C’est Pâques : le catho nouveau est arrivé !


Cette fois, je peux le dire : j’ai vu la Vierge. L’usage, pour les cathos, est de s’en prendre plein la gueule pour pas un rond, spécialement durant la Semaine Sainte. Et celle-ci était bien mal emmanchée, avec l’épisode catholiques profanateurs à Avignon : voilà bien la preuve que les religions c’est tout pareil et qu’on devrait se méfier des cathos, tout ça c’est des talibans. D’ailleurs, va donc, hé, Torquemada ! Rien que du très classique, d’ailleurs un peu petit bras par rapport aux années passées. Et puis, dans un combo spirito-liturgique quasi-parfait, un hebdo national fait sa Une sur les cathos sans se payer leurs fioles en pages intérieures. Le même hebdo avait sorti un numéro sur « le grand retour des cathos« . Mais c’était il y a trois ans. 2008, une paye. Depuis, il y a eu les carêmes tourmentés et douloureux de 2009 et surtout de 2010.

Très beau combo, donc, puisqu’il est dans la logique des choses que la Semaine Sainte commence dans l’affliction pour s’achever dans la lumière de la Résurrection.

Déjà, à l’automne dernier, le calme a semblé revenir. Il y eut l’incroyable succès du film des Hommes et des Dieux, il y eut encore le livre du Pape, Lumière du Monde. Alors, on peut lire ces sous-titres, dans le numéro de la semaine : « le catho n’est pas coincé, le catho est décroissant, le catho a du style, le catho est sincère ». Et le catho est sur le cul, aussi. Parce qu’il n’a pas l’habitude.

Qu’est-ce qui a bien pu changer ? Le catho deviendrait-il tendance ?

Le catho n’est-il plus coincé ? L’a-t-il vraiment été ou est-ce le regard qu’on porte sur lui qui change ? Parce que l’Eglise a aussi cette particularité d’accueuillir tout le monde : les humbles, les pauvres, les timides, les bras cassés, les autres et même moi, avec mon iPhone et mon costard trop la classe. Alors non, évidemment, elle ne regorge pas en premier lieu de fashionistas. Mais ce n’est ni le but de l’Eglise ni la vocation du catholique. Ce que le catholique aime, c’est la cohérence, c’est la pierre, c’est l’intangible. Le catalogue automne-hiver, il n’a rien contre, mais c’est moins son trip profond.

Mais allez, personne ne se leurre : le mouvement le plus visible en France est encore un long mouvement de sécularisation. Le nombre de prêtres diminue, le nombre de vocations également, et nos églises sont parfois peuplées de têtes bien chenues. Pourtant, paradoxalement, un nouveau dynamisme est né de ce mouvement.

L’Eglise a, déjà, eu la grâce d’être servie par un grand pape pendant plus d’un quart de siècle, qui a pu impulser cet élan. Un pape, qui a donné « une vie pour une génération« . Une vie qui a commencé par ces mots : « N’ayez pas peur ! », pour s’achever sur ceux-ci : « si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde entier ». Message reçu par la génération Jean-Paul II. Et, dans son style bien différent de professeur, de théologien, Benoît XVI semble prendre le relais : Jean-Paul II a mis le feu, il l’alimente, fidèle à sa devise pontificale, « affermis tes frères dans la foi ». Il répond ainsii aux attentes de la nouvelle génération de catholiques, comme le souligne une nouvelle enquête. Voilà deux « Générations aux ptits oignons ».

Alors, il y a moins de prêtres ? Oui, quoique… Mais c’est un appel pour les laïcs catholiques à se prendre en main. L’Eglise les y invite régulièrement et c’est de toutes façons incontournable. Il n’est plus possible d’attendre que « la hiérarchie » seule se bouge et intervienne, parce que nos pasteurs ne sont plus assez nombreux pour s’occuper seuls du troupeau.

Et puis, la démarche religieuse a été grandement débarrassée de sa dimension sociale. Être catholique aujourd’hui, et l’assumer dans le monde, ce n’est ni une obligation ni un statut social, c’est un vrai choix. « Partout, on assiste au basculement historique d’un catholicisme reçu vers un catholicisme choisi », écrit Jean-Pierre Denis. Et pour ceux qu’on appelle parfois les « héritiers » (de la foi de leurs parents), c’est un choix renouvelé, spécialement lorsqu’ils se font secouer comme ces dernières années. Bien sûr, il existe toujours des ilots dans lesquels le choix parait plus évident, lorsque tout l’entourage semble le faire. Mais les catholiques vivent bien dans le monde et, ni aveugles ni sourds, ils constatent aussi, dans leur vie sociale, professionnelle, qu’ils sont moins nombreux.

Ce déclin numérique dont on ne cesse de bassiner le catho lui donne un sentiment d’urgence : l’Eglise a certes passé 20 siècles, surmonté des crises internes majeures, et survécu à des trahisons spirituelles mais aujourd’hui en France, elle pourrait être reléguée aux marges de la société. Alors, avant de le mettre « au monde entier », et pour ce faire, c’est en son sein que le catholique sent un feu nouveau.

Et puis surtout, après avoir donné sa chance à un 20ème siècle laïcisé voire athée, il ne semble pas qu’en soit sortie la voie du bonheur, individuel comme collectif. Pire encore, le CEVIPOF met en lumière une société de défiance, le Médiateur de la République évoque même un « burn-out de la société française ». Alors avec son goût de l’intangible, son exigence de sens, le catho peut bien penser que l’Espérance a encore son mot à dire. Peut-être l’avait-on trop vue ici pour bien en percevoir encore la force, peut-être un peu de distance en restaure-t-il une meilleure vision ?

Alors, allez donc, il y a peut-être de la marge avant de le devenir, mais nous ne sommes pas vraiment pressés d’être « tendance ! Puisque nous cessons d’être majoritaires, laissez-nous essayer d’être prophétiques, quitte à bouffer des sauterelles au désert (Mc. 1,6).

Et ne désaffectez pas nos églises trop vite. Elles n’ont pas fini de servir !

 

article publié sur Atlantico | crédit photo : rdesoras

Billets à peu près similaires

Aucun billet similaire (même à peu près).

263 commentaires

  • Mais non il faut juste trouver quelque chose de nouveau à dire dans les journaux entre la crise, la présidentielle et la mariage en GB.

    Cela dit je ne crois pas à un « retour en grâce » des catho. Les habitudes ont la vie dure et celles d’une grande partie du monde médiatique et « intellectuel » de se la jouer anti catho sont trop profondément ancrées je le crains. Peut être doivent ils se dire que cela ne le fait pas pas quand on se met à parler un petit peu des persécutions qu’ils subissent au Moyen Orient et ailleurs, donc ils la mettent en sourdine. Ils attendent le prochain discours du pape (encore que avec ses propos sur l’immigration ils devront patienter : http://www.lefigaro.fr/international/2011/04/24/01003-20110424ARTFIG00072-le-pape-exhorte-l-europe-a-l-accueil-des-refugies.php ) à moins de s’appeler Lionel Luca^^.

    Par contre je suis d’accord avec l’analyse de l’évolution de l’action des chrétiens et dans leur fois (catholicisme choisi). Sachant que nous sommes envoyés brebis au milieu des loups au moins ils sont prêts.
    Quand à nos église j’ai remarqué qu’en quelque années notre actuel curé a réussi à inverser la tendance et à faire en sorte que tout les offices du WE soient plein alors qu’auparavant elle se vidait tranquillement. C’est beau l’Esprit.

  • Contentons-nous de relever un dossier globalement positif (en tous cas pas négatif) et de savoir l’apprécier, avant de retomber dans cette forme d’aigreur trop coutumière d’un certain nombre de cathos. Il finit par y avoir une certaine jouissance implicite à être les mal-aimés que je ne partage pas. Je ne cherche pas à être aimé, mais je ne vais pas me complaire dans le rôle de la victime.

    S’il fallait seulement trouver quelque chose à dire « entre la crise, la présidentielle et le mariage en GB », alors ils pouvaient parler des cathos en les ridiculisant, non ? Ce n’est donc pas ça.

    De toutes façons, le dossier de l’Express n’est que l’occasion des autres développements.

  • Je reconnais sans réserve que le dossier de l’Express est positif pour les cathos mais disons que j’attend de savoir si c’est seulement une exception ou l’annonce d’une tendance nouvelle.
    Ensuite non je ne me complait pas dans le rôle de victime, de fait je n’ai pas encore eu à souffrir personnellement de ma religion, mais au vu de ce qui se passe depuis plusieurs années je reste circonspect.
    Par ma référence aux autres sujets d’actualités c’était pour montrer que cela était un peu étrange de le voire sortir là, un peu comme pour le faire passer inaperçu alors que l’on a l’esprit ailleurs. Il serait sorti à l’occasion du Parvis des Gentils là j’aurais plus compris le timing mais peut être en est il la conséquence.

  • Mais c’est évident qu’il ne s’agit pas d’une tendance de fond des medias qui subitement feraient la promotion de l’Eglise. Il suffira d’un propos du pape sur l’avortement ou la contraception pour trouver une autre tonalité. Mais (i) à quoi cela sert d’attendre ce que l’on sait qu’on n’aura pas, sinon à se préparer des déceptions inutiles ? Apprécions celui-là et pour le reste, qui vivra verra. Et puis, (ii) on s’en fout : le mouvement que je décris dans le billet, il existe sans le soutien des medias et même contre les medias, et c’est bien le plus important.

    Addendum : l’Eglise revivifiée par de jeunes catholiques sans complexe.

  • Je ne me fais aucune illusion sur la mésinterprétation des médias des prochains propos du Pape. c’est une des raisons qui me font aimer ce blog, arriver à avoir une analyse souvent plus juste que celles de certains médias qui n’y connaissent rien. D’ailleurs ils ne sont pas mauvais que pour le Pape, ils le sont aussi en Droit (je me souviens de certaines remarques assez acides de la part de mes professeurs à propos des journalistes^^)

  • Pas lu l’express, mais j’ai vu samedi un reportage de 20min après un JT, sur France2 je crois, sur la vie de bénédictines. Le reportage laissait principalement la parole aux soeurs.

    J’ai vu aussi dans Le Monde de ce matin (ou de hier soir, ou avant-hier, enfin…), un petit article sur deux nouveaux convertis qui ont « répondu à l’appel ». Pas encore lu, mais ça n’a pas l’air anti-catho.

    avant de retomber dans cette forme d’aigreur trop coutumière d’un certain nombre de cathos. Il finit par y avoir une certaine jouissance implicite à être les mal-aimés

    Je suis heureux que vous ayez fait ce constat, parceque si c’était moi ça passerait beaucoup moins bien.

    En plus de la jouissance, il y a aussi un petit côté ridicule quand, par exemple, certains voient la main du diable dans des concerts de rock… http://www.paperblog.fr/2044168/hellfest-les-jeunes-catholiques-ont-repondu-present/

  • Vous tenez vraiment à embrayer sur une polémique ? Tenez, je vous dirais presque que certains semblent se satisfaire de voir les cathos ne vivre que dans la polémique… construisons plutôt. Des événements tels que celui que j’évoque au-dessus montrent qu’on avance, et que ces polémiques sont bien l’écume des choses.

  • Ça ne durera sûrement pas et ce n’est peut-être pas souhaitable d’ailleurs (gare à un excès de confort spirituel) mais au moins, ça nous permet de souffler un moment ; les chrétiens des trois premiers siècles ont du trouver aussi le temps long à Rome et chaque trêve entre deux persécution était certainement la bienvenue.
    De toutes façons, dans une soixantaine de jours, on retrouvera le temps ordinaire, non ?

  • Dieu me l’a donné, Dieu soit loué…

    Dieu me l’a repris, Dieu soit loué…

    Les médias adorent brûler ce qu’ils ont adoré, avant d’adorer à nouveau ce qu’ils ont brûlé. Donc à prendre avec un peu de distance, mais il n’y a pas non plus lieu de se plaindre quand cela va dans le bon sens.

  • Voilà. Prenons ce que le jour nous donne, sans illusion, mais sans non plus se « gâcher le plaisir ». Même le dossier de Libération semble assez équilibré et plutôt favorable, pour ce que j’en ai lu et ce que l’on m’en a dit. Pour ce qui est accessible aux non-abonnés, il y a « les catholiques font entendre leur foi« . Alors ok, c’est thème du week-end, mais qu’est-ce qui aurait empêché Libé de faire un article négatif, ou de tourner une fois de plus les catholiques en dérision ? Ils interrogent Alina Reyes, Olivier Py et Amanda Lear. Ils pouvaient faire pire… Et je lis encore que France 2 a fait un reportage sympathique dans un couvent de bénédictines. Alors, quand nous sommes correctement traités, ne cherchons pas la raison de nous plaindre quand même, au risque de nous faire vraiment passer pour les éternels râleurs de service.

    La religion catholique ne sera plus jamais traité avec une quelconque déférence particulière, et nombre de journalistes sont profondément ignorants de la foi chrétienne. On ne va pas le redécouvrir sans cesse. Maintenant, on en prend acte, et quand c’est sympa, on apprécie, on profite et on continue notre route.

    D’ailleurs, et en réponse à JMP, en conclusion de l’article de Libé cité plus haut, Alix Saint-André « reprend à son compte une déclaration du pape Benoît XVI selon laquelle «en Europe, les chrétiens qui revendiquent leur foi ne risquent pas de persécutions, comme pendant les catacombes autrefois – ou dans une très large partie du monde aujourd’hui -, mais risquent le ridicule» ». C’est désagréable et c’est peut-être plus efficace que les persécutions, mais évitons quand même d’évoquer la situation des premiers chrétiens pour parler de la nôtre.

    Soit dit en passant, après la crise de la pédophilie dans l’Eglise, après les dernières déclarations de l’évêque Belge, on pouvait penser que ça y était, on allait mettre un couvercle définitif sur l’Eglise. Qui imaginait qu’on retrouverait ce genre d’échos dans les médias, il y a un an ? Alors, profitons de ce vent frais qui, d’ailleurs, remet à leurs places un certain nombre de polémiques ou d’évènements plus graves – en ce qui concerne la pédophilie. Tout cela n’a pas empêché ce mouvement dont nous parlons aujourd’hui. Alors, relativisons l’impact des medias.

  • Bonsoir Koz,

    j’espère que tu as passé de bonnes fêtes de Pâques, et je suis ravi qu’un article de l’express t’ait fait plaisir. Je pense que tu fais bien de ne pas trop t’emballer: de nombreux dossiers de nos hebdomadaires ne sont que les variations sur un air du temps encore plus éphémère que les dernières tendances de la mode.

    Je porterais un regard plus nuancé que toi sur le catholicisme « de choix ». C’est sans doute le cas d’une grande partie des catholiques, mais je me demande si le catholicisme « tribal », symbole de l’appartenance à une certaine classe sociale (noblesse ou bourgeoisie traditionaliste), ne représente pas encore une majorité de fidèles. Dans ces milieux, il faudrait par exemple une sacré personnalité pour oser faire un mariage seulement civil (note pour Koz: j’ai un peu fréquenté ces milieux avant d’arriver à ces conclusions).

    Cependant, bien que je pense personnellement que l’église catholique ne réponde pas correctement à la modernité, je lui vois plusieurs possibilités de développement même si elle ne corrige pas sa doctrine.

    Elle peut avoir du succès comme lieu de socialisation: ces derniers semblent manquer, en particulier en dehors du travail et de la famille. Même les bistrots ne font maintenant plus recette. Alors l’église peut, avec de la chance et un peu de travail, devenir un lieu de socialisation « par défaut », une sorte de super « diner de voisins ».

    L’église peut aussi à un moment, même si ce n’est pas sa tradition, proposer un package spirituel « simpliste », et avoir du succès comme les évangélistes américains, ou certains islamistes, ont du succès. j’ai parfois l’impression que certains intégristes catholiques sont dans ce mode-là. Une grande partie de nos concitoyens n’a aucune culture religieuse ou philosophique, et ces gens sont donc à mon avis une assez faible immunité au « prêt-à-penser » sprituel. Je pense cependant que ce serait une victoire en trompe l’œil.

    Reste aussi évidemment le difficile chemin de la modernisation de l’institution et de la doctrine, qui pourrait à mon avis se faire plus tôt que prévu. Le destin du catholicisme ne se joue pas qu’en France, et je crois qu’en Allemagne et aux Etats-Unis, il se passe beaucoup de choses (procès ruineux, baisse drastique du nombre de fidèles) qui pourraient obliger l’église à se réformer plus rapidement qu’elle ne le souhaite.

    Ce vingt-et-unième siècle s’annonce décidément passionnant.

  • @ Joyeux Acier: Ce n’est pas parce que le monde change qu’il change en bien. On est passé de l’épée au canon puis à la chambre à gaz et la bombe atomique. Je suis au contraire heureux de voir que le message de l’Église sur l’Homme et à l’Homme ne change pas. Il se re calibre quant il le faut (Vatican 2) mais reste fidèle à lui-même. Attention à la modernisation à tout va qui ne peut conduire qu’au relativisme.

    @ Koz: l’ignorance des journaliste ne concerne pas que le christianisme et les faits religieux, mais sans doute la plus part des faits qu’ils rapportent. Heureusement il existe des sources d’informations spécialisées comme vous ou le blog d’Eolas. Certes soyons heureux que pour une fois on parle de nous en positif, preuve que le pire n’est même pas certains. Cela dit comment exister médiatiquement aujourd’hui (si tant est que cela est une bonne chose) sans scandale ou inquiétude?

  • Joyeux Acier a écrit : :

    (note pour Koz: j’ai un peu fréquenté ces milieux avant d’arriver à ces conclusions).

    Dans ce cas, il a dû vous manquer la fréquentation de catholiques plus « populaires », ou celle de la paroisse de campagne dans laquelle j’étais ce week-end, ou ceux qui sont évoqués par Le Progrès, même si, oui, comme je le dis, il reste des ilots où le catholicisme reste social.

    Maintenant, ça ne m’étonne pas que vos ayez fréquenté ces milieux : j’avais bien le sentiment qu’il y avait un traumatisme derrière tout ça.

    Après, vos hypothèses. Ouais, peut-être que l’église est un endroit où se faire des potes. On peut tester d’être hyper désagréable pendant quelques mois histoire de voir si les gens viennent quand même, mais c’est pas des masses dans les habitudes de la maison.

    Il y a la « modernisation de la doctrine et de l’institution ». C’est bien, mais creux. Moderne, modernité, modernisation, tout ça ne veut rien dire en soi. Il y a une orientation dans laquelle vous estimez que l’Eglise devrait aller, et qui collerait à ce que vous appelez « moderne ». Alors, pensez une seconde à la tête de Benoît XVI quand il était coiffé de son chapeau de Père Noël. C’est pas ça, hein, votre image de la modernité ? Eh ben figurez-vous que, pourtant, ça n’a pas fait fuir les fidèles. Même si beaucoup trouvent qu’il avait l’air ridicule.

    Et cela va assez de paire avec votre hypothèse d’un discours spirituel simpliste. Bon, je vous sais gré au moins de reconnaître que tel n’est pas le cas aujourd’hui puisque c’est ce que vous suggérez pour l’avenir. Et figurez-vous qu’à lire et écouter Benoît XVI, il ne semble pas que ce soit le chemin choisi. A lire et écouter Jean-Paul II, ça ne l’était pas non plus. Et s’ils n’ont pas enrayé le déclin numérique du christianisme dans les pays européens, il semble qu’ils aient aussi donné de l’élan à des générations.

    Non, je ne pense pas que l’Eglise s’oriente vers un discours simpliste à la sauce de certaines sectes évangéliques. Et je crois qu’au contraire, les « gens » apprécient que l’on soit exigeants avec eux, et le veulent. Comme disait le Père Caffarel, « l’amour sans exigence dévalue, l’exigence sans amour n’est pas de l’amour, seul l’amour exigeant fait grandir ». Il faudrait aussi faire le pari du temps long. Parce que le christianisme en Europe est en déclin depuis un siècle, et de façon plus marquée depuis 50 ans, on en déduit que l’Eglise fait erreur. Parce que certaines sectes évangéliques prospèrent avec certaines méthodes, on est tentés de regarder de ce côté. Qu’en sera-t-il dans 50 ans ? Qu’en est-il d’une conversion obtenue sur une émotion (je ne dis pas que ce soit toujours le cas) ? C’est un pari, oui, bien sûr. Mais l’Eglise a aussi l’avantage sur nous d’avoir passé 2000 ans. Alors que nous, nous serons morts avant de savoir qui avait raison.

  • « Une grande partie de nos concitoyens n’a aucune culture religieuse ou philosophique, » et se permet pourtant de recommander à l’Eglise ce qu’elle doit faire (en proposant 3 scenarii ; ne manque que le powerpoint) pour rendre le XXIe siècle « passionnant ».
    Joyeux Acier, vous lire est toujours un plaisir. Vous me rappelez mes tendres années, quand je fréquentais des ingénieurs -car moi aussi « j’ai un peu fréquenté ces milieux », d’où traumatisme idem.

  • Nous savons que la presse suit les floraisons régulières et en particulier celles des marronniers : à Pâques , l’on parle du chemin de Croix à Montmartre, au Vatican l’on nous remontre les « crucifiés » en Amérique du Sud etc… Par ailleurs le Pape Jean Paul II va être béatifié le 1 Mai, nous autre catholiques avons donc une certaine visibilité dans l’actualité en ce moment. Et la chaine publique 3 le jour de Pâques, n’a pas manqué de présenter l’ émission critique récurrente de dérision sur l’église complétement dépassée!
    En revanche il est exact que l’article de l’Express qui présente entre autre ces Bedeaux du Christ , des hommes, responsables d’entreprise etc… qui n’hésitent pas à « sacrifier » 2h en semaine par mois pour leurs convictions et partager les pâtes cathos pour se ressourcer , c’est une information nouvelle , une prise de conscience de cette génération que sa foi méritait d’être soutenue ; aussi par ceux qui ont par ailleurs plutôt « réussi »…Les comportements sans doute trop visibles de certains dans l’observation de leur propre religion, ont peut être fait réfléchir sur la richesse de la nôtre que nous n’exploitions pas!
    N…
    N’ayons pas peur !

  • le concept de Foi m’échappe totalement.

    La religion, pour toi, c’est un concept, des métaphores, une philosophie de vie, ou tu crois vraiment qu’il y a une forme d’entité supérieure (Dieu ?), espèce de construction divine, que Jésus a vraiment marché sur l’eau, qu’il est vraiment mort, mais n’a pas putréfié et est revenu à la vie, qu’il y a vraiment un paradis tout ça ?

    Merci.

  • C’est un résumé très condensé et un peu simpliste de la foi chrétienne, mais c’en est partiellement le contenu. Ce n’est en tout cas pas un « concept », pour moi. Mais il y a des métaphores ou, plutôt, des allégories. C’est également un chemin de vie, plus encore qu’une simple philosophie. Il y a évidemment la foi en la résurrection, centrale, qui implique nécessairement que le corps de Jésus n’ait pas connu la putréfaction. En ce qui concerne les miracles, ce n’est pas l’essentiel, ni le socle de ma foi. Mais il ne faut pas inverser les choses : est-ce que je crois que Jésus est le fils de Dieu parce qu’il a accompli des miracles, ou que les miracles peuvent être réels parce que Dieu existe et que Jésus était son fils ? Quant aux miracles, ils me semblent encore plus importants en raison de ce que le Christ voulait exprimer à travers eux que pour la « performance » en elle-même.

    Enfin, je reprendrais un mot que j’ai déjà entendu, et que je lisais récemment : le contraire de la foi, ce n’est pas le doute, c’est la peur. La foi comprend une part de doute. Pour moi, elle est un chemin. Je n’ai que de brèves certitudes, des intuitions, voire des moments de plénitude, qui viennent s’appuyer sur la conviction que, si Dieu existe, alors il ne peut être que celui dont Jésus nous parle, sur la richesse des textes, leur interprétation, la découverte de sens qui m’avaient échappé, ainsi que sur quelques éléments factuels (les évangiles avec leurs accords et leurs discordances, aussi signifiants l’un que l’autre, la formidable propagation de la foi des premiers siècles, celle des premiers chrétiens etc), et puis il y a aussi ce qui ressemble à un appel personnel à chercher, à avancer, à explorer.

    Un prêtre avec lequel je discute souvent de ces questions me disait qu’il se souvient très bien de la réflexion qu’il s’est faite un soir, jeune homme, peu de temps avant d’entrer au séminaire, et alors qu’il vient d’un milieu pas du tout pratiquant, en se disant qu’il n’y a qu’après la mort qu’il « saurait » si cela venait de l’esprit ou de l’Esprit.

  • Koz a écrit : :

    le contraire de la foi, ce n’est pas le doute, c’est la peur.

    Alors là je ne vois pas bien ce que cela peut signifier, ou quel argumentaire peut aboutir à cette opposition. Pour ma part je ne verrais guère que « le refoulement de la peur est la base de la foi », mais je doute que ce soit ce que vous voulez dire.

    Quant au pouvoirs de l’esprit vs l’Esprit, l’introspection ou l’observation du monde me paraissent donner de très claires indications.

  • J’ai aussi été très agréablement surprise par l’article de Libé d’hier. D’habitude, ils ont la dent dure, mais là… Pas de moquerie dans leur propos. c’est assez rare pour être souligné et ça fait du bien.
    Alléluia, il est ressuscité ! Joyeuses Pâques 🙂

  • @ Yogui :
    La foi est une histoire de confiance, et non de crédulité. Il y a un bien un seuil où l’on peut basculer de l’une à l’autre, mais il serait faux de réduire la foi religieuse à la crédulité naïve.
    Pour aller plus loin, je vous renvoie aux travaux de _Michela Marzano_ sur la confiance (auteur notamment de Extension du domaine de la manipulation, Grasset, 2008 ; Visages de la peur, PUF, 2009).

  • Très juste, ces distinctions entre croire et foi.
    Le sens de « la foi » doit s’approcher avec la grille de lecture chrétienne (et juive), car comment la comprendre avec d’autres outils ?

    Il y a d’un coté l’acte de croire (mouvement de l’intelligence, qui implique la possibilité du doute),

    et de l’autre la foi, qui est la confiance en une chose sûre, solide, sur laquelle on peut s’appuyer, comme la sécurité dans la relation avec un autre. Le défaut de foi (la défiance) penche en effet du coté de la peur, dans cette optique chrétienne.

    C’est une bonne idée de chercher à approcher le sens d’un mot par son « contraire » ; de même, l’opposé de la vérité ne serait pas l’erreur, mais plutôt le mensonge.

  • @ Yogui: et, à brûle-pourpoint, vous estimeriez votre chance d’arriver à me convaincre à combien ? Et l’utilité de le tenter ? Vous êtes athée, je suis croyant. On s’en tient là ?

  • Je n’ai pas lu cet article en entier, mais je suis assez contente que pour une fois on ne tombe pas dessus à bras racourcis, avec une bonne dose… de mauvaise foi.

    Mais tendance? J’espère bien que non. J’essaye vraiment dans mon quotidien de ne pas être trop « tendance », car je trouve un grand nombre de modes actuelles bien navrantes…
    Je suis d’accord avec Koz qu’il ne faut pas qu’on se victimise, nous autres catholiques. Nous avons bien mieux à faire! Je fais partie des (assez) jeunes catholiques nouveaux, puisque baptisée en 2007, et après une phase d’hésitation, j’ai bien envie de pousser des portes et d’agir. Je n’ose pas encore vraiment, un peu intimidée par tous ces catholiques de souches, si j’ose dire, car ma paroisse est très peu métissée socialement, parfois l’église du 19ème arrondissement de Paris que je fréquentais quand j’étais encore catéchumène me manque un peu… bref! Mais il s’y passe énormémement de choses, elle est pleine de jeunes et d’enfants, et cela fait diablement plaisir!
    Alors agissons, prions, pélerinons, et effecivement suivons ce chemin, qui pour ma part me porte depuis que j’ai décidé de me jeter à l’eau baptismale.

    Un petit mot pour Koz, j’ai découvert votre blog en des temps plus tourmentés (les capotes sont cuites), et je vous lis dès que je peux avec beaucoup de plaisir.

  • Un martien débarquant dans notre petit village de fous penserait que nous aimons bien ça, nous faire taper dessus. Déjà que l’on adore un volontaire pour le supplice de la croix… Les médias arretent deux minutes, et notre première réaction est « mouais, mais ça ne durera pas », et d’attendre la prochaine volée de bois vert en boudant.

    Je ne vois que deux explications:

    • Nous sommes tous lourdement traumatisés, et les sévices que nous ont fait subir « les médias » sont durablement imprimés dans notre psyché, au point que la simple vue d’une colonne de Libé nous procure une terreur panique.

    • Nous sommes plus attachés que nous le pensons à notre statut de « victimes », parce que nous avons peur que ce soit la dernière chose qui sépare le statut minoritaire de l’insignifiance.

    Bien sûr que j’ai peur d’être insignifiant (plus que d’être ridicule, d’ailleurs). Mais comme Koz je pense qu’y échapper passe plus par une renouvellement de notre vocation prophétique que par un repli sur tous nos « malheurs ».

    En fait, le mouvement évoqué par Koz est assez logique: l’emprise de l’Eglise sur la société s’érodant, nous redevenons alors un objet de curiosité. Ce qui implique son lot de mauvais procès guidés par la peur, de méconnaissance crasse, mais aussi, de bienveillante surprise. Tant d’opportunités devraient nous exciter, bien au contraire: ces « curieux de Dieu », quand ils nous paieront une visite, que trouveront ils qui nous fasse déjà vibrer?

    J’ai aussi noté le petit débat sur « la fin du catholicisme social », et j’avoue que Koz ne m’a pas trop convaincu sur ce coup là. Disons que ça ne marche que dans un sens. Effectivement, on n’échappe plus, dans quelque milieu que ce soit, à la confrontation à l’incroyance, et donc le choix de la foi catholique devient systématiquement actif. Mais ces milieux protégés ne restent ils pas le lieu privilégié de la transmission de la foi? Et cela ne conduit-il pas de fait à une réduction de l’eventail sociologique touché par la foi catholique?

  • @ Yogui : « Quant au pouvoirs de l’esprit vs l’Esprit, l’introspection ou l’observation du monde me paraissent donner de très claires indications ».

    Ah bon? ben c’est marrant, parce que l’introspection, je pratique, l’observation du monde aussi, y compris ce qui n’est pas visible, et pourtant, je crois. Dingue, non? décidément l’Esprit souffle où il veut.

  • Pingback: Christianisme et métal: témoigner de notre joie plutôt que de notre peur, des deux côtés… « Inner Light

  • @Koz,

    J’ai remarqué aussi que dans les médias, en particulier à la radio ces dernier temps, les catholiques ont la parole, plus qu’avant et j’apprécie.

    Je n’ai pas lu les articles dont vous parlez mais je n’aime pas quand les journalistes (ou les ignorants) parlent « des cathos » comme s’il s’agissait d’un bloc monolithique. Je crois que l’Eglise catholique est diverse et cette diversité lui donne de la richesse et des capacités d’écoute et d’ouverture.

  • La sympathie qui semble croître dans certains médias pour les catholiques, ou au minimum la fin d’une hostilité systématique, est doublement triste :

    D’abord parce qu’elle est le symptôme d’un vide spirituel. C’est l’absence de sens à leurs vies qui finit par ouvrir certains esprits à l’Esprit. Bref une situation dont nous ne pouvons pas nous réjouir.

    Ensuite parce que si nous ne renions pas le Christ et témoignons de son enseignement sans le dénaturer, nous allons nous en reprendre plein la tête de toutes façons. Le message évangélique a tendance à déranger furieusement.

    Une bonne nouvelle quand même : entre le vide spirituel actuel de notre société et le retour de son aversion pour le catholicisme quand elle comprendra que ce n’est pas une méthode facile et super cool pour combler ce vide mais un réel renoncement à tout ce qui détruit l’homme, nous pouvons espérer que certains se laisseront toucher par la grâce au passage.
    Après tout c’est peut-être le cycle normal de l’évangélisation.

  • Jib a écrit : :

    il serait faux de réduire la foi religieuse à la crédulité naïve.

    J’en suis bien convaincu. La foi me paraît être un « acte de foi », un choix délibéré de mettre sa confiance dans un système de pensée donné. La question est de savoir sur quelle base et quels critères vous choisissez ce système.

    Koz a écrit : :

    à brûle-pourpoint, vous estimeriez votre chance d’arriver à me convaincre à combien ?

