Plus digne la vie | Le manifeste | le collectif

« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

C’est le premier paragraphe du préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

C’est son article premier.

Hier soir, pour la célébration de son soixantenaire, j’ai rencontré des hommes et des femmes qui portent haut, au quotidien, le combat pour le respect dû à la dignité ontologique de tout être humain, quel qu’il soit, quel que soit son état. Ils étaient médecins, psychologues, député, professeur (cf. le programme (pdf)). Tous engagés dans les soins en fin de vie.

Il ne vous aura pas échappé que l’ADMD s’applique ces derniers temps, après avoir cherché à les rallier, à dresser la société contre ses médecins, à dresser la société contre une loi qui serait faite pour « protéger les médecins« . Discours anti-élite porteur mais dont le populisme jure avec la profondeur et la complexité des enjeux humains fondamentaux que soulève cette question.

Il fallait les voir, les entendre, ressentir la gravité de leur engagement, percevoir l’émotion du Professeur Louis Puybasset devant le choix qui se présente à notre société et spécialement aux médecins, choix de l’homme. « Savoir dire non« , comme à d’autres occasion…

Il fallait entendre l’émotion de Sylvain Pourchet contre l’exclusion du malade. Ecouter Catherine Kiefer rappeler sans pathos, sans ce si médiatique pathos, ce que vit une personne en EVC (Etat Végétatif Chronique). Rappeler, pour tuer ce mot selon lequel « ces vies ne vaudraient pas la peine d’être vécuesi » ou plus encore que ces vies seraient « pires que la mort » (expression même d’un bien-portant, nous disait-elle), qu’il y a une vie en EVC. Et il fallait l’entendre nous dire qu’une étude sur la qualité de vie en EVC avait donné des résultats similaires sur une cohorte[1] de plusieurs centaines d’EVC que sur une cohorte… de lombalgies chroniques.

Il fallait aussi entendre Daniel Brasnu évoquer les conceptions multiples de la dignité selon les personnes, les cultures, les religions, pour nous dire que le médecin doit entendre ces conceptions diverses.

Etaient-ce là les médecins enfermés dans leurs « tours d’ivoire » ? Ces médecins qu’il faudrait opposer aux malades et, en fin de compte, à l’ensemble de la société. Je parle là des médecins mais il y a avait parmi les 300 à 500 personnes présentes dans cette salle Victor Hugo de l’Assemblée Nationale nombre de soignants de toute la France, auxquels ces médecins ont rendu hommage.

Il fallait être là hier soir pour entendre l’éloge de la complexité. Complexité des situations, complexité des solutions (si solutions il y a), de cette complexité inhérente à la vie. Régis Aubry soulignait que la médecine a, en quelque sorte, généré de la complexité grâce à ses progrès, qu’il faut gérer cette complexité à laquelle il est illusoire et mensonger de vouloir apporter une « réponse simple« , de prétendre même l’apporrter. En l’occurrence, l’euthanasie, la mort.

Il fallait aussi entendre Catherine Kiefer resituer le débat en soulignant que, en dix ans de pratique, elle n’avait connu qu’une seule demande d’euthanasie, et Emmanuel Hirsch (cette fois, en tant que président de l’ARS) rappeler que les personnes atteintes de SLA[2] ne demandent pas la mort, mais des synthétiseurs vocaux, lorsqu’ils ne peuvent plus parler.

Il fallait encore les entendre rappeler le rôle des proches, le rôle de leur regard sur leur proche malade. Chacun, disaient-ils, avaient en tête, tant d’exemples de ces demandes d’euthanasie qui disparaissent lorsque les proches font comprendre à la personne en fin de vie combien elle est encore vivante[3], combien elle compte, pour eux. Jean Léonetti citait Sartre, et puis Desproges. Le premier disait : «on n’a jamais honte tout seul». Le second : «il n’y a qu’une honte à avoir, c’est d’avoir honte».

