre eux mourut. Ce soir-là, l’avion-hôpital finit par arriver […] Le vol arriva le jour suivant en France, à un moment de la journée garantissant une couverture médiatique maximum.
    Il y a plus de dix ans comme maintenant (cf liban, retardement de l’embarquement d’expat), la volonté de médiatiser les actions du gouvernement passe au-dessus des besoins des populations a priori visées par ces actions… et presque personne ne s’en offusque.

  • [quote comment= »205″]J’ai beaucoup de respect pour B Kouchner, qui est parfois excessif mais qui à le mérite d’essayer. (…) En théorie une intervention extérieure peut modifier le rapport de forces et renforcer les modérés mais c’est extrêmement délicat.[/quote]

    Dallaire est assez équilibré avec Kouchner: autant il se montre méfiant vis-à-vis de son attirance pour les médias, autant, visiblement, il reconnait que, sans les médias…

    Pour ce qui est de l’intervention, à s’en rapporter au bouquin de Dallaire, il aurait pu être possible de stopper ou d’atténuer fortement le génocide, à supposer qu’il ait disposé en temps utile d’hommes en nombre suffisant, et de la logistique adéquate. Il évoque notamment un cas où, sans faire usage de leurs armes, cinq membres de la MINUAR bien décidés sont parvenus à faire lever un barrage tenu par des adolescents de l’Interahmawe, l’un de ces barrages où se commettaient de nombreuses exactions.

    Difficile d’être totalement certain de l’exactitude de son propos, mais il mérite d’être lu.

    En tous cas, effectivement, on ne peut pas se résoudre à jouer les pompiers et c’est bien en amont qu’il aurait fallu agir. C’est d’ailleurs le sens de ce que fait observer Dang ensuite.

    [quote comment= »206″]On peut par exemple réfléchir sur la responsabilité des puissances coloniales qui, en ne voulant pas renoncer aux frontières artificielles de la colonisation, ont amené des ethnies violemment antagonistes à vivre ensemble.
    [/quote]

    Oui, probablement, on a plaqué sur l’Afrique notre façon de concevoir l’Etat, le tout mâtiné de compromis territoriaux entre grandes puissances.

    Il semble que la Belgique, dans ce cas, porte une certaine responsabilité, en ayant assis la domination d’une ethnie sur une autre. La Belgique dans ce cas, la France dans un autre…

    [quote]Cela nous amène à ta question, essentielle : que faisait Dieu? Et comme beaucoup de chrétiens d’aujourd’hui tu dis douter parfois, souvent, de Dieu et ne pas croire à l’existence du diable.

    Or comment peut-on expliquer le monde tel qu’il est, comment peut-on expliquer que chacun de nous est bon et méchant à la fois, si le diable, le mal, n’existe pas? L’Ecriture n’arrête pas de faire allusion aux puissances du mal, au malin.[/quote]

    Je pense aussi que la représentation véhiculée d’un Diable croquemitaine, à la queue fourchue a tendance à me dissuader d’y croire. J’ai du mal à l’imaginer en train de comploter avec ses démons.

    En revanche, que le mal existe, oui. Après, comment expliquer cela ? Tendance, molécule, ou oeuvre du malin ? Pourquoi l’homme existe-t-il avec en lui le mal et le bien, quand le reste des espèces n’est – il me semble – animée que par la nécessité ? Nous choisissons. Nous sommes capables de choix quand les espèces animales sont conditionnées – même si l’on trouve quelques cas de « générosité ».

    [quote]La Shoah, le génocide rwandais ne me convainquent pas de la non-existence de Dieu mais au contraire de l’existence du diable, et j’ai cru comprendre que tu te posais la question aussi.[/quote]

    Possible, Dang, possible… On pourrait se dire effectivement que ces déchaînements de haine, violence, sauvagerie illustrent la puissance comparée de « Dieu » et du « Diable ».

    attention, intrusion de la trivialité : je dois mettre le couvert… mais j’ai bien l’intention de revenir sur ce sujet

  • Nul besoin d’aller très loin pour se faire une idée de cette indignation sélective ou pire de la charité, assumée pour les uns, refoulée par les autres.