    Ouh là très très faible, et certainement pas en m’y prenant comme ça 😉 ! C’est pourquoi ce n’était nullement mon intention. Je sais que je deviens facilement assez abrupt sur ces sujets et j’en suis désolé, mais ma question était sincère : quand vous dites « le contraire de la foi, c’est la peur », je comprends « si vous n’avez pas la foi, vous avez peur », ce qui me paraît une affirmation tout à fait gratuite. C’est pourquoi je me demandais quel était le sens de cette phrase.

    Cedric G a écrit : :

    Ensuite parce que si nous ne renions pas le Christ et témoignons de son enseignement sans le dénaturer, nous allons nous en reprendre plein la tête de toutes façons. Le message évangélique a tendance à déranger furieusement.

    A mon humble avis le message évangélique est de plus en plus difficile à faire passer non tant parce qu’il « dérange » (encore qu’il faudrait s’entendre sur la partie du message évangélique auquel vous faites allusion), mais parce que nous passons lentement d’une culture du « fabuleux » à une culture de la logique et du fait. Du coup trop d’athées sont arrêtés par ce qui leur apparaît comme des contradictions internes à la foi, ou des contradictions avec l’avancée des connaissances, qui les empêchent de parvenir à un « message » qui puisse être déjà audible, pour ensuite éventuellement leur paraître convaincant.

    C’est selon moi ces obstacles qu’il faudrait lever si vous souhaitez être entendus.

  • « encore qu’il faudrait s’entendre sur la partie du message évangélique auquel vous faites allusion »

    Bah vous avez « aime ton prochain comme toi-même » ou « pardonne à tes ennemis » par exemple. Tout catholique un peu sincère qui a un peu expérimenté le truc sait à quel point c’est difficile, donc un catholique peut très bien comprendre pourquoi c’est mal accueilli par la plupart des gens.
    A certaines époques cela peut valoir la crucifixion, à d’autres les quolibets, à d’autres la hargne, mais je ne vois aucune époque et aucune société ou ce message ait été massivement accueilli avec bienveillance.
    Même aux époques les plus « chrétiennes » sur la forme, comme le XIIe siècle, un François d’Assise a eu droit à l’incompréhension et aux critiques de ses contemporains pour avoir voulu aller au bout du message évangélique.

    La logique et les faits qui découlent de ce message dérangent l’homme, quelque soit sa culture et son époque. Essayer d’édulcorer tout cela pour le rendre plus digeste ne ferait qu’affaiblir le message. Grosso modo on doit pouvoir tirer de l’histoire de l’Eglise catholique que si le message qu’elle transmet ne déclenche pas l’hostilité, c’est qu’elle l’a trop delayé. Bref sans parler de victimisation, un catholique doit être conscient que s’il essaie de vivre fidèlement le message du Christ il déclenchera de fortes hostilités, de par la nature même dudit message. C’est d’ailleurs ce que ledit Christ avait annoncé au passage.

    Après que les athées le comprennent ou pas, c’est assez secondaire. De toutes façons cela n’est accessible qu’individuellement, pas massivement, comme partiellement expliqué plus haut.

  • Les cathos ont du bol pour une fois, tant mieux pour eux/nous.

    Mais en tant qu’investisseur, j’ai eu la surprise de voir placardée partout la une d’un hebdo me classant numéro 2 dans la liste noire de ceux qui ruinent la France 😐 http://www.lepoint.fr/html/lepoint/en_kiosque.jsp

    Encore un effort, il ne me reste qu’à faire pire que les dockers pour être numéro 1…

  • @ Yogui

    « mais parce que nous passons lentement d’une culture du « fabuleux » à une culture de la logique et du fait »

    Vous le pensez vraiment? Vous êtes peut-être vous même imprégné de cette culture de la logique et du fait. Mais au vu de ce qu’on voit à la télévision, je ne crois pas que ce soit ce qui domine dans notre monde. Les gens veulent du fabuleux, du magique, et pas des faits! enfin en tout cas c’est mon impression… Ce qui domine, c’est l’individualisme, le relativisme, l’égoïsme, le culte de l’argent et du pouvoir.
    Et je suis bien persuadée comme Cédric que si le message évangélique ne passe pas, c’est bien parce qu’il dérange, y compris au plus niveau! Tout les chrétiens honnêtes le reconnaitront : tous, nous avons parfois lu des passages des évangiles en nous disant que c’était bien difficile à mettre en oeuvre, voire impossible!
    et peut-être aussi parce qu’être croyant, c’est faire preuve d’humilité, et l’humilité n’est pas particulièrement répandue actuellement…

    Qu’en pensent les autres intervenants?

    Et je voulais vous dire aussi que je suis profondément attachée à la logique et aux faits (je suis scientifique), et j’ai quand même la foi.

    Quand je vous lis, j’ai l’impression de me retrouver à l’adolescence, quand je cherchais à rejeter cet appel du Christ, par le choix … d’un système de pensée reposant sur la logique et les faits 😉
    Quand vous écrivez par exemple ce genre de choses : « (…)un choix délibéré de mettre sa confiance dans un système de pensée donné. La question est de savoir sur quelle base et quels critères vous choisissez ce système. » Je ne veux pas vous vexer, mais cela me fait un peu sourire. Je n’ai pas du tout le sentiment d’avoir « choisi un système de pensée » avec des critères établis. J’ai choisi la confiance, l’amour infini, un socle indestructible, et un chemin exigeant. Entre autres choses. J’ai choisi de répondre à un appel. Cela m’a pris 20 ans, mais je ne regrette pas un instant de ce cheminement.

    Bref, je m’égare… désolée d’avoir été aussi longue! Je vais d’ailleurs m’en tenir là, car la foi ne se démontre pas.
    @+!

  • Néophyte a écrit : :

    Je n’ai pas lu cet article en entier, mais je suis assez contente que pour une fois on ne tombe pas dessus à bras racourcis, avec une bonne dose… de mauvaise foi. Mais tendance? J’espère bien que non. J’essaye vraiment dans mon quotidien de ne pas être trop « tendance », car je trouve un grand nombre de modes actuelles bien navrantes…

    Hé, la prochaine fois, lisez l’article en entier 😉

    Néophyte a écrit : :

    Je n’ose pas encore vraiment, un peu intimidée par tous ces catholiques de souches

    Je peux le comprendre : ah ces piliers d’église, qui font tout comme il faut, connaissent tous les « codes »… Et en même temps, nous avons besoin de vous.

    Vivien a écrit : :

    J’ai aussi noté le petit débat sur « la fin du catholicisme social », et j’avoue que Koz ne m’a pas trop convaincu sur ce coup là. Disons que ça ne marche que dans un sens. Effectivement, on n’échappe plus, dans quelque milieu que ce soit, à la confrontation à l’incroyance, et donc le choix de la foi catholique devient systématiquement actif. Mais ces milieux protégés ne restent ils pas le lieu privilégié de la transmission de la foi ?

    Je ne nie pas une petite dose de volontarisme dans mon billet. Au demeurant, je n’ai pas été catégorique sur ce point mais, même dans les milieux sociaux où la pratique religieuse fait partie du package, il me semble qu’elle évolue aussi.

    Cedric G a écrit : :

    Une bonne nouvelle quand même : entre le vide spirituel actuel de notre société et le retour de son aversion pour le catholicisme quand elle comprendra que ce n’est pas une méthode facile et super cool pour combler ce vide mais un réel renoncement à tout ce qui détruit l’homme, nous pouvons espérer que certains se laisseront toucher par la grâce au passage. Après tout c’est peut-être le cycle normal de l’évangélisation.

    Alors pourquoi évoquer une tristesse quelconque en début de commentaire ? Ne soyons pas toujours des cathos qui font la gueule ! Comment peut-on espérer convaincre qui que ce soit que l’évangile est une « Bonne Nouvelle », qu' »avoir la foi est une grande joie », toutes expressions que l’on entend souvent, si l’on trouve toujours nous-mêmes une occasion de nous plaindre. On peut parler d’évangélisation, mais la première évangélisation, c’est le témoignage : qu’est-ce que ça change pour moi de croire ? Suis-je plus heureux ? On dit que l’on est « sauvés ». Ah ? Et alors, ça ne nous fait rien ?

    Yogui a écrit : :

    Je sais que je deviens facilement assez abrupt sur ces sujets et j’en suis désolé, mais ma question était sincère : quand vous dites « le contraire de la foi, c’est la peur », je comprends « si vous n’avez pas la foi, vous avez peur », ce qui me paraît une affirmation tout à fait gratuite. C’est pourquoi je me demandais quel était le sens de cette phrase.

    Je peux comprendre cette interprétation. Mais à mon sens ce n’est pas ainsi qu’elle est employée. Il s’agit pour moi surtout de dire que la foi n’est pas intrinsèquement une certitude, mais un acte de confiance. Dès lors, un croyant ne devrait pas s’inquiéter de douter, ni réfréner ses doutes. L’acte de foi est bien davantage constitué par une gratuité, un don. Elle doit se concevoir comme un mouvement réciproque, me semble-t-il, du croyant et de Dieu. La question de la liberté me paraît également essentielle dans la foi chrétienne, et juive d’ailleurs, pour autant que je puisse en juger par ce que je connais de l’Ancien Testament.

    Bref, par cette phrase, il ne s’agit pas de juger ni de dénigrer ceux qui ne croient pas.

    Yogui a écrit : :

    A mon humble avis le message évangélique est de plus en plus difficile à faire passer non tant parce qu’il « dérange » (encore qu’il faudrait s’entendre sur la partie du message évangélique auquel vous faites allusion), mais parce que nous passons lentement d’une culture du « fabuleux » à une culture de la logique et du fait. Du coup trop d’athées sont arrêtés par ce qui leur apparaît comme des contradictions internes à la foi, ou des contradictions avec l’avancée des connaissances, qui les empêchent de parvenir à un « message » qui puisse être déjà audible, pour ensuite éventuellement leur paraître convaincant.

    C’est selon moi ces obstacles qu’il faudrait lever si vous souhaitez être entendus.

    Je suis assez d’accord avec toi (si l’on excepte le point sur la culture du fabuleux). Les catholiques doivent prendre garde à certaines phrases, qui leur sont peut-être accessibles, qui ne sont pas dénuées de vérité, mais qui sont un peu… volontaristes. Ainsi du message évangélique qui « dérange » ou du christianisme qui serait « révolutionnaire ». L’Eglise (ou à tout le moins le haut-clergé) a été si longtemps proche de l’Etat que cela paraît peu convainquant, même si ça nous fait du bien en nous permettant de nous penser non-conformistes.

    Le problème est aussi que nous édulcorons trop facilement le message évangélique. Nous façonnons nos petits accommodements, de sorte qu’un non-croyant peut difficilement voir ce qui singularise un catholique. Mais je crois que nous sommes d’accord, avec Cedric, au vu de son dernier com.

    @ Lib : il est vrai que lire qu’un investisseur ruine, ça se pose un peu là.

  • @ Yogui

    Je ne fais pas confiance à un système de pensée, mais au Christ. C’est trop long à développer ici, mais je tiens que in fine, même le rationaliste le plus rigoureux est obligé d’accepter qu’il doit faire confiance à autrui, I.e., à la communauté humaine qui l’a introduit au langage et à la raison, pour mettre en oeuvre cette raison dont il est si fier…

    @ LIb

    Même Le Point vire au populisme à la MLP. Plutôt mauvais signe. J’ai noté la référence aux exilés fiscaux : la France se tire une balle dans le pied par son choix d’une fiscalité qui pousse ses riches à s’exiler, mais non, mais bien sûr, c’est la faute des exilés…

  • L’Eglise (ou à tout le moins le haut-clergé) a été si longtemps proche de l’Etat que cela paraît peu convainquant, même si ça nous fait du bien en nous permettant de nous penser non-conformistes.

    Mais l’Eglise, ou à tout le moins le Haut-Clergé, a-t-elle toujours appliqué le message de l’Evangile ? A-t-elle même toujours appliqué son propre « message officiel » ? Et les catholiques, même les plus pratiquants ?
    Et il ne suffit pas de se dire ou de se penser « non-conformiste » pour l’être. Pas plus que de se rêver martyr. Quelle est la proportion de catholiques réellement non-conformistes ? D’ailleurs, être non-conformiste est-il souvent autre chose que du « conformisme à l’envers » ?

  • Cedric G a écrit : :

    Bah vous avez « aime ton prochain comme toi-même » ou « pardonne à tes ennemis » par exemple.

    Bah les valeurs de bienveillance pour autrui et de pardon me paraissent largement professées par la plupart des religions occidentales comme orientales, même si elles sont plus particulièrement mises en avant par le christianisme. De plus, en tant que valeurs du respect mutuel et de rupture de la chaîne de la violence, elles ne me paraissent pas choquer l’analyse rationnelle, même si elles sont individuellement difficiles à appliquer.

    La spécificité du christianisme me semble plutôt résider par exemple dans le Dieu incarné qui vient se sacrifier pour le péché originel de ses créatures, et là la logique et les faits sont mis à rude épreuve. Ce qui tend, selon moi, à gâter le message d’amour que vous mettez en avant.

    Néophyte a écrit : :

    Vous êtes peut-être vous même imprégné de cette culture de la logique et du fait. Mais au vu de ce qu’on voit à la télévision, je ne crois pas que ce soit ce qui domine dans notre monde. Les gens veulent du fabuleux, du magique, et pas des faits! enfin en tout cas c’est mon impression… Ce qui domine, c’est l’individualisme, le relativisme, l’égoïsme, le culte de l’argent et du pouvoir.

    J’ai bien dit « lentement », c’est à dire à l’échelle de centaines d’années, échelle de temps nécessaire pour les changements profonds de culture. L’être humain a bien sûr soif de fabuleux, mais je crois qu’il sait de plus en plus faire la part des choses. Quant à savoir si individualisme, culte de l’argent et du pouvoir sont plus prégnants aujourd’hui qu’à l’époque des Borgia, je ne saurais me prononcer.

    Aristote a écrit : :

    Je ne fais pas confiance à un système de pensée, mais au Christ. C’est trop long à développer ici, mais je tiens que in fine, même le rationaliste le plus rigoureux est obligé d’accepter qu’il doit faire confiance à autrui, I.e., à la communauté humaine qui l’a introduit au langage et à la raison, pour mettre en oeuvre cette raison dont il est si fier…

    « pas confiance à un système de pensée, mais au Christ » : de mon point de vue vous jouez sur les mots. Sinon il est bien évident que « la raison » ne tombe pas du ciel (!) mais d’une communauté et d’une pratique dans lequel le rationaliste place sa confiance. Mais la question est de savoir, parmi toutes les approches proposées par les différentes communautés de pensée, laquelle vous choisissez, et pourquoi.

  • @ lambertine: pourquoi « mais » ?

    Yogui a écrit : :

    La spécificité du christianisme me semble plutôt résider par exemple dans le Dieu incarné qui vient se sacrifier pour le péché originel de ses créatures, et là la logique et les faits sont mis à rude épreuve. Ce qui tend, selon moi, à gâter le message d’amour que vous mettez en avant.

    Je suis d’accord pour considérer que le christianisme a la spécificité de professer une foi en un Dieu incarné, humilié et sacrifié pour sauver les hommes mais j’ai plus de mal à considérer que la logique et les faits s’y opposent, ou encore que cela « gâte le message d’amour ».

  • @ Yogui:

    « A mon humble avis le message évangélique est de plus en plus difficile à faire passer »

    Ce message, quand il est vécu par les croyants qui l’annoncent passe encore très bien, en témoigne le succès du film sur les moines de Tibhirine.

    Par contre quand il semble en rester au niveau du discours, il reçoit un sort comparable à celui réservé aux promesses électorales.

  • @ Koz: Selon moi, la coexistence des notions de l’omniscience de Dieu d’une part, et du libre-arbitre et de la Chute d’autre part, me semble poser d’importants défis logiques ; par ailleurs le fait qu’Adam et Eve n’ont pas réellement existé (dixit la génétique et la paléoanthropologie) soulève également de graves questions sur la nature exacte du « marché » conclu entre Dieu et ses créatures et des critères qui ont abouti à la déchéance de l’humanité.

    Il est vrai que cela ne remet pas en cause la recommandation d’amour mutuel entre les hommes, mais comme le « package » global chrétien paraît indissociable, cela me semble de nature à saper la confiance générale que l’on peut placer dans les fondements de la doctrine, et donc à gâter la perception de ses messages.

  • @ Yogui:

    « La spécificité du christianisme me semble plutôt résider par exemple dans le Dieu incarné qui vient se sacrifier pour le péché originel de ses créatures, »

    Je ne pense pas que la logique puisse infirmer ou confirmer cette croyance.

    Par contre je partage l’idée que la croyance en un Dieu qui vient se sacrifier pour laver d’un péché originel ses créatures est difficile à comprendre et donc à professer.

    S’en tenir au Dieu Amour qui s’incarne pour partager la condition humaine est plus facile.

  • Mais tu n’expliques pas la nature de ces défis logiques. Difficile pour moi d’extrapoler sur les défis que tu pressens et qui ne me frappent pas. La seule question que l’on peut se poser serait : Dieu ne savait-il pas que l’Homme allait le tromper en cédant au Tentateur (avec un grand t) ? Il faudrait entrer dans une discussion sur la nature du Mal, l’existence de Satan ou son caractère symbolique. Mais il me semble aussi que l’on peut comprendre cela en remarquant à quel point Dieu laisse la place à la liberté. Liberté laissée même aux anges, et liberté laissée aux Hommes, de l’accepter ou de le rejeter, ce qui signifie que nous ne sommes pas, à son égard, dans une situation de sujétion.

    En ce qui concerne Adam et Eve, il n’est pas nécessaire de se référer à la génétique et à la paléoanthropologie pour dire qu’ils n’ont pas existé en tant que tels. Tu peux aussi ouvrir la Bible. Il y a, dans la Bible, deux récits de la Création. Il est difficile de considérer que deux récits de la Création doivent être pris au pied de la lettre. Il y a une portée allégorique évidente dans ces textes, qui ne leur donnent toutefois pas moins de sens, bien au contraire. Mais non, par exemple, je ne considère pas comme une vérité historique que Dieu ait créé l’homme en prenant de la poussière, en la modelant, puis en insufflant dans ses narines le souffle de vie. Cela ne contredit pas toutefois le fait que l’Homme ait été créé par Dieu.

    De même pour ce qui est d’un quelconque « marché ». Si tu entends par là l’interdiction faite de manger de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal », je le comprends (sur les explications données par d’autres) comme le signe que l’Homme ne doit pas prendre la place de Dieu, qu’il ne doit pas se considérer comme la mesure de toute chose, que son libre-arbitre n’est pas l’horizon ultime.

    @ Hervé: étant entendu que la facilité ne peut en aucun cas être un critère, n’est-ce pas ?

  • « …comme le signe que l’Homme ne doit pas prendre la place de Dieu, qu’il ne doit pas se considérer comme la mesure de toute chose, que son libre-arbitre n’est pas l’horizon ultime. »

    cher Koz, vous exprimez à la perfection ce que j’aurais voulu dire! c’est bien ainsi que je l’entends, et c’est pour cela que je parlais d’humilité, à mon sens valeur très peu prisée dans notre monde occidental.

  • Dire que Dieu n’existe pas, n’est ce pas un acte de foi ?
    En effet, quelle preuve de la non existence de Dieu ?

    Je respecte ceux qui ont la foi dans la non existence de Dieu (comme Yogui), mais de grâce, n’opposez pas la foi chretienne à un athéisme qui serait « rationnel », alors que ce n’est qu’une croyance, culturelle, conjoncturelle…

    Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas quelque chose, qulqu’un, qu’il n’existe pas. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de preuves « scientifique » que cela n’existe pas (la radio activité existait bien avant sa « découverte » par la science).

  • Félicitations à Yogui qui est de nouveau parvenu à amener la discussion sur l’inépuisable question, foi et/ou rationalité, alors que le sujet n’avait pas grand-chose à voir 🙂

    @ Lib:

    Je note les numéros 1 et 3 sont deux professions qui se caractérisent par leur taux élevé de syndicalisation (ils ont « oublié » la CGT du Livre… courageux mais pas téméraires, au Point). Le concours de la plus grande victime de stigmatisation donc remporté, pour cette fois, par les travailleurs.

    Cela dit, cette mariannisation de la couverture est impressionnante. Qui disait, plus haut, que la culture de la logique et du fait était en marche ? Lente, la marche, alors. Comme disait Coluche: moi, je viendrai voir quand ils auront fini tous les progrès.

  • @ Koz: Sur le point des « défis logiques », omniscience et libre-arbitre me paraissent résolument incompatibles. Si Dieu est omniscient et « hors du temps », il sait et voit de toute éternité que l’homme est pécheur ; nolens volens il le crée comme tel, et sa « surprise » et sa réaction face à la désobéissance humaine me paraissent bien artificielles. Et s’il y a véritablement libre-arbitre, le monde humain devient imprévisible pour Dieu, ce qui ne semble pas conforme au canon de la foi. Véritablement l’omniscience me paraît un « défi logique » de taille.

    La non-existence d’Adam et Eve me semble encore aggraver ce problème. Si ce n’est pas un individu particulier qui, du fait de son libre-arbitre, a librement choisi de désobéir, alors quelle a pu être la cause du courroux divin et de la Chute ? Comment cette cause peut-elle être due au genre humain dans son ensemble (et non d’un représentant isolé agissant pour le compte de tous) sans qu’en fait elle ne traduise un « vice de fabrication » relevant plutôt du Créateur lui-même ?

    De mon point de vue ce sont là autant d’obstacles indûment placés sur la route de l’acceptation d’un principe comme « aime ton prochain comme toi-même », qui est déjà assez compliqué comme ça.

    @ sganarelle: Je crois qu’un bon critère de rationalité est la capacité de répondre à la question « qu’est ce qui me ferait changer d’avis ? ». Pour ma part, je peux citer bon nombre de phénomènes ou de manifestations qui me feraient « croire en Dieu ». Je crains que bien des croyants ne puissent pas citer un seul élément qui leur ferait « perdre la foi ». C’est pourquoi, selon moi, elle obéit à des critères non rationnels.

  • Oui, Gwynfrid, mais je l’ai un peu encouragé, sur ce coup. Et l’on n’a pas totalement fini, puisque la question qui pourrait suivre est bien de savoir si Dieu est omniscient et, s’il l’est, qu’est-ce que cela signifie ? Pour un rationaliste, Yogui, tu as une façon de te contenter de postulats qui tend à m’inquiéter.

  • @ Koz:
    Oui, la perche était belle et je n’ai su résister à la Tentation, encore un fardeau de mon impiété 😉 …

    Il est possible que pour certains croyants Dieu ne soit pas omniscient … voilà qui cependant m’étonne grandement, et qui souligne un autre problème de ces débats : chacun vient avec sa propre conception de sa foi, de « Dieu », de l’interprétation biblique, alors que nous débattons dans des termes nécessairement généraux. Un Dieu non omniscient, j’avoue que je ne m’y attendais pas 🙂

  • Souvent absente, j’ai délaissé quelque peu ce blog (que par contre j’ai pu lire).

    j’ai été à une messe catholique pour Pâques avec des amis catholiques.
    Et, c’est moi, la chrétienne non catho qui ai chanté de tout mon coeur (les chants sont facilement reproductibles, la musique est simple et répétitive et les livrets sont distribués)!

    Curieux…

    Bref, un peu surprise par le nombre de paroissiens et par, paradoxalement le peu de participation effective. Comme s’il était honteux de prier dans une église?

    Je viens de trouver une pétition initiée par C Boutin, que je viens de signer :
    http://racineschretiennes.eu/

  • @ Yogui :

    C’est étonnant que vous vous attardiez sur la façon dont le christianisme « gère » la question du mal pour conclure qu’il est illogique… Cette question du mal pose des problèmes à tous les penseurs qu’ils soient religieux ou philosophes. Le christianisme ne se fonde pas sur son interprétation de la chute. Dire que le Christ nous sauve de nos faux pas, de notre péché, suffit pour dire ce qui constitue le pilier de la foi chrétienne, comme vous l’avez souligné. Savoir d’où vient le mal est secondaire (et inutile si l’on en croit Jésus) par rapport à ce pilier. Le mal est là, c’est un fait, il nous faire avec (ou plutôt contre).

    « qu’est ce qui me ferait changer d’avis ? »

    Ben justement, contrairement à ce que vous affirmez, les chrétiens sont tous (qu’on me permette la généralisation) prêts à perdre leur foi de chrétien s’ils trouvent un amour plus grand que celui que Jésus nous a manifesté.

  • @ Yogui

    Dieu est omniscient, mais non, il n’utilise pas son omniscience comme NS l’utiliserait s’il en disposait 🙂

    J’ai vu le film de Gibson sur la Passion. Il y a une scène qui m’a bouleversé, quoi qu’on pense du film par ailleurs. C’est le moment où le Christ « prédit » à Pierre que lui, Pierre, le reniera trois fois. La tendresse du regard du Christ au moment où il parle à Pierre est très frappante. Ce que veut le Christ, à ce moment où il sait que tous vont l’abandonner, c’est que Pierre se souvienne de cette tendresse au moment où le coq chantera, au moment où la trahison de Pierre lui fera si mal et qu’ainsi Pierre ne tombe pas dans le désespoir : Pierre réalisera que le Christ qui savait sa trahison ne l’en aimait pas moins. Le Christ met son omniscience au service de Pierre, pas à son propre service, et sans rien faire qui dénie à Pierre sa liberté.

  • Koz a écrit : :

    Il y a la « modernisation de la doctrine et de l’institution ». C’est bien, mais creux. Moderne, modernité, modernisation, tout ça ne veut rien dire en soi.

    Bonsoir Koz,

    Beaucoup d’aspects de la modernité sont effectivement éphémères. Un jour, l’i-Phone, le rock-n-roll, les blogs et facebook auront disparu sans que personne ne s’en aperçoive car ils ne sont pas si important que cela. Je comprend parfaitement que face à l’assaut de marketing à la gloire d’innovations qui n’en sont pas vraiment, on tombe dans le piège de tout rejeter en bloc.

    Pourtant, je pense qu’il y a des changements de fonds dans nos sociétés depuis deux siècles, et que ceux-ci doivent forcément influencer les interprétations que l’église fait des évangiles. Le premier changement, et peut-être le mieux géré par l’église, est le développement scientifique, qui fait que l’on a maintenant une explication rationnelle à la plupart des phénomènes physiques et biologiques.

    Le second changement important pour moi est l’apparition d’institutions démocratiques laïques stables qui sont, malgré nos frustrations, le meilleur système (ou le pire à l’exception de tous les autres). Je ne suis pas sûr que le fait démocratique soit complétement intégré par l’église. Et je pense aussi que, contrairement à 300 ans en arrière, l’église a un mode de gouvernement interne qui est maintenant à la traine des institutions politiques laïques: manque de transparence et de contre-pouvoirs, pas de représentation des femmes, et pas de gestion de la « fin de règne ». Je pense que cela est important car la crédibilité de l’église dépend aussi de son exemplarité interne.

    Le troisième changement important est l’apparition de sociétés industrielles prospères qui ont des différences fondamentales avec les sociétés précédentes: libération de la femme des tâches ménagères, allongement de la durée de vie, longues études, diminution drastique de la mortalité infantile, pression environnementale, nécessité d’organisations complexes (entreprises…) pour gérer la production des richesses.

    Cela veut dire qu’il y a de nouveaux sujets importants, comme l’économie, la mondialisation, ou les relations sociales sur laquelle l’église doit investir dans des réponses de qualité: ce n’est à mon avis pas encore le cas: je trouve ainsi la doctrine sociale de l’église de qualité très inégale.

    Cela veut à mon avis aussi dire qu’il faut reconsidérer une partie des préceptes moraux qui étaient adaptées à des sociétés agraires. Par exemple le divorce n’était tout simplement pas possible matériellement il y a 200 ans, et donc logiquement interdit par l’église, en particulier pour protéger les femmes. La situation a maintenant radicalement changé, d’autant qu’un couple passe maintenant 50 ans ensemble contre souvent moins de 20 auparavant. Il est certes louable de chercher à recoller les morceaux, mais cela suppose que les deux conjoints soient de bonne foi, ce qui n’est pas toujours le cas.

    Bref, j’ai l’impression qu’il y a de vrais sujets à traiter et pas uniquement une modernité creuse. Et je pense que ces réformes peuvent se faire en gardant une grande partie des traditions, que celles-ci aient une valeur philosophique, sentimentale ou esthétique.

  • @ Néophyte:
    Qu’en pensent les autres intervenants ?

    Je pense que oui, la logique c’est bien pour faire marcher des ordinateurs,
    mais moi je veux du beau, du bon et du vrai, je ne marche pas à l’algèbre booléen 🙂

    Cela vous a pris 20 ans de faire le premier pas ? joli ! 🙂
    moi, 5 ans, mais j’ai eu beaucoup de chance : c’est l’extraordinaire beauté
    de certains chants liturgiques qui m’a attiré…
    On est dans la moyenne, entre quelques jours et 60 ans ou plus…

    Mais oui, Dieu n’est pas omniscient (omnipotent) selon notre conception de la puissance.

    Dieu se révèle Père tout-puissant : sa puissance se déploie dans sa paternité. Pour comprendre
    le changement de perspective, il faut abandonner ses pré-supposés sur la puissance, sur la paternité
    (et on est tous un peu blessés à ce sujet), et se laisser enseigner, car on ne peut pas aborder
    la nouveauté de l’évangile avec nos conceptions anciennes…

  • Sans aucune originalité, je reprends les propos ci-dessus de Condé. Cela dit je ne crois pas à un « retour en grâce » des catho. Les habitudes ont la vie dure et celles d’une grande partie du monde médiatique et « intellectuel » de se la jouer anti catho sont trop profondément ancrées je le crains.

    Septicisme total à l’égard de ce monde qui vit sa propre vie et moi la mienne ! Les commentaires des journalistes continuent d’être totalement affligeant même sur des sujets bénins. Redevenir fin et cultivé sur ce sujets, ce n’est pas à la portée du plus grand nombre. Et comme catholique je m’en fiche complètement, on fera « sans ». Ca c’est clair et ça nous remet dans une société en lutte … ce qu’elle n’a jamais cessé d’être. Je ne suis pas prêt à me rendormir !

  • Bah les valeurs de bienveillance pour autrui et de pardon me paraissent largement professées par la plupart des religions occidentales comme orientales

    Oulalala ! Là l’historien est obligé de s’insurger !
    Historiquement, jusqu’au christianisme, le plus grand progrès de civilisation c’est le judaïsme qui établit « oeil pour oeil, dent pour dent », c’est-à-dire qui impose de limiter la vengeance (avant c’était plutôt « tu-touches-à-mon-oeil-et-je-te-défonce-le-crâne »). La pardon est particulièrement chrétien. Aimer son ennemi, c’est exclusivement chrétien. Dans l’islam par exemple on se soumet à Dieu et on massacre ses ennemis. Dans le boudhisme on se détache des sentiments, y compris de l’amour.
    Bref, aimer son ennemi (ou aimer son prochain comme soi-même, qui en est la forme générale), c’est spécifiquement chrétien.
    Les valeurs humanistes occidentales ne sont que dérivées du christianisme, n’en déplaise à certain mangeur de pommes, mais elles n’ont d’universel que leur christianisme.
    Ce qui explique d’ailleurs que le reste du monde les considère comme occidentales et étrangères.
    Bref le christianisme est unique et s’il avait juste quelques bonnes idées cool à proposer genre boudhisme ou zen il ne déclencherait pas l’hostilité qu’il subit souvent.

  • @ Jib : Plus que du Mal, je pose la question du libre-arbitre, qui me paraît une pierre angulaire de la doctrine chrétienne. Quant à « trouver un amour plus grand que celui que Jésus nous a manifesté », outre le fait que je crains que vous ne frisiez le blasphème, qu’est-ce qui ferait que vous n’attribueriez pas cet amour à Dieu ? Comment mesurer qu’il soit « plus grand » ? Cela me paraît illusoire.

    Aristote a écrit : :

    Le Christ met son omniscience au service de Pierre, pas à son propre service, et sans rien faire qui dénie à Pierre sa liberté.

    Et bien j’ai du mal à voir en quoi Pierre garde une once de liberté. D’ailleurs s’il avait dit « Ah ben si c’est comme ça je me casse », nul doute que Gibson se serait écrié « Coupez ! A refaire ! Pierre ne peut pas dire ça ! »

    Serge a écrit : :

    moi je veux du beau, du bon et du vrai, je ne marche pas à l’algèbre booléen

    Vouloir « du vrai » en rejetant la logique risque de ne pas être facile 😉

    Cedric G a écrit : :

    Le pardon est particulièrement chrétien.