Il faudrait encore que je vous dise un peu de tout ce qui s’est dit au cours de cette soirée exceptionnelle. Rappeler que l’euthanasie n’est pas une revendication d’avance, mais un combat d’arrière-garde. D’arrière-garde médicale, d’arrière-garde sociétale. Mais il faut surtout savoir que ce « combat de société » dépasse encore la question de l’euthanasie. Qu’il s’agit là, aussi, de savoir dans quelle société nous voulons vivre, dans quel équilibre entre l’autonomie de l’individu et la solidarité, et à quelle humanité nous appartenons.

*

Le Collectif Plus Digne La Vie, le manifeste, ma participation

Mais il faut faire un petit retour en arrière pour expliquer ma présence à cette soirée.

Le 2 décembre dernier, Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace-éthique de l’AP-HP publiait une tribune dans Le Figaro, qui se terminait par ces mots :

« J’en appelle à une mobilisation éthique : elle concerne les fondements de la vie démocratique et sollicite une dynamique de la responsabilité partagée, un engagement auprès de celles et de ceux qui attendent de notre société d’autres réponses que la solution finale d’une mort assistée. »

Dans La Croix était évoquée de nouveau la volonté d’Emmanuel Hirsch de « mobiliser la société« , ainsi que la création du Collectif, le lancement du manifeste, et celui du site plusdignelavie.com.

Il m’a semblé que le moment était probablement venu d’aller plus loin que la rédaction de billets sur ce blog, il m’a semblé aussi, après l’ensemble de nos échanges sur ce blog, que la mobilisation de la société était véritablement l’enjeu sans lequel le débat restera systématiquement cantonné à l’exposition de cas médiatiques, suivie d’une réaction, parfois à contre-temps, lorsque l’on apprend enfin les véritables données du cas qui a été ainsi exposé au regard de tous.

J’ai, donc, contacté Emmanuel Hirsch, je me suis présenté, me suis situé. Nous avons évoqué la démarche du Collectif, dont il convient de retenir qu’il ne vise pas à s’appliquer seulement aux questions de fin de vie, mais également à d’autres situations dans lesquelles la dignité de l’Homme est en jeu, notamment en ce qui concerne les personnes sans-abris.

Après avoir visité ce blog, et à la suite de notre conversation, il m’a adressé les divers documents en préparation, et m’a proposé d’intégrer le Conseil exécutif du Collectif. J’ai d’abord eu du mal à imaginer que la proposition s’adressait effectivement à moi, mais il a levé mes scrupules à m’associer à cette démarche.

Je suis donc heureux de m’engager avec ce Collectif, qui sait rassembler des personnes telles que celles que j’ai pu écouter hier, avec lesquelles j’ai eu plusieurs fois l’occasion dans la soirée de constater des accords profonds sur certains points précis, et qui rassemble, dans son Comité d’Honneur, des personnes telles que François Barré-Sinoussi, Prix Nobel de Médecine, ou Jean-Louis Fournier, Prix Femina pour Où on va, papa ?, Marie de Hennezel, Jean Léonetti, Israël Nisand, Didier Sicard, et encore Alain-Gérard Slama, Véronique Vasseur et Albina de Boisrouvray.

Vous trouverez, ci-dessous, le texte du manifeste, que je vous invite – pour ceux qui en partagent le propos, évidemment – à signer, et à faire connaître.

Vous trouverez aussi trois videos, d’une qualité discutable, et qui ne sont évidemment que très partiellement représentatives de la soirée d’hier. Le texte des interventions ainsi que, peut-être, la vidéo de la soirée de lancement, seront certainement bientôt disponibles.

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POUR UNE DIGNITE EN ACTE,

Manifeste du 10 décembre 2008

Le non abandon : une affirmation de vie

Il nous faut repenser ensemble les exigences indispensables à une vie en société qui soit digne d’être vécue jusqu’à son terme.
Nous affirmons que la dignité et les droits des personnes malades ou handicapées, valent mieux que les controverses portant sur l’administration de leur mort. Plus vulnérable que d’autres, nos obligations à leur égard sont les plus fortes.

La signification des combats que les personnes malades et leurs proches mènent au quotidien afin de préserver une existence humaine digne, justifie des solidarités concrètes qui ne peuvent se comprendre qu’au service de leur vie.