    L’histoire de cette soupe au cochon qui nous interpelle en ce moment n’est elle pas justement une bonne illustration, de ce racisme latent ou refoulé qui remonte à la surface et qui nous fait apprécier la misère humaine en fonction de ceux qui la subissent ?

  • Après une telle lecture, nous sommes renvoyés à l’essentiel. L’allusion à cette pantalonade idiote de la « soupe au cochon » nous fait retomber des hauteurs.C’est effectivement du racisme imbécile. Même s’ il est vrais que certains français de souche se sentent rejetés par les medias , par les bonnes consciences c’est une initiative totalement contre-productive !Il faut l’oublier

    J’ai été particulièrement frappée par votre rappel des termesde « rats » que les « nazis et consorts » employaient pour les juifs et de « cafards » qu’employaient les Hutus et par votre analyse où vous vous demandez « si les génocidaires n’abolissent pas parallélement à l’humanité de leurs victimes la leur propre ».
    Ce retour sur ce drame doit nous rendre conscients des périles du Darfour. Mais nous sommes tellement entourés de braillards
    qui oblitèrent les vrais drames que nous nous sentons très impuissants.
    Merci pour ce cri

  • J’aime beaucoup le commentaire de Verel, je le trouve très profond : la montée des extrèmes est un phénomène qui, passé un certain point, est irrépressible. A nous d’agir, dans la mesure de nos moyens, là ou nous le pouvons, pour favoriser le dialogue, le jeu démocratique.

    Koz, ton billet me rappelle des conversations que j’ai pu avoir avec des militaires français : sur le terrain, il faisait ce qu’ils pouvaient, et ils ne pouvaient rien faire, le dispositif (et les ordres) étaient concus dans un sens, proteger le gouvernement (hutu) contre les rebelles (tutsis). L’inertie de la machine a fait qu’ils ont été comme happés quand les massacres de civils tutsis ont commencés. Ceux auxquels j’ai parlé sont blessés d’être accusés de génocide quand ils pensaient faire leur devoir. Il est trop facile de dire à posteriori qu’il était « évident » que les armes fournies serviraient à massacrer des civils plutot que de resister aux rebelles. Cependant, y’a-t-il eut tout de meme ces cas allégués où les militaires français donnaient leur concours actif aux génocidaires ? Je ne sais pas, et j’espere que non.

    On peut voir une lecon très nette de l’opération Turquoise dans la façon dont la crise en Côte d’Ivoire a été gérée : en s’interposant, sans armer les uns contre les autres, en gérant les extrémistes des deux bords avec une intelligence remarquable (j’ai l’habitude de dire que chaque soldat français en côte d’Ivoire doit être un diplomate en puissance). Et pourtant, ce n’est pas une solution parfaite, puisque maintenant le pays est coupé en deux, sans perspectives apparentes…

  • [quote comment= »213″]J’ai été particulièrement frappée par votre rappel des termes de « rats » que les « nazis et consorts » employaient pour les juifs et de « cafards » qu’employaient les Hutus et par votre analyse où vous vous demandez « si les génocidaires n’abolissent pas parallélement à l’humanité de leurs victimes la leur propre ».[/quote]

    Oui, visiblement, un génocidaire est obligé de se créer son petit théâtre mental pour être capable du pire. Mais effectivement, c’est quelque chose que je n’arrive pas à formuler clairement, mais j’ai effectivement le sentiment – et ce n’est pas du bon sentiment – qu’au fur et à mesure de leur entrée dans le génocide, ils abandonnent eux-mêmes leur humanité.

    Pour revenir sur la question du Mal, on peut trouver de « simples » explications psychologiques à cette sauvagerie, mais certains points demeurent saisissants.