    Judaïsme : La fête de Kippour est la fête du pardon ; la prière dans les synagogues lors de cette fête commence ainsi : « Oui, j’en prends la résolution, je pardonne à ceux qui m’ont causé du tort, qu’ils l’aient fait sous la contrainte ou de plein gré, par inadvertance ou délibérément, qu’ils m’aient nui par leurs propos ou par leurs actes, à tous, quels qu’ils soient, je pardonne. »

    Islam : « Et concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin large comme les cieux et la terre, préparé pour les pieux qui dépensent dans l’aisance et dans l’adversité, qui dominent leur rage et pardonnent à autrui – car Dieu aime les bienfaisants. » (Coran, 3 : 134)
    La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse le mal par ce qui est meilleur; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. (Coran, 41 : 34)

    Quant à l’hindouisme il y en aurait beaucoup trop : « Nourrissez dans votre coeur une bienveillance sans limite pour tout ce qui vit. » (Metta Sutta) « J’appelle sage celui qui, tout innocent qu’il est, supporte les injures et les coups avec une patience égale à sa force. Celui qui est tolérant avec les intolérants, doux avec les violents, détaché de tout avec ceux qui sont attachés à tout, je l’appelle un sage. » (Dhammapada) « La bienveillance envers tous les êtres est la vraie religion. » (Buddhacarita), etc etc

    Je crois qu’il y a des tas de raisons qui peuvent valoir une hostilité au christianisme, tout autres que le fait de professer « aime ton prochain comme toi-même ».

  • Oulala Yogui ca fait beaucoup .. de simplifications

    Yom Kippour n’appelle pas à aimer ses ennemis mais à se purifier. Notamment en se débarrassant des sentiments mauvais qui peuvent habiter l’homme, d’où le pardon. Ce n’est pas un acte d’amour mais de purification. On n’est pas encore dans le christianisme, même si c’est bien une racine commune (le christianisme n’est qu’une branche du judaisme après tout)

    Le pardon dans l’Islam consiste surtout à obtenir celui de Dieu en le demandant. Sinon c’est surtout un signe de sagesse mais nulle part il est demandé aux musulmans d’aimer leurs ennemis. Par contre il leur est bien demandé de les massacrer à l’occasion…(« Lorsque les mois sacrés seront expirés, tuez les infidèles partout, où vous les trouverez. Faites-les prisonniers! Assiégez-les’! Placez-leur des embuscades. » (sourate 9.5). »Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu ni au jour dernier, qui ne considèrent pas comme illicite ce que Dieu et son prophète ont déclaré illicite, ainsi que ceux qui parmi les gens des Ecritures ne pratiquent pas la religion de la vérité, jusqu’à ce qu’ils paient, humiliés, et de leurs propres mains, le tribut « (sourate 9.29) Vous ne trouverez AUCUN appel au meurtre ou à la tuerie dans le christianisme. Justement à cause du commandement premier d’aimer son prochain comme soi-même, quelque soit le prochain d’ailleurs, y compris ses ennemis ou ceux qui nous font du mal.

    Dans l’hindouisme, le système des castes interdit tout simplement d’aimer son prochain comme soi-même. Les ennemis il n’en est même pas question.

    Ceci étant dit, toute recherche spirituelle peut mener à Dieu et il est logique que dans tous les courants religieux on puisse retrouver des appels à la bienveillance. Mais aimer ses ennemis ou son prochain comme soi-même, bon courage pour le trouver comme Loi hors du christianisme.
    Pour le reste du christianisme, il n’est que la conséquence de ce commandement premier du Christ. Tout ce qui s’en écarte n’est pas chrétien.

    Et quand à la logique, pour mémoire si vous étudiez le communisme ou le nazisme vous pourrez constater qu’ils sont parfaitement logiques. Monstrueux mais logiques. La logique n’est pas une fin en soit. C’est un outil. Tel un marteau, vous pouvez construire une maison ou tuer votre voisin avec. La logique ne mène ni au bien ni à la connaissance. A peine permet-elle d’en formuler une compréhension partielle quand on s’en approche.

  • @ Yogui :
    « qu’est-ce qui ferait que vous n’attribueriez pas cet amour à Dieu ? »
    Tout dépend de ce que vous entendez par « Dieu ». Dans les autres religions (pour rester au même niveau), ce n’est pas l’amour qui est le plus important.

    « Comment mesurer qu’il soit « plus grand » ?  »
    Par les actes bien sûr.

    Tout cela peut bien vous paraître peu logique. Notez que dans toute histoire d’amour et de confiance, la logique n’est pas le seul élément qui détermine nos décisions. Donc vous avez raison en un sens, tout cela n’est pas logique. Mais pas faux pour autant. Cela dépasse même complètement le cadre étroit de la logique si on se réfère encore à la bible : « la folie de Dieu est plus sage que les hommes », « comprenne qui pourra », etc…
    Cela vous confortera sans doute dans votre idée que les religions ne sont qu’une voie sans issue pour un esprit « logique et moderne », que si tout n’est pas logique, rien ne peut distinguer une religion d’une secte, etc… C’est votre vision. Chacun a le droit de baser sa vie sur ce qui lui paraît logique, même si cela me paraît moi aussi illusoire. 🙂

  • @Cedric G

    Mais aimer ses ennemis ou son prochain comme soi-même, bon courage pour le trouver comme Loi hors du christianisme.

    Trouvé: dans le boudhisme (sauf que dans ce cadre on n’appelera pas ça une « Loi »).

  • Pingback: Revue de Blogs : Béatification et rencontre des blogueurs… et le grand suisse ! « Lemessin

  • @ Serge : oui, 20 ans entre les premières interrogations en classe de CM2 et le baptême en 2007. Le cheminement a été long, j’ai trouvé à plusieurs reprises que les portes n’étaient pas toujours faciles à pousser, et plein de choses m’ont freinée, un entourage résolument athée voire laïcard, une meilleure amie également, et de ma part plusieurs tentatives pour esquiver cette main tendue du Christ. Ensuite un catéchuménat un peu long en raison de plusieurs déménagements et un bébé… Mais cela m’a permis des rencontres variées et magnifiques, des instants de grâce absolue, et aussi quelques moments un peu cocasses, quand j’allais vers les célébrants comme un petit enfant, les mains sur les épaules, et que j’ai vu une fois dans les yeux d’un jeune prêtre un début de panique, il ne voyait visiblement pas ce que je voulais!

    @ Tara : bien d’accord! personne ne chante, c’est assez désolant! moi je chante de tout mon coeur, mais pour beaucoup c’est vraiment du bout des lèvres! je ne sais pas pourquoi, et je trouve cela bien dommage. Peur de faire trop de bruit dans une église? je ne sais comment remédier à cela, sinon en entrant dans l’équipe pastorale et en posant carrément la question!

    Tout le reste des commentaires est bien intéressant. merci donc à Yogui d’avoir permis cela, même si nous sommes de plus en plus hors sujet!

  • @ Koz:

    Ce que j’ai retenu du catéchisme c’est que l’essentiel consiste à essayer de mettre en pratique l’enseignement reçu.

    J’en déduis de manière pragmatique que toute variante ou tous les écarts de croyance pouvant exister entre deux individus qui se revendiquent chrétiens sont à considérer par rapport à ce critère.

    Si l’écart de croyance n’a pas d’incidence sur la mise en pratique de leur foi, l’écart n’est pas essentiel et peu m’importe de savoir qui a raison.
    Mais il est très intéressant d’en discuter, sinon je ne viendrais pas sur ce blog.

  • @ Cedric G: Je ne nie pas que le christianisme mette plus en avant que les autres courants religieux l’amour du prochain. Je dis simplement que cette recommandation figure également dans les autres religions, et surtout je ne vois pas ce qui viendrait étayer votre thèse comme quoi c’est cette insistance qui vaudrait au christianisme l’hostilité dont il est parfois l’objet.

    Quant à la logique, elle est ce qui vous empêche d’affirmer une chose et son contraire quand bien même les deux positions vous plaisent. Un accès à une vérité en se privant de ses outils me semble donc difficile.

  • Yogui a écrit :

    Vouloir « du vrai » en rejetant la logique risque de ne pas être facile 😉

    Qui disait que les plus profondes vérités venaient du cœur et non de la raison ? Quelqu’un qui ne s’y connaissait pas en logique, peut-être ? Mais vous avez sûrement quelque chose de mieux à proposer ! 🙂

    Gatien a écrit :

    Trouvé: dans le boudhisme (sauf que dans ce cadre on n’appelera pas ça une « Loi »)

    Désolé, raté, car ce n’est pas la loi centrale du Bouddhisme, mais un idéal à atteindre parmi d’autres 🙂 c’est déjà pas mal d’arriver à cette intuition, bravo pour le bouddhisme ; mais comme c’est au-dessus des forces humaines de poursuivre cet idéal, il est proposé de s’évaporer, à force de méditation, pour y tendre : convertir les ennemis (et soi-même au passage) en illusions, permettrait d’aimer sans souffrir. Mais si au bout du compte il n’y a plus personne, on est bien avancés 🙂

    C’est la loi centrale dans le christianisme, car le moyen de la réaliser -impossible à atteindre pour nous- est donné dans le package initial (mais c’est un secret) ; voilà la grande nouveauté du christianisme par rapport aux autres religions. Maintenant, on prend ou on prend pas, c’est une autre histoire

  • @ Yogui

    Aimer son prochain comme soi-même (et non pas juste être bienveillant avec autrui) nécessite un renoncement à ce que le christianisme nomme « le vieil homme », c’est-à-dire la partie de nous-même attachée à sa petite liberté individuelle et matériel. Pas un renoncement au sens d’un sacrifice douloureux, mais un renoncement au sens d’un choix de communion aux autres, de don de soi par amour, qui nous fait au passage abandonner nos faiblesses. Ce don de soi aux autres par amour, qui va jusqu’au sacrifice de sa vie (cf le Christ) nous amène à une union avec Dieu et à l’affranchissement du péché originel (pour faire simple : à la libération de la volonté humaine de devenir des dieux par nous-mêmes sans passer par Dieu. La pomme c’est du pipeau 🙂 ). Certes c’est un peu technique, encore que très simplifié, mais cela donne les éléments qui, me semble-t-il, sont les sources de l’hostilité :

    • cet appel au don de soi, l’homme par défaut (chrétiens compris d’ailleurs) le rejette et le refuse parce qu’il lui rappelle son statut de créature et l’absence de sens de sa vie hors de ce statut. Et donc une vision de la mort vachement pas sympa en fait.
    • cette voie qui nous invite à abandonner nos ambitions terrestres et surtout notre volonté de comprendre et de contrôler par nous-même pour nous abandonner à un Inconnu entre en parfaite contradiction avec les ambitions humaines.
    • que tout ceci nécessite des efforts personnels et que par défaut l’homme n’a pas envie de faire des efforts. Il lui faut une bonne motivation pour cela.

    Bref ce que propose le christianisme ne se limite pas à un peu de bons sentiments ou une gentille bienveillance pour autrui mais va beaucoup plus loin. Cette remise en question n’est guère acceptable par l’homme. Surtout dans nos sociétés modernes occidentales ou l’individu se place au centre de l’univers. Lui proposer de mettre Dieu/l’autre à la place de lui-même est le plus souvent vécu comme une agression.

    Certains sont touchés par ce message et cherchent à l’approfondir, mais la plupart (et nous les chrétiens les premiers, nous ne sommes pas des surhommes ou des super-mystiques comme ca juste parce que nous nous reconnaissons chrétiens, nous sommes des hommes comme les autres soumis aux mêmes passions, aux mêmes désirs, et à cette même volonté originelle de contrôler nos vies par nous-mêmes. Nous avons juste reçu les outils pour nous permettre de nous en affranchir. Il nous reste comme à chacun à faire l’effort de les employer) le rejette à cause de la remise en question de ce qu’ils sont et de ce qu’ils veulent être.

    C’est un peu dense et nécessiterait de plus longs développements, mais si ce sujet vous intéresse, je ne peux que vous inviter à l’étudier par vous-même. D’abord parce que je n’ai pas qualité pour expliquer cela, ensuite parce que ce genre de choses se comprend par une étude et un cheminement personnel (où la logique peut avoir toute sa place d’ailleurs 😉 ) bien plus que par une transmission didactique.

    Pour la logique, je ne dis pas que l’on doive s’en passer. Je rappelle juste que c’est un outil, qu’elle n’a pas de fin en soi, qu’elle ne révèle rien, et qu’elle est limitée par nos capacités intellectuelles.
    J’ajoute même qu’elle n’est pas le seul outil existant 😉

  • @ Yogui : je retiens en tout cas l’objection, et j’en parlerai à mon curé. Pour autant, si l’on revient à l’origine de cette digression, je doute très fort que cette objection soit un véritable obstacle à la foi et, plus encore, que cette objection « vienne gâter le message d’amour » du christianisme.

  • @Serge

    Désolé, raté, car ce n’est pas la loi centrale du Bouddhisme,

    Celle là, elle est facile, dans la mesure où le boudhisme n’a pas de loi centrale…

    il est proposé de s’évaporer, à force de méditation, pour y tendre : convertir les ennemis (et soi-même au passage) en illusions, permettrait d’aimer sans souffrir.

    C’est une lecture bien étrange du boudhisme… Il s’agirait plutôt de discerner la souffrance et l’aveuglement du prétendu ennemi. En fait, à peu de choses près (et pour ce que j’en comprends), le boudhisme préconise plutôt ça:

    un renoncement à ce que le christianisme nomme « le vieil homme », c’est-à-dire la partie de nous-même attachée à sa petite liberté individuelle et matériel. Pas un renoncement au sens d’un sacrifice douloureux, mais un renoncement au sens d’un choix de communion aux autres

    … et le moyen pour y arriver s’appuie sur la raison autant que sur la pratique religieuse.

  • Serge a écrit : :

    Qui disait que les plus profondes vérités venaient du cœur et non de la raison ? Quelqu’un qui ne s’y connaissait pas en logique, peut-être ? Mais vous avez sûrement quelque chose de mieux à proposer ! 🙂

    En effet, j’aurais à proposer que vous ne mélangiez pas tout. Déjà je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée pour un chrétien de choisir Pascal comme maître à penser, ensuite un aphorisme poétique me paraît un argument trop simplificateur pour être probant, mais surtout, si une « vérité » du type « l’Amour c’est important » peut sans doute venir du coeur, ici il est question de constructions doctrinales entre omniscience, libre-arbitre, et origine du péché, toutes choses largement inaccessibles au « coeur » . Pour finir, ce que Pascal appelait « le coeur » comprend aussi « l’inconscient » dont la fiabilité est bien connue.

    c’est déjà pas mal d’arriver à cette intuition, bravo pour le bouddhisme ; mais comme c’est au-dessus des forces humaines de poursuivre cet idéal, il est proposé de s’évaporer, à force de méditation, pour y tendre : convertir les ennemis (et soi-même au passage) en illusions, permettrait d’aimer sans souffrir. Mais si au bout du compte il n’y a plus personne, on est bien avancés

    Je dirais plutôt : « Nos existences individuelles ne sont qu’illusions temporaires, puisque nous ne sommes tous qu’une partie, fondamentalement indifférenciée, du Grand Tout harmonieux et aimant. Ressentir de l’animosité envers autrui n’a donc aucun sens. Face à cette vérité, le christianisme ne parvient pas à sortir de l’illusion de l’individualité, mais au moins préconise-t-il l’amour entre ces chimères. Quoiqu’un peu simplet et rustique, il s’en tire donc pas trop mal. Bravo à lui. » C’est pas mieux comme ça ? 🙂

  • Enfin !!! nous connaissons maintenant le Credo de Yogui 🙂

    Je vous félicite au passage sur la manoeuvre rhétorique qui vous fait me placer en position de celui qui mélange tout, qui fait l’erreur d’avoir Pascal comme maître à penser, et qui ne pige que dalle entre construction doctrinale et envolées poétique ; avec cette entrée en matière, je devrais sans doute être impressionné, et rabaisser d’un ton. Du grand art, félicitations !

    Je vais relire attentivement ce credo… bon, je suis pressé ce soir, et je ne sais pas si Koz permettrait qu’on poursuive sur ces digressions, je ne connais pas trop les us et coutumes ici… mais à propos d’inconscient, la figure de dieu que vous nous avez sortie plus haut, elle vient d’où ? car elle ne donne pas envie d’être incroyant, brrrr

    Yogui a écrit : :

    @ Koz: Sur le point des « défis logiques », omniscience et libre-arbitre me paraissent résolument incompatibles. Si Dieu est omniscient et « hors du temps », il sait et voit de toute éternité que l’homme est pécheur ; nolens volens il le crée comme tel, et sa « surprise » et sa réaction face à la désobéissance humaine me paraissent bien artificielles. Et s’il y a véritablement libre-arbitre, le monde humain devient imprévisible pour Dieu, ce qui ne semble pas conforme au canon de la foi. Véritablement l’omniscience me paraît un « défi logique » de taille.

    La non-existence d’Adam et Eve me semble encore aggraver ce problème. Si ce n’est pas un individu particulier qui, du fait de son libre-arbitre, a librement choisi de désobéir, alors quelle a pu être la cause du courroux divin et de la Chute ? Comment cette cause peut-elle être due au genre humain dans son ensemble (et non d’un représentant isolé agissant pour le compte de tous) sans qu’en fait elle ne traduise un « vice de fabrication » relevant plutôt du Créateur lui-même ?

    De mon point de vue ce sont là autant d’obstacles indûment placés sur la route de l’acceptation d’un principe comme « aime ton prochain comme toi-même », qui est déjà assez compliqué comme ça.

  • @ Cedric G: Merci pour cet exposé, qui hélas ne me convainc pas sur les causes du rejet du christianisme. Comme je l’évoquais dans ma réponse à Serge, je pense que le message du bouddhisme par exemple est encore plus contraire aux ambitions humaines habituelles, et amène des remises en question encore plus profondes.

    Il me semble que les raisons de l’hostilité au christianisme sont aussi nombreuses que variées, et je pense que ceux qui la manifestent pour la plupart ignorent les points que vous mentionnez. Et à vrai dire, je doute même que tous les chrétiens en soient conscients 🙂

    @ Koz: Cette objection n’est, pour moi, qu’une illustration de ce que je perçois comme des failles profondes de la doctrine et des traces de son caractère mythique. Pour un « cérébral » (!) (mais pas que, merci 😉 …) comme moi, oui ce type d’objection est un véritable obstacle à la foi et à la crédibilité de l’ensemble. Mais je suis certainement loin d’être représentatif, et sans doute les raisons de l’hostilité au christianisme sont nombreuses et variées. Mais l’inventaire de ces raisons, « bonnes » ou « mauvaises » est un sujet qui pourrait donner lieu à tout un nouveau fil de commentaires.

  • @ Yogui

    Vous avez du mal à voir comment Pierre conserve sa liberté parce que vous avez une définition de la liberté qui la rend équivalente à un caprice, à l’inspiration du moment.

    Si Pierre trahit le Christ, ce n’est pas pile ou face, c’est l’ensemble des choix qu’il a fait au cours de sa vie qui le conduisent à trahir, et cela le Christ peut l’anticiper sans avoir interféré avec les multiples choix antérieurs de Pierre. La fidélité et le courage demandent un entraînement, et sans cet entraînement, la probabilité de faillir au moment décisif est de fait très élevée…

  • @ Aristote: Vous avez raison, il n’y a pas véritablement besoin ici « d’omniscience » mais de « profilage psychologique », et cela s’applique d’ailleurs également à chacun des multiples choix antérieurs de Pierre.

    Le problème est qu’en suivant le même raisonnement avec Adam et Eve, on semble aboutir à la conclusion que Dieu connaît leur choix final dès leur création. Ainsi l’Homme serait créé pécheur, et je ne vois plus l’intervention de son libre-arbitre.

  • @ Yogui

    Il y a, à la grosse, deux conceptions de la liberté. Celle exemplifiée par l’âne de Buridan, qui n’arrive pas à trouver de critère pour choisir entre différents biens, le seau d’eau et le seau d’avoine. C’est la liberté des modernes.

    Et puis il y a la situation de celui qui a été jeté par dessus bord par des gangsters avec une gueuse de fonte attachée aux pieds. Pour lui, le bien est une évidence, c’est l’air en surface qui lui permet de respirer. Se libérer, ce n’est pas décider de ce qui est bien, c’est de parvenir à défaire le noeud qui attache la gueuse, remonter en surface et respirer.

    Le Dieu de la Bible est celui qui défait le noeud, l’homme moderne est celui qui trépigne parce qu’il n’a pas choisi le fait que respirer un air pur fait du bien !

    Pour ce qui est d’Adam et Ève, figures de l’humanité correspondant au plan divin d’origine, nul besoin pour Dieu de « prédire » s’ils pécheront ou non. L’important est que Dieu ait « à l’avance » accepté d’aller défaire le noeud de la gueuse de fonte au cas où l’homme pécherait, c’est-à-dire le Vendredi Saint.

    Pourquoi la possibilité du péché ? Je n’ai pas l’outrecuidance de prétendre sonder ce mystère jusqu’au bout. On peut quand même dire ceci : un bonheur qui serait obligatoire ne serait pas un vrai bonheur, l’amour ne peut imposé à l’être aimé. Si Dieu est amour, s’il est vraiment à l’origine du réel, alors la possibilité d’un non est consubstantielle à l’Univers. Mais sur la Croix Dieu assume les conséquences de cette possibilité et recrée toujours et sans cesse la possibilité du oui.

  • Aristote,je n’aurai pas l’outrecuidance de prétendre plussoyer à vos lumières… J’ai quand même une question: Voulez-vous m’épouser?

  • Yogui a écrit : :

    si une « vérité » du type « l’Amour c’est important » peut sans doute venir du
    coeur, ici il est question de constructions doctrinales entre omniscience,
    libre-arbitre, et origine du péché, toutes choses largement inaccessibles au «
    coeur » .

    Pardon : nous voyons ici que nous évoluons dans deux paradigmes différents. Bibliquement, « le coeur » (et nous l’avons reçu de la tradition Juive) ne se limite pas à la seule dimension affective, mais engage au contraire l’homme tout entier : en premier son intelligence, puis sa volonté, son affectivité, sa mémoire, et même son inconscient.
    Le mot biblique de « coeur », est autre chose que la vibration poético-affective de surface si répandue aujourd’hui. D’ailleurs, pourquoi l’avez-vous compris comme cela ? 🙂

    La doctrine (ou la lecture de la bible) peut alors être abordée avec « le coeur », c’est-à-dire avec nos puissances intellectuelles (puis volontaires et affectives) bien plus sûrement qu’avec les seuls trois principes de la raison (qui restent absolument nécessaire, cela vous fait plaisir ?)

    Car enfin, la doctrine que Cedric G, Aristote, Jib et plusieurs autres baptisés illustrent avec une remarquable finesse et justesse ne contredit pas les règles de la logique :
    la puissance de Dieu pour nous s’exerce dans un mouvement d’adoption à notre égard ; Dieu ne prévoit pas l’imprévisible, et surtout pas notre péché, qu’il ne connaît pas ; il découvre notre futur avec nous, au moment ou il devient le présent de notre liberté .
    Dès lors, c’est Dieu lui-même qui est le garant de notre libre-arbitre, plus sûrement que si nous avions à le défendre nous-même, face à un destin impersonnel.

    Pas étonnant que la logique ne puisse pas être respectée et que des objections apparaissent si vous tentez de faire rentrer dans l’équation un dieu à la puissance intrusive et connaissant à l’avance nos choix, face à une liberté dont la structure ne peut pas s’accorder avec ces caractéristiques. Quand une équation est bancale, on change un des termes…

  • @ Yogui

     » la puissance de Dieu pour nous s’exerce dans un mouvement d’adoption à notre égard… » : si vous avez la curiosité de lire le Credo, vous y verrez que Dieu n’y est pas affirmé comme « Tout puissant », mais comme « Père tout puissant ». Sa toute puissance n’est donc pas celle d’un despote, pace Freud, mais celle d’un père qui donne la vie et qui est comblé quand ses enfants à leur tour donnent la vie.

  • Je vous recommande par avance cet _article intitulé « Le mal en face »_ de Jean-Luc Marion que je n’ai pas encore lu (je me réjouis à l’avance de le faire) mais j’adore déjà la citation de Bernanos mise en exergue de l’article :

    « La logique du mal est stricte comme l’Enfer ; le diable est le plus grand des logiciens – ou peut-être, qui sait ? la logique même. »

    à méditer

  • @Serge

    Je n’y avait pas pensé, le bouddhisme qui renonce au vieil homme ! Bonjour Gatien !

    Lard ou cochon?…

    Remarquez que dans le boudhisme, le principe de réalité est omniprésent. L’extrême opposé de la présentation que vous en faites en disant que tout n’y est qu’illusion.

    Pour enfoncer le clou, Boudha et le vieil homme:

    « Selon le Bouddha, les causes de la souffrance humaine peuvent être trouvées dans l’incapacité à voir correctement la réalité. Cette ignorance, et les illusions qu’elle entraîne, conduisent à l’avidité, au désir de posséder davantage que les autres, à l’attachement et à la haine pour des personnes ou des choses. » http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouddhisme

    Ephésiens 4 :
    20 Mais vous n’avez pas ainsi appris le Christ,
    21 si du moins vous l’avez entendu et avez été instruits en lui selon que la vérité est en Jésus:
    22 |c’est-à-dire|, en ce qui concerne votre première manière de vivre, d’avoir dépouillé le vieil homme qui se corrompt selon les convoitises trompeuses,
    23 et d’être renouvelés dans l’esprit de votre entendement,

  • Aristote a écrit : :

    Il y a, à la grosse, deux conceptions de la liberté.

    Je suis assez intrigué par votre image. Oublions les gangsters : qui a mis l’homme dans cette situation délicate ? Si c’est Dieu cela paraît assez cruel, ou tout au moins une démonstration de force bien peu charitable. Si c’est l’homme de lui-même, en toute connaissance de cause et de par son libre-arbitre, c’est alors que cette situation sous-marine n’est pas si détestable et que votre comparaison est peut-être trompeuse. Si enfin c’est « dans la nature de l’homme » que de sauter irrésistiblement par dessus bord gueuse aux pieds pour ensuite s’en repentir, le reproche doit en être adressé à son Créateur.

    un bonheur qui serait obligatoire ne serait pas un vrai bonheur

    Sans doute. Mais si vous enlevez l’image péjorative que vous y avez collée, il y a également l’option du choix entre plusieurs bonheurs : seau d’eau ou seau d’avoine, ou plutôt bonheur dans l’amour ou bonheur dans la création, bonheur dans le dépassement de soi ou dans la connaissance, bonheur dans l’exploration ou dans la contemplation … pourquoi ne pas offrir ces options ? Pourquoi forcer à un seul bonheur « à la surface de l’eau » ?

    J’en retire plutôt l’impression d’un Dieu jaloux, soucieux de l’allégeance de sa créature qui ne doit pouvoir exister hors de lui. Curieusement, j’y reconnaitrais assez bien le Dieu de l’Ancien Testament. 😉

    Serge a écrit : :

    Bibliquement, « le coeur » (et nous l’avons reçu de la tradition Juive) ne se limite pas à la seule dimension affective, mais engage au contraire l’homme tout entier : en premier son intelligence, puis sa volonté, son affectivité, sa mémoire, et même son inconscient.

    Je ne vois pas bien ce qui reste à ce « l’intelligence » si vous la privez de la logique et de la raison, que vous opposiez précisément au « coeur » dans vos citations précédentes. Hélas pour vos paradigmes, j’ai bien l’impression que « coeur » recouvre affectivité, instinct, inconscient, et non pas intelligence ou raison.

    Dieu ne prévoit pas l’imprévisible, et surtout pas notre péché, qu’il ne connaît pas ; il découvre notre futur avec nous, au moment ou il devient le présent de notre liberté

    Je dois dire que je découvre avec vous ce concept du « Dieu aveugle », qui observe et découvre « en temps réel » l’histoire des hommes et du monde se déployant au fur et à mesure sous ses yeux sans doute ébahis. Il faudrait que j’y réfléchisse, mais j’ai le sentiment que cette vision doit être en contradiction avec quelques points de doctrine chrétienne.

    Je comprends votre approche : comme vous dites, l’équation « Dieu omniscient » + « libre-arbitre humain » est bancale, il faut en sacrifier l’un des termes ; mais permettez-moi de me demander si vous n’êtes pas ici en train d’improviser au fil de notre discussion, au risque de vous engager dans des voies hétérodoxes voire sans issue, plutôt que de suivre une théorie prédéfinie construite et cohérente.

  • @Yogui: voir par ex.:… »et Tu lui as confié l’univers, afin qu’en te servant, Toi son Créateur, il règne sur la création »… Je plussune Serge sur la « découverte en temps réel », sinon comment interpréter le « confié » ?
    Dès lors, je ne vois pas de bancal dans ladite équation Dieu omniscient/libre arbitre humain ?

    Pour mieux appréhender ceci, une petite illustration:
    Qu’est-il placé dans les Evangiles, immédiatement après le baptême du Christ par Jean-Baptiste ? Le ciel « se déchire » (Marc), « s’ouvre » (Luc) l’Esprit descend sur Lui « comme une colombe » (juste vous rappeler, cher Yogui, qu’ici s’esquisse le Dieu Chrétien, Trinitaire, et pas juste le Père qui aurait un Fils bien-aimé son envoyé et le Saint-Esprit qui serait comme un outil de Dieu).

    Et ensuite ? Selon les trois Evangiles synoptiques, et de façon qui pourrait faire sursauter le profane, la toute première chose que fait l’Esprit est de le conduire au désert (limite majuscule, ledit désert !) pour…y « être tenté par le démon » !! Et quelles sont ces trois tentations ? Elles n’invitent pas directement au mal, car, somme le souligne le Souverain Pontife dans le tome 1 de Jésus de Nazareth (p. 48 éd. Champs/Essais), « ce serait trop grossier ».

    La première c’est « si tu es le Fils de Dieu ordonne que ces pierres deviennent des pains »: C’est-à-dire soulage ta propre faim et éventuellement celle de l’univers sur l’instant via tes propres pouvoirs présumés. Puis à la deuxième tentation vient carrément la citation…d’un psaume par le démon (le 91) afin que Jésus demande aux Anges de le porter afin que ces pieds ne heurtent pas les pierres. C’est-à-dire après le pain, du sensationnel et du confortable, et en tentant par le biais d’un texte sacré ! Et la troisième, qui à mon humble avis se rapproche le plus de votre interrogation:
    Jésus est conduit par le démon en haut d’une montagne. Il lui montre la splendeur de la vaste terre et lui offre la domination du monde.

    S’il-vous-plaît ne sombrons pas dans la caricature usuelle du Dieu-qui-fait-pleuvoir, limite Père-Noël, le vieillard barbu à sceptre-justicier-qui-lance-des-éclairs, et tentons d’appréhender le Mystère à cet éclairage-là, si ce postulat de départ vous agrée ?

  • @ Yogui et Aristote,

    Votre dialogue me fait penser à un autre débat, celui qui porte sur le « meilleur » système politique.

    En France nous avons une Constitution et tout un arsenal qui veille scrupuleusement à son respect. Et cela nous semble indispensable au fonctionnement et au maintien de l’unité de la république.

    Au Royaume Uni, pas de Constitution et pourtant ça marche, la nation est unie et la démocratie fonctionne.

    Quel rapport j’y trouve avec le débat sur la religion ?

    C’est qu’une doctrine trop précise n’est peut-être pas indispensable à la transmission de l’essentiel de la foi.

  • Gatien a écrit : :

    Lard ou cochon ?

    Ni l’un ni l’autre : je répondais un peu rapidement à votre précédent message, pour ne pas le laisser sans réponse 🙂
    et sans autre arrière-pensée. Vous vous intéressez au bouddhisme ?

    Merci Goulebenèze !

    Yogui a écrit : :

    Je ne vois pas bien ce qui reste à ce « l’intelligence » si vous la privez de la logique et de la raison, que vous opposiez précisément au « coeur » dans vos citations précédentes. Hélas pour vos paradigmes, j’ai bien l’impression que « coeur » recouvre affectivité, instinct, inconscient, et non pas intelligence ou raison.