On ne saurait ramener à des positions idéologiques, l’argumentation de décisions souvent complexes et toujours singulières dans les circonstances les plus extrêmes de la mort médicalisée. L’approche de la mort touche au plus intime. Le devoir de respect impose la décence et la retenue.

Les professionnels de santé ne sauraient accepter la mission d’exécuter, à la demande, l’acte de mise à mort. Leur vocation les engage à témoigner sollicitude, considération et respect à la personne malade, privilégiant une relation de confiance dans la continuité et la mesure d’un soin concerté. Leur engagement auprès de personnes que la maladie ou les handicaps confinent trop souvent dans les espaces oubliés de la société, est l’expression d’une solidarité humaine et d’une faculté de contrer l’individualisme. Il s’avère à ce point remarquable qu’il convient d’en reconnaître la valeur sociale afin de ne pas laisser dénigrer sa signification.

Les personnes malades, leurs proches, les professionnels et membres d’associations mobilisés auprès des plus fragiles, au nom de la cité, doivent bénéficier des moyens qui leur permettent de résister aux logiques du renoncement, à la hiérarchie de certains choix médicaux, comptables ou simplement utilitaristes, à la désertion des relais d’opinion pourtant attendus dans ce combat.

Le non abandon est une affirmation de vie opposée aux pratiques déraisonnables.

La sollicitude jusqu’à la mort : une affirmation de solidarité

Le 2 décembre 2008 a été remis au Premier ministre le rapport d’évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. La consultation menée dans la plus grande transparence et avec le souci de permettre à la diversité des positions d’être exprimées, nous engage désormais à mettre en œuvre la loi du 22 avril 2005, à en transposer les principes bien compris et intégrés dans les pratiques du soin, et à dégager les moyens indispensables à une approche enfin digne des réalités humaines et sociales de la vie jusqu’à son terme.

Au nom des principes de la démocratie, notre représentation nationale s’est prononcée en faveur d’une approche respectueuse, attentive et compétente de chaque situation en fin de vie.

Il nous faut désormais contribuer à l’émergence d’une nouvelle culture de la mort en société, adopter d’autres attitudes, concevoir d’autres pratiques qui reconnaissent à la personne en fin de vie sa place parmi nous.

On ne saurait dévoyer l’engagement exceptionnel qui a permis au cours des dernières années de mieux comprendre et respecter le droit des personnes malades ou handicapées, leurs aspirations à une qualité d’existence, à une intégration dans la société et à des soins adaptés à leurs choix profonds. On ne saurait accepter les logiques de l’évitement, de l’indifférence ou du renoncement, qui tentent de justifier par des positions irrecevables la relégation de nos malades aux marges de la cité, dans un état de précarité et d’errance chroniques, au domicile ou dans des institutions vécues comme des lieux de ségrégation. La délivrance anticipée d’une vie à ce point indigne de la vie, leur semble alors préférable à l’expérience quotidienne d’une forme subreptice, anonyme, indifférenciée d’euthanasie sociale.
Les valeurs de la démocratie sont en cause lorsque la liberté, l’égalité, la dignité et les droits essentiels de la personne ne sont pas respectés. La sollicitude témoignée à la personne jusqu’à sa mort est l’affirmation d’une solidarité qu’on lui doit.

Nous en appelons à une mobilisation éthique

Il nous faut refuser la marginalisation morale qui aboutit à ne plus savoir se soucier des plus faibles qu’en se préoccupant des conditions de leur mort.
Nos obligations à leur égard défient les clivages politiques et contestent les postures intellectuelles avant tout soucieuses d’un individualisme forcené au mépris des sans liens, des sans voix, des sans lieu, et parfois des sans vies dont on néglige l’existence.
A la compassion accordée aux « vies indignes d’êtres vécues » devraient répondre sans attendre des choix politiques attentifs à mettre en œuvre des conditions de « vie digne d’être vécue ». C’est dans l’action et non dans la commisération que nos responsabilités sont engagées.
Nous en appelons à une mobilisation éthique qui nous permette, ensemble, de refonder dans l’action, au plus près des réalités humaines que la société méconnait, évite ou refuse, une dynamique de la solidarité et de la dignité en acte.