    Je repense à ce que dit Dang sur le fait que de tels génocides tendent davantage à le convaincre de l’existence du Diable, sous quelque forme que ce soit… Il est vrai que l’on peut franchement avoir le sentiment d’avoir affaire à des personnes possédées. On peut penser qu’elles le sont par le déferlement de violence auquel elles se sont déjà livrées. Et / ou s’interroger.

    [quote comment= »216″]Cependant, y’a-t-il eut tout de meme ces cas allégués où les militaires français donnaient leur concours actif aux génocidaires ? Je ne sais pas, et j’espere que non.
    [/quote]

    Je ne peux pas être affirmatif, bien sûr. Pour ce qui est du livre de Dallaire, pourtant pas porté à la complaisance vis-à-vis des français, on ne lit rien en ce sens.

  • merci pour votre contribution à la connaissance du génocide rwandais. Il m’a apporté un éclairage salutaire sur l’hypocrisie humaine, qui se voile la face derriere des motifs plus ou moins avouables. Comment peut-on après le Rwanda laisser faire au Darfour? Et ce qui risque de se produire en Somalie?
    Sans compter d’autres chaudrons de la mort moins médiatisés?
    Et j’ai une question à vous poser à propos des « enfants de don quichotte ». Je souhaiterai savoir depuis quand existe cette association, de quelles subventions elle bénéficie….merci d’éclairer ma lanterne

  • « ce qui risque de se produire en somalie » : de quoi parlez-vous ? cela n’a rien à voir.

    Au Darfour, oui, il y a génocide, et il faut agir. mais c’est facile de dire ça depuis nos claviers. C’est un vrai « merdier » cette région, avec des ethnies très enclavées, un énorme espace à couvrir… de vraies difficultés aggravées par l’opposition du gouvernement soudanais.

  • [quote comment= »226″]merci pour votre contribution à la connaissance du génocide rwandais. Il m’a apporté un éclairage salutaire sur l’hypocrisie humaine, qui se voile la face derriere des motifs plus ou moins avouables. Comment peut-on après le Rwanda laisser faire au Darfour ? [/quote]

    Sans vouloir non plus vous desespérer sur la condition humaine. Reste à savoir si, si nous étions décisionnaires, nous parviendrions à imposer une intervention effectivement humanitaire.

    [quote comment= »229″]Au Darfour, oui, il y a génocide, et il faut agir. mais c’est facile de dire ça depuis nos claviers. [/quote]

    Tu as raison de le souligner. On ne peut pas se contenter de réclamer une intervention et repartir satisfaits du devoir accompli. Comme il est trop facile de se dire : « y’a qu’à y aller« .

    En revanche, l’opinion publique a son intérêt pour forcer la main de dirigeants parfois plus sensibles à la « raison d’Etat » et, malheureusement, surtout soucieux de ne pas être désavoués par les électeurs (si un soldat français devait mourir…).

  • [quote post= »35″]la puissance comparée de “Dieu” et du “Diable”.[/quote]

    Attention Koz ! vous frisez le manichéisme, c’est à dire l’hérésie 😉

    Une citation de Farid Al-Din Attar : « Tous les pêchés du monde ne sont qu’un grain de poussière dans les plis du manteau de sa miséricorde. »

  • merci Koz d’avoir écrit ce billet.
    « Je lisais, en parcourant quelques pages sur le web que les génocidaires abolissent, psychologiquement, l’humanité de leur victime. Le raisonnement est attribué à Finkielkraut, sans que je n’ai pu en trouver la source.  »
    Ce raisonnement date au moins d’Hannah Arendt dans Les Origines du Totalitarisme, Le Système Totalitaire (tome 3 de l’édition de poche). Elle décrit de façon frappante ce processus de deshumanisation des victimes.

  • Billet solide et instructif, pour qui a le tort de ne pas avoir lu Dallaire (moi par ex.). Difficile de faire le malin en ajoutant qqch.