    Écoutez : j’avais écris cela de mémoire ; ce matin, je tape « coeur biblique » sur Google, et lis le contenu du premier site affiché. Si vous le faites, vous y verrez que le chrétien ou lecteur de la bible est invité à ne pas séparer l’intelligence de ses autres aptitudes cordiales. Et ce n’est pas une nouveauté découverte par je ne sais quel chercheur à la mode, cela vient de la longue tradition des croyants juifs (plus de 2.500 ans quand même),
    puis chrétiens : nous sommes là sur du solide.

    Vous pourriez faire confiance, peut-être ? Je vous rappelle que je me plaçais dans le paradigme croyant, et pas dans celui plus suspicieux d’aujourd’hui (qui sépare tout), pour répondre à votre remarque sur Pascal, qui disait que les vérités les plus profondes venaient du coeur : c’est vrai, si ce coeur est compris comme ce qui englobe l’être tout entier, et qu’il ne sépare pas les aptitudes que vous rappelez : intelligence, logique et raison, affectivité, instinct …

    Yogui a écrit : :

    Je dois dire que je découvre avec vous ce concept du « Dieu aveugle », qui observe et découvre « en temps réel » l’histoire des hommes et du monde se déployant au fur et à mesure sous ses yeux sans doute ébahis. Il faudrait que j’y réfléchisse, mais j’ai le sentiment que cette vision doit être en contradiction avec quelques points de doctrine chrétienne.

    Je comprends votre approche : comme vous dites, l’équation « Dieu omniscient » + « libre-arbitre humain » est bancale, il faut en sacrifier l’un des termes ; mais permettez-moi de me demander si vous n’êtes pas ici en train d’improviser au fil de notre discussion, au risque de vous engager dans des voies hétérodoxes voire sans issue, plutôt que de suivre une théorie prédéfinie construite et cohérente.

    Vous vous demandez si je n’improvise pas au fil de la discussion, pour finir par entrer en contradiction avec la doctrine chrétienne. Je ne souhaite pas pour l’instant faire appel ou imposer des références, car cela fait vite dériver l’échange… je vous invite à faire confiance, au moins un moment ; de mon coté, je m’efforce
    de puiser à la source la plus orthodoxe, et de la présenter sous la forme qui semble vous plaire : la théorie construite et cohérente, bien que je préfère moi y mettre du coeur 🙂

    J’aime bien votre image du « Dieu aveugle ». Dans la définition doctrinale du mal moral (celui que nous commettons), celui-ci n’est pas « quelque chose » qui vient en plus dans une situation humaine donnée, mais plutôt un « manque d’être » qui nous affecte, et qui peut toucher les autres. Vous devez connaître -ou vous pouvez retrouver- cette définition du mal moral dans des sources de bonnes qualités.

    « Manquer d’être » (faire le mal) n’est possible que chez des créatures pour qui l’être est un « avoir », qu’elles peuvent perdre. Mais Dieu se présente comme l’Etre : « Je suis Celui qui Suis » ; il n’a pas l’être par avoir, il Est. Pour cette raison, il est aveugle au « manque d’être », c’est à dire au péché que nous commettons. Dieu ne connait pas notre péché comme nous pourrions l’imaginer, comme un potentat qui nous surveillerait depuis l’extérieur, omniscient et implacable ; il est « sans (connaissance du) péché », et notre péché ne l’atteint pas. Comment pourrait-il alors
    nous accuser de pécher ?

    Mais il en connaît les conséquence : notre blessure, qui est réelle, et il n’y est pas indifférent, pour le coup. Donc quand il agit, comme on le voit dans la bible, ce n’est pas pour venir nous accuser de péché, mais plutôt pour nous en délivrer. Si vous reprenez les grands mythes bibliques en considérant Dieu comme celui qui rejoint le péché
    sans en être l’auteur ou le complice, mais le guérisseur, vous verrez que ça colle déjà beaucoup mieux 🙂

    Paul -et l’Église- assurent que tout homme peut connaître le Dieu biblique avec l’exercice de l’intelligence et de la raison; peut-être que je corrigerai votre question relative au risque d’improvisation, pour ré-orienter ce mot : nous n’improvisons pas, nous cherchons à connaître Dieu… en respectant la raison 🙂

    Pour le « temps réel », je vais réfléchir comment le présenter.

  • Hervé a écrit : :

    C’est qu’une doctrine trop précise n’est peut-être pas indispensable à la transmission de l’essentiel de la foi.

    Non, et d’ailleurs la priorité des premiers chrétiens n’a pas été d’écrire des traités de théologie, mais d’annoncer le Christ mort pour nos péchés et ressuscité.

    Mais quand une question est posée qui concerne le coeur de la foi, il faut bien y répondre. Les « dogmes » n’ont pas été définis pour compliquer la foi, mais pour trancher des controverses qui avaient débordé de la discussion entre théologiens et commençaient à perturber gravement les fidèles.

    Cela fait longtemps que Yogui et moi-même conversons courtoisement. Je ne pense pas que ce soit la « complexité » qui l’arrête, il est manifestement capable de la gérer. Mais il a une image de Dieu qui en fait un « Jehovah » un peu caricatural (le Dieu de l’AT, si on veut bien le lire comme un tout, préfigure le Père révélé par le Christ) et quand on lui parle d’un Dieu d’amour, le mot amour le fait penser à Barbara Cartland, bon je caricature à mon tour. Parler d’amour ne sert pas à grand chose, seule la rencontre de quelqu’un qui vit de l’amour du Père peut faire bouger les images que l’on se fait de l’amour.

  • Goulebenèze a écrit : :

    S’il-vous-plaît ne sombrons pas dans la caricature usuelle du Dieu-qui-fait-pleuvoir,

    Que Dieu, dans sa version « Fils incarné, de passage parmi les hommes pendant 33 ans » ait choisi, lors d’une promenade dans le désert avec Satan (!) de ne pas changer les pierres en pains et de ne pas prendre la domination du monde, me paraît relever d’un choix ponctuel dans un but probablement didactique. Ca ne l’a pas empêché ultérieurement de réaliser des miracles sur des pains, et ça ne me semble pas démontrer que Dieu, dans sa version « Full Deluxe toutes options, Créateur du Ciel et de la Terre » n’est pas véritablement omnipotent et omniscient.

    Serge a écrit : :

    il est « sans (connaissance du) péché », et notre péché ne l’atteint pas. Comment pourrait-il alors nous accuser de pécher ?

    Voilà en effet un éclairage intéressant … La Chute d’Adam, le Jugement dernier, l’Enfer (encore qu’on m’ait déjà soutenu que ne restaient en Enfer que ceux qui voulaient vraiment y rester, i.e. ceux qui rejetaient Dieu jusqu’au bout) … toutes choses qui me laissaient penser que Dieu portait un jugement, voire sanctionnait, les péchés humains.

    Donc quand il agit, comme on le voit dans la bible, ce n’est pas pour venir nous accuser de péché, mais plutôt pour nous en délivrer. Si vous reprenez les grands mythes bibliques en considérant Dieu comme celui qui rejoint le péché sans en être l’auteur ou le complice, mais le guérisseur, vous verrez que ça colle déjà beaucoup mieux

    Et j’ai le droit de prendre des mythes dans l’ancien testament ? Le Déluge, Sodome et Gomorrhe ? Pas de jugement ? Pas de sanction ?

    J’ai sans doute en effet une lecture beaucoup trop rustique … mais d’accord, j’ai confiance, avec un Dieu ne pouvant connaître l’évolution du monde, et un Dieu sans jugement, je sens que vous allez être une mine de révolutions théologiques.

    Hervé a écrit : :

    C’est qu’une doctrine trop précise n’est peut-être pas indispensable à la transmission de l’essentiel de la foi.

    Un incroyant ne pourrait qu’abonder dans votre sens, se référant aux consignes données dans les cours de résistance aux interrogatoires des futurs agents infiltrés: « donnez le moins de détails possible pour éviter d’être confondu ». On dit aussi « le diable est dans les détails » 😉

  • Aristote a écrit : :

    Parler d’amour ne sert pas à grand chose, seule la rencontre de quelqu’un qui vit de l’amour du Père peut faire bouger les images que l’on se fait de l’amour.

    Nous risquons bien d’en revenir là en effet : la conviction subjective indicible face à laquelle aucun argument ne vaut.

  • @ Aristote:

    « Les « dogmes » n’ont pas été définis pour compliquer la foi, mais pour trancher des controverses qui avaient débordé de la discussion entre théologiens et commençaient à perturber gravement les fidèles. »

    Je partage ce point de vue et poursuit la réflexion.

    A l’époque de l’institution de ces dogmes, les controverses se réglaient souvent dans le sang. Alors « trancher » ces controverses était sans doute nécessaire pour pacifier la communauté et lui garder une bonne image. Aujourd’hui le contexte est différent, le niveau d’éducation moyen est beaucoup plus élevé, un chrétien est plus à même qu’hier d’entendre et de comprendre qu’un autre chrétien conçoit différemment une foi qui reste de toute façon en grande partie mystérieuse.

    Ne comprenez pas pour autant que je rejette les dogmes, ils sont pour moi un projecteur qui tente d’éclairer une route en partie dans l’ombre.

  • @ Yogui

    La Bible est l’histoire de l’éducation, pour les croyants par Dieu, d’un petit groupe de tribus moyennes-orientales qui au départ partageaient beaucoup des croyances de leurs voisins. L’origine de ce fond de croyances communes a une histoire « naturelle » et je ne suis pas choqué par les interprétations que l’on peut en faire en termes de théorie de l’évolution.

    Cette éducation est patiente, ce n’est pas un cours théorique, médiatisée par une réflexion sur les événements qui affectent ce petit peuple. Petit progrès après petit progrès, tout n’est pas acquis d’un coup. J’illustre avec un exemple, celui du déluge. Dans l’histoire biblique du déluge, Dieu punit l’humanité. Mais la pointe du récit n’est pas le fait que Dieu punisse l’humanité, comportement « divin » qui à l’époque était accepté comme allant de soi, et sur lequel on réfléchira plus tard. Le problème, c’est pourquoi Dieu punit l’humanité.

    Les histoires de déluge sont très communes dans les mythologies et le récit sumérien est particulièrement intéressant. Il ressemble beaucoup au récit biblique, le chef des dieux décide d’anéantir l’humanité, un autre dieu avertit un homme qui construit un bateau, etc. Et pourtant quelles différences !

    À Sumer, le chef des dieux veut anéantir les hommes parce que ceux-ci, créés pour accomplir les corvées (curer les fossés, cuire le pain,…) font trop de bruit et dérangent les dieux dans leur sieste ! Dans la Bible, la raison du châtiment n’est pas que les hommes dérangent Dieu, mais que dans leur perversité ils se massacrent les uns les autres : c’est à eux-mêmes qu’ils se font du mal. À Sumer, à la fin du déluge, le chef des dieux entre dans une colère terrible quand il apprend qu’un homme a été sauvé. Mais il finit par admettre que l’homme est nécessaire pour curer les fossés, etc., et il accepte un compromis par lequel la maladie et la mort à l’accouchement limiteront le nombre des hommes sans les exterminer. À la fin du déluge biblique, Dieu renouvelle son alliance avec l’humanité.

    Vous avez bien sûr le droit de lire le Déluge comme une manifestation de la tyrannie divine. Je pense que c’est un contresens, que l’objet de ce récit est de faire progresser la vision qu’avait les Hébreux de Dieu, par contraste avec le récit, connu dans toute la région, du déluge sumérien.

    Sur le sentiment subjectif indicible. Sans doute, mais je tiens que ce à quoi me mène ce SSI est aussi parfaitement compatible avec l’usage le plus rigoureux de la raison.

    Et je ne vois pas comment le choix d’aimer pourrait être la conclusion d’un syllogisme, il a nécessairement partie avec la singularité de l’amant et avec celle de l’aimé(e) et échappe donc aux raisonnements qui par nature ne peuvent y faire droit.

  • Yogui a écrit : :

    je sens que vous allez être une mine de révolutions théologiques.

    ^^ la chute d’Adam est bien plus l’histoire du relèvement de l’homme que sa condamnation ;
    au jugement dernier, Dieu sera à la place de l’avocat de la défense, au bénéfice de l’homme ;
    et le déluge, Sodome et Gomorrhe, c’est des pré-figurations du Mal, pour qui un jugement est en réserve,
    car on ne vit pas dans un monde de Bisounours.

    Votre théologie est d’un convenu 🙂

  • A vous lire, Yogui, je trouve amusant de constater qu’en fin de compte, vous avez pratiquement une lecture fondamentaliste de la Bible. Comme nos amis intégristes, vous prenez la Bible de façon totalement littérale, en excluant l’interprétation, et en vous arrêtant au sens premier. Et persuadé que vous êtes que la raison n’a pas sa place en la matière, j’ai le sentiment que vous n’envisagez pas qu’il puisse exister un travail rationnel sur la Bible ou, en somme, que les croyants exercent leur intelligence sur ces textes.

    Prenons la Genèse, dont nous parlions plus haut. Cela fait maintenant trente ans que Jean-Paul II a dit on ne peut plus clairement lors d’une audience générale que les récits de la Genèse étaient des « récits mythiques » (audience du 12 septembre 1979 et audience du 19 septembre 1979 ), ce qui ne signifie pas faux mais qui signifie bien qu’il ne s’agit évidemment pas de récits historiques. De même, les textes de l’Ancien Testament sont des textes qui traduisent la progression de ce tout petit peuple qu’est Israël dans la connaissance de Dieu. Certains textes sont marqués par la religion des peuples qu’ils fréquentent, soit en raison d’une certaine porosité soit parce qu’Israël tente de se faire accepter. Mon curé me disait même que l’angéologie est dans une certaine mesure importée. Il me faisait aussi remarquer que l’épisode de la traversée de la mer rouge était racontée en partie sous forme de chant, ce qui signifie bien que l’on n’est même plus dans le registre du récit, mais pratiquement dans celui de la chanson de geste.

    De fait, se chipoter sur la réalité d’un signe spécifique, d’un miracle, n’a guère de sens, et il faut aussi savoir avoir une vision globale et distinguer le sens profond.

    En particulier, en ce qui concerne la Genèse, il me disait que ce qui lui, lui importe, c’est le « et Dieu vit que cela était bon ». Comme il me le disait, il existe bien d’autres récits mythiques de la création, dont certains sont assez proches de la Genèse, mais dans la plupart des cas, ce qui arrive aux hommes est le résultat d’une dispute entre les dieux, ou bien la terre est un lieu de souffrance. Dans la Genèse, Dieu crée la Terre, la mer, les océans, les animaux, et « il vit que cela était bon » : Dieu crée un monde qui est bon pour l’Homme. Et ceci, me disait-il, est une rupture fondamentale parmi les récits mythiques. On est déjà bien là, dès la Genèse, dans une relation avec un Dieu qui aime.

    etc.

    Alors, la logique et les faits qui s’opposent au message d’amour du christianisme, pris sur la base d’une analyse littérale de la Bible…

  • J’ajouterais, à propos du conflit « omniscience/omnipotence de Dieu – liberté de l’homme » que ce conflit ne se pose qu’en apparence, du fait d’une altération du sens qu’ont pour nous ses termes. Nous sommes marqués par le péché, et donc la signification profonde de ses termes est détournée.

    Nous avons ainsi tendance à penser que l’omnipotence, c’est le fait d’avoir tout pouvoir et d’en user (pour ne pas dire abuser), donc que Dieu doit tout faire, et le montrer, s’il veut nous prouver qu’il est Dieu. Mais comme son omnipotence est celle de l’Amour, il ne peut pas nous imposer de l’aimer. Si vous êtes contraints d’aimer quelqu’un, l’aimez-vous vraiment ? L’amour ne nécessite-t-il pas la liberté de l’aimant ? Si Dieu exerçait un pouvoir tel qu’il nous imposerait de l’aimer, ce ne serait plus de l’amour, donc en un sens, il n’est pas omnipotent.

    A ce sujet, le Père Varillon est très éclairant. Il propose de dire: Dieu N’est QU’amour. Il est tout puissant, oui, mais d’une toute puissance d’amour, c’est à dire qui veux que l’autre soit, pour lui-même (et non pour son créateur). Donc il ne peut pas, et plus certainement, ne veux pas, aller contre notre volonté. Il fera tout pour que nous le rencontrions, mais ne pourra nous imposer de l’aimer. Et ceci ne résulte pas d’une incapacité de sa part, mais d’une volonté de nous respecter.

    Les conséquences de ceci sont difficilement appréhendables et renversent les logiques habituelles: la toute-puissance de Dieu se révèle le mieux lorsqu’il (se) laisse son Fils mourir sur une croix. D’un point de vue humain, c’est un échec cuisant, et les disciples ne font pas les fiers. Et pourtant, ce qui est « folie pour le païens, scandale pour les Juifs » est la manifestation de la Miséricorde de Dieu qui est prêt à aller jusque là pour nous sauver. Quand je contemple le Christ en croix, la toute-puissance de Dieu prend un visage radicalement différent d’un Zeus tyrannique, et cela bouscule également mes façons de penser. Car s’il faut suivre le Christ, il faut être prêt à abandonner la sagesse humaine (qui n’est pas mauvaise en soi), ce qui semble efficace, les succès mesurables, peut-être la logique, pour œuvrer au royaume de Dieu. Et moi, rationnel et ayant un penchant pour le culte de l’efficacité, ça me dérange.

    Enfin, la question de l’omniscience est à mon sens beaucoup plus simple. Les « problèmes » viennent du fait que nous pensons Dieu dans le temps. Nous avons logiquement beaucoup de mal à faire autrement, puisque nous connaissons uniquement ce qui existe dans le temps, éventuellement infini. Mais Dieu est hors du temps, donc il a connaissance « simultanément » de tout ce qui, pour nous, fut, est, et sera. Le temps n’a pour Lui pas d’épaisseur, un peu comme si vous regardiez la flèche du temps de face (vous voyez simultanément tous les évènements les uns derrières les autres). Ainsi, il connait nos choix, non pas parce qu’ils sont déterminés, mais parce que nous les faisons. Il est incorrect de dire que Dieu sait ce que nous ferons, puisque qu’on induit ici l’idée d’un décalage entre la connaissance par Dieu, d’un acte, et sa réalisation; décalage qui n’existe pas pour Dieu. Dire que Dieu découvre « en temps réel » (comme proposé par Yogi il me semble) nos actes est une façon de rappeler que Dieu ne connait nos choix que parce que nous les faisons (et non parce qu’ils sont déterminés, comme l’est un destin), mais est encore fortement marqué par notre perception du temps, puisque Dieu est hors du temps. Par suite, se poser la question « Dieu ne savait-il pas que l’homme pècherai ? » est biaisée dans sa formulation, puisqu’on imagine ainsi un artisan qui saurait déjà que ce qu’il crée va tomber en panne. C’est penser la création en termes temporels, ce qui ne vaux pas pour Dieu. C’est peut-êre la seule façon de poser le problème, mais elle est piégée, donc prudence.

    Là où je n’ai pas encore de vision claire des choses, c’est pour penser l’omniscience de Jésus. Il est Homme, donc il sait ce qu’il est possible de savoir pour un homme de son âge, dans sa culture, à son époque (Jésus grandit et doit apprendre le métier de son père, mais n’a certainement pas discuté de physique quantique). Il est dit à plusieurs reprise qu’il s’étonne, il pose des questions (il demande où est le corps de Lazare par exemple, Jn 11,34). En parallèle, le Saint Esprit lui communique certaines savoir (la trahison de Judas, le reniement de Pierre, les pensées des Pharisiens, la vie de la Samaritaine,…). Jusque là, ça va, mais quand il faut rajouter qu’il est Dieu, donc en possède les qualités, et par là l’omniscience, je bloque. Vous allez peut-être aussi me dire que je dérive.

  • Dieu N’est QU’amour, là est en effet la clé pour comprendre.
    Le genre de question piège à propos de l’omnipotence, par exemple « Dieu peut-il créer une pierre si grande, grosse, dense et lourde qu’il serait incapable de la soulever », est insolvable sans cette clé de compréhension : à l’aune de cet amour, dans une perspective d’amour et uniquement d’amour, cette question est en effet totalement inutile, et on évitera donc de la poser.
    Nous voilà en effet soulagé d’un… poids !

  • Ca fait des articles sur la place des cathos dans le monde au moment de Pâques, mais en attendant toujours pas un mot sur la suppression du Festival de Pâques… J’ai vraiment l’impression que la blogueurs catho s’en contrefoutent… Pourtant ça me semblait être un lieu plus qu’important pour nous cathos, et qui répondait largement à l’appel de JP II…
    C’est pas vraiment un coup de gueule, mais arrêtons de nous voiler la face, les chrétiens ne sont pas tant que ça à la mode, je suis juste extrêmement déçue du manque d’intérêt pour cette perte qui me semblait être suffisamment importante et significative pour être relayée par toute la blogosphère catho…

  • @ Aristote : L’histoire des mythes est fascinante, et ils ont un rôle clé dans l’évolution de la pensée et de la vie sociale. Comme toute construction humaine, ils évoluent « pas à pas » en fonction des jeux politiques, sociaux, idéologiques, … de leur époque et des individus qui les animent. Examinés a posteriori, et pour les partisans de la version la plus récente, ce « pas à pas » sera qualifié de « petit progrès après petit progrès » ; pour les autres, il s’agira des errements du mythe soumis aux contraintes et opportunités de son environnement.

    Sur le sentiment subjectif indicible. Sans doute, mais je tiens que ce à quoi me mène ce SSI est aussi parfaitement compatible avec l’usage le plus rigoureux de la raison.

    Nous avons des visions différentes sur le sujet, concernant la « cohérence interne » de la doctrine. De plus comme je le disais plus haut, pouvoir répondre à la question « qu’est-ce qui pourrait me faire changer d’avis ? » me paraît un indice important d’un usage de la raison, et je ne sais pas si vous pourriez citer un élément qui vous ferait perdre la foi.

    Et je ne vois pas comment le choix d’aimer pourrait être la conclusion d’un syllogisme, il a nécessairement partie avec la singularité de l’amant et avec celle de l’aimé(e) et échappe donc aux raisonnements qui par nature ne peuvent y faire droit.

    Disons que le choix d’aimer est généralement subordonné à l’existence de l’être aimé, laquelle peut donner lieu à spéculations et syllogismes.

    Serge a écrit : :

    Votre théologie est d’un convenu 🙂

    Mais c’est heureux ! 🙂 Elle est « convenue » au sens où je pense qu’elle est alignée sur la vision qu’en ont mettons 98% des catholiques mondiaux et 90% des catholiques français. Maintenant si après 2.000 ans d’éducation forcenée la « bonne version » n’a pas encore réussi à imprégner les esprits, peut-être la méthode éducative est-elle à reconsidérer, ou le message à reformuler.

    Pour le reste, j’ai quelques difficultés avec la notion de « pré-figuration du Mal, pour qui un jugement est en réserve » alors que Dieu est aveugle au manque d’être et qu’il ne peut anticiper si l’homme va faire le mal ou se convertir soudainement au bien. Et enfin, si au jour du Jugement Dieu est l’avocat de la défense, qui est le juge ?

  • Koz a écrit : :

    De fait, se chipoter sur la réalité d’un signe spécifique, d’un miracle, n’a guère de sens, et il faut aussi savoir avoir une vision globale et distinguer le sens profond.

    C’est bien ce que, dans la mesure de mes modestes moyens, je tente de faire. Ce n’est pas facile car comme vous le soulignez plusieurs versions ont cours, et que les théologiens sont là pour proposer les interprétations nécessaires au fil du temps pour que la doctrine puisse faire face aux questionnements et mises en cause (à ce jeu, les théologiens chrétiens ont partie plus facile avec la théologie assez flexible de la Présence et de la Parole, alors que les théologiens musulmans y arrivent tant bien que mal avec un « Livre révélé » au texte figé).

    C’est pourquoi j’évite généralement les débats sur le Déluge ou autres péripéties, et m’intéresse plutôt à des fondamentaux qui me semblent poser problème comme le libre-arbitre ou le sens du péché originel, qui me paraissent pour le coup difficiles à escamoter. Et encore là aussi des interprétations innovantes peuvent apparaître, comme celle que nous sommes en train d’explorer avec Serge d’un Dieu qui ne connaît pas l’avenir, ce qui me semble peu conforme au canon doctrinal. Mais qui sait peut-être un jour moquerez-vous les gens qui auront une vision « pré-Sergienne » de l’omniscience divine. 🙂

    Et en effet, rien de tout cela ne s’oppose au « message d’amour du christianisme », juste au message du péché, du sacrifice et du salut.

    @ Damien:

    L’omnipotence seule ne me semble pas poser problème, puisque Dieu a toujours le choix d’agir ou pas. C’est quand elle est couplée à l’omniscience qu’il me semble que les problèmes émergent.

    Mais Dieu est hors du temps, donc il a connaissance « simultanément » de tout ce qui, pour nous, fut, est, et sera.

    D’accord, à l’instar de l’artiste qui contemple sa toile et la voit tout ensemble. Mais ça me paraît justement poser problème ; si Dieu voit notre futur, et les choix que nous faisons, notre libre-arbitre ne tient pas pour lui. De même, la formulation « Dieu ne savait-il pas que l’homme pècherait ? » me paraît en effet biaisée car cette toile est l’homme. Elle est l’histoire de l’homme, elle apparaît avec lui. Elle est donc créée par Dieu dès lors qu’il créé l’homme, sauf à ce qu’il ne connaisse pas « ce qui sera ». Le problème est que cette toile dit que l’homme est pécheur.

  • (En passant, le théologie « sergienne » ne me pose pas de problèmes particuliers ; je la trouve au contraire extrêmement pertinente et éclairante.)

  • @ Yogi: effectivement, la toile dit que l’homme est pécheur, et Dieu la crée quand même. Si Dieu avait refusé de créer l’Homme, cela signifierait: « Si l’Homme pèche, je ne le crée pas ». Dieu aurait ainsi soumis l’existence de sa créature à son obéissance sans faille, ce qui ressemble plus à de l’esclavage (tu désobéis => tu n’existes plus). Dieu crée donc l’Homme, avec la possibilité pour ce dernier de le rejeter et assume cette possibilité. Et force est de constater que l’Homme a usé de cette possibilité.

    Pour compléter la métaphore de la toile, il faut dire aussi que Dieu n’est pas le seul peintre. L’Homme est co-créateur, voulu par Dieu (Dieu confie le jardin d’Eden à Adam pour qu’il le cultive). Ainsi, une partie de la toile est peinte par l’Homme, sans que Dieu n’y aie prise. Donc certes le toile dit l’Homme est pécheur (c’est un constat), mais le péché n’a pas pour origine Dieu (Dieu ne crée pas l’Homme pécheur). Il n’est que le corolaire, hélas mis en pratique, de la liberté de l’Homme. A septième jour, Dieu s’arrête et cède la place à l’Homme, avec toutes les conséquences que cela comporte. Comme le dis si bien le poète Hölderlin: « Dieu a fait l’homme comme la mer a fait les continents, en s’en retirant. » Voilà encore de quoi bousculer nos conceptions intuitives de Dieu.

  • @ Damien: Il me semble que Dieu étant « hors du temps » et « omniscient », la proposition « Dieu crée donc l’Homme, avec la possibilité pour ce dernier de … » ne peut être écrite. Aux yeux de Dieu une « possibilité » n’existe pas. Il y a ce qui est (sera), et ce qui n’est pas (ne sera pas). Et il crée l’homme et son destin du même geste. Ou alors Dieu n’est pas omniscient.

    On rejoint alors votre deuxième paragraphe : Dieu n’a aucune idée de ce que l’homme va bien pouvoir faire, il ne sait pas « ce qui sera » et il le découvre au fil du temps en nous observant, la toile n’existe pas.

  • @ Yogui:
    D’abord merci de vos interventions, cela rejoint l’article qui nous vaut tous ces commentaires:
    Nous nous sommes tellement habitués, sur l’ensemble du web Chrétien, à des largages de bombinettes, des provocations, des lâchetés et autres trolls en tous genres que c’en est une joie d’échanger avec vous.

    Vous dites:
    « Que Dieu, dans sa version « Fils incarné, de passage parmi les hommes pendant 33 ans » ait choisi, lors d’une promenade dans le désert avec Satan (!) de ne pas changer les pierres en pains et de ne pas prendre la domination du monde, me paraît relever d’un choix ponctuel dans un but probablement didactique. Ca ne l’a pas empêché ultérieurement de réaliser des miracles sur des pains, et ça ne me semble pas démontrer que Dieu, dans sa version « Full Deluxe toutes options, Créateur du Ciel et de la Terre » n’est pas véritablement omnipotent et omniscient. »

    Attendez, notre Dieu Chrétien est Trinitaire. Je sais, c’est plus difficile à appréhender que le FullDeLuxe toutes options.

    Revenons à ce passage-là de la vie du Christ.
    Le Messie se voit conduire, immédiatement suite à son Baptême, non à l’issue d’une promenade mais d’une épreuve, à un jeûne « a maxima » des possibilités humaines, assorti de 3 tentations par le démon, d’apparence presque pas négatives: Comme les deux autres, la troisième tentation « la domination du monde » il la laisse. Combien de fois n’avons-nous pas entendu « Si Dieu voit ça comment peut-il le laisser faire » ? Hé bien il y renonce. A nous l’univers « confié », qui est ce que nous en faisons.

    L’Evangile en fourmille, de ces exemples. Voulez-vous d’autres éléments ?
    D’autres le railleront sur la Croix et le sommeront de faire le miracle de se sauver. D’autres noteront qu’il n’a pas destitué Hérode, pas libéré Jean-Baptiste de sa geôle ni empêché sa décapitation, et qu’il a clairement répondu à ceux qui voulaient le tenter sur la justesse qu’il y avait à payer l’impôt à l’occupant Romain de rendre à César, etc…

    Donc le Messie ne se veut ni le plénipotentiaire qui fait superman sur commande; a-t’il assez dit « Cette génération est une génération mauvaise : elle demande un signe, etc..? » (-voir Luc 11, 29-32).
    Ni non plus le nouveau guide d’Israël en tant que Peuple Elu parmi les autres peuples (les « nations » de la Bible): L’Alliance Nouvelle est transnationale, ou, pour mieux dire, universelle: Ajoutez la lutte contre le pharisaïsmes, les Béatitudes (voir le Sermon sur la Montagne), et imaginez la déflagration produite.

    Et (ou « or », si vous voulez) il n’appelle pas à bouleverser l’organisation politique que les hommes se choisissent.

    En fait d’omnipotence et d’omniscience présumée, je dirais que Jésus se situe hors champ des basses contingences de la « cité » des hommes.

    Une autre des tentations consiste, pour un estomac « de 40 jours »‘, creux et affamé, à renoncer à transformer les pierres en pain. C’est-à-dire d’être via ses pouvoirs un palliatif infini de confort, de bien-être, d’abondance. Le pain, et le pouvoir. Ce que je veux maladroitement illustrer, c’est ce renoncement volontaire, justement, à une omnipotence.

    Ce libre-arbitre humain (voilà ce que donne Dieu, vous en disposez à votre guise, le mal et l’assassinat par lucre en l’occurrence, sans que Dieu n’intervienne pour retenir votre bras -donc sans manifester la moindre omnipotence) est également très clair, par exemple, dans la parabole des méchants vignerons (Marc Ch 12, 1-12).

    A rapprocher de tous les miracles effectués par la suite, pour un sens donné.
    A-t’il effectué suffisamment de multiplication de pains (vin, poissons, etc…) et a-t’il assez partagé le pain pendant la Cène pour que nous ne comprenions pas ? Que faisons-nous, nous-mêmes, en communiant à la Messe ?

    Donc: Pourquoi ne pas changer les pierres en pains d’emblée et pour toujours, à l’invitation de la tentation démoniaque ?

    En accord avec le peu que je connais de l’Exégèse (mais ceci mériterait d’être développé par moins piètre que moi), le Pain c’est lui-même, finalement multiplié à l’infini à chaque communion (et la symbolique Chrétienne est on ne peut plus parlante sur ce point). Il l’a fait et le fait, pour qui le suit.

    Et dans un cadre de partage, de cheminement ensemble et vers Dieu, et non répandu comme un élément qui va de soit, il n’a pas fait du pain quelque chose de donné par avance et d’omniprésent à la façon de l’air que nous respirons.

    (NB: Sans multiquoter ni répondre dans toutes les directions, au sujet de l’Amour: Il ne peut être compris sans les notions de bonté et de miséricorde, qui traversent les textes sacrés et deux millénaires de pensée Chrétienne. Mériterait, là aussi, un développement. Autre piste de réflexion sur l’Amour, dont parlent les commentaires ci-dessus: Comme le Père Guy Gilbert le rappelait récemment, la religion Chrétienne est celle qui va le plus loin dans l’amour de l’ennemi.)