Signer le manifeste

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  1. oui, c’est le terme []
  2. Sclérose latérale amyotrophique []
  3. « le mourant est un vivant » []

31 commentaires

  • C’est un bel engagement pour une belle cause. Bravo.

    Je ne connais pas Emmanuel Hirsch, mais je te connais; et je suis convaincu qu’il a bien fait en te proposant de rejoindre le comité exécutif.

  • Maintenant que tu es dans l’exécutif, il va falloir que je m’interresse sérieusement au sujet pour en avoir les idées claires. On sent déjà que tes arguments vont être hyper pertinents.

  • Aurelien a écrit:

    Devons-nous te vouvoyer, dorénavant ?

    Dans un premier temps, j’ai l’intention de rester simple, chaleureux, drôle, sympathique et humble, comme avant. Après, on verra.

    Pepito a écrit:

    On sent déjà que tes arguments vont être hyper pertinents.

    Je ne les trouvais pas si foireux, ceux d’avant… 😉

    Liberal a écrit:

    C’est un bel engagement pour une belle cause. Bravo.

    Je ne connais pas Emmanuel Hirsch, mais je te connais; et je suis convaincu qu’il a bien fait en te proposant de rejoindre le comité exécutif.

    Merci Lib. J’espère leur apporter quelque chose. Eux, avec la soirée d’hier, ont déjà bien commencé.

    Aurelien a écrit:

    Plus sérieusement, voilà un bel engagement.

    Merci !

  • Si, le blog mène ainsi à l’action, c’est vraiment génial ! L’antithèse de ce qui est parfois considéré comme un passe temps égocentrique. Il y a donc plusieurs façon de blogger.

  • Il m’a semblé que le moment était probablement venu d’aller plus loin que la rédaction de billets sur ce blog

    Je n’ai jamais eu de très grandes convictions sur ce type de sujets de société, mais je dois dire que je suis impressionné par cette volonté de s’impliquer plus concrètement. Je pense que le processus qui fait passer de commentateur à acteur est intéressant. Cela semble aussi vouloir dire que tu es prêt à renoncer à ton anonymat pour cela, ce qui n’est pas forcément anodin.

  • C’est intéressant et poignant et ça pose un tas de problèmes.
    Il serait bien également d’avoir l’avis de malades qui sont, après tout, les premiers concernés.
    Il est évidemment vain de faire une généralité d’un cas personnel, mais tout de même, en juin de cette année ma mère atteinte d’un cancer généralisé nous a demandé à la famille et à l’équipe médicale de ne pas souffrir et de ne pas faire d’acharnement thérapeutique ou de survie artificielle.
    Son souhait a été exaucé.
    Iconoclaste jusqu’à la fin et peut-être pour exorciser quelque chose elle a plaisanté sur la mort jusqu’à sa perte de conscience.
    Il faut dire qu’elle aimait bien Desproges elle aussi.

  • Je ne suis pas étonné que vous franchissiez ce pas. Tous mes compliments. Au passage, ce serait gentil de partager avec nous votre secret: où trouvez-vous le temps de faire tout ça ?

  • xerbias a écrit:

    Je pense que le processus qui fait passer de commentateur à acteur est intéressant. Cela semble aussi vouloir dire que tu es prêt à renoncer à ton anonymat pour cela, ce qui n’est pas forcément anodin.

    Ce que je ne veux pas, c’est avoir un lien directement tracé entre moi et mon activité de blogueur, par tranquillité personnelle. Ensuite, ce que je dis, je l’assume. Ca a même plutôt tendance à me coûter, de garder l’anonymat, en visibilité, déjà et puis à titre personnel, je n’aime pas laisser le sentiment chez certains que je n’assume pas entièrement. Cela étant, tu fais le lien parce que tu connais suffisamment d’autres indices pour le faire de façon certaine.

    Gwynfrid a écrit:

    Je ne suis pas étonné que vous franchissiez ce pas. Tous mes compliments. Au passage, ce serait gentil de partager avec nous votre secret: où trouvez-vous le temps de faire tout ça ?