    Pour avoir passé quelques jours au Burundi, j’ai un tout début de commencement de sensation de tout ça – j’ai toujours sous les yeux le regard des soldats tutsis patrouillant dans le marché, et le regard de la marchande de fruits hutu quand passent les soldats, et le mot génocide, ou plus précisément « menace de génocide », prend son sens concret : « apprendre à vivre un équilibre de la terreur ».

    Mon collègue – tutsi – s’occupait de veille citoyenne sur les médias. Les « noms d’animaux » ou les caricatures animalières étaient pour lui un indicateur inquiétant. Quelques semaines plus tard, quand j’ai entendu sur le quai de ma gare d’Argenteuil un conseiller municipal, distribuant des tracts, qui parlait à son collègue de « la vermine » pour désigner l’adversaire, je lui ai volé dans les plumes, le pauvre doit encore se demander pourquoi.

    Mais j’entendais il y a quelques semaines Simone Veil, interrogée là-dessus (« les nazis voulaient vous ôter votre humanité ? ») : elle répondait, un peu irritée : « peut-être, mais surtout, il nous tuaient ».

    Et pour trouver quelque chose à redire dans le billet, quand koz se demander : « Si le premier meurtre, ou les premiers meurtres commis, vous ne vous dévêtissez pas vous-mêmes de votre propre humanité, pour retourner à la vie sauvage. », c’est oublier que le meurtre gratuit, la torture sadique, sont des spécialités de l’humanité. Dans la vie sauvage, si on tue, c’est par besoin immédiat. La gazelle broute tranquillement à portée du lion … repu.

    Où va ce commentaire longuet ? à rappeler que cette « humanité » faite d’acceptation de la dignité de l’autre, de capacité à vivre ensemble, n’est pas seulement un principe moral individuel, c’est aussi une construction sociale complexe.

    Quand Koffi Annan, avant le génocide, interdit à la MINUAR de prendre l’initiative de démanteler des caches d’armes, il veut, me semble-t-il, leur interdire de déclencher un génocide. La MINUAR ne peut contribuer à l’équilibre précaire des accords gouvernement-FPR qu’en s’abstenant de devenir partie prenante. Ou autrement dit, le gouvernement du président Habyarimana (hutu et soutenu, en cas de vote, par une large majorité de la population) ne peut contribuer à la paix civile que s’il conserve le contrôle de la population.

    Je ne connais rien de feu le président Habyarimana, mais à titre de raisonnement de principe : contrairement aux milices hutues construites sur une idéologie revanchiste anti-tutsie (comparable à très gros traits à l’antisémitisme nazi : les tutsis sont assimilés à des exploiteurs dans un pays manquant de ressources et d’espace vital), le président a intérêt aux accords, parce que ceux-ci lui assurent de rester président.

    Son assassinat transforme de fait les futurs génocidaires en détenteurs du pouvoir d’Etat, le FPR en première force du pays (au sens de force militaire, de capacité de contrôle) et met les assistants militaires français en situation déboussolée – l’idéal serait peut-être de les enlever, mais quel gouvernement tiers responsable enlèverait les quelques points de contact qu’il a dans l’appareil d’Etat d’un pays qui risque l’effondrement ?

    Testis unus, testis nullus, mais je suis frappé par les propos de l’officier FPR Abdul Ruzibiza (Libé, 28 novembre, sous le titre «J’ai été amené à voir les gens qui ont commis l’attentat» [contre l’avion présidentiel]) :  » Etiez-vous conscient des conséquences de cet attentat ? – Oui ! Il suffisait d’un peu de bon sens. A chaque fois qu’on lançait une petite attaque, les extrémistes hutus tuaient 500 Tutsis, brûlaient des maisons, volaient le bétail. On pense que les petits soldats n’ont pas d’information. C’est faux : c’est nous qui amenions les renseignements aux grands chefs, et nous encore qui exécutions leurs ordres. Il n’y pas de secret chez les militaires. »

    « Oui » et « Il suffisait d’un peu de bon sens ». Oui mais … il fallait un peu de bon sens, du sens du bon, pour faire la juste pondération entre l’objectif militaire de prendre le pouvoir, et le risque de voir massacrés la moitié des gens de votre ethnie. Et ce bon sens est-il la chose la plus partagée chez les « grands chefs » ?