  • La toile est en train de se peindre à plusieurs mains dont Une plus discrète et puissante que les autres. Dieu peut sans doute tout savoir, s’Il respecte le libre arbitre de l’Homme Il fermera les yeux opportunément. Le temps c’est le cadeau de Dieu à l’Homme, c’est l’espace de liberté qu’il lui laisse.

    Un monde purement materialiste exclut toute liberté. Au mieux, et en etant tres gentil, l’homme est imprevisible car ses decisions sont influencés par des phenomènes imprévisibles, infinitésimaux, qui n’ont aucune capacité à « concevoir » une décision synthétique, globale, de l’ordre d’une décision morale par exemple.

  • @Yogi: ainsi, vous en arrivez à la conclusion que la création de Dieu est déterminé. Et je comprends alors votre refus d’un tel Dieu.

    Mais c’est exactement l’erreur que je pointais: celle qui consiste à penser que puisqu’il n’y a qu’une seule version des faits, celle-ci est déterminée. Vous dites en effet: « il crée l’homme et son destin du même geste ». D’un point de vu logique, c’est effectivement absurde, à moins de penser que le monde entier est déterminé (par quoi d’ailleurs ?). Dieu crée l’homme, mais c’est l’homme qui crée son destin.

    Vous inversez l’ordre de causalité. La connaissance par Dieu de nos actes futurs n’entraine pas la détermination de ceux-ci. C’est parce que nous faisons un acte (qui nous est propre et qui ne vient pas de Dieu) que Dieu le connait. Pour Dieu, il n’y a certes qu’une possibilité, celle que nous choisissons, ce qui ne veux pas dire que nous n’avions pas plusieurs options possibles.

    On ne peut pas dire en tout rigueur que Dieu découvre « au fil du temps », puisqu’il est hors du temps, donc ne voit pas s’écouler le temps et il est faux de dire que Dieu n’a aucune idée de ce que nous allons faire. Pour essayer de me faire comprendre, je vais employer une autre image: imaginez un film (la vie d’un homme par exemple). L’ensemble des autres hommes sont dans la salle de cinéma et voient le film se dérouler (vision temporelle). Ils le voient tous à la même vitesse, ne peuvent s’arrêter, ni revenir en arrière. Maintenant, prenez la pellicule et déroulez la devant vous (oui, ça risque de faire long). D’un seul coup d’œil (vision intemporelle), vous pouvez voir tout ce que les spectateurs ont vu. Le contenu de la vie de cet homme est le même, que vous le regardiez en déroulé ou bien en « temps réel » et le fait que l’on puisse connaitre en même temps l’ensemble des images du film et regardant la pellicule déroulée n’implique rien du tout sur son contenu.

    L’omniscience de Dieu implique que Dieu sait tout, mais en aucun cas que Dieu est à l’origine de tout.

  • sur l’omniscience, Martin Buber a écrit un passage éclairant (extrait d’un article dans Christus de Marie-Thérèse Abgrall) :


    Interrogé par un capitaine de gendarmerie sur l’interprétation du verset de la Genèse : « Adam, où es-tu ? » et son rapport avec l’omniscience de Dieu, un rabbi de Saint-Pétersbourg lui répondit de telle manière que l’homme s’en trouva bouleversé et renvoyé à lui-même : « Voilà 46 ans que tu es en vie, où séjournes-tu ? » Il prit alors conscience que c’était lui qui était interpellé et provoqué par la question posée par Dieu. « Où séjournes-tu ? » Question posée à chacun de nous. Habitons-nous vraiment notre vie, telle qu’elle est, à cette heure où nous sommes, dans toute l’épaisseur de sa réalité et toutes les contingences de notre histoire ? Chaque homme est ici Adam et, dans la situation d’Adam, tenté d’échapper à lui-même et à sa vie, de se dérober à la question, de « se cacher ». Aussi longtemps que dure cette fuite, la vie de l’homme ne peut devenir chemin. Adam reconnaît : « J’ai eu peur et je me suis caché. » « Et c’est là que commence le chemin de l’homme »

    La toute-puissance de Dieu, comme déjà dit dans ce fil est une puissance d’amour au service de l’homme, pour le faire grandir en le mettant face à lui-même. Le passage ci-dessus l’illustre bien.

    @ Yogui : dans vos réflexions sur Dieu, n’oubliez pas ce qui a été peu évoqué ici mais pourtant qui me paraît l’essentiel : Dieu est père (mais aussi mère pour les puristes).
    Je vous invite à parcourir ce _document_ de Stan Rougier pour mieux comprendre ce que cela implique. Il le dira mieux que moi.

  • Yogui a écrit : :

    j’ai quelques difficultés avec la notion de « pré-figuration du Mal, pour qui un jugement est en réserve » alors que Dieu est aveugle au manque d’être et qu’il ne peut anticiper si l’homme va faire le mal ou se convertir soudainement au bien.

    Si Dieu ne pré-voit pas le mal que nous commettons, nous, nous pouvons le choisir. Le temps nous est donné pour qu’au final, nous choisissions du coté du Bien ; mais un refus libre, conscient et définitif de ce Bien est possible aussi.
    Le Déluge, Sodome et Gomorrhe sont des exemples, des pré-figurations imagées pour dire que le refus du Bien, porté jusqu’à sont extrême limite, vient en jugement. Vous vous sentez d’aller aux limites ?

    Et enfin, si au jour du Jugement Dieu est l’avocat de la défense, qui est le juge ?

    Nous contre nous-mêmes, peut-être. Face à l’étalon de la bonté, il y a des choses que j’ai faites
    qui ne plaident pas en ma faveur.

    Pas vous ?

    Une erreur théologique s’est glissée plus haut dans un de mes messages, peut-être un lecteur attentif l’aura relevée. Peut-être aurais-le l’occasion de la corriger plus tard, je ne sais pas. Elle ne remet pas en cause le fait que nos actions futures ne sont pas écrites.

  • @ Goulebenèze : Merci pour cet exposé sur les actes, intentions et motivations de Jésus « Fils incarné, de passage parmi les hommes pendant 33 ans », motivations que je trouve assez convaincantes.

    Convaincantes car elles me paraissent cohérentes dans le cadre préalablement défini : des hommes imparfaits, pécheurs et libres de leurs choix, un Dieu pleinement homme, venant partager leur sort et leur montrer la Voie, et s’attribuant donc sans doute (en tout cas cette position peut être défendue) les mêmes limitations qu’eux : il ne voit probablement pas dans l’avenir, il ne joue pas à Superman : il ne vient pas pour régner mais pour donner l’exemple, et ne peut donc se sortir de toutes les situations par le simple usage de superpouvoirs.

    Mais c’est justement ce cadre général que je questionne, ce décor planté par le Créateur et dans lequel le Christ vient jouer sa partition. L’omniscience me semble poser question au niveau du Créateur, non du Messie ; pour celui-ci c’est trop tard, les règles du jeu sont déjà posées. Comment un Créateur omnipotent et omniscient peut-il rejeter sur sa créature la responsabilité des défauts du monde, voilà ce qui m’interpelle.

    oim a écrit : :

    Un monde purement materialiste exclut toute liberté. Au mieux, et en etant tres gentil, l’homme est imprevisible car ses decisions sont influencés par des phenomènes imprévisibles, infinitésimaux, qui n’ont aucune capacité à « concevoir » une décision synthétique, globale, de l’ordre d’une décision morale par exemple.

    Cette assertion me paraît infondée. Des phénomènes infinitésimaux dans un contexte « chaotique » peuvent parfaitement se traduire par des effets macroscopiques.

    @ Damien : La pellicule déroulée est pour moi équivalente à la toile : Dieu en a « de tout temps » connaissance, et la création de cette pellicule est consubstantielle à la création de l’homme. L’un ne va pas sans l’autre. Pour nous, nos actes ne sont pas déterminés, pour Dieu ils le sont puisqu’il a la pellicule toute entière sous les yeux. Mieux même, il connaît la pellicule avant même d’en avoir créé les acteurs.

    L’omniscience de Dieu implique que Dieu sait tout, mais en aucun cas que Dieu est à l’origine de tout.

    Vu qu’il sait tout, et qu’il sait tout à l’instant même où il est Créateur de tout, je vois mal qu’il puisse ne pas être à l’origine de tout.

  • Yogui a écrit :

    (ma compréhension théologique) je pense qu’elle est alignée sur la vision qu’en ont
    mettons 98% des catholiques mondiaux et 90% des catholiques français.
    Maintenant si après 2.000 ans d’éducation forcenée la « bonne version » n’a pas encore réussi à
    imprégner les esprits, peut-être la méthode éducative est-elle à reconsidérer,ou le message à reformuler.

    C’est très raisonnable de s’aligner sur la majorité, d’estimer que si nos esprits ne sont pas encore
    imprégnés, c’est que le message n’y est pas adapté, et d’attendre qu’une éducation nous le re-formule ;
    cela ne me semble pas particulièrement actif, mais c’est une façon de voir.

    On peut aussi, dans la même démarche tout aussi raisonnable, mais en y ajoutant un peu d’intelligence
    personnelle, de curiosité et d’audace, chercher ceux qui perçoivent mieux que les autres, et sonder
    ce qu’ils ont compris.

    pour Dieu (nos actes sont déterminés) puisqu’il a la pellicule toute entière sous les yeux.
    Mieux même, il connaît la pellicule avant même d’en avoir créé les acteurs.

    Vous devez avoir des lumières que nous ne connaissons pas ? mais comme elles s’accordent mal
    avec la raison et la logique, ce que vous admettez vous-mêmes,
    vous pourriez peut-être revenir à plus de rationalité ?

    Thomas d’Aquin, qui a quelques influences sur la théologie catholique, disait que

    « Dieu connaît ce qui est présent pour nous, et pour le passé et le futur, son regard divin tombe
    selon qu’ils sont présents en leurs temps. »

    Ce qui est assez simple pour imprégner un esprit, reconnaissez-le. Reste à savoir si vous souhaitez
    suivre la doctrine chrétienne, ou la re-formuler selon les conceptions de la majorité ^^

  • Juste pour ajouter un élément à l’intéressant débat entre la lecture « littérale » (je dirais « littéraliste » si ce mot existait) de la Bible faite à la fois par les Protestants fondamentalistes et par les athées qui s’oppose à la lecture catholique de la Bible : on ne peut pas non plus utiliser un argument (que j’ai entendu) du type : « jusqu’à Darwin les catholiques faisaient une lecture littérale de la Bible et une fois que Darwin et Co. ont prouvé que la Bible était fausse les catholiques ont inventé une lecture non littérale de la Bible ». Cela est faux, la lecture catholique de la Bible existe depuis les origines. Ainsi, saint Augustin (354-430) écrivait que, évidemment, il ne fallait pas lire le 1er chapitre de la Genèse de manière « littéraliste » pour une raison simple : on appelle « jour » la durée qui va du lever au coucher du soleil. Or, la Genèse dit que Dieu créa le soleil le quatrième « jour ». Les 3 « jours » précédents ne pouvaient être des « jours » au sens littéral puisque le soleil n’existait pas encore pour délimiter les jours. Donc il ne faut prendre « jour » au sens littéral.

    Tout cela a été écrit par saint Augustin, Père de l’Eglise, 15 siècles avant Darwin.

    L’auteur de la Genèse, inspiré par l’Esprit Saint, essaye d’exprimer une vérité (en résumé : Dieu a créé l’univers et l’homme (ce dernier à Son image) par amour. Sa Création est bonne. Mais le péché de l’homme a « blessé » Sa Création et particulièrement l’homme lui-même. Mais Dieu n’a pas abandonné l’homme et, par amour, va sauver l’homme et recréer l’homme et l’univers. Pour savoir comment lisez les 72 livres suivants) en utilisant un langage imagé, sans chercher à être compris de manière littéraliste. De la même manière que quand quelqu’un dit « Cela me brise le cœur », il exprime une vérité (un fait quelconque le rend très triste) sans vouloir être compris de manière littéraliste (il ne veut pas dire : « mon muscle cardiaque est congelé puis cassé en morceaux par ce fait quelconque »).

  • Yogui a écrit : :

    Mais c’est justement ce cadre général que je questionne, ce décor planté par le Créateur et dans lequel le Christ vient jouer sa partition. L’omniscience me semble poser question au niveau du Créateur, non du Messie ; pour celui-ci c’est trop tard, les règles du jeu sont déjà posées. Comment un Créateur omnipotent et omniscient peut-il rejeter sur sa créature la responsabilité des défauts du monde, voilà ce qui m’interpelle.

    N’oublions pas que le décors actuel n’est pas le décors voulu par son Créateur. C’est un décors transformé par l’action de l’homme, sujet libre et responsable de ses choix (c’est bien l’un des fondements de notre droit très laïc non ?).
    Ces questions qui touchent aux « comment » de Dieu n’ont probablement pas de réponses définitives ici-bas : on ne peut guère qu’essayer de les esquisser.

    Concernant l’omnipotence, distinguons ce que Dieu peut faire de ce qu’il veut faire. Le pouvoir et le vouloir ne se confondent pas, et autant il est facile à l’homme d’imaginer tout ce que Dieu peut faire, autant il est impossible d’entrer dans l’intimité de son vouloir par la simple raison humaine très limitée. Ce n’est pas là du jésuitisme, juste le constat que la nature humaine et la nature divine, si elle existe, sont deux choses radicalement différentes (surtout si on y met une couche de péché originel ^^).

    Concernant l’omniscience, soyons conscient 1° que Dieu n’est pas contingent au temps et à l’espace – encore une chose de difficilement représentable pour nous 2°que le libre arbitre n’est absolument pas diminué par cette omniscience. Ce n’est pas Dieu qui fait les choix à ma place ou force mes choix, même supposant qu’il connaisse mon choix à l’avance, c’est bien moi, sujet libre et réputé parfois raisonnable, et donc c’est moi qui devrait assumer in fine. Même Freud ne saurait connaître et rendre compte de la racine même d’un choix humain : qu’est ce qui fait que sur deux larrons identiquement coupables, l’un s’ouvre à la grâce et fait son mea-culpa, tandis que l’autre enfonce Jésus et s’enfonce lui même (et qui l’oblige à ce moment là ?), cela est tout à fait mystérieux et dépasse infiniment le domaine de la raison.

    Ensuite j’ai l’impression que vous distinguez le Messie de Dieu et sa création. Mais le Verbe de Dieu fait chair, par qui tout a été fait, il ne fait aucun doute pour l’Eglise que c’est le Christ, deuxième personne de la divinité. Du coup j’avoue que je ne sais pas comment comprendre votre proposition.

  • @ Yogui

    Un athée et un croyant ne lisent pas les « mythes » de la même façon, c’est évident. Mon souci n’est pas de vous « prouver » Dieu à partir des Écritures, mais de montrer qu’il y a compatibilité entre une lecture croyante du corpus biblique et une foi adulte, informée, au fait de l’exégèse critique des textes, etc. Ce n’est pas pour moi une preuve, mais une condition de possibilité d’une foi qui ne soit pas une démission de la raison.

    Qu’est-ce qui pourrait me faire changer d’avis ? Avant le fait, difficile à imaginer, mais la preuve que le Christ ne serait pas ressuscité détruirait ma foi.

    Existence de l’être aimé ? Il n’y a plus grand monde pour nier l’existence de Jésus. Les apôtres ont aimé Jésus avant, bien avant de finir par y reconnaître Dieu le fils, tellement leur préconception de « Dieu » ne collait pas avec le Dieu révélé par la figure du Christ, et ce en dépit des intuitions de l’AT.

    Vous trouvez le christianisme incohérent. Moi, j’ai un peu de mal avec les versions « dures » du darwinisme qui prétendent être « vraies » alors qu’elles font exploser la notion même de vérité.

  • @Yogi: Vu qu’il sait tout, et qu’il sait tout à l’instant même où il est Créateur de tout, je vois mal qu’il puisse ne pas être à l’origine de tout

    Ce que vous dites là est une opinion, et non une conclusion logique. Je ne pourrais être convaincu que lorsque vous m’aurez montré, par implication logique, que les caractères omniscient et créateur de Dieu impliquent (ensembles ou séparément) que Dieu est à l’origine de tout, seul être libre. Ceci est tout à fait contraire à la foi chrétienne, donc une telle démonstration m’ébranlerait certainement (il en faudra plus pour me faire perdre la foi, à mon avis).

    Cela va de soi, mais cela va mieux en le disant, l’implication logique ne peut être confondu avec l’implication causale. Vous pourrez ainsi montrer qu’il y a équivalence entre l’omniscience de Dieu, et le fait qu’un seul état du monde existe, mais vous nous pourrez pas en déduire le sens de causalité.

    Enfin, je ne peux pas vous donner de contre-exemple. Si je suivais un raisonnement par l’absurde, et trouvais un contre-exemple, deux options s’ouvriraient: Dieu n’est pas à l’origine de tout, ou bien, Dieu n’existe pas (au moins tel que nous l’avons supposé).

  • Courtlaïus a écrit : :

    qu’est ce qui fait que sur deux larrons identiquement coupables, l’un s’ouvre à la grâce et fait son mea-culpa, tandis que l’autre enfonce Jésus et s’enfonce lui même (et qui l’oblige à ce moment là ?), cela est tout à fait mystérieux et dépasse infiniment le domaine de la raison.

    Ah ! Le troisième larron !
    Parmi tous les personnages secondaires (ou apparemment secondaires) de l’Evangile, c’est, et de très loin celui sur lequel j’ai le plus médité, et cherché en vain. Zéro pointé, jusqu’à présent.

    Jusque dans le roman (excellent) « maladron » de Miguel-Angel Asturias, qui n’a, je crois qu’on peut l’affirmer, aucune prétention théologique ou démonstrative. Mais sa vision est intéressante.

    Je n’ai rien trouvé.
    Juste, peut-être, une préfiguration de cette atrophie du spirituel qui serait la normalité de notre époque et de notre lieu et qui va à la mort comme une tête de bétail à l’abattoir (faiblard, très faiblard je le concède volontiers).
    Mais qui serait appliquée à un qui a, incontestablement, fait le mal, peut-être par simple cupidité, en tous cas pas (assez) freiné par un sens moral, et qui reçoit son châtiment-torture mortel sans état (j’allais écrire d’âme) particulier.
    Et qui n’est même pas opportuniste pour se dire, après tout, pourquoi pas ? Qu’est-ce que je risque à suivre mon dernier compagnon de torture ?

    Pour Asturias il ne peut s’agir que d’un autre messie, d’une autre religion, sinon c’est impossible: Tout humain partageant la croix du Christ fait comme le bon larron, sinon ça dépasse l’entendement…

    Sans dévier la conversation, je suis preneur de toutes vos réflexions sur le Mauvais Larron, je cherche depuis si longtemps !

    (NB: « détail » infiniment troublant sur un autre personnage regardé comme secondaire: Barabbas signifie..le fils du père ! Appelation typiquement messianique, et même nom religieux: D’un éminent chef du mouvement messianique ? Quand on sait que, dans les toutes premières copies manuscrites (jusqu’au IIIème), il était même dénommé « Jésus Barabbas »! Donc pas un vulgaire assassin, ou pas que, plutôt un alter égo négatif du Christ ? Là aussi, je suis preneur de toutes vos réflexions !)

  • Au sujet de Barabbas, j’en avais discuté avec un ami il y a deux ans, donc l’info est à confirmer. Il me semble que Benoit XVI en parle de « Jésus » (1ier Volume). Barabbas n’est effectivement pas un bandit mais un Zélote, chef charismatique et messianique qui s’est levé contre l’occupation romaine par la force des armes. Ainsi, lorsque les Juifs préfèrent Barrabas à Jésus, cela montre surtout qu’ils préfèrent la révolte violente contre l’occupant, et que comme Pierre qui sort son épée pour défendre Jésus, ils n’ont pas du tout compris le messianisme de Jésus, quelle est sa puissance, où se trouve sa force,…

  • Serge a écrit : :

    On peut aussi, dans la même démarche tout aussi raisonnable, mais en y ajoutant un peu d’intelligence personnelle, de curiosité et d’audace, chercher ceux qui perçoivent mieux que les autres, et sonder ce qu’ils ont compris.

    Je m’y efforce, croyez-le bien ! Mais identifier « ceux qui perçoivent mieux que les autres » n’est pas une mince affaire, car c’est précisément ce que proclament toutes sortes de catholiques, protestants, orthodoxes, évangéliques, et je passe les sous-familles. Alors qui choisir ? C’est bien pourquoi dans tout cela j’essaie de me cramponner à la boussole de la logique et de la raison.

    [Mieux même, il connaît la pellicule avant même d’en avoir créé les acteurs.] Vous devez avoir des lumières que nous ne connaissons pas ? mais comme elles s’accordent mal avec la raison et la logique, ce que vous admettez vous-mêmes, vous pourriez peut-être revenir à plus de rationalité ?

    Désolé si je n’ai pas été clair. Damien et moi cherchons ici une image qui puisse représenter la théorie généralement (pardon) admise que Dieu est « hors du temps » et « embrasse d’un seul regard et tout ensemble passé, présent et avenir ». Dans ce cas Dieu connaît de tout temps le contenu du film, « avant même » d’avoir créé Adam. Et ne soyez pas surpris par d’éventuels paradoxes : on parle ici d’une vision où le temps n’existe pas.

    J’aimerais par contre que vous développiez votre point de vue : Dieu a-t-il connaissance du futur du monde ? Car j’ai du mal à lire le d’Aquin dans le texte.

    « Dieu connaît ce qui est présent pour nous, et pour le passé et le futur, son regard divin tombe selon qu’ils sont présents en leurs temps. » Ce qui est assez simple pour imprégner un esprit, reconnaissez-le.

    Bah non. Je confesse ne pas maîtriser le français vernaculaire du XIIIe siècle, et cette phrase me reste mystérieuse. Dieu connaît-il l’avenir ou pas ?

    Mais surtout, Thomas d’Aquin pensait – par exemple – que Adam et Eve avaient vraiment existé, et basait son analyse du péché originel sur cette thèse. Alors sur quels sujets faut-il le suivre et sur quels sujets est-il à abandonner ?

  • jean316 a écrit : :

    Sa Création est bonne. Mais le péché de l’homme a « blessé » Sa Création et particulièrement l’homme lui-même.

    C’est bien le point qui pour moi pose question. Dieu étant hors du temps et omniscient, il connaît de tout temps l’histoire du monde, et les décisions de l’homme, et ainsi le « libre-arbitre » ne peut exister à ses yeux. Ce problème (selon moi) est aggravé par le fait que Adam et Eve n’ayant pas existé, le péché ne peut pas être imputé au « libre-arbitre » d’un seul, mais bien à la pratique générale de tout le genre humain.

    Auquel cas il me semble que le Créateur du genre humain doit être tenu responsable de ce « défaut de fabrication » généralisé, et non en blâmer sa créature.

    Courtlaïus a écrit : :

    Ce n’est pas Dieu qui fait les choix à ma place ou force mes choix, même supposant qu’il connaisse mon choix à l’avance, c’est bien moi, sujet libre et réputé parfois raisonnable, et donc c’est moi qui devrait assumer in fine.

    Oui enfin si Dieu a créé l’humanité en connaissant ses choix à l’avance, les faire assumer à l’humanité alors que Dieu lui même les a « validés » en la créant me paraît exagéré.

    Quant à ma distinction entre Messie et Dieu Créateur, c’était pour souligner l’aspect « incarné », « fait homme » du Messie, qui l’amène, pendant ce passage sur terre, à se comporter plus comme un homme que comme quelqu’un capable de créer un univers entier en quelques jours.

    Damien a écrit : :

    l’implication logique ne peut être confondu avec l’implication causale. Vous pourrez ainsi montrer qu’il y a équivalence entre l’omniscience de Dieu, et le fait qu’un seul état du monde existe, mais vous nous pourrez pas en déduire le sens de causalité.

    Je crains bien que pour un être hors du temps la « causalité » n’existe pas. Pour Dieu tout existe de tout temps et simultanément. C’est pourquoi, selon moi, c’est bien une « conclusion logique » et non une opinion, que de dire que Dieu est à l’origine de tout : quand il « lance » le monde, il connaît déjà sa trajectoire dans ses moindres détails, il la « voit » dès même qu’il conçoit le monde. Y compris alors les décisions humaines.

  • @Yogi: le problème se déplace donc si la question de la causalité pour un être hors du temps. Si je vous comprends bien, c’est ce qui fait que les évènements du monde n’ont pas d’autre cause pour Dieu, que Dieu lui-même, et qu’ainsi le monde est déterminé.

    Pourquoi la causalité disparaitrait-elle avec l’extraction du temps ? Si une chose tire sa cause d’une autre, en quoi la causalité dépende-elle de l’observateur. Par exemple, si la création tire sa cause de Dieu, pourquoi peut-on affirmer que la création (tout ce qui est) a Dieu pour origine (donc pour cause), mais que la causalité n’existe pas pour Dieu car il est hors du temps ? Ainsi, la causalité vaudrait pour le créature et non pour le créateur ?

  • @Yogi: le problème se déplace donc sur la question de la causalité pour un être hors du temps. (erreur de frappe)

  • Goulebenèze a écrit : :

    Sans dévier la conversation, je suis preneur de toutes vos réflexions sur le Mauvais Larron, je cherche depuis si longtemps !

    Le Christ a dit au bon larron : « aujourd’hui même tu seras avec moi au Paradis ». Au mauvais larron, il n’a rien dit, et surtout pas : « aujourd’hui même tu seras en enfer ».

  • @ Yogui:

    Le « péché originel » pose des problèmes depuis bien longtemps. L’élaboration théologique d’Augustin sur ce thème, pour vénérable qu’elle soit, n’est pas la seule et fait partie des éléments de doctrine catholique sur lesquels la discussion est vivante.

    Il est impossible de « dater » le péché originel à l’intérieur du récit de l’histoire de l’Univers reconstituée par l’humanité. Cela aboutirait à des paradoxes évidents : pour qu’il y ait péché, il faut des hommes (spéciation il y a à la grosse 6 millions d’années) dotés d’une responsabilité morale, donc d’une conscience verbalisée ; le langage est apparu au plus tôt il y a 200 000 ans. En tout état de cause, il est évident que l’extrême violence qui marque l’évolution du vivant, en contraste avec la paix du Jardin d’Eden, prédate de beaucoup l’apparition de l’homme telle qu’elle s’inscrit dans la théorie de l’évolution.

    Faut-il alors rejoindre les fondamentalistes et nier en bloc la théorie de l’évolution ? Pas nécessairement. Il y a une première voie qui insiste d’abord sur le caractère « symbolique » du récit de la Genèse et se désintéresse au fond de toute tentative de relier le récit scientifique avec les « paraboles » de la Bible.

    On peut aussi réfléchir aux conditions d’élaboration du récit scientifique. Il dépend des théories scientifiques actuelles et des observations factuelles disponibles aujourd’hui. Il est élaboré par des hommes, la « science » est une abstraction. Si péché il y a eu, ce récit est élaboré par des hommes marqués par le péché, dans un univers marqué par le péché. Il n’est alors pas absurde de penser que l’homme n’est plus en mesure de reconstituer la « transition », qui vue de sa position actuelle de pécheur ne peut lui apparaître que comme mystérieuse.

    Imaginons un groupe de randonneurs sur un sentier de montagne dans un paysage magnifique. Subitement, du fait du « péché », tous deviennent aveugles. Le monde devient très menaçant, le sentier magnifique devient un sentier périlleux, etc. Le temps passe et leurs descendants, tous aveugles de génération en génération, développent une science qui est bien incapable de reconstituer le monde tel qu’il apparaîtrait à des êtres doués de la vue. Seule une « révélation » peut leur faire espérer, en termes qui dépassent les descriptions accessibles à une communauté d’aveugles de naissance, que leur état présent n’est pas inéluctable.

    C’est une métaphore, avec toutes les limites de l’exercice. Elle essaie de faire sentir que le péché originel est un péché à l’origine, qui marque l’ensemble de l’univers, ou peut-être plutôt l’ensemble de la relation de l’humanité à l’univers. Nous n’avons pas accès à une position où il nous serait possible de comparer « scientifiquement » l’univers « avant » péché avec l’univers « après » péché. L’univers dont l’histoire est reconstituée par les scientifiques est l’univers dont la relation à l’homme est marqué par le péché, y compris dans notre expérience du temps et de l’espace. Seule une révélation peut nous dire quelque chose sur le plan d’origine de Dieu, si ce dernier existe. Cela n’oblige pas à croire à une quelconque révélation, bien sûr.

  • Aristote a écrit : :

    Si péché il y a eu, ce récit est élaboré par des hommes marqués par le péché, dans un univers marqué par le péché. Il n’est alors pas absurde de penser que l’homme n’est plus en mesure de reconstituer la « transition », qui vue de sa position actuelle de pécheur ne peut lui apparaître que comme mystérieuse.

    C’est étonnant, depuis le début de la conversation avec Yogui, tout vos commentaires frôlent la théorie de René Girard:
    la lecture des mythes, leur histoire « naturelle » et l’orientation particulière des mythes de l’AT par rapport aux mythes voisins, et spécialement cette dernière réflexion que je cite ci-dessus.

    Cependant, vous n’y entrez jamais. Comme j’ai du mal à croire que vous ne connaissiez pas cet auteur, je me demande pourquoi vous ne vous en servez pas. En l’état actuel de ma science (qui n’est pas très grande, je le reconnais), je n’ai jamais rien lu d’aussi convaincant.

    Par exemple, sa théorie explique la transition de l’animal à l’homme par le meurtre fondateur qui est aussi le péché originel ainsi que l’aveuglement des hommes à leur état peccamineux jusqu’à la révélation c’est-à-dire l’annonce des prophètes et les préfigurations christiques (Abel, Isaac, Joseph, la fille de Jephté…) jusqu’à la croix, dénonciation ultime du stratagème sacrificiel.

    Je me demande donc si vous avez des réticences vis-à-vis de Girard vous obligeant à réserver les explications que produit la théorie qu’il a élaborée.

  • Yogui a écrit : :

    Oui enfin si Dieu a créé l’humanité en connaissant ses choix à l’avance, les faire assumer à l’humanité alors que Dieu lui même les a « validés » en la créant me paraît exagéré.
    Quant à ma distinction entre Messie et Dieu Créateur, c’était pour souligner l’aspect « incarné », « fait homme » du Messie, qui l’amène, pendant ce passage sur terre, à se comporter plus comme un homme que comme quelqu’un capable de créer un univers entier en quelques jours.

    Dieu ne valide aucun choix par son acte de création : il assume sa création, y compris la créature faite à sa ressemblance, raisonnable, capable de faire des choix de son propre chef, bons ou mauvais – ce qui me semble la juste contre-partie à une existence pour laquelle je n’ai rien demandé (et pour cause). Il me semble que ce projet est parfaitement dans l’intérêt de l’homme, qui préfère, sauf privation de ses facultés, être que de ne pas être. Et donc, ne pas être sous le prétexte que l’homme fait parfois des mauvais choix, cela serait désolant.

    Il me semble aussi raisonnable de penser un Dieu essentiellement bon. Donc, il ne peut pas (du point de vue de sa volonté) ne pas créer. Pour prendre une analogie assez faible, quand un père & une mère donnent la vie, ils le font sachant parfaitement que leur enfant aura à subir les épreuves de la vie, dont celle de la maladie, de la souffrance, et de la mort (mais aussi la joie, les copains, la bière, le boudin alsacien grillé aux pommes, Plus Belle La Vie etc.). Les parents ne le souhaitent pas, mais ils savent que l’expérience du mal est inévitable. Est-ce une raison suffisante pour ne pas donner la vie ?

    Comment Dieu, le Père, assume-t-il ? En nous envoyant son Fils bien aimé. Que fait son Fils, réputé à la fois vrai homme et vrai Dieu par l’Eglise ? Il fait, par sa passion, qu’il n’a pas voulu mais qu’il a subi à cause des hommes, toute chose nouvelle. Et, nous dévoilant le vrai visage de Dieu, il sauve l’homme de toutes les impasses / idoles qu’il créé. C’est là la merveille, à peine croyable, de Pâque.

    Voilà à mon avis, grossièrement et incomplètement, comment on pourrait rendre compte de la problématique de l’omniscience de Dieu. La clé est sans doute de ne pas projeter sur Dieu la condition (l’espace, le temps, la connaissance limitée) de l’homme. Encore une fois l’omniscience ne signifie pas l’absence d’autonomie.

    @Goulebenèze : vous cherchez quoi précisément 🙂 ? Sonder les reins et les coeurs, c’est une prérogative de Dieu il me semble.