    J’en profite pour répondre un peu à Carredas et à Epo aussi. Car, pour le moment, il y a certes un engagement mais il est relativement léger encore. Je ne sais pas exactement ce que cela va donner. Et nous sommes un nombre certain, au Conseil Exécutif.

    Sinon, pour le temps, il est vrai que cette semaine, ça a été un peu l’arrache. Je devais faire encore un autre truc avec une assoce qui me tien à cœur, les Conversations Essentielles, mais avec Martin Hirsch lundi et ce lancement hier, j’ai eu comme un énorme télescopage mardi soir qui m’interdisait de partir à une heure correcte du boulot.

    Après, je n’écris maintenant plus que 2-3 billets par semaine. Celui sur la rencontre avec Martin Hirsch, je l’ai fait en rentrant, et en me levant plus tôt mardi. Celui-ci, je l’ai écrit dans les transports.

    Claudius a écrit:

    C’est intéressant et poignant et ça pose un tas de problèmes.
    Il serait bien également d’avoir l’avis de malades qui sont, après tout, les premiers concernés.
    Il est évidemment vain de faire une généralité d’un cas personnel, mais tout de même, en juin de cette année ma mère atteinte d’un cancer généralisé nous a demandé à la famille et à l’équipe médicale de ne pas souffrir et de ne pas faire d’acharnement thérapeutique ou de survie artificielle.
    Son souhait a été exaucé.
    Iconoclaste jusqu’à la fin et peut-être pour exorciser quelque chose elle a plaisanté sur la mort jusqu’à sa perte de conscience.
    Il faut dire qu’elle aimait bien Desproges elle aussi.

    Mais Claudius, il n’y a là absolument aucune contradiction. Aucun de ces médecins n’est favorable à un quelconque acharnement thérapeutique. Ils y sont même tout à fait opposés, et convaincus qu’il y a là un manque de respect du patient.

    Daniel Brasnu expliquait très bien que les progrès de la médecine ont appelé à un changement de mentalité. Un médecin est en effet porté à tout faire pour sauver un patient, par formation et pour ne rien avoir à se reprocher, et puis qu’on (la famille) ne lui reproche rien. Or, avec les progrès de la médecine est venu le moment où tout faire n’était plus humainement acceptable. Cela, ils le disent eux-mêmes, et très clairement. Il n’y avait aucun mouvement de réprobation dans la salle.

    Ta grand-mère en l’occurrence a été écoutée, et je ne pense pas qu’un seul de ces médecins aurait vu quoi que ce soit à y redire. En ce qui me concerne, mais cela n’a guère d’importance, je ne trouve évidemment rien à redire à la façon dont ta grand-mère a souhaité mourir.

    Quant à écouter les malades, je pense pouvoir te dire que ces médecins et ces équipes soignantes ont précisément à cœur de le faire. C’est même au centre de leur démarche. Ta grand-mère n’a pas réclamé d’euthanasie mais, dans un tel cas, ces personnes cherchent aussi à entendre ce que la demande d’euthanasie veut réellement dire. Elle peut être effectivement et définitivement une demande d’euthanasie et là, si des souffrances morales perdurent, la loi Leonetti permet déjà un acte qui diffère de l’euthanasie dans son intention (et contrairement à ce que certains pensent, c’est essentiel), la sédation. Mais elle peut aussi signifier autre chose, et c’est bien là qu’il y a une véritable écoute.

    Il me semble qu’il est incomparablement plus facile de faire semblant d’avoir entendu la demande, et de pratiquer une euthanasie. C’est que l’on trouve le médecin tout-puissant, dans sa tour d’ivoire. Et qui ne sera plus guère emm… par ce malade. C’est beaucoup plus difficile de se confronter effectivement aux peurs et aux questions « métaphysiques« .

    Par ailleurs, ces équipes intègrent totalement l’écoute des patients, quand bien même ce qu’ils ont à dire n’est pas strictement d’ordre médical.