    Venons-en au Darfour. (Je n’y suis jamais allé, et pour la position officielle de gens qui savent de quoi ils parlent, voir la page Darfour sur bayrou.fr !).

    Vouloir empêcher les massacres qui s’y déroulent continûment, c’est le devoir de chaque être humain et de la communauté internationale. Mais elle n’a pas la possibilité physique – en tout cas, personne ne le prétend – de greffer un GPS sur chaque cheval des janjawids, a fortiori de doter chaque village d’une garnison de casques bleus. La possibilité physique pour que les massacres s’arrêtent, c’est que les nombreux acteurs du conflit arrêtent leurs raids et exactions. La communauté internationale, pour « créer les conditions », (comme on dit lourdrement mais justement) de cet arrêt des violences, doit mettre le paquet, mais ce n’est pas forcément un paquet de gentils casques bleus. Ça peut être un paquet d’argent, ou un paquet de je ne sais quoi encore.

    (J’avoue que c’est trop facile de rappeler que M. Kouchner a utilisé un argument similaire pour justifier l’invasion de l’Irak. J’y verrai un exemple pour étayer ma conclusion [ouf !] )

    Le devoir moral d’ingérence pour la paix, doit se conjuguer avec le devoir pratique de respect des structures sociales existantes qui, même très peu humanitaires dans leurs principes, peuvent être le seul outil disponible pour obtenir effectivement la paix.

  • Merci Koz pour ce billet, ainsi qu’aux commentateurs qui l’ont enrichi. A la lecture du livre de Jean Hatzfeld, Une saison de machettes, il ressort que les moins traumatisés aujourd’hui sont les génocidaires. Ils ne font pas de cauchemards, ils ignorent le remord.
    Il est également très intéressant de se plonger dans la lecture d’ouvrages expliquant les causes du génocide, comment la colonisation a joué son rôle dans l’accroissement des haines (Généalogie du génocide rwandais, Dominique Franche).
    Je vais lire ce livre de Dallaire.

  • Frédéric, je te remercie pour ton long commentaire (jai viré l’émoticon). Quelque part, ça justifie un peu la division de mon blog – sur laquelle je m’interrogeais ce matin dans mon RER – qui me permet de laisser l’essentiel en colonne principale, tout en ne me privant pas du futile. Aurais-tu posté ton commentaire si ce billet avait « disparu » sous 3-4 autres ?

    Tu viens à juste titre préciser des points importants. Ce que dit Simone Veil, par exemple, marque son exaspération mais est très révélateur : le processus psychologique qui amène à la commission du génocide est intéressant mais, au final, c’est sûr, les victimes de la Shoah, ou celles du génocide rwandais, n’ont pas été victimes de sévices psychologiques. Cela dit, la question reste pertinente.

    Tu as raison aussi de souligner que cette capacité à l’horreur est précisément le fait de l’Homme. Au demeurant, je disais un peu plus haut, en commentaire, que les Hommes seuls sont dotés de cette capacité de choisir, les animaux ne tuant que par nécessité.

    C’est horrible, mais c’est aussi notre liberté.

    D’accord avec toi aussi sur le fait qu’il est très facile de dire : faut arrêt ça, au Darfour. Bien plus compliqué d’y arriver. Cela dit, comme tu le soulignais à propos du logement social, il faut préserver la capacité de crier. Elle motive les gouvernants.