  • @ Raoul:

    J’ai lu à peu près tout Girard et je trouve son travail passionnant. Je pense cependant qu’il faut rester prudent et ne pas faire « dépendre » la révélation d’une thèse anthropologique, aussi séduisante que puisse apparaître cette dernière. Girard est le premier d’accord.

    Mes commentaires sont donc compatibles avec les thèses de Girard, mais ils n’en dépendent pas.

  • @ Aristote:
    Oui, bien sûr! Moi aussi j’ai lu tout Girard. Le problème, c’est que j’ai surtout lu Girard, et j’ai été sans doute trop séduit et je suis trop enthousiaste…

    Je trouve, néanmoins, qu’il y a une prudence excessive qui s’est développée autour de cet auteur, les uns parce qu’ils ne savent pas le contredire, les autres par modération personnelle toute chrétienne. Ce qui fait que tout le monde s’en sert et que personne n’en discute. Il me semble cependant, après lecture de « Achever Clausewitz », que Girard tout d’accord qu’il soit avec « ne pas faire dépendre la révélation d’une thèse anthropologique » manifeste quelque contrariété à ce que son oeuvre soit si peu utilisé dans les milieux chrétiens et se fait aussi « prophète » d’une certaine urgence.

    Vous, je ne sais pas, mais, moi, ça m’a foutu un peu la trouille, bien plus que la perspective de l’effondrement de nos institutions à la suite des politiques socialistes que les libéraux dénoncent et qui ne sont, au final, qu’un point parmi tout ce qu’il entrevoit.

    Ceci n’a que peu de rapport avec le billet ( j’en demande pardon à Koz) et peut vous paraître bizarre, ou à côté de la plaque, mais je tenais à vous en faire la remarque parce que, j’apprécie beaucoup vos commentaires et suis toujours un peu frustré, quand, dans une discussion comme celle qui précède, je sens que vous bridez volontairement vos capacités d’explications… Vous me direz : »Vous n’avez qu’à le faire vous-même! » et je vous répondrai que j’essaie mais, qu’à la fin, je ne publie pas mon commentaire…

    Bref, vous êtes mon champion!

  • Yogui a écrit :

    Désolé si je n’ai pas été clair. Damien et moi cherchons ici une image qui
    puisse représenter la théorie généralement (pardon) admise que Dieu est « hors
    du temps » et « embrasse d’un seul regard et tout ensemble passé, présent et
    avenir ». Dans ce cas Dieu connaît de tout temps le contenu du film, « avant
    même » d’avoir créé Adam. Et ne soyez pas surpris par d’éventuels paradoxes :
    on parle ici d’une vision où le temps n’existe pas.

    Oh j’avais bien compris, faire rentrer le temps dans l’éternité, ou l’inverse,
    cela ne doit pas être si facile. On est de tout coeur avec vous !
    Plusieurs l’expliquent remarquablement bien ici, dans un bel effort de clarification,
    et disent tous la même chose, selon leurs styles.

    J’aimerais par contre que vous développiez votre point de vue : Dieu a-t-il
    connaissance du futur du monde ? Car j’ai du mal à lire le d’Aquin dans le
    texte.

    Je fatigue, mais je vais essayer : s’il peut avoir connaissance du futur (je n’en sais rien, je ne suis pas à sa place), pour que je reste une créature libre, il doit ne pas prendre connaissance de ce futur particulier qui me concerne.
    La toute-puissance n’oblige pas à tout faire, être tout-puissant, c’est aussi le fait de ne pas faire. Enfin, c’est dit à la rapide, là.

    Mais surtout, Thomas d’Aquin pensait – par exemple – que Adam et Eve avaient
    vraiment existé, et basait son analyse du péché originel sur cette thèse.
    Alors sur quels sujets faut-il le suivre et sur quels sujets est-il à
    abandonner ?

    Si vous êtes catholique, vous pouvez le suivre sur cet exemple ;
    si non, vous pouvez le suivre ou l’abandonner selon vos pré-supposés, cela n’a pas d’importance.

    La recherche scientifique n’a pas encore tranché entre les hypothèses polygéniste ou monogéniste
    (l’humanité descend t-elle de plusieurs individus apparus à différents endroits, ou d’un seul couple ?).
    Des arguments pertinents existent pour appuyer autant l’une que l’autre hypothèse, et ils évoluent sans cesse.

    Mais le problème n’est pas là : ce n’est pas à la science de dire ce qu’est l’humanitude ; dans
    notre culture, c’est la Révélation qui s’en charge. Elle dit qu’une unité réside dans le genre humain,
    qu’une solidarité naturelle lie les hommes entre eux. C’est le sens du couple originel, duquel nous
    descendons.

    Le péché du même nom est l’envers de ce caractère positif d’unité et de solidarité du genre humain.

    Cette doctrine est difficile à imaginer et à accepter ; mais contrairement à d’autres, elle ne justifie pas
    le racisme et quelques autres dérives, c’est déjà pas mal, non ?

  • Ce qui est primordial, dans le travail sur le péché originel, comme dans la théologie en général, est d’éviter tout concordisme : quand bien même nous aurions la preuve scientifique du monogénisme, rien nous dit que l’auteur du deuxième récit de la création dans la genèse pensait à un couple préhistorique dont il ignorait l’existence. Au contraire. Cela est libérateur quand on parle de ce sujet.

  • Decidement il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Je dis exactement la meme chose que vous Yogui, un fait infinitesimal peut avoir une consequence macroscopique. Je l’espere meme de tout coeur puisque c’est le seul espoir qu’un libre arbitre existe.

    Mais l’hypothese materialiste est beaucoup plus lourde que cela : au mieux, ce fait infinitesimal qui rend la decision imprevisible est un hasard. Il est parfaitement fondé de dire que, dans cette hypothèse, le phénomène quantique qui perturbe la décision finale n’a aucune « comprehension » de la situation synthetique globale vis-à-vis de laquelle la personne doit se prononcer.

    Pretendez-vous que le fait infinitesimal (une particule dans un neurone qui part à gauche plutôt que de partir à droite mettons) engendrant la consequence macroscopique a une « conscience » des caracteristiques de la situation de choix considérée (« une vieille femme vient de se vautrer devant vous dans la rue, allez-vous rire ou la plaindre et la relever » par exemple)? Au mieux, donc, pour un materialiste, le choix d’une personne est le fruit du hasard.

  • J’ai toujours ressenti le péché originel comme le pendant du sacrement de reconciliation à l’autre extremité. Le second, c’est : « rien n’est perdu, aussi bas penses-tu etre tombé, tu peux remonter la pente, alors accroche-toi et regarde vers le haut plutot que de desesperer ». Le premier, c’est :  » Nul n’est parfait, meme pas toi, alors laisse la couronne de laurier que tu te tressais et mets-toi au boulot pour t’ameliorer ».

    Le péché originel, c’est presque une evidence. Statistiquement, face à tous les choix que l’on fait dans une vie, quelle est la probabilité qu’ils soient tous exactement conformes à une proximité totale avec Dieu et au service de l’autre sans aucune réserve? Dans ce sens, le péché originel devient la contrepartie inevitable de la liberté.

  • Jib a écrit : :

    Ce qui est primordial, dans le travail sur le péché originel, comme dans la théologie en général, est d’éviter tout concordisme

    Tout à fait d’accord. Sans compter que les théories scientifiques ayant la, bonne, habitude de progresser, le concordisme d’hier devient le boulet de demain !

    Cela ne doit pas empêcher une réflexion visant s’assurer qu’il n’y a pas de contradiction entre une démarche scientifique consciente de ses limites et une démarche de foi consciente de son domaine propre.

  • Damien a écrit : :

    l’implication logique ne peut être confondu avec l’implication causale. [ ] Pourquoi la causalité disparaitrait-elle avec l’extraction du temps ?

    Il me semble que pour un être omniscient hors du temps toutes les relations de causalité se traduisent par des implications « statiques », à l’image du « A implique B » mathématique. Pour un Dieu hors du temps qui « crée tout », tout le réseau des implications logiques se déploie d’un coup sous ses yeux, même si nous qui sommes dans ce filet devrons en parcourir les mailles temporelles pour voir les implications logiques se matérialiser en liens de causalité, du début à la fin de l’Histoire. Dieu, créant ce réseau, me paraît donc être « à l’origine de tout ».

    Aristote a écrit : :

    C’est une métaphore, avec toutes les limites de l’exercice. Elle essaie de faire sentir que le péché originel est un péché à l’origine, qui marque l’ensemble de l’univers, ou peut-être plutôt l’ensemble de la relation de l’humanité à l’univers.

    C’est bien pourquoi j’ai le sentiment que le Créateur ne peut se dédouaner si facilement du péché et en rejeter la faute sur l’homme. A vous lire l’humanité paraît intrinsèquement marquée par le péché, et soutenir que cela aurait échappé à un Dieu omniscient semble délicat.

    Le message comme quoi l’humanité a délibérément choisi le péché n’est-il pas un message fondamental ? Et pourtant je ne vois pas trace du où ni du comment. Maintenant si vous me dites que c’est justement parce que je suis pécheur que je ne peux pas comprendre, le débat est effectivement clos mais j’ai juste le sentiment de m’être fait enfumer.

    Raoul a écrit : :

    Par exemple, sa théorie explique la transition de l’animal à l’homme par le meurtre fondateur qui est aussi le péché originel ainsi que l’aveuglement des hommes à leur état peccamineux jusqu’à la révélation

    Des thèses qui posent des distinctions trop nettes entre l’homme et l’animal (surtout en s’appuyant sur le meurtre 🙂 ) me semblent trompeuses et tout à fait nuisibles à une compréhension véritable de notre nature, et du monde.

  • Serge a écrit : :

    pour que je reste une créature libre, il doit ne pas prendre connaissance de ce futur particulier qui me concerne.

    Donc de fait, volontairement ou non, il ne connaît pas le futur. Vous voyez que vous pouvez arriver à vous exprimer clairement 🙂 Je mesure mal les implications doctrinales de cette ignorance – volontaire – divine mais elle me semble assez peu répandue. Visiblement « ceux qui perçoivent mieux que les autres » ont encore pas mal de boulot pédagogique à fournir 😉

    Mais le problème n’est pas là : ce n’est pas à la science de dire ce qu’est l’humanitude ; dans notre culture, c’est la Révélation qui s’en charge. Elle dit qu’une unité réside dans le genre humain, qu’une solidarité naturelle lie les hommes entre eux. C’est le sens du couple originel, duquel nous descendons.

    Je n’ai pas connaissance de la moindre théorie scientifique qui prétendrait que humanité descende d’un seul couple, tout au contraire, mais le problème n’est en effet pas que là.

    La science donne, à mon avis, d’excellentes explications sur l’unité du genre humain, sur sa solidarité naturelle, ainsi que sur l’agressivité (« le mal », pour simplifier) et bien d’autres sujets, le tout en cohérence avec l’observation. On peut alors me semble-t-il se demander pourquoi cet instrument de connaissance donné aux hommes va toujours à l’encontre de la Révélation ; même si j’entends le caractère symbolique de celle-ci, faire en sorte qu’elle soit toujours contredite ou non corroborée par les faits me paraît une mise à l’épreuve inutile de la foi (ceci étant dit de mon point de vue de pécheur, j’ai bien suivi Aristote).

    oim a écrit : :

    au mieux, ce fait infinitesimal qui rend la decision imprevisible est un hasard.

    Non. Un système chaotique est parfaitement déterministe et parfaitement imprévisible. N’en avons-nous pas déjà débattu ?

    Dans ce sens, le péché originel devient la contrepartie inevitable de la liberté.

    Alors pourquoi Dieu ne dit-il pas « je t’ai créé pécheur » ?

  • Je me permet de corriger le propos de oim: il ne manque qu’un mot, pour que son affirmation soit en accord avec la foi chrétienne, mais ce mot change tout. « la possibilité du péché est la contrepartie inévitable de la liberté ». Omettre qu’il s’agit d’une possibilité, et considérer que l’existence du péché est inhérent à la liberté est tout a fait équivalent à dire que Dieu crée l’homme pécheur, puisque libre. Mais nous affirmons bien au contraire, que Dieu crée l’homme libre, donc capable du péché.

    On rejoint ici le débat sur l’existence de l’Enfer. Ce dernier est une nécessité logique consécutive à la possibilité de rejeter le Créateur. Quant à savoir s’il y a quelqu’un dedans, personne ne peur le dire. De même, le fait que l’homme puisse être pécheur est la conséquence logique de notre liberté. Et par la suite, nous pouvons assez facilement constater que nous le sommes. Et c’est d’ailleurs la seule chose que l’on puisse dire de certain à son sujet. Il est là, c’est un constat; pourquoi est-il là, difficile à dire. Et seule la foi nous permettra de dire qu’il ‘aura pas le dernier mot.

    @ Serge: mes commentaire précédents avais justement pour but de montrer que Dieu peut très bien connaitre mon futur (et pas que le mien, celui de toute chose), sans que cela restreigne ma liberté. Penser l’ignorance d’un être omniscient, me semble, comme le fait justement remarquer Yogi, assez contradictoire (à l’inverse d’un Dieu omnipotent qui préfère ne pas agir)

    @Yogi: Votre développement sur la transformation des relations causales en implications logiques, est intéressant mais ne me convainc pas. Premièrement, parce que vous ne démontrez rien (ce qui justifie l’emploi prudent d’un vocabulaire non affirmatif) et secondement parce qu’il contient une erreur fondamentale: vous prétendez que la nature d’une relation change selon les qualités de l’observateur. Or les choses sont, elles ont une nature unique, qui ne peut pas dépendre d’un observateur. Les apparences peuvent changer selon l’observateur, mais jamais l’essence. Je me propose ici d’en faire la démonstration par l’absurde:

    Supposons qu’un lien de causalité soit un lien d’implication pour un être intemporel. Soit A un être intemporel.

    A crée B. B trouve donc sa cause en A. Si je me pose la question, <>, je réponds: <>. D’après la propriété supposée, A implique B. Le lien de causalité de A vers B se transforme en lien d’implication. Dire << A existe>> implique de dire <>

    Dés lors, je peux dire que l’existence de B est une nécessité, puisqu’elle résulte de l’existence de A. Si B est une nécessité, il n’est pas une création. En effet, la création est un acte contingent, libre, non nécessaire (et non pas une émanation).

    La propriété est donc fausse.

    Pour terminer, c’est un peu hors sujet, mais dire qu’un système chaotique est déterministe et imprévisible, n’est pas valable en physique quantique (vous en avez peut-être déjà discuter et je ne voudrais pas relancer le débat). S’il existe à nos yeux un hasard dû à un manque d’information, une incapacité de mesure (mesurer toutes conditions initiales d’une pièce lancée en l’air par exemple), la physique quantique montre qu’il existe aussi une indétermination fondamentale qui est une impossibilité théorique et non une incapacité pratique. Le principe d’Heisenberg exprime cela. On ne peut pas connaitre l’état exact d’une particule quantique. Une particule quantique est non-déterministe et seule une mesure permet de connaitre (en partie), son état. Après, le neurone est-il une particule quantique, je ne sais pas.

  • Damien a écrit : :

    Si B est une nécessité, il n’est pas une création.

    En effet, mais selon moi c’est parce que dans un monde «intemporel» il n’y a pas de changement et donc il ne peut y avoir de création. Dans cet espace A et B coexistent « de tout temps ». Dans ce contexte, la «nature» (intemporelle) de la relation est bien une implication logique, même si elle se révèle à nos yeux sous la forme d’une relation temporelle, d’apparence causale.

    Après, le neurone est-il une particule quantique, je ne sais pas.

    Je crois que la frontière entre monde quantique et monde macoscopique est trop mal comprise aujourd’hui pour bâtir des hypothèses à ce sujet. De plus, faire appel à la mécanique quantique ne me paraît pas nécessaire pour mettre en évidence des comportements non aléatoires mais imprévisibles (sauf pour Dieu, qui est nécessairement une entité supramathématique ;-)), ce qui était la question.

  • Merci Yogui, dans l’hypothese materialiste donc, meme en supposant qu’il existe une decision resultant d’un systeme chaotique, il n’y aurait pas de liberté, CQFD! Je vous confirme que nous n’avions jamais ete aussi loin dans la confirmation de mes conclusions.

    Je vais etre sympa avec vous et reprendre Damien : dans le processus de decision, on peut esperer que 1 il s’agit d’un processus chaotique, 2 un élément quantique entre dans ce processus. Le « hasard » ne vient donc pas du cote chaotique, mais du cote quantique.

    Damien, je suis bien d’accord avec vous, ce n’est pas le neurone qui est quantique, mais une simple particule dans un neurone ou à l’interface entre deux neurones.

    Concernant le péché, le « presque » et le « statistiquement » de ma phrase initiale nous mettent sur la meme longueur d’onde. Neanmoins il me parait clair qu’aucun homme ne sera jamais parfait et je serais tout à fait pret a assumer que nous soyons condamnés au péché si c’etait le prix de la liberté. Je pense que ce serait un moindre mal.

  • @ oim: Vous semblez ne pas comprendre les phénomènes chaotiques. Formons l’audacieuse hypothèse que votre cerveau comprenne trois neurones, en interaction, obéissant à des lois matérialistes et déterministes, à l’image des «trois corps» de Poincaré. Le résultat de cette interaction est imprévisible. Nous appellerons cette interaction «réflexion», et nous appellerons le résultat, imprévisible, «libre arbitre». Nul hasard, et nulle incertitude quantique là dedans.

  • @ Yogui:

    « Il est des choses qui les dépassent et c’est parce qu’elles les dépassent qu’elles les unissent. »

    Cette phrase, je lai entendue à la radio et elle m’a plu.

    Votre argumentation et celle de vos contradicteurs m’intéressent également , mais plus je vous lis, plus je pense que la foi des hommes ne peut s’analyser uniquement sous l’éclairage de la raison.

  • Yogui a écrit : :

    C’est bien pourquoi j’ai le sentiment que le Créateur ne peut se dédouaner si facilement du péché et en rejeter la faute sur l’homme.

    Mais le Créateur ne rejette pas simplement la faute sur l’homme. Le texte biblique est très prudent en terme d’assignation de la responsabilité. Adam et Ève sont présentés comme à la fois victimes du mal (ils sont tentés/trompés par le serpent) et consentants à ce mal. La leçon biblique est en fait négative : Dieu n’est en rien à l’origine du mal et il combat le mal parce que le mal fait mal à l’homme et non pas par vengeance personnelle. De ce côté-ci du péché, l’origine du mal reste pour nous quelque part un mystère. Mon intuition est que si Dieu a choisi de ne pas révéler plus avant la source du mal, c’est que la vérité pleine et entière sur le mal nous serait insupportable. C’est seulement quand ressuscités nous vivrons l’évidence de l’infini de la miséricorde divine que nous pourrons faire face à la vérité.

    Mais un texte dans le registre de la parabole qui dit que Dieu n’est pas à l’origine du mal et qu’il le combat, c’est quand même un peu léger comme réponse. Pour le chrétien, ce qui rend cette réponse crédible, c’est la vie du Christ, et plus particulièrement sa Passion. Vie entièrement donnée, sans l’ombre d’un mensonge ou d’une préoccupation égoïste. Même sur la Croix, il ne se soucie pas de lui, mais des autres, y compris ses bourreaux, et de l’Autre. Le mal, il en a assumé toutes les conséquences sans jamais y consentir, il en sort vainqueur, c’est la Résurrection.

    Yogui a écrit : :

    La science donne, à mon avis, d’excellentes explications sur l’unité du genre humain, sur sa solidarité naturelle, ainsi que sur l’agressivité (« le mal », pour simplifier) et bien d’autres sujets, le tout en cohérence avec l’observation.

    Je suis assez d’accord, sauf sur « le mal » pour simplifier. Mon agressivité naturelle (et j’ai le caractère assez vif) n’est pas le mal. Le mal, c’est d’y consentir, ce qui m’arrive trop souvent. Prenons un autre registre. La science explique assez bien l’existence chez beaucoup de femmes d’un « instinct maternel », qui aide quand même à la survie de ses descendants, donc de son pool génétique, etc. Je suis une mère de famille diplômée en biologie de l’évolution et je comprends bien cette logique. Ce week-end, je suis tiraillée entre l’idée de m’occuper de mes trois enfants ou de partir en week-end avec des amis. J’aurais du remords, je le sais, mais enfin je sais que son origine est la logique de l’évolution (biologique ou sociobiologique ou socioculturelle, ici cela ne joue pas) et après tout, le futur de mon pool génétique, je n’ai rien à en faire. Je fais quoi ? Je m’occupe de mes enfants ou je parts en week-end ?

    La prise de conscience de l’origine évolutionniste de beaucoup des instincts, positifs ou négatifs, qui me tiraillent (la biologie des passions pour faire simple) m’oblige en fait à assumer de façon plus réfléchie des décisions d’ordre moral et irréductibles à un déterminisme biologique.

    Vous pouvez bien sûr tenir que ces décisions seront in fine le fait d’histoires chaotiques survenant dans mon cerveau, mais là vous êtes à votre tour dans l’acte de foi, ne serait-ce que parce que votre position intellectuelle ne peut alors prétendre échapper au chaos neuronal, et ne peut donc avoir aucune prétention à être vraie. La science, encore une fois, c’est une abstraction, et les scientifiques ne peuvent prétendre échapper à leurs théories !

    Sur la distinction entre l’ordre des causes et l’ordre des raisons, j’en ai deux rayons dans ma bibliothèque. Je veux bien m’y mettre, mais on n’a pas fini. Il me semble cependant qu’on peut dire que rabattre les raisons sur les causes n’a rien d’une évidence !

  • Yogui a écrit : :

    La science donne, à mon avis, d’excellentes explications sur l’unité du genre humain, sur sa solidarité naturelle, ainsi que sur l’agressivité (« le mal », pour simplifier) et bien d’autres sujets, le tout en cohérence avec l’observation. On peut alors me semble-t-il se demander pourquoi cet instrument de connaissance donné aux hommes va toujours à l’encontre de la Révélation ; Alors pourquoi Dieu ne dit-il pas « je t’ai créé pécheur » ?

    Vous avez là une foi dans la science qui confine à la naïveté – comme si la science ne s’était jamais trompée, ne se trompe jamais, et n’avait jamais changé de paradigme. Il me semble que dans l’histoire de la science, les dogmes scientiques ont radicalement changé beaucoup plus souvent que les dogmes catholiques, et pas seulement dans leur formulation. La science change, la foi reste 🙂

    Ensuite la science honnête et probe (c-à-d consciente de ses limites) n’enlève rien à la Révélation et aux questions existentialistes que l’homme se pose depuis qu’il est sur terre. Et la science au contraire épaule bien la Révélation, soit de façon pratique avec l’archéologie, l’Histoire etc (qui peut encore douter de l’existence du Jésus historique des évangiles ?) – soit dans le domaine intellectuel en nous aidant à purifier notre compréhension des textes bibliques – en nous débarrassant de l’écueil des historicismes par ex. Ainsi la connaissance de la culture de l’oralité des peuples sémitiques à l’époque de Jésus est extrêment fructueuse.

    Opposer la science à la Révélation relève d’une aberration intellectuelle ou d’une idiosyncrasie ou d’une ignorance qu’on aurait espéré éradiqué en ce début de XXI°.

    ( Dieu ne dit pas : « je t’ai créé pécheur » simplement parce que le dire serait un mensonge éhonté de sa part. Il dit « je t’ai créé libre ». Mais c’est vrai que la possibilité d’avoir à assumer ses actes est plutôt insupportable de nos jours).

  • Yogui a écrit :

    Je n’ai pas connaissance de la moindre théorie scientifique qui prétendrait que humanité descende d’un seul couple, tout au contraire…

    Mais je n’ai pas parlé de « théorie scientifique qui prétende » : j’ai parlé de l’existence d’hypothèses argumentées. Pourquoi faites-vous ce glissement ?

    Je mesure mal les implications doctrinales de cette ignorance – volontaire –
    divine mais elle me semble assez peu répandue.

    Vous mesurez mal et il vous semble, c’est très intéressant, mais pouvez-vous me fournir une explication qui s’appuie sur des éléments plus tangibles ? Car je me suis risqué, moi, à donner des raisons, auxquelles vous n’opposez que des doutes : il m’en faut plus.

    Damien a écrit :

    @ Serge: mes commentaire précédents avaient justement pour but de montrer que
    Dieu peut très bien connaitre mon futur (et pas que le mien, celui de toute chose), sans que cela restreigne ma liberté.

    J’apprécie beaucoup vos commentaires, leur justesse et la façon dont vous imagez des notions difficilement saisissables, comme la flèche du temps et une pellicule de cinéma vue dans le temps, ou par un regard global.
    Je suis d’accord avec vous et je cherche à comprendre avec des guides sûrs (Maritain, Journet, Varillon, Zundel, Garrigues…) ces notions, car elles sont précieuses pour affiner l’intelligence de la foi.

    Penser l’ignorance d’un être omniscient, me semble, comme le fait justement remarquer Yogi, assez contradictoire

    Oui, cela peut sembler contradictoire ; et vous avez aussi remarqué plus haut que penser l’omniscience de Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu, n’allait pas de soi.

    Pour ne pas utiliser des tournures de phrases qui mélangent inévitablement le temps et « l ‘hors du temps » (comme nous l’avons fait tous les deux : moi dans mon précédent message: « il doit ne pas prendre connaissance de ce futur particulier qui me concerne » et votre remarque « Dieu peut très bien connaitre le futur »), je préfère une tournure de phrase où Dieu connaît nos actes au présent, où notre liberté est connue au moment où nous la posons en actes, dans l’éternité de Dieu.

    Ceci évite qu’une vision mal comprise de l’omniscience, qui subsiste dans nos psychismes, blessés par le péché,
    -même pour des croyants- ne nous entraîne vers des images d’un Dieu qui pourrait être complice, d’une façon ou d’une autre, d’un destin, car ayant sous les yeux la totalité du « film », passé et futur.

    Yogui nous en donne l’exemple, en ne pouvant pas accéder à une notion d’un Dieu qui soit innocent ; mais nous mêmes, nous n’en sommes pas totalement guéris non plus.

    Je préfère penser cette omniscience comme la réception au présent par Dieu de notre actes libres comme réponse à son amour, dans un tressaillement de joie si elle culmine dans la communion, ou comme un stupéfiant coup au coeur dans le cas contraire.
    L’omniscience divine se révèle alors comme la providence de l’Éternel, qui accompagne notre liberté
    au moment même où nous posons nos actes. Notre futur ne serait connu par Dieu que dans le moment réel où il deviendrait le présent de notre liberté.

    Cette façon de dire est beaucoup plus libératrice et dynamique pour nous (par rapport à un Dieu qui voit tout d’un seul regard, mais d’où nous avons encore du mal à extraire toute trace de temps), car elle nous invite à vivre le moment présent avec toute la profondeur et la joie créatrice ont nous sommes capables : l’éternité est là, Dieu nous y rejoint, en co-naissant tout maintenant.

    Aristote et CourtLaïus font des remarques très pertinentes sur la science, mais je n’ai plus de temps ^^

  • @Serge: Nous sommes effectivement d’accord et notre différence ne réside que dans le fait que vous exprimiez le choses du point de vue d’un observateur temporel, et moi de celui d’un observateur hors du temps. Mais quelque soit le point de vue, il est effectivement très difficile de s’extraire d’une pensée temporelle et encore plus de penser l’interaction entre monde temporel et monde intemporel.

    @Yogi: a force d’itération, nous allons finir par arriver à la racine de nos désaccords. Pour vous, une création (divine) ne peut exister. Ainsi, l’univers, qui existe, est éternel. Si ce n’est pas le cas, il faudra expliquer comment il est apparu et comment il disparaitra. Penser l’univers comme une création c’est d’ailleurs toute l’originalité du peuple juif, alors que toute la pensée des cultures environnantes pensent que l’univers est éternel. Vous avez tout à fait le droit de le penser, mais cela reste une croyance invérifiable.

    Pour choisir, il faudra se contenter d’indices, qui sont toujours réfutables. Si je m’appuie sur notre capacité à déterminer l’instant zéro de notre univers, on me répondra qu’il ne s’agit que du monde tel que nous le connaissons et qu’il y avait peut-être un autre monde auparavant. Si je vous parle du second principe de la thermodynamique qui implique que l’évolution de l’univers est irréversible, que la qualité de l’énergie diminue inexorablement et qu’ultimement, l’énergie de l’univers sera répartie de façon homogène à toutes les échelles (ce qu’on appelle la mort thermique de l’univers) vous me direz que l’univers continuera d’exister, même dans cet état immobile et immuable. Je ne peux donc affirmer qu’il y a un début et une fin de l’univers, mais nous sommes obligés de constater que le penser éternel, alors que son évolution est irréversible est également précaire.

  • Aristote a écrit : :

    De ce côté-ci du péché, l’origine du mal reste pour nous quelque part un mystère. Mon intuition est que si Dieu a choisi de ne pas révéler plus avant la source du mal, c’est que la vérité pleine et entière sur le mal nous serait insupportable.

    Vous vous doutez que cet argument me laisse dubitatif. D’une part il me paraît « ad’hoc » et auto-réalisateur, et d’autre part il pourrait signifier que Dieu s’oppose à ce que l’homme exerce toutes ses facultés d’apprentissage et de compréhension.

    Je fais quoi ? Je m’occupe de mes enfants ou je pars en week-end ?

    Les réserves que vous semblez émettre sur les capacités morales des athées me paraissent le reflet des réserves parfois émises à l’encontre des croyants : faites vous le bien parce que c’est bien ou pour complaire à votre Dieu ?

    La science, encore une fois, c’est une abstraction, et les scientifiques ne peuvent prétendre échapper à leurs théories !

    La science pose le simple postulat qu’il existe une réalité tangible, extérieure, commune aux êtres humains, et que cette réalité est explorable (et je n’ai même pas dit « compréhensible »). C’est tout. Je vois mal comment faire plus dépouillé, et je vois mal quel niveau d’abstraction vous voudriez supprimer.

    Courtlaïus a écrit : :

    Vous avez là une foi dans la science qui confine à la naïveté – comme si la science ne s’était jamais trompée, ne se trompe jamais, et n’avait jamais changé de paradigme. Il me semble que dans l’histoire de la science, les dogmes scientiques ont radicalement changé beaucoup plus souvent que les dogmes catholiques, et pas seulement dans leur formulation. La science change, la foi reste 🙂

    La science établit des modèles de plus en plus précis, plus encore qu’elle ne change de paradigme. Mais elle change en effet, et la foi reste solidement ancrée dans la conception du monde établie par les bergers Moyen-Orientaux il y a deux mille ans 🙂

    Et la science au contraire épaule bien la Révélation, soit de façon pratique avec l’archéologie, l’Histoire etc [ ] Opposer la science à la Révélation relève d’une aberration intellectuelle ou d’une idiosyncrasie ou d’une ignorance qu’on aurait espéré éradiqué en ce début de XXI°.

    Il est curieux que vous citiez l’archéologie et l’histoire mais pas la biologie, l’astronomie, la psychologie, la sociologie, la paléontologie, etc … Science et Révélation cesseront de s’opposer le jour où la Révélation aura été épurée de toute allusion au monde réel, domaine dans lequel la science paraît plus éprouvée.

  • Serge a écrit : :

    Mais je n’ai pas parlé de « théorie scientifique qui prétende » : j’ai parlé de l’existence d’hypothèses argumentées. Pourquoi faites-vous ce glissement ?

    Je ne glisse pas, je m’élève. Une hypothèse se forme au sein d’une théorie, et comme je ne vois pas de théorie qui soutienne la thèse du couple fondateur, je doute de l’existence d’hypothèses en ce sens, d’autant qu’elles seraient contraires à l’essentiel de nos connaissances en génétique.

    A ce titre, vous pourrez parcourir cet article, rédigé par des biologistes évangéliques américains, qui listent trois conséquences directes qu’aurait l’hypothèse monogéniste sur le génome humain, et qui doivent constater qu’elles sont contredites par l’observation.

    Mais de même que vous avez finalement bien voulu, après mes suppliques, nous confier votre vision sur la connaissance que Dieu a du futur, pourriez-vous s’il vous plaît nous révéler les « arguments pertinents » en votre possession qui plaident pour un couple fondateur ?

    [Je mesure mal les implications doctrinales de cette ignorance – volontaire – divine mais elle me semble assez peu répandue.] Vous mesurez mal et il vous semble, c’est très intéressant, mais pouvez-vous me fournir une explication qui s’appuie sur des éléments plus tangibles ?