    Et puis, et surtout, peut-être, la démarche du Collectif Plus digne la vie est, précisément d’associer la société à la démarche. S’il est aujourd’hui constitué majoritairement de médecins, ce qu’a souhaité Emmanuel Hirsch (et son « petit groupe« ), notamment en m’associant, c’est bien d’élargir le débat à la société toute entière. Dernière chose : on ne peut pas non plus reprocher aux médecins et aux soignants qui sont au quotidien aux côtés des malades en fin de vie de s’exprimer. Ils sont tout de même pas mal au courant de la réalité du débat (et notamment du fait que l’euthanasie n’est pas, contrairement à ce que l’on nous fait croire, une demande massive, bien loin de là).

  • Bravo pour ce bel engagement, par contre j’attends des nouvelles de cette activité sur un sujet qui me passionne. Ne nous oublies pas !

  • A propos d’anonymat, je ne sais pas, mais il n’y a pas des dizaines de personnes qui se réclament de votre profession au sein du Comité Exécutif …

  • Je sais, je sais… Comme je l’ai dit, je n’ai plus une conception extrêmement stricte de mon anonymat. J’essaie juste de maintenir les deux plans un peu séparés, pour diverses raisons. Cela dit, hein, bon, ce n’est pas non plus le point le plus important de cette initiative, hum ? 😉 On peut parler d’autre chose ? 😉

  • Tiens avec des mômes hier nous parlions de l’engagement dans nos vies pour 2009…
    Véronique Vasseur a-t-elle toujours un lien avec les prisons où était-elle là en tant que médecin ou femme tout simplement ?

  • Pepito a écrit:

    Koz, il s’agit de la mère de Claudius, pas sa grand-mère. Bon week-end repos

    Effectivement. Toutes mes excuses, Claudius.
    Ca me donne l’occasion de citer un extrait du manifeste qui, je pense, n’est pas incohérent avec le souci que tu exprimes. A propos des professionnels de santé, il est dit la chose suivante :

    Leur vocation les engage à témoigner sollicitude, considération et respect à la personne malade, privilégiant une relation de confiance dans la continuité et la mesure d’un soin concerté.

    Thaïs a écrit:

    Tiens avec des mômes hier nous parlions de l’engagement dans nos vies pour 2009…
    Véronique Vasseur a-t-elle toujours un lien avec les prisons où était-elle là en tant que médecin ou femme tout simplement ?

    Discussion intéressante, Thaïs.
    Pour tout te dire, je n’ai pas vu Véronique Vasseur, et j’ignore à quel titre elle se joint au Collectif mais il y a de grandes chances pour que ce soit grandement en tant que médecin.

  • Tout un article autour de la mort et de la dignité du malade, occurrences du mot euthanasie : 1. Au-delà de cet aspect de contournement du vocable qui fâche, j’apprécie la cause en elle-même ce que je lui reproche : c’est cette évocation de la complexité et du pragmatisme au non de l’abandon de l’idéologie.

    J’ai le sentiment assez puissant que sans idéologie on agit que par instinct et on se laisse guider par du traditionalisme au-delà de toute considération d’une morale supérieure.

  • Il ne me semble pas que cela soit un point central de la démarche. Cette affirmation consiste surtout à dire qu’on ne saurait avoir sur la question de la fin de vie une approche théorisée, systématique (au sens de système), et qu’il faut se confronter à la réalité sociale et humaine.

    Quant aux idéologies, je leur préfère les convictions. Fonctionner au nom d’une idéologie, c’est prendre le risque de chercher davantage à conformer son jugement à l’idéologie qu’on s’est choisis qu’à le former soi-même (quitte à ce qu’il y soit conforme).

    Enfin, pour ce qui est de l’évocation du mot euthanasie, s’il faut voir un sens au nombre d’occurrences, j’en verrais un : limiter le débat à l’euthanasie (outre le fait qu’il faut aussi évoquer le suicide assisté), c’est aussi passer à côté d’aspects essentiels. C’est aussi se focaliser sur une demande qui est apparemment loin d’être aussi massive qu’on ne le pense, qui n’est pas une fatalité, et qu’une action véritable sur la période de fin de vie permet d’éviter. C’est aussi se restreindre au moment même de la mort et enfermer la personne dans ce seul moment alors que, comme le disait l’un des intervenants mercredi soir (était-ce Jean Léonetti ?), « le mourant est un vivant » !