    [quote comment= »301″]A la lecture du livre de Jean Hatzfeld, Une saison de machettes, il ressort que les moins traumatisés aujourd’hui sont les génocidaires. Ils ne font pas de cauchemards, ils ignorent le remord.[/quote]

    On aurait pu espérer que le temps de la « possession » par le sang passé… Difficile de comprendre qu’avec le temps, l’excitation du sang et l’émulation dans l’horreur dissipées, il n’y ait pas un retour à la réalité. Ou est-ce que le « basculement » est tel qu’ils ne peuvent admettre toute l’horreur de ce qu’ils ont commis ? Ou est-ce que je psychologise trop ? Mais c’est le cas, on aurait tendance à se dire : donc ce sont des monstres. Or, non, comme souligné plus haut, cette horreur reste tout de même humaine.

  • Merci koz pour ce re-comm fort élégant.

    La nouvelle livrée de ton blog est fort élégante, il tourne à la revue en ligne et à juste titre.

    L’argument « Aurais-tu posté ton commentaire si ce billet avait “disparu” sous 3-4 autres ? » est cependant infondé, car j’avais en mémoire ce billet depuis sa parution pour le lire en détail (et en l’occurrence y mettre un grain de sel), heureusement, une bonne crève/gastro/gross fièvre me cloue à la maison et me permet ce genre de distractions 🙂

    Quant au Darfour, bien sûr, tu as cent fois raison. Ce qui manque aujourd’hui est la mobilisation politique, la mobilisation des opinions internationales (au delà des Afro-américains et, maigre renfort, de l’état major du parti démocrate européen …). Contrairement au cas du Rwanda, où la vitesse de l’enchaînement assassinat-génocide a pris de court la diplo-bureaucratie internationale, elle a eu le temps et les moyens de trouver les meilleures approches pour le Darfour : mais elle manque, me semble-t-il, de capacité de pression, car cela ne vient pas des sous ou des méthodes, mais de la mobilisation des citoyens – avec leur ampli habituel : les médias.

  • un petit comm sur la remarque d’alice etc.

    Ce qu’il y a de difficile à percevoir quand on n’a pas connu ce genre d’horreurs (et c’est mon cas) c’est que ce qui nous apparaît comme un désordre absolu – horreur, inhumanité – est perçu par les bourreaux comme un ordre cohérent.

    On ne cesse de souligne « l’ordre » du système concentrationnaire nazi …

    L’imaginaire des génocidaires hutus [ça me gratte d’écrire bahutu comme il faudrait, mais francisons puisque c’est la coutume], la façon dont ils se représentent leurs collines débarassées des tutsis, m’est inconnue, mais est certainement un imaginaire fourni et cohérent, à en juger par leur intense production écrite, radiophonique … par la présence nombreuse dans leurs rangs d’intellectuels, de clercs, etc.

    L’imaginaire de la paix, celui d’une société où hutus, tutsis et twas vivraient à égalité de droits dans une société qui serait donc, justement, un état de droit, … d’une société où 1) chacun reconnaîtrait autrui comme être humain avant de le classer comme hutu, tutsi ou twa, 2) chacun reconnaîtrait autrui comme rwandais (resp. burundais) avant de le classer comme hutu, tutsi ou twa … cette vision du monde là est peu présente.

    C’est pire qu’une guerre de religion, car tout le monde peut changer de religion et ainsi de camp. Là, vous êtes scotché à vie, non seulement par votre identité personnelle mais même par votre apparence, votre physique, à l’un des deux camps d’une guerre civile éternelle.

    (Parce que, faut-il le préciser, le génocide de 1994 n’est pas un évènement isolé. Il a seulement été bien plus étendu et grave que les affrontements ou massacres de même nature).

    Les royaumes du Rwanda et du Burundi avaient précisément trouvé un fonctionnement stable et pacifique pendant plusieurs siècles, garantissant un certain équilibre des droits. La colonisation a remplacé cet équilibre politique par un autre, mais imposé de l’extérieur donc jugé négativement par tous. Le départ du colon a donné le signal de la lutte armée des clans pour la conquête du pouvoir d’Etat ex-colonial, de nature administrative et militaire, c’est-à-dire d’un pouvoir unique, difficilement partageable [on pourrait aller plus en détail : partageable par lots dans un pays à gisements comme le Congo, mais ce n’est pas le cas de ces deux pays].