    Pardonnez mes termes atténués, ils visaient à maintenir une certaine courtoisie mais je conçois que vous ne soyez pas familier de ce concept.

    Pour vous répondre, votre thèse de l’aveuglement volontaire divin « me semble » peu répandue car par exemple 1) les autres intervenants sur ce fil font état d’un Dieu ayant une connaissance illimitée de ce qui est, fut et sera, 2) la Bible est riche de prophéties diverses soulignant la pleine connaissance divine du futur, et les lecteurs moins éclairés que vous tendent à prendre ces signes assez littéralement, au point que 3) même le Catéchisme de l’Eglise Catholique précise que « Dieu peut révéler l’avenir à ses prophètes ou à d’autres saints (2115) » et que les prophéties sont, tout ensemble avec les miracles du Christ et d’autres éléments, « des signes certains de la Révélation, adaptés à l’intelligence de tous. »

    Ensuite, j’en « mesure mal » les impacts, mais les premiers qui me viennent à l’esprit sont par exemple 1) comment Dieu peut-il avoir un dessein ou espérer l’accomplir s’il ignore le fil des décision humaines et le sort du monde ? 2) bon nombre de prières (guide-moi, éclaire-moi, …) perdent leur sens 3) la Providence ne peut s’exercer, de même qu’on ne peut conduire une voiture en regardant sous les roues avant 4) globalement il me semble (pardon) que l’on n’a plus un Dieu souverain mais un Dieu observateur des passions des hommes, et soumis à leur libre-arbitre.

    Damien a écrit : :

    Pour vous, une création (divine) ne peut exister. Ainsi, l’univers, qui existe, est éternel. Si ce n’est pas le cas, il faudra expliquer comment il est apparu et comment il disparaitra.

    Mon commentaire s’appuyait sur un Dieu « hors du temps » et sur les conséquences de ce postulat auquel je n’adhère pas.

    Ce que moi-même je pense de l’évolution de l’univers sort un peu du cadre de cette discussion ; on observera simplement que, dans une optique relativiste, vos remarques sur l’avenir de l’univers s’appliquent également à la dimension « temps » : quelle est la « durée de vie » d’un univers dont le temps se ralentit au fur et à mesure qu’il se dilate, je laisse cela à votre réflexion 🙂

  • Yogui a écrit : :

    (…)faites vous le bien parce que c’est bien ou pour complaire à votre Dieu ?

    Les deux mon général, et « toutes ces sortes de choses ».

    (…)La science pose le simple postulat qu’il existe une réalité tangible, extérieure, commune aux êtres humains, et que cette réalité est explorable (et je n’ai même pas dit « compréhensible »).

    Ce simple postulat n’est pas évident pour toute les civilisations, et si elle l’est pour nous occidentaux, c’est un peu grâce à ce peuple de berger orientaux qui, il y a deux mille ans, a postulé un monde créé, une distinction nette entre le Créateur et la créature, un rejet absolu des idoles, et donc proposa un monde dédivinisé, à l’abris des caprices divins, donc sujet d’étude pour l’homme (on rappellera que Socrate fut condamné à mort pour avoir tenter de « scruter ce qui se passe dans le ciel et sous la terre » – Apologie, 19b). En tout cas c’est le postulat de tous les théologiens et savants du Moyen-Âge qui se lanceront avec frénésie dans l’aventure de la science et de la raison.

    (…)et la foi reste solidement ancrée dans la conception du monde établie par les bergers Moyen-Orientaux il y a deux mille ans .

    Ben oui en qq sorte, si on parle d’un monde créé et d’un Dieu unique. Pour le reste, tout le contenu de la foi n’a pas été élaboré par ces mêmes bergers ; mais il n’y a qu’a lire les livres sapientaux pour se rendre compte au contraire du formidable apport spirituel et anthropologique de ce peuple apparemment très méprisable…

    En vrac : – Tu as tout réglé avec mesure, nombre et poids (Sagesse 11, 21).
    – Mais la Sagesse, d’où provient-elle ? où se trouve-t-elle, l’Intelligence ? (…) Lorsque Dieu voulut donner du poids au vent, jauger les eaux avec une mesure; quand il imposa une loi à la pluie, une route aux roulements du tonnerre, alors il la vit et l’évalua, il la pénétra et même la scruta (Job 28, 20).
    – Il a disposé dans l’ordre les merveilles de sa sagesse (Siracide 42,21).
    – Le Très-Haut a donné à l’homme le savoir pour être glorifié dans ses merveilles (Siracide 38, 6).
    – Le manque de science n’est bon pour personne (Proverbes 19.2).

    (…)Il est curieux que vous citiez l’archéologie et l’histoire mais pas la biologie, l’astronomie, la psychologie, la sociologie, la paléontologie, etc …

    Sociologie, psychologie… Toutes celles-là sont citées dans Fides&Ratio de JP II : lisez l’encyclique si vous voulez une idée de leur apport dans la compréhension de la Révélation. On pourrait citer l’astronomie ou la paléontogie en effet. So what ? Il faut parler du Big Bang ? Où de toutes les autres théories qui champignonnent comme moisissure dans une cave mal aérée, face à la catastrophique conclusion que le monde pourrait avoir un commencement ? Cela ne peut être, puisque ce fut l’intuition d’un peuple de bergers mal dégrossis du MO. Peut-il venir qqch de bon de ces contrées de pouilleux, je vous le demande ?

    Pour résumer : non l’omniscience ne s’oppose pas au libre arbitre, non la Révélation et la science ne s’opposent pas non plus- sauf pour ceux qui mésinterprètent l’objet de la science et/ou de la Révélation (cf st Augustin Epistula 143, n. 7; PL 33, 588). La science n’enlève pas un iota du Credo.

  • Yogui a écrit : :

    Les réserves que vous semblez émettre sur les capacités morales des athées

    Je n’émets aucune réserve. J’ai déjà dit sur ce blog et sur d’autres ma conviction qu’il était possible pour un athée d’avoir une vie morale. Je pensais qu’il était clair que ma petite fable défendait simplement la thèse suivante : la théorie de l’évolution peut rendre compte de l’existence de propensions au « bien », comme l’instinct maternel, ou au « mal », comme l’agressivité, mais n’explique pas la décision morale, consentir ou non au bien ou au mal, et paradoxalement, d’autant moins que l’auteur de la décision morale est au fait de l’origine évolutionniste des propensions au bien ou au mal.

    Yogui a écrit : :

    La science pose le simple postulat qu’il existe une réalité tangible, extérieure, commune aux êtres humains, et que cette réalité est explorable

    « La science » ne pose aucun postulat, et je ne vois pas comment elle pourrait ! Yogui, un scientifique, pose ce postulat, suite aux processus chaotiques qui se déroulent dans son cerveau. Son postulat vaut ce que vaut un processus chaotique, ni plus, ni moins. Pour qu’il vaille plus, il faut au moins une instance dont on puisse établir qu’elle ne peut être réduite à des processus chaotiques. La science, c’est-à-dire la communauté des scientifiques, ne vaut pas, car il est impossible de l’instancier ailleurs que dans les cerveaux de scientifiques.

  • Courtlaïus a écrit : :

    la Révélation et la science ne s’opposent pas non plus- sauf pour ceux qui mésinterprètent l’objet de la science et/ou de la Révélation (cf st Augustin Epistula 143, n. 7; PL 33, 588)

    Il a quand même fallu attendre le XIIIe siècle pour voir apparaître la méthode scientifique : il me paraît abusif s’en attribuer le mérite aux « bergers moyen-orientaux ». Par ailleurs je ne vois pas bien comment Saint Augustin pourrait nous éclairer utilement sur les rapports entre foi et science alors qu’il n’avait aucune idée de ce que serait une démarche expérimentale soumise à l’épreuve des faits, et que son seul souci était de trouver la vérité dans les Ecritures.

    Aristote a écrit : :

    la théorie de l’évolution [ ] n’explique pas la décision morale, consentir ou non au bien ou au mal, et paradoxalement, d’autant moins que l’auteur de la décision morale est au fait de l’origine évolutionniste des propensions au bien ou au mal.

    J’ai le sentiment que vous compliquez inutilement les choses. Quelle que soit l’origine que nous attribuons aux notions du bien et du mal, une fois ces notions intégrées à nos cartes mentales le choix se fait de la même manière pour tous : par une « pondération » mi consciente mi inconsciente de tous les avantages, inconvénients, satisfactions ou souffrances attendues, sous les influences du Ca, du Moi et du Surmoi comme aurait dit Freud. Et celui qui s’écarte du Bien trouvera toujours des excuses et justifications, l’athée mais aussi le croyant qui comptera sur la compréhension et le pardon du Seigneur.

    un scientifique, pose ce postulat, suite aux processus chaotiques qui se déroulent dans son cerveau. Son postulat vaut ce que vaut un processus chaotique, ni plus, ni moins. Pour qu’il vaille plus, il faut au moins une instance dont on puisse établir qu’elle ne peut être réduite à des processus chaotiques.

    Pourquoi cette vision réductrice ? Ce « processus chaotique » a été sélectionné et réglé par des millions d’années d’évolution pour sa capacité à analyser la réalité extérieure, en faire des modèles mentaux et des prévisions pertinentes. Cet héritage ne va d’ailleurs pas sans problèmes : difficultés avec l’infiniment grand et l’infiniment petit, avec le trop lent et le trop rapide, biais et préjugés divers, et aussi forte propension à imaginer des acteurs cachés et doués de volonté, derrière des phénomènes purement physiques et naturels.

    Ce processus chaotique n’est donc pas parfait mais il est l’homme, et nous n’en avons pas d’autre. Il conviendra donc bien pour développer la science, qui est l’esprit humain lancé à l’assaut du monde, et nul autre.

  • Yogui a écrit : :

    le choix se fait de la même manière pour tous : par une « pondération » mi consciente mi inconsciente de tous les avantages, inconvénients, satisfactions ou souffrances attendues, sous les influences du Ca, du Moi et du Surmoi comme aurait dit Freud.

    Vous êtes convaincu ? Et vous ironisez sur les textes bibliques ? Et la question revient, toujours là : comment puis-je à la fois prétendre « savoir » que mon choix se fait par une pondération mi-consciente mi-inconsciente (50/50, 40/60, 25/75,…?), etc., et prendre au sérieux la dimension morale de mon choix ?

    Yogui a écrit : :

    et des prévisions pertinentes

    Mais alors comment juger de cette pertinence, sinon à partir de ces mêmes processus chaotiques : vous êtes dans une boucle logique.

    Yogui, ne me la racontez pas, vous savez bien que le Graal des matérialistes, la naturalisation de l’esprit, est un programme philosophique et non une évidence scientifique, c’est le moins qu’on puisse dire. Les meilleurs auteurs de votre bord, comme les Churchland, Rorty, Dennett, (j’omets Dawkins qui vieillit mal, même si j’ai beaucoup appris avec the selfish gene, the blind watchmaker, climbing mount improbable, etc.) en sont très conscients. Rorty, décédé récemment, disait très librement qu’il fallait abandonner toute idée forte de la notion de vérité pour incompatibilité avec la thèse de la naturalité de l’esprit.

    Yogui a écrit : :

    et aussi forte propension à imaginer des acteurs cachés et doués de volonté, derrière des phénomènes purement physiques et naturel

    On pourrait tout aussi bien écrire : « …propension qui trouve son pendant dans l’obstination d’une sous-population à défendre un monisme matérialiste très réducteur, etc. « 

    En mai 2011, les paris restent ouverts sur la probabilité que le pool génétique de ceux qui imaginent des acteurs cachés, etc., l’emporte ou non sur le pool génétique des obstinés du réductionnisme.

    Question subsidiaire : quel que soit le pool génétique qui l’emporte, cela vaudrait-il preuve que ses opinions sont vraies ? Ou même plus adaptées ? À quel horizon de temps, selon quels critères « objectifs » ?

  • Fable : le lapin et le poisson et le rouge.

    Yogui a écrit : :

    Il a quand même fallu attendre le XIIIe siècle pour voir apparaître la méthode scientifique : il me paraît abusif s’en attribuer le mérite aux « bergers moyen-orientaux ».

    Vous ne lisez pas attentivement ce qu’on prend la peine et le temps d’écrire. Par ailleurs je ne crois pas à la génération spontanée – plutôt en la formule de Bernard de Chartres : « nous ne sommes que des nains sur des épaules de géants. » Bref, la méthode scientifique n’est pas apparu au XIII° comme un lapin d’un chapeau de prestidigitateur.

    Par ailleurs je ne vois pas bien comment Saint Augustin pourrait nous éclairer utilement sur les rapports entre foi et science alors qu’il n’avait aucune idée de ce que serait une démarche expérimentale soumise à l’épreuve des faits, et que son seul souci était de trouver la vérité dans les Ecritures.

    Idem – avec en plus du mépris, du procès d’intention. Franchement, si vous ne prenez pas la peine de lire et comprendre les réponses à vos questionnements, ne questionnez pas, ça évitera de faire perdre du temps à tout le monde. Vous pouvez certes rester dans vos certitudes : elles sont tellement certaines que vous ne faites que tourner en rond comme un poisson rouge dans son bocal.

  • « Ce « processus chaotique » a été sélectionné et réglé par des millions d’années » blah blah blah

    Hé bin. Tout ça pour ça. A chacun sa genèse littérale à ce que je vois – et c’est nous qu’on traite de crédules ?

    @ Aristote – je ne connais rien de rien de Michel Foucauld, même pas l’article wikipedia (faut pas trop me surestimer en fait comme vous voyez :-))

  • Aristote a écrit : :

    comment puis-je à la fois prétendre « savoir » que mon choix se fait par une pondération mi-consciente mi-inconsciente (50/50, 40/60, 25/75,…?), etc., et prendre au sérieux la dimension morale de mon choix ?

    La pondération n’est pas entre le conscient et l’inconscient mais entre le Ca, le Moi et le Surmoi, la dimension morale résidant dans l’un ou plusieurs de ces plans. Mais je ne vois pas ce qui vous choque dans ma phrase : je ne fais que décrire de la manière la plus banale qui soit un processus de prise de décision, et nous suivons tous le même quelque soit l’endroit d’où nous pensons que nous vient notre « dimension morale ». Quelle est votre proposition ? Comment décrivez-vous ce qui se passe dans votre tête lorsque vous décidez ?

    Mais alors comment juger de cette pertinence, sinon à partir de ces mêmes processus chaotiques : vous êtes dans une boucle logique.

    La pertinence c’est la mesure de l’écart entre le modèle que j’ai en tête et ce que je perçois du monde réel. Evidemment tout cela se joue entre « processus chaotiques » mais 1) nous n’avons accès à rien d’autre 2) ce processus a été façonné par l’évolution pour notre accès au « réel » et nous a fait ce que nous sommes, il vaut donc ce que vaut l’homme 3) le rejeter revient à adopter une vision à la « Matrix » ou à la « Caverne de Platon » (selon les références que vous préférez), qui sont des impasses condamnant à l’immobilisme.

    On pourrait tout aussi bien écrire : « …propension qui trouve son pendant dans l’obstination d’une sous-population à défendre un monisme matérialiste très réducteur, etc. «

    Non, car le « monisme matérialiste très réducteur » n’est pas un facteur favorisant la survie dans la savane, contrairement à la propension à soupçonner partout des acteurs cachés et doués de volonté.

    Question subsidiaire : quel que soit le pool génétique qui l’emporte, cela vaudrait-il preuve que ses opinions sont vraies ? Ou même plus adaptées ? À quel horizon de temps, selon quels critères « objectifs » ?

    Plus « vraies » bien sûr que non. Plus « adaptées » oui, par définition. Un débat sur les meilleures chances de survie de l’un ou de l’autre nous emmènerait un peu loin et ne serait pas de nature à apaiser ce fil de commentaires 😉

  • Courtlaïus a écrit : :

    Vous ne lisez pas attentivement ce qu’on prend la peine et le temps d’écrire. Par ailleurs je ne crois pas à la génération spontanée – plutôt en la formule de Bernard de Chartres : « nous ne sommes que des nains sur des épaules de géants. » Bref, la méthode scientifique n’est pas apparu au XIII° comme un lapin d’un chapeau de prestidigitateur.

    En effet, je vous prie de m’excuser de n’avoir pas suffisamment documenté mes réponses, vous laissant ainsi penser que je ne vous lis pas avec soin et que je vous réponds sans vérifier mes sources.

    Rappelons donc à la suite de Wikipedia ou de différents dossiers, que la méthode scientifique n’est pas apparue « comme le lapin d’un chapeau », mais a été importée du monde arabo-musulman au XIIè siècle suite au constat du « retard accumulé par l’occident sur les civilisations byzantine et arabe ». Il peut alors paraître périlleux d’en attribuer le mérite aux fondateurs du christianisme.

    Quant à l’attitude de Saint Augustin, je ne vois pas où serait le procès d’intention. Je suis preneur de références contraires, mais Wikipedia encore nous explique que, s’il avait bien finalement opté pour une lecture symbolique de la Bible plutôt que littérale, il soutenait que « l’Écriture ne peut mentir » et que le travail de la raison était essentiel pour autant que ses conclusions « ne soient point opposées à nos saints mystères ». Mais quoi de plus naturel dans sa position ?

    [« Ce « processus chaotique » a été sélectionné et réglé par des millions d’années] blah blah blah Hé bin. Tout ça pour ça. A chacun sa genèse littérale à ce que je vois – et c’est nous qu’on traite de crédules ?

    Je ne fais là ni plus ni moins que vous rappeler la théorie de l’évolution. Vous n’y adhérez pas ?

  • Yogui a écrit : :

    mais 1) nous n’avons accès à rien d’autre 2) ce processus a été façonné par l’évolution pour notre accès au « réel » et nous a fait ce que nous sommes, il vaut donc ce que vaut l’homme 3) le rejeter revient à adopter une vision à la « Matrix » ou à la « Caverne de Platon » (selon les références que vous préférez), qui sont des impasses condamnant à l’immobilisme.

    1) De l’intérieur de vos thèses, oui; mais il faut commencer par avoir adopté vos thèses ; et au fond, ce n’est pas une justification ;

    2) Si l’homme ne vaut que ce qu’il est du fait de l’évolution ; encore une fois, c’est une conséquence logique de votre posture intellectuelle, ce ne peut en être une justification,

    3) Non, le Dieu de la Bible n’est ni Matrix, ni le ciel des Idées platoniciennes. Pour ce qui est de l’immobilisme, la thèse qui fait du christianisme une des raisons majeures de l’impetus scientifique de l’Occident est au moins aussi bien argumentée que celle de l’obscurantisme indécrottable des religions. Ce débat ne me passionne pas, mais vous concluez quand même un peu vite.

    Yogui, il est possible d’être athée et il est légitime pour un athée d’interpréter le corpus scientifique en fonction de cette option fondamentale. Mais non, vous ne pouvez tirer ni de la rationalité ni des sciences une argumentation contraignante en faveur de l’athéisme. J’ai du respect pour les athées et les croyants qui assument à la première personne, j’ai du mal avec les athées scientistes comme avec les croyants « intelligent design » qui se cachent derrière « la science ». Le travail de réflexion philosophique sur les implications et les limites de la démarche scientifique est sans cesse à reprendre, pour les athées comme pour les croyants.

    Yogui a écrit : :

    Non, car le « monisme matérialiste très réducteur » n’est pas un facteur favorisant la survie dans la savane, contrairement à la propension à soupçonner partout des acteurs cachés et doués de volonté.

    Ici vous faites dans la facilité en assimilant la foi au Dieu de la Bible et l’animisme…

    Yogui a écrit : :

    Un débat sur les meilleures chances de survie

    Sans compter que pour un chrétien, la définition de la vie véritable dépasse, sans du tout la minimiser, la simple vie biologique !

  • Yogui a écrit : :

    au constat du « retard accumulé par l’occident sur les civilisations byzantine et arabe 

    Comme vous le savez, la thèse est discutée, notamment du fait de l’enlisement de la civilisation arabe, antérieure à sa décadence comme puissance. Je doute que vous l’ignoriez, mais je voudrais quand même aussi souligner que la civilisation byzantine à laquelle vous vous référez est chrétienne.

  • Yogui a écrit

    La pertinence c’est la mesure de l’écart entre le modèle que j’ai en tête et ce que je perçois du monde réel.

    Vous savez ce à quoi cela me fait penser ? Aux méthodes de calculs approchés de pH en chimie des solutions aqueuses. On suppose le résultat, on en déduit dans quelle zone de pH on se trouve, on applique la formule correspondante et on vérifie que le résultat n’est pas trop éloigné de l’hypothèse initiale (d’un point de vue strictement théorique).

    Tous les matheux, qui ont assisté à ce cours en ont eu les cheveux dressés sur la tête devant une telle entorse à la logique. En toute rigueur, c’est absolument faux, et rien ne dis que l’hypothèse de départ n’a pas fortement influencé le résultat.

    Ce que les chimistes pensaient très inconsciemment, c’est qu’ils travaillaient dans le cadre d’un traitement perturbatif. C’est à dire qu’on affirme que l’approximation faite en entrée de problème a peu d’influence sur le résultat. Et cela, il faut pouvoir le démontrer. En physique, je sais le faire, mais pour prouver que notre observation du monde est peu éloignée de sa réalité et donc qu’elle peut servir de référence, je ne sais pas. Si ceci n’est pas démontré, comment affirmer que notre perception du réel n’est pas baisés par notre réflexion et que nous voyons les choses telles que nous les pensons et non telles qu’elles sont ? Et ce n’est pas le fait d’affirmer que c’est la seule chose dont nous disposions qui justifie l’approximation.

    Enfin, la méthode scientifique est très utile pour faire de la science car elle se confronte à un objet qui lui est indépendant, donc l’écart éventuel ne pourra être durablement ignoré. Si une théorie explique certains phénomènes, mais pas d’autres, elle finira par être supplantée par une autre qui la complète ou la remplace et qui montrera peut-être que certains phénomènes étaient faussement expliqués, même s’ils donnaient de bons résultats pratiques. Mais pour explorer la métaphysique, je ne suis pas sûr que la science soit reine. Elle a son mot dire, sa contribution à apporter, mais la métaphysique reste une construction humaine qui ne peut être analysée indépendamment de son auteur.

  • @ Aristote: Et si l’on suit les liens de Yogui, on tombe justement sur des articles expliquant pourquoi l’héritage byzantin est passé sous silence en Occident alors qu’il a bel et bien influencé ce dernier, soit directement du fait de l’émigration des Grecs lors du déclin de l’empire, soit via le monde arabo-musulman. Il n’apparait donc pas vraiment périlleux d’affirmer que le christianisme n’est pas hostile aux sciences.

  • Damien a écrit : :

    pour prouver que notre observation du monde est peu éloignée de sa réalité et donc qu’elle peut servir de référence, je ne sais pas. Si ceci n’est pas démontré, comment affirmer que notre perception du réel n’est pas biaisée par notre réflexion et que nous voyons les choses telles que nous les pensons et non telles qu’elles sont ?

    Selon moi vous tombez dans l’impasse « à la Matrix » que je dénonçais précédemment. Quoique vous souhaiteriez voir démontré, ce le sera à travers le biais de notre réflexion et de notre perception, et donc nécessairement « suspect » à vos yeux.

    Nous n’avons par définition aucun moyen d’accès aux choses « telles qu’elles sont », et cette question me paraît sans intérêt car nous cherchons à bâtir une connaissance « humaine » et non une connaissance « absolue ».

  • Yogui a écrit : :

    Nous n’avons par définition aucun moyen d’accès aux choses « telles qu’elles sont », et cette question me paraît sans intérêt car nous cherchons à bâtir une connaissance « humaine » et non une connaissance « absolue ».

    Ce n’est pas exact. Pour affirmer que nous n’avons aucun moyen d’accès, il faudrait pouvoir définir « les choses telles qu’elles sont » et démontrer que nous n’y avons pas accès. Il est plus juste de dire que nous ne savons pas si nous avons ou non un moyen d’accès et que si ce moyen existe, ce qui encore une fois n’est pas certain, nous n’en maîtrisons pas la mise en oeuvre.

    Faut-il redouter un moyen dont ne ne maîtriserions pas la mise en oeuvre ? À quelles conditions ce moyen pourrait-il être acceptable ?

    S’il existe, que vaudrait une connaissance « humaine » qui n’en tiendrait pas compte ?

  • @ Yogui

    J’ai un commentaire en date du

    9 mai 2011 à 22 h 44 min

    qui est toujours en modération, sans doute du fait de sa longueur, et Koz occupé par ailleurs.

    Cela perturbe un peu les échanges et vous rend impossible l’accès aux choses telles qu’elles sont 🙂

  • @ Aristote: Je crois que votre commentaire de 22h44 a été bloqué car il comportait plus de deux liens … et au vu de vos remarques je crois que je me suis mal exprimé, car selon moi mes différents points sont de simples lieux communs que athées comme croyants pourraient tout aussi bien mentionner concernant notre vie sur terre. Evidemment après la mort tout ceci est caduc 🙂

    Ainsi « 1) nous n’avons accès à rien d’autre » : nous ne percevons le monde, qu’il soit d’origine matérialiste ou divine, qu’à travers nos sens et notre psychisme. Dans « psychisme » j’inclus tous nos modes de fonctionnement, depuis le raisonnement logique mathématique jusqu’à l’expérience hallucinatoire. Que cela reflète « la réalité » (quoique ce terme signifie) ou non est une question sans objet : pour un être humain, rien d’autre n’existe. Même votre pensée que quelque chose d’autre existe, n’existe que par vos mécanismes psychiques. N’est-ce pas ?

    2) « ce processus [ … ] vaut donc ce que vaut l’homme » : Autrement dit, simple corollaire du point précédent : nous sommes nos pensées. Si vous rejetez ces pensées comme imparfaites et trompeuses vous rejetez l’homme avec (passons sur la le façonnement de ce psychisme, par Dieu ou pas, par un processus évolutif guidé ou non, … cela à mon sens ne change rien au résultat final).

    3) « L’immobilisme » ne visait pas le déclenchement de la démarche scientifique, mais le fait que, si nous nous bloquons sur les points précédents, au sens d’affirmer « oui mais nous n’avons pas accès à la réalité réelle, mais simplement par le truchement de nos sens, alors la démarche de connaissance (scientifique ou non) est viciée à la base » dans ce cas c’est l’immobilisme garanti et selon moi abusif.

    Je ne me cache pas derrière « la science », je me cache derrière « nos processus mentaux ». Rien, pour nous, ne vient à l’existence en dehors d’eux. N’est-ce pas ?

    Enfin je n’assimile nullement la foi au Dieu de la Bible et l’animisme, si ce n’est que selon moi ils ont les mêmes racines psychiques : un acteur invisible et doué de volonté comme explication des phénomènes inexpliqués.

  • Yogui a écrit : :

    Je ne me cache pas derrière « la science », je me cache derrière « nos processus mentaux ». Rien, pour nous, ne vient à l’existence en dehors d’eux. N’est-ce pas ?

    Le hic, c’est que nous ne nous accordons pas sur « nos processus mentaux ». Vous ne voulez y voir que le reflet d’une activité électro-chimique. C’est un choix possible, même s’il « boucle » logiquement, car après tout, pourquoi les boucles logiques n’existeraient-elles pas ? Mais je ne vois pas en quoi ce choix de fermer la porte serait imposé par une nécessité rationnelle, et encore moins par ce que peut légitimement conclure une démarche scientifique.

    Je comprends bien que mon choix de laisser la porte ouverte pose lui aussi bien des problèmes, dont celui de l’illusion, etc. Mais in fine, ma réponse ne se situe pas sur le plan de la logique, ni plus ni moins que votre réponse, dont la logique boucle. Elle trouve sa racine dans une méditation sur la figure du Père telle qu’elle est révélée par le Christ, et d’abord sa passion et sa résurrection. Ce n’est pas une démonstration, c’est un témoignage.

    Vous dites que le seul savoir qui nous est accessible est « humain ». Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous…

  • En préambule, je me dois de dire que je n’ai pas forcément lu tous vos arguments, et que mon propos sera peut-être parfois décalé par rapport à la discussion en cours.

    Je suis d’accord avec la phénoménologie de Yogui: du monde réel, nous connaissons ce que nos organes des sens, et les améliorations technologiques que nous leur inventons, sont capables de détecter. Mais il me semble que nous agrégeons ces données dans un récit qui les met en forme, et qui peut d’ailleurs changer au cours du temps. Le monde est ce que nous racontons qu’il est à partir de ce que nous sentons de ses effets. On voit dans cette formulation que le « nous » pose un problème. En allant plus loin, je suis ce que je me raconte à moi-même que je suis (et, symétriquement, cette formulation met au jour un « je » problématique).

    Il me semble que la science se focalise sur les éléments qui vont permettre de forger le récit, c’est-à-dire sur les phénomènes observables, en prétendant (car je crois, bien que je sois moi-même athée et scientifique, que cette prétention est vaine) s’abstraire de toute reconstruction narrative. La religion, au contraire, focalise sur le récit du monde, et de l’Homme dans le monde. C’est pourquoi, lorsqu’elle est dogmatique, c’est-à-dire qu’elle affirme avoir fixé un récit définitif, elle est fréquemment en porte à faux avec la science, lorsque celle-ci fournit des éléments phénoménologiques incompatibles avec le récit fixé dans le dogme.

    La question est de savoir ce qui fait que le récit que je raconte sur le monde et sur moi-même est ce qu’il est. Pourquoi ai-je ou n’ai-je pas la foi? Pourquoi ai-je perdu la foi? C’est en tous cas à partir du récit que je me raconte sur moi-même que je peux tenter de comprendre qui je suis. Une autre formulation de la boucle logique dont parle Aristote?

  • @ niamreg:

    Oui et non. Oui, dans le sens où à l’évidence le récit de la création dans le livre de la Genèse et un manuel de mécanique quantique ne parlent pas de la même chose. Non, dans la mesure où le récit scientifique lui-même est un récit, qu’un « fait » tout nu n’existe pas, qu’il est toujours inséré dans un discours hors duquel il n’a pas de sens.

    Comme vous le dites très justement, c’est « le discours que je me raconte à moi-même sur le monde… ». Le recours à « la science » est ici inopérant car « la science » est une abstraction. Le scientifique n’échappe pas à l’humaine condition, lui aussi tient un discours qu’il se raconte à lui-même. Mais me direz-vous, les scientifiques se tiennent « le même discours », du fait de l’intersubjectivité de la démarche scientifique. Mais qui peut juger de ce que c’est « le même discours », sinon un être humain qui se raconte un discours à lui-même ?

    Yogui a une tâche beaucoup plus difficile que la mienne. Je ne prétends nullement que ma foi me donne une position logiquement plus forte que celle du monisme matérialiste qui est la sienne. Je plaide simplement que l’acceptation des canons de la rationalité et de la légitimité de la démarche scientifique n’est en rien contradictoire avec la foi dans le Dieu de la révélation biblique.

  • Tout-à-fait d’accord. J’ai dit d’ailleurs que je considère comme vaine la prétention des scientifiques à s’abstraire de toute reconstruction narrative des faits qu’ils observent. Je vous rejoins donc totalement dans l’idée que la foi et la science ne sont pas sur le même plan.

  • Cependant, après réflexion, ça n’épuise pas tout-à-fait la question. On peut en effet poser scientifiquement la question de la foi. Y a-t-il une explication causale composée de faits scientifiquement observables du fait qu’un individu particulier a la foi, et pas un autre? Peut-on fournir une explication scientifiquement valide au fait que l’espèce humaine soit apparemment le seul animal à développer ce genre de comportement?

  • De quelle foi parlez-vous ?

    La science peut mettre en lumière les déterminismes qui jouent : l’environnement, le climat culturel, la psychologie… pour que tel individu ait un comportement croyant. Si on enlève tous ces déterminismes scientifiquement observables chez un croyant, et qu’il reste encore quelque chose malgré tout, cela peut être une manifestation de l’esprit. La science n’y a plus accès, elle ne peut plus expliquer la cause de cette foi.

    De quelle science parlez-vous ? 🙂

    L’être humain ouvert aux sciences, à la philosophie, aux mythes religieux et à son propre esprit peut aller assez loin, non pas dans l’explication, mais dans la profondeur du mystère (et un mystère, c’est pas de l’incompréhensible, c’est quelque chose qu’on a jamais fini de comprendre).
    La seule explication scientifiquement valide qu’on puisse avancer, c’est un constat : nous sommes conscients, et surtout conscients de notre propre conscience ; cette conscience qui se retourne sur elle-même semble pouvoir nous ouvrir des champs insoupçonnés.