  • Je vais dire ici ce que je t’ai dit par mail, mais la présence d’augustin legrand dans ce collectif m’étonne assez.

    Sinon, eh bien bravo pour cet engagement, c’est bien que tu réussisses à prendre le temps d’agir en plus de commenter, bosser, avoir une vie de famille, etc…

    Je ne peux pas en dire autant.

  • Je ne suis pas non plus, a priori, un très grand fan. Mais nous dirons qu’il s’agit d’un vilain a priori. Et puis, le Collectif veut rassembler des gens différents. Il est assez normal que parmi les gens différents, il y en ait qui soit plus différents que d’autres. Je pense qu’il est notamment là parce que le Collectif vise la dignité dans d’autres domaines, comme précisément les personnes sans abri.

    Et… merci.

  • Parfois la propagande pro-euthanasie ressemble à s’y méprendre à un «droit à» tuer les autres «dans la dignité».

    Merci d’avoir rappelé qu’il existe d’autres alternatives que celles que l’on fait mine de nous présenter comme uniques pour faire face à la détresse.

  • Bravo pour votre engagement Koz.
    Comme vous avez rencontré une grande partie de ceux qui sont intervenu lors de mes études pour l’obtention de mon diplôme de soins palliatifs, vous comprenez sans aucun doute encore mieux ma position et mes commentaires.

    Ce sont des gens remarquables, qui savent partager leurs convictions, avec un charisme fantastique.
    Ce sont des personnes qui savent se remettre en question constamment, qui sont le contraire de dogmatiques.
    E Hirsh m’a convaincue de la nécessité d’une démarche éthique.
    J’espère que vous rencontrerez tous ceux qui m’ont enseignée : Mme Salamagne, M Verspiren, M Gomas, M Lassaunière et tant d’autres, qui ont contribué à me conforter dans l’idée que j’avais de la vie.

    Et merci d’avoir repris cette phrase du préambule de la constitution que j’avais écrite dans votre dernier billet.
    Elle montre que la laïcité reconnaît la dignité humaine de la même façon que les croyants de toutes religions et permet ainsi de lever les allusions plus ou moins scabreuses qu’on peut entendre ici ou là.

    Merci encore pour votre engagement.

  • AsTeR a écrit:

    Le fait que la demande ne soit pas massive autour de l’euthanasie n’est pas à mes yeux une raison suffisante pour l’écarter du débat.

    Non, je suis d’accord avec vous, mais cela permet de prendre la mesure des choses, de s’interroger aussi sur la nécessité d’adopter une législation aussi « transgressante » pour une demande minoritaire et, surtout, cela permet de se demander pourquoi tant de personnes en fin de vie ne sollicitent pas l’euthanasie. Cela permet aussi d’envisager le travail formidable fait par les équipes soignantes.

    Tara a écrit:

    Comme vous avez rencontré une grande partie de ceux qui sont intervenu lors de mes études pour l’obtention de mon diplôme de soins palliatifs, vous comprenez sans aucun doute encore mieux ma position et mes commentaires.

    Je les comprenais, et les partage davantage encore, effectivement.

  • Koz,

    je pense que les chrétiens ont beaucoup à apporter dans l’acceptation de la mort comme faisant partie intégrante de la vie.

    Ceci-dit, je trouve les lignes que tu traces entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas sont très ténues et peut-être artificielles. Je n’ose dire que cela me rappelle les débats ésotériques entre certaines obédiences marxistes.

  • Oui, les différences sont ténues – et je ne pense pas « artificielles » – mais c’est précisément ce que Jean Léonetti disait, en soulignant que pour lui celui qui dit « je sais » ne sait pas, ou ce que disait Régis Aubry en disant que nous avions « le droit à la complexité » : ce débat sur ce moment précis, ultime, de la fin de vie, est complexe. Les différences peuvent être ténues, mais l’intention est primordiale. Il faut se méfier des solutions trop simples, et la piqûre qui règle un poil trop vite le problème.

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