    Au Rwanda, les Hutus l’ont emporté et ont réussi à contenir la résistance tutsie – émigrée et armée – jusqu’à l’assassinat de 1994.

    Au Burundi, les Tutsis (et plus précisément les Tutsis originaires d’une colline précise) l’ont emporté et ont réussi à contenir l’opinion majoritaire hutue, puis sa rébellion armée.

    Et les deux pays – endroits paradisiaques, climat clément, tout pousse – sont tombés dans de profondes crises économiques quand ces ordres unilatéraux se sont effondrés.

    Bon, pourquoi je délaye ma wikipedia (en craignant presque qu’un Rwandais ou Burundais ne passe par là et ne fasse la liste des erreurs factuelles que je viens de commettre) ?

    Hum, avec l’idée suivante en tête : les tentatives de créer des ordres à peu près respectueux des droits de l’homme – régime militaire tutsi au Rwanda avec vernis électoral, transfert du pouvoir politique aux Hutus au Burundi moyennant un système électoral et constitutionnel à mille clés pour rassurer tout le monde – ce sont de fragiles mais beaux ouvrages de defense contre la barbarie.

  • [quote post= »35″]je ne pense pas avoir jamais cru à l’existence de Satan. Pourtant, lorsqu’on lit ce livre, que l’on suit cet acharnement, que l’on sait qu’un autre nom du Diable (celui dont il a serré la main) est “Le Diviseur“, ce qui serait assez cohérent avec ce génocide inter-ethnique et que, pour couronner le tout, la voix de la haine s’appelle Radio Télé La Mort, on se prend à penser que l’hypothèse pourrait gagner en crédibilité.[/quote]

    J’avoue que je ne partage pas ton point de vue. Il y a des puissances malsaines. A la limite, ça me paraîtrait plus facile de démontrer qu’il y ait des démons qu’un Dieu tout puissant. J’estime aussi qu’il y a un enfer, et je ne sais si, excepté les anges déchus, il y a du monde là-dedans. Mais je suis convaincu qu’il y a des puissances spirituelles qui ont pleine capacité pour intervenir sur cette planète, ou tout du moins pour insuffler des idées néfaste.

  • Eh oui, mais que veux-tu, je crains d’être un catholique mécréant. Le doute m’étreint trop. Et je ne veux pas attribuer à des « puissances » ce qui relèverait seulement des perversités humaines. Pour autant, le paroxysme atteint dans l’horreur – cf plus haut – laisse parfois incrédule. Quant au caractère seulement humain de ces actions.

  • T’es vraiment digne d’être brûlé vif… 😉

    Plus sérieusement, un bon bouquin à lire est celui-ci. Il n’est pas impossible que tu changes d’avis…

    Ecrit il y a une dizaine d’années par un exorciste pratiquant aux Etats-Unis, le bouquin est loin de plonger dans le sensationnalisme, ou même la naïveté, qu’on peut constater dans les histoires qui se transmettent chez les catholiques. En outre, il faut préciser que les exorcistes se font à la suite de demandes de psychiatres, qui n’ont plus rien d’autre à proposer. Ils représentent le dernier recours…

  • Bonjour k&p, excusez-moi de me mêler de votre disputatio, mais l’écart ne me semble pas grand entre vos avis …

    (si on élimine le modèle « contrenaturel » selon lequel une action physique contraire aux lois de la nature peut survenir de par une volonté angélique ou diabolique. Ce n’est, de toute façon, pas une explication proposée pour les génocides).

    … si l’on admet que la liberté humaine peut créer des monstres qui la dépassent …

    au passage, une petite référence à feu le Pontife Jean-Paul II et à l’expression de « structures de péché » qui a été « validée » sous son pontificat. C’est, je crois, l’une des « incarnations » du diable dans notre bas monde …

    « l’interdépendance des systèmes sociaux, économiques et politiques, crée dans le monde d’aujourd’hui de multiples structures de péché. Il existe une terrible force d’attraction du mal qui font [sic] juger «normales» et «inévitables» beaucoup d’attitudes. … les consciences … restent désorientées et ne sont même pas en mesure d’opérer un discernement. … Beaucoup … ressentent un sentiment d’impuissance … Mais l’annonce de la victoire du Christ sur le mal nous donne la certitude que même les structures du mal les plus enracinées peuvent être vaincues et remplacées par des «structures de bien» – fin de citation (JPII, 25 août 1999, site du Vatican, lien long !)

  • Dans la présentation du livre que conseille Polydamas, il est écrit : « Aujourd’hui, en effet, pour beaucoup de chrétiens (y compris théologiens et clercs, souligne Dom Amorth), le démon n’existe plus. Il ne serait que la personnalisation symbolique de phénomènes obscurs, psychiatriques ou parapsychologiques en voie d’élucidation scientifique. »

    Je le confesse. Je crains fort d’en faire partie.

  • @ Fred

    Que le mal soit possible sans intervention extérieure, rien de plus juste, l’humain n’a pas besoin de cela pour accomplir les pires abominations. De là à dire que le Malin n’existe pas, je ne franchirais pas ce pas.

    @ Koz

    Ce que je trouve grave est que cela n’ait plus de sens pour bon nombre des représentants de la foi catholique, alors que l’on ne compte plus les citations y faisant référence dans la Bible ou parmi les visions des saints. Parcequ’en général, de cette croyance qu’il n’y a pas d’esprit maléfique, beaucoup induisent que l’enfer n’existe pas, donc qu’il n’y a pas à se battre sur cette planète….

    Je n’insinue en aucune façon que cela puisse être ton cas, mais je ne pense pas que le mal se résume à des phénomènes psychologiques.

  • Dans toutes les religions il est fait allusion au démon, au diable.
    L’Ancien Testament en parle souvent et Le Livre de la Sagesse (2:24) dit clairement que la mort est l’oeuvre du diable.
    C’est peut-être pour cela que les orthodoxes chantent
    inlassablement la résurection du Christ la nuit de Pâques, « par Sa mort Il a vaincu la mort ».
    Dans le Nouveau Testament le diable est nommé 33 fois et encore 32 fois sous d’autres noms.
    Luther disait qu’entre Dieu et le diable il y avait les hommes et que ces derniers devaient choisir leur camp.
    Moi non plus Koz je ne crois pas à la représentation moyen-âgeuse d’un archange aux pieds fourchus mais quand on lit ton billet on ne peut s’empêcher de penser que les forces du mal ont pas mal réussi leur coup au Rwanda. Quelle que soit leur nom, leur représentation, elles existent bel et bien.

  • Il est en tout cas de théologie constante que la liberté de l’homme l’emporte sur le pouvoir du Mal – il faut un choix humain conscient pour lui donner puissance. Les évocations du diable par les hommes ont donc une signification particulièrement lourde, fussent-elles par antiphrase, je retiens celle-ci dans Libé de ce jour :

    « L’accusation [a] diffusé à la cour une vidéo montrant Ali le chimique en uniforme de parade, déclarant à deux reprises au cours d’une cérémonie militaire : «Je vais les attaquer avec des armes chimiques. Au diable la communauté internationale.» »

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  • j’ai trouvé le livre « la stratégie des antilopes » de J.Hatzfeld très émouvant et poignant. Les acteurs du génocide parlent, (attaquants et rescapés) ou ne parlent pas…une tentation d’explication de la folie humaine par des mots simples et avec beaucoup de pudeur.Un très beau livre !

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