  • Je parlais simplement de la science qui recherche des explications causales à des phénomènes observables (la foi, sur la base de la conviction personnelle) par des phénomènes observables. Bien entendu, la foi comme don de Dieu n’est pas une explication scientifique, mais un mystère spirituel (? pardon si ça ne correspond pas bien) tout-à-fait respectable, certainement suffisant pour les croyants, et largement inépuisable, comme vous le soulignez fort bien.

  • Ma précédente réponse est peut-être trop travaillée. Non, il n’y a pas d’explication possible de la foi par la composition de faits scientifiques, si vous voulez comprendre quelqu’un qui dit « avoir la foi ».

    Le cheminement pour arriver à la foi en Jésus-Christ peut être décrit assez facilement, en termes raisonnables, mais il n’aura aucun impact pour qui le reçoit avec une oreille scientifique, ou même informative, et ne provoquera aucun début d’explication. Curieusement, quand la foi devient expérimentée, le couple science/foi pose beaucoup moins de
    questions.

  • Il me semble bien que nous sommes d’accord, en fait. Ma proposition de considérer la foi, ou la croyance en une divinité, comme une caractéristique biologique accessible en cela à une démarche scientifique, ne remet pas en cause le cheminement dont vous parlez.

  • @ niamreg:

    La science a le droit de poser toutes les questions, dès lors qu’elle ne prétend pas être en mesure de donner toutes les réponses.

    Le phénomène « religion » intrigue beaucoup les scientifiques d’obédience darwinienne. Une première école explique, assez classiquement, l’existence du phénomène religieux par le caractère « adaptatif » de croyances qui, pour simplifier, renforcent la cohésion du groupe.

    Une deuxième école, celle de Dennett et Dawkins, y voient plutôt l’équivalent d’un virus qui parasite les capacités cognitives de l’espèce humaine. Il me semble qu’un darwinien conséquent n’a aucune raison d’en vouloir aux virus d’exister, mais Dennett et Dawkins, pour des raisons qui, à l’intérieur de leur système, m’échappent, jugent que les arrangements de molécules qui constituent un virus ont moins de valeur que les arrangements de molécules qui constituent Dennett et Dawkins.

    Le croyant que je suis se réjouit de voir que les scientifiques de la première école considèrent que certaines dimensions du religieux peuvent être bénéfiques pour la survie de l’espèce humaine. Le contraire me poserait problème. Cela ne préjuge en rien de la question de la véracité ou non de la révélation biblique, mais au moins ma foi en Dieu n’est pas nécessairement une croyance suicidaire ! Je suis bien conscient que la foi est susceptible de pathologies, dont certaines peuvent être graves, mais c’est là un autre sujet.

  • niamreg a écrit : :

    J’ai dit d’ailleurs que je considère comme vaine la prétention des scientifiques à s’abstraire de toute reconstruction narrative des faits qu’ils observent.

    Je doute que des scientifiques soutiennent que la science ne soit pas une entreprise humaine, et, partant, structurée selon nos processus cognitifs et culturels.

    Serge a écrit : :

    Si on enlève tous ces déterminismes scientifiquement observables chez un croyant, et qu’il reste encore quelque chose malgré tout, cela peut être une manifestation de l’esprit. La science n’y a plus accès, elle ne peut plus expliquer la cause de cette foi.

    Peut-être l’intimité profonde de l’esprit restera-t-elle en effet toujours inexpugnable à la science. Mais pourquoi la foi religieuse serait-elle plus inexpugnable que le goût du risque ou l’addiction au jeu ? Attribuer un caractère particulier à l’état d’esprit religieux est déjà, me semble-t-il, un acte de foi.

    un mystère, c’est pas de l’incompréhensible, c’est quelque chose qu’on a jamais fini de comprendre

    Une jolie formule, qui s’applique très exactement au monde réel, et qui fait tout le charme de l’approche scientifique …

  • Aristote a écrit : :

    Dennett et Dawkins, pour des raisons qui, à l’intérieur de leur système, m’échappent, jugent que les arrangements de molécules qui constituent un virus ont moins de valeur que les arrangements de molécules qui constituent Dennett et Dawkins.

    😀 Ouh là ! Il faut vraiment que vous relisiez Dawkins !

    Tout d’abord, l’opposition que vous pensez relever entre deux « écoles » est fallacieuse. Le « virus mental » religieux est en co-développement avec son hôte humain : s’il induit chez celui-ci des comportements qui favorisent sa propagation, il y a renforcement mutuel. La cohésion de groupe renforce les chances de survie des porteurs du virus, qui en retour augmentent sa diffusion.

    Ensuite Dennett et Dawkins étant humains, ils ont un intérêt particulier pour cet arrangement de molécules, et souhaitent le bonheur du plus grand nombre de ces arrangements. Pour des raisons qu’il serait trop long de développer ici, ils estiment que le virus religieux s’oppose à la diffusion de ce bonheur, et c’est pourquoi ils le combattent.

    Enfin, les « scientifiques de la première école » estiment que le religieux peut être bénéfique pour la survie d’un groupe humain dans un environnement donné, mais ils ne se prononcent absolument pas sur la survie de l’espèce humaine ! L’exemple le plus évident est le « Croissez et multipliez », qui contribue largement à la réussite d’un groupe particulier dans un environnement concurrentiel, mais qui est irrémédiablement suicidaire à l’échelle de l’espèce humaine.

  • Yogui a écrit :

    Mais pourquoi la foi religieuse serait-elle plus inexpugnable que le goût du risque ou l’addiction au jeu ? Attribuer un caractère particulier à l’état d’esprit religieux est déjà, me semble-t-il, un acte de foi

    Je ne cherchais pas à attribuer à la foi religieuse un statut particulier ! je défendais le caractère libre de la décision humaine (s’exerçant dans des limites, mêmes étroites), que ce soit le choix de croire, le choix d’une vie risquée, et même le choix du jeu au risque de l’addiction. Si la science peut trouver biens des ressorts explicatifs qui orientent ces choix, je défends qu’il peut rester une partie qu’elle ne pourra jamais atteindre, y compris pour le choix du jeu (même si là, la liberté risque d’être moins engagée). Ça ressemble à la foi en l’homme, non ?

    Une jolie formule, qui s’applique très exactement au monde réel, et qui fait tout le charme de l’approche scientifique …

    Nous sommes d’accord ! (vous revenez sur votre déclaration de nominalisme un peu plus haut à Aristote ?)
    Pour le chrétien, la réalité cachée dans les apparences du monde est unique (il n’y a pas deux vérités objectives, l’une scientifique et l’autre religieuse), il y a donc une approche de cette vérité qui se fait de façon scientifique ou religieuse selon leurs modes, à condition de ne pas dégrader la foi en concordisme, ni de sous-tendre la science par une idéologie.

    C’est un plaisir d’accéder à cette double approche, vous pouvez pas savoir ! on s’émerveille de l’avancée des théories surprenantes, qui nous font rendre hommage à ce Créateur qui sait faire un univers beau et ruisselant d’intelligence, et on se repose sur la foi, qui ne trompe pas, puisque capable d’assumer le cheminement des sciences, quand elles restent avec sagesse dans leurs champs propres.

    Mais oui ^^

  • @ Yogui:

    Il y a virus et virus, certains ne sont pas très sympathiques pour leurs hôtes…La perspective d’un ouvrage comme « Do unto others » est quand même très différente de celle de « The god delusion ».

    Que Dennett et Dawkins aient à titre personnel un intérêt particulier pour leurs arrangements de molécule, sans doute, qu’ils aient une certaine vision du bonheur, très bien. Mais ils n’ont aucun argument fondé en science pour justifier ni cet intérêt ni cette vision. Ils ont bien le droit de critiquer la religion, ils n’ont pas le droit de le faire au nom de la science.

    « Croissez et multipliez-vous ». Encore un exemple de Yogui faisant concurrence aux plus fondamentalistes des évangélistes américains. Ce texte a été écrit à une époque où la surpopulation n’était vraiment pas le problème. Cependant, dans plusieurs textes fondateurs concurrents de l’époque, et notamment en Mésopotamie, les hommes étaient positionnés comme des concurrents potentiels des Dieux, du fait notamment de l’accroissement de leur nombre. Le sens fondamental du texte biblique n’est pas l’encouragement au lapinisme, mais la marque que le Dieu de la Bible a une visée paternelle sur l’humanité.

    Par ailleurs la distinction entre « groupe » et « espèce » ne me paraît pas ici très pertinente dans la mesure où la valeur adaptative du « virus religieux » vaut autant pour la concurrence interspécifique que pour la concurrence intraspécifique.

  • C’est sympa de nous faire faire de la science-fiction un Samedi matin !
    Pour continuer le message d’Aristote, je voulais aussi vous rassurer, il n’y a pas de risque à l’échelle humaine ;
    d’abord le bon groupe adaptatif (celui qui a fait le bon choix, facile) va récupérer de la place
    (ceux qui seront balayés pour cause de sélection aveugle). Ensuite, la règle du « Croissez et multipliez »
    n’est pas idiote, elle intègre l’auto-régulation, vous pensez bien, le groupe émergent n’a pas surpassé
    les autres par hasard 😉

    Enfin, bon Samedi

  • Serge a écrit : :

    on s’émerveille de l’avancée des théories surprenantes, qui nous font rendre hommage à ce Créateur qui sait faire un univers beau et ruisselant d’intelligence, et on se repose sur la foi, qui ne trompe pas, puisque capable d’assumer le cheminement des sciences, quand elles restent avec sagesse dans leurs champs propres.

    On s’émerveille en effet devant ce mélange profond de simplicité et de complexité qui semble caractériser le réel ! Quant à la foi « elle ne trompe pas », dans la mesure où elle est capable de refluer dans toujours plus d’abstraction, et de renoncer successivement au créationnisme, à l’omniscience de Dieu ou à l’existence d’Adam et Eve au fur et à mesure du cheminement des sciences.

    Aristote a écrit : :

    Ils ont bien le droit de critiquer la religion, ils n’ont pas le droit de le faire au nom de la science.

    Je crois qu’ils le font d’une part à titre moral, pour les raisons rappelées plus haut, mais aussi au titre de la science car vous ne semblez pas réaliser que le créationnisme est un composant essentiel de la foi chrétienne à laquelle ils sont confrontés.

    « Croissez et multipliez-vous ». Encore un exemple de Yogui faisant concurrence aux plus fondamentalistes des évangélistes américains. [ … ] Le sens fondamental du texte biblique n’est pas l’encouragement au lapinisme, mais la marque que le Dieu de la Bible a une visée paternelle sur l’humanité.

    Encore un exemple d’Aristote arguant que « oui mais non, c’est mon interprétation biblique qui est la bonne, les autres se fourvoient ». Autant quand nous débattons de points théologiques je suis bien obligé de vous accompagner dans vos interprétations propres, autant si l’on parle de l’impact de la foi chrétienne sur l’espèce humaine, c’est bien la foi des américains, des brésiliens ou des philippins qui vaut, et non la vision abstraite et sur-interprétée de certains intellectuels occidentaux.

    D’ailleurs vous rendez-vous compte des risques que je prends à mener ce genre de débat à une semaine du Jugement Dernier ? 🙂

    Serge a écrit : :

    Ensuite, la règle du « Croissez et multipliez » n’est pas idiote, elle intègre l’auto-régulation, vous pensez bien, le groupe émergent n’a pas surpassé les autres par hasard 😉

    Voilà un argument qui me paraît parfaitement gratuit et fabriqué sur mesure. Le groupe émergent surpasse les autres parce qu’il a un taux démographique plus élevé et une stratégie de conquête ; rien ne le pousse à l’auto-régulation. Et de tels préceptes, qui favorisent un groupe humain en concurrence avec d’autres groupes, deviennent destructeurs lorsqu’ils sont appliqués à l’échelle de l’humanité qui n’a pas (plus) de concurrence.

  • Mais bien sûr, c’était pour rire, cet argument fabriqué sur mesure. Bon, je vais plus vous embêter avec la foi, et j’ose plus allonger ce sujet, je suis invité par Koz, moi

  • Yogui a écrit : :

    car vous ne semblez pas réaliser que le créationnisme est un composant essentiel de la foi chrétienne à laquelle ils sont confrontés.

    Créationnisme ? La version fondamentaliste qui veut que Dieu ait créé le monde selon le scénario du premier livre de la Genèse ? Elle est tenue par une minorité de chrétiens et ne peut en aucun cas être tenue comme un composant essentiel de la foi chrétienne.

    Version qui veut que Dieu soit à l’origine d’un monde dont l’existence a un sens, mais sans prétendre avoir de lumières particulières sur le comment, je ne vois pas en quoi cette version est incompatible avec une démarche scientifique. Elle est incompatible avec une interprétation matérialiste de la théorie de l’évolution qui hypostasie le rôle du hasard, en passant de « il est possible que le hasard soit seul à jouer » à « il est certain que le hasard est seul à jouer ». Mais là on n’est plus dans la science mais dans l’interprétation philosophique.

    Yogui a écrit : :

    Autant quand nous débattons de points théologiques je suis bien obligé de vous accompagner dans vos interprétations propres, autant si l’on parle de l’impact de la foi chrétienne sur l’espèce humaine, c’est bien la foi des américains, des brésiliens ou des philippins qui vaut, et non la vision abstraite et sur-interprétée de certains intellectuels occidentaux.

    Pour ce qui est de la Bible, si vous voulez comprendre ce que disent les textes, oui cela demande un peu d’étude et de réflexion. Est-ce vraiment différent avec les théories scientifiques ? 🙂

    Si vous vous intéressez à l’influence de la religion (ou de la science, le problème est le même) sur les croyances et les comportements des groupes humains, c’est bien sûr autre chose, mais le champ est très controversé, c’est le moins qu’on puisse dire.

    Pour prendre l’exemple que vous avez soulevé, « croissez et multipliez vous », j’ai tendance à penser qu’expliquer la dynamique de la population mondiale, globalement et par région, à partir de l’injonction biblique, c’est un peu court ! On doit pouvoir faire mieux.

  • Aristote a écrit : :

    Créationnisme ? La version fondamentaliste qui veut que Dieu ait créé le monde selon le scénario du premier livre de la Genèse ? Elle est tenue par une minorité de chrétiens et ne peut en aucun cas être tenue comme un composant essentiel de la foi chrétienne.

    Le morceau important dans ma phrase était « à laquelle ils sont confrontés ». Le créationnisme est largement majoritaire parmi les chrétiens américains auxquels s’adressent essentiellement Dennett et Dawkins, il est donc clair chez eux que la religion s’oppose à la science. Quant à savoir pourquoi une évolution guidée aurait exploré tant d’impasses et laissé nombre de défauts dans nos organismes, je me doute que ce débat serait vain.

    Pour ce qui est de la Bible, si vous voulez comprendre ce que disent les textes, oui cela demande un peu d’étude et de réflexion.

    Tout le monde sera d’accord, en premier lieu les évangélistes américains qui connaissent la Bible de fond en comble. Je doute que vous l’ayez étudiée autant que le Révérend Camping, qui pourtant arrive à des conclusions différentes des vôtres. Dois-je m’appuyer sur des critères de compatibilité scientifique pour savoir si votre interprétation est plus pertinente que la sienne ? Et si oui jusqu’où dois-je aller ? 🙂

    Enfin je n’ai jamais prétendu expliquer la dynamique de la population mondiale par le « Croissez et multipliez vous ». Il s’agissait d’un exemple d’injonction religieuse efficace au niveau d’un groupe humain, mais suicidaire à l’échelle de l’humanité.

  • Yogui a écrit : :

    « Pour ce qui est de la Bible, si vous voulez comprendre ce que disent les textes, oui cela demande un peu d’étude et de réflexion. »

    Tout le monde sera d’accord, en premier lieu les évangélistes américains qui connaissent la Bible de fond en comble. Je doute que vous l’ayez étudiée autant que le Révérend Camping, qui pourtant arrive à des conclusions différentes des vôtres. Dois-je m’appuyer sur des critères de compatibilité scientifique pour savoir si votre interprétation est plus pertinente que la sienne ? Et si oui jusqu’où dois-je aller ?

    Votre exemple est mal choisi.
    On a dit « réflexion ». Ca ne suppose pas seulement l’étude approfondie… 🙂

  • Yogui a écrit : :

    Le créationnisme est largement majoritaire parmi les chrétiens américains auxquels s’adressent essentiellement Dennett et Dawkins, il est donc clair chez eux que la religion s’oppose à la science.

    J’ai vécu 6 ans aux USA. C’est un pays étonnant : ses universités sont à la pointe de la science, qui y jouit d’un vrai prestige, et pourtant, c’est le pays des fondamentalistes créationnistes. Je propose l’hypothèse suivante.

    En France, la tradition athée est philosophique avant d’être scientiste. Lucrèce, d’Holbach, Diderot, Marx, Nietzsche, Foucauld y comptent plus que Darwin. Pour les scientifiques athées Darwin est bien sûr très important, mais il n’a pas globalement en France la stature qu’il a dans les pays anglo-saxons. Après les batailles et les incompréhensions qui sont la marque de toute révolution intellectuelle, et Darwin en est une, la ligne de fracture entre athées et croyants n’a pas été vraiment déplacée par Darwin en France. Vous trouverez une synthèse très accessible de la perspective catholique sur Darwin dans un livre récent du jésuite François Euvé, agrégé de physique et docteur en théologie : « Darwin et le christianisme, vrais et faux débats », chez Buchet Chastel.

    Aux États-Unis, où la science a infiniment plus de prestige que la philosophie, l’athéisme a pour premier vecteur le darwinisme « dur », pour ne pas dire intégriste, tel qu’il est interprété par les monistes matérialistes. Cette interprétation athée, possible mais nullement nécessaire, de la théorie de l’évolution transparaît souvent dans les manuels d’enseignement rédigés par des darwiniens pur jus.

    Cette interprétation blesse gravement les sentiments religieux sincères d’une partie importante de la population américaine. Cette population n’a pas, et c’est bien compréhensible, l’habitude de la critique philosophique qui permet de distinguer entre science stricto sensu et présupposés philosophiques qui entrent dans l’interprétation du corpus scientifique.

    Le résultat est un cercle vicieux. Certains athées américains instrumentalisent à tort la théorie de l’évolution pour prêcher leur athéisme et les créationnistes ne trouvent pas d’autre moyen de répondre que de remettre en cause Darwin. Les créationnistes se trompent de combat mais la responsabilité de cette situation incombe aussi aux intégristes du darwinisme.

    On trouve bien sûr aux États-Unis des athées qui n’instrumentalisent pas la science et des chrétiens qui ne remettent pas en cause la théorie de l’évolution. Mais de ceux-là, on n’entend moins parler !

  • Yogui a écrit : :

    Quant à savoir pourquoi une évolution guidée aurait exploré tant d’impasses et laissé nombre de défauts dans nos organismes, je me doute que ce débat serait vain.

    Voir plus haut le débat sur le péché originel.

  • Yogui a écrit : :

    Je doute que vous l’ayez étudiée autant que le Révérend Camping, qui pourtant arrive à des conclusions différentes des vôtres. Dois-je m’appuyer sur des critères de compatibilité scientifique pour savoir si votre interprétation est plus pertinente que la sienne ? Et si oui jusqu’où dois-je aller ?

    Je répondais au commentaire vôtre où vous opposiez la foi des intellectuels parisiens ayant tendance à surinterpréter, je me suis senti visé 🙂 , à la foi naïve de la foule des fidèles brésiliens. Où mettez-vous Camping ?

    Yogui, discutez avec qui vous voulez. Je me permettrai juste les remarques suivantes. Vous tenez en fait que la science est incompatible avec la foi au Dieu de la révélation biblique et manifesté dans la personne du Christ. Vous êtes donc d’accord avec les fondamentalistes américains. Eux rejettent la science, vous vous rejetez Dieu, mais vous êtes d’accord. Il me semble donc que la seule discussion qui puisse être intéressante pour vous, c’est la discussion avec les chrétiens qui affirment que leur foi n’est en rien incompatible avec l’acceptation de la légitimité de la démarche scientifique, ce qui suppose la prise en compte des résultats de cette démarche, qui demanderont toujours une interprétation.

    Vous n’en avez donc pas fini avec les intellectuels parisiens surinterprétants…

  • Yogui a écrit : :

    Rappelons donc à la suite de Wikipedia ou de différents dossiers, que la méthode scientifique n’est pas apparue « comme le lapin d’un chapeau », mais a été importée du monde arabo-musulman au XIIè siècle suite au constat du « retard accumulé par l’occident sur les civilisations byzantine et arabe ». Il peut alors paraître périlleux d’en attribuer le mérite aux fondateurs du christianisme.

    Désolé d’avoir loupé plusieurs stations de RER 🙂 ! Vous changez de sujet, et qui parle d’attribuer tout le mérite de la science aux fondateurs du christianisme ? Ce n’était pas du tout le propos (vraiment, vous ne lisez pas attentivement les propos des commentaires :-)) la science a prospéré en tant que telle (et pour elle-même) en Europe : ce qui n’est un produit ni du hasard, ni de la nécessité. La citation bibilique qu’on retrouve le plus dans les écoles et universités du moyen-âge : « omnia in mensura, et numero et pondere posuisti. » C’est l’une des clés qui a rendu possible un tel développement des sciences en Occident.

    Quant à l’attitude de Saint Augustin, je ne vois pas où serait le procès d’intention. Je suis preneur de références contraires, mais Wikipedia encore nous explique que, s’il avait bien finalement opté pour une lecture symbolique de la Bible plutôt que littérale, il soutenait que « l’Écriture ne peut mentir » et que le travail de la raison était essentiel pour autant que ses conclusions « ne soient point opposées à nos saints mystères ». Mais quoi de plus naturel dans sa position ?

    Si vous ne connaissez de st Augustin que l’article de wikipedia, c’est sans doute un bon début, mais ce sera sans doute un peu trop juste. Et puis ce que vous citez fait référence à la raison et aux mystères, ce n’est pas la même problématique qu’entre les Ecritures et la science. C’est dommage, vous avez, ainsi que notre époque, beaucoup de points communs avec Augustin – vous vous retrouverez sans problème dans ses « Confessions ». Je donne in extenso la citation mentionnée puisqu’elle semble difficile à retrouver :
    « S’il arrive que l’autorité des Saintes Écritures soit mise en opposition avec une raison manifeste et certaine, cela veut dire que celui qui [interprète l’Écriture] ne la comprend pas correctement. Ce n’est pas le sens de l’Écriture qui s’oppose à la vérité, mais le sens qu’il a voulu lui donner. Ce qui s’oppose à l’Écriture ce n’est pas ce qui est en elle, mais ce qu’il y a mis lui-même, croyant que cela constituait son sens » (Lettre à Marcellin donc). => c’est le coeur de la défense très intelligente de Galilée (cf sa lettre à Christine de Lorraine).

    Je ne fais là ni plus ni moins que vous rappeler la théorie de l’évolution. Vous n’y adhérez pas ?

    Dans sa partie raisonnable et éprouvée uniquement. Pour le reste je me contenterai des Metamorphoses d’Ovide. Je ne me sens pas contraint d’adhérer à tous les derniers délires pseudo-scientifiques et crypto-idéologiques à la mode du moment (il n’y a pas si longtemps on nous demandait de croire au socialisme scientifique…). Le tenu pour certain et le très vaguement plausible, c’est tout de même deux choses très différentes et qui n’ont pas la même valeur scientifique.

  • Yogui a écrit : :

    Rappelons donc à la suite de Wikipedia ou de différents dossiers, que la méthode scientifique n’est pas apparue « comme le lapin d’un chapeau », mais a été importée du monde arabo-musulman au XIIè siècle suite au constat du « retard accumulé par l’occident sur les civilisations byzantine et arabe ». Il peut alors paraître périlleux d’en attribuer le mérite aux fondateurs du christianisme.

    Désolé d’avoir loupé plusieurs stations de RER 🙂 ! Vous changez de sujet, et qui parle d’attribuer tout le mérite de la science aux fondateurs du christianisme ? Ce n’était pas du tout le propos (vraiment, vous ne lisez pas attentivement les propos des commentaires :-)) la science a prospéré en tant que telle (et pour elle-même) en Europe : ce qui n’est un produit ni du hasard, ni de la nécessité. La citation bibilique qu’on retrouve le plus dans les écoles et universités du moyen-âge : « omnia in mensura, et numero et pondere posuisti. » C’est l’une des clés qui a rendu possible un tel développement des sciences en Occident.

    Quant à l’attitude de Saint Augustin, je ne vois pas où serait le procès d’intention. Je suis preneur de références contraires, mais Wikipedia encore nous explique que, s’il avait bien finalement opté pour une lecture symbolique de la Bible plutôt que littérale, il soutenait que « l’Écriture ne peut mentir » et que le travail de la raison était essentiel pour autant que ses conclusions « ne soient point opposées à nos saints mystères ». Mais quoi de plus naturel dans sa position ?

    Si vous ne connaissez de st Augustin que l’article de wikipedia, c’est sans doute un bon début, mais ce sera sans doute un peu trop juste. Et puis ce que vous citez fait référence à la raison et aux mystères, ce n’est pas la même problématique qu’entre les Ecritures et la science. C’est dommage, vous avez, ainsi que notre époque, beaucoup de points communs avec Augustin – vous vous retrouverez sans problème dans ses « Confessions ». Je donne in extenso la citation mentionnée puisqu’elle semble difficile à retrouver :
    « S’il arrive que l’autorité des Saintes Écritures soit mise en opposition avec une raison manifeste et certaine, cela veut dire que celui qui [interprète l’Écriture] ne la comprend pas correctement. Ce n’est pas le sens de l’Écriture qui s’oppose à la vérité, mais le sens qu’il a voulu lui donner. Ce qui s’oppose à l’Écriture ce n’est pas ce qui est en elle, mais ce qu’il y a mis lui-même, croyant que cela constituait son sens » (Lettre à Marcellin donc). => c’est le coeur de la défense très intelligente de Galilée (cf sa lettre à Christine de Lorraine).

    Je ne fais là ni plus ni moins que vous rappeler la théorie de l’évolution. Vous n’y adhérez pas ?

    Dans sa partie raisonnable et éprouvée uniquement. Pour le reste je me contenterai des Metamorphoses d’Ovide. Je ne me sens pas contraint d’adhérer à tous les derniers délires pseudo-scientifiques et crypto-idéologiques à la mode du moment (il n’y a pas si longtemps on nous demandait de croire au socialisme scientifique…). Le tenu pour certain et le très vaguement plausible, c’est tout de même deux choses très différentes et qui n’ont pas la même valeur scientifique.

  • @ Courtlaïus:

    Dans la même veine, mes maîtres jésuites nous enseignaient que si Dieu nous avait pourvu d’un intellect, c’était pour s’en servir, et qu’il était de notre devoir d’en tirer tout le parti possible ; que si « révélation » et « raison » pouvaient parfois donner l’impression de s’opposer, la voie à suivre n’était pas d’en prendre son parti, mais de creuser toujours plus loin la réflexion et sur la « révélation » et sur la « raison » ; que la vérité est une.

  • Aristote a écrit : :

    Aux États-Unis, où la science a infiniment plus de prestige que la philosophie, l’athéisme a pour premier vecteur le darwinisme « dur »

    J’ai vécu aux Etats-Unis aussi, dans la Bible Belt qui plus est, et votre analyse me paraît pertinente. Ma remarque sur Camping était qu’il avait consacré, comme vous le recommandez, « de l’étude et de la réflexion » aux textes sacrés, et qu’il arrivait pourtant à une interprétation différente de la vôtre. Et j’ai la faiblesse de penser que ce sont des critères de « logique » et de « compatibilité avec le réel » qui vous font estimer que votre interprétation est meilleure que la sienne, les mêmes (poussés plus loin) qui me font estimer pour ma part que votre interprétation est également défaillante.

    Par ailleurs, dans le cadre d’une évolution guidée par Dieu, je ne vois pas bien comment expliquer l’homme de Neandertal ou les autres branches hominiennes éteintes et parallèles à « Sapiens », alors qu’elles me semblent bien cadrer avec l’hypothèse d’une évolution exploratoire « au hasard ». Il est vrai cependant qu’avec votre thèse selon laquelle le péché originel a eu pour effet de brouiller notre claire perception des choses, tout raisonnement devient douteux.

    C’est d’ailleurs avec un argument qui me paraît du même ordre que Camping se débarrasse de l’objection « l’homme ne peut connaître la date du Jugement Dernier » : pour lui en effet Dieu avait volontairement aveuglé les hommes, sur cette « évidence » inscrite depuis toujours dans la Bible, jusqu’à peu de temps avant le dénouement de samedi prochain (DSK se révèle-t-il être l’Antéchrist ? 😉 )

    Il me semble donc que la seule discussion qui puisse être intéressante pour vous, c’est la discussion avec les chrétiens qui affirment que leur foi n’est en rien incompatible avec l’acceptation de la légitimité de la démarche scientifique, ce qui suppose la prise en compte des résultats de cette démarche, qui demanderont toujours une interprétation.

    En effet. Et mon sentiment est que pour maintenir cette compatibilité, l’interprétation devra aller jusqu’à une dénaturation symbolisation extrême de la foi chrétienne.

    Courtlaïus a écrit : :

    La citation bibilique qu’on retrouve le plus dans les écoles et universités du moyen-âge : « omnia in mensura, et numero et pondere posuisti. » C’est l’une des clés qui a rendu possible un tel développement des sciences en Occident.

    Soit. Alors si l’on admet que d’autres cultures ont trouvé dans d’autres phrases, d’autres clés (plus rapides au demeurant) de développement des sciences, nous pourrons tomber d’accord 🙂

    « Ce qui s’oppose à l’Écriture ce n’est pas ce qui est en elle, mais ce qu’il y a mis lui-même, croyant que cela constituait son sens » => c’est le coeur de la défense très intelligente de Galilée

    C’est un peu mon point : mille ans après cette phrase de St Augustin, il a encore fallu que Galilée dépense des trésors d’intelligence pour faire admettre que des observations et des mesures pouvaient constituer des arguments suffisants pour imposer un renversement d’interprétation des Ecritures. Ca ne me paraît pas tout à fait un boulevard ouvert à la démarche scientifique.

  • Yogui a écrit : :

    Il est vrai cependant qu’avec votre thèse selon laquelle le péché originel a eu pour effet de brouiller notre claire perception des choses, tout raisonnement devient douteux.

    Pas « tout » raisonnement. Dans ma métaphore de « l’aveuglement », les aveugles continuent de raisonner. Les théologiens discutaient beaucoup, ce thème est un peu passé de mode, sur le statut de la « natura lapsa », c’est-à-dire des capacités qui subsistaient chez l’homme « après » le péché originel.

  • Yogui a écrit : :

    il a encore fallu que Galilée dépense des trésors d’intelligence pour faire admettre que des observations et des mesures pouvaient constituer des arguments suffisants pour imposer un renversement d’interprétation des Ecritures.

    Le problème ne se posait pas vraiment comme cela. Le principe d’une lecture à plusieurs niveaux (littéral, symbolique, spirituel,…) des Écritures était acquis depuis longtemps, et l’on admettait que la lecture littérale pouvait être écartée pour de bonnes raisons. Mais l’Église, qui se méfiait comme de la peste des interprétations « sauvages » des textes, sources de toutes les hérésies, se réservait le droit de décider quand les preuves présentées étaient assez solides pour écarter le sens littéral.

    On discute encore de savoir si l’étayage scientifique des thèses de Galilée était inattaquable quand elles furent présentées, mais je reconnais bien volontiers qu’en l’espèce, l’Église était juge et partie, ce qui ne favorisait pas une discussion sereine.

    Il est cependant très probable que ce qui entraîna la condamnation de Galilée (mieux traité que DSK, vous me l’accorderez), ne fut pas vraiment sa thèse que bien des gens d’Église acceptaient en fait. Mais plutôt la façon cavalière dont il traita le Pape qui l’avait longtemps protégé et surtout le fait qu’en ruinant le modèle géocentrique, il ruinait l’autorité de l’Université d’alors, qui reposait sur la science d’Aristote. Imaginez le traitement réservé par ses pairs à un brillant sociologue remettant en cause la doxa marxiste dans l’université française des années soixante…

  • Yogui a écrit : :

    Soit. Alors si l’on admet que d’autres cultures ont trouvé dans d’autres phrases, d’autres clés (plus rapides au demeurant) de développement des sciences, nous pourrons tomber d’accord .

    On ne sera pas d’accord – les historiens de la science non plus probablement ; il y a des faits qui sont vraiment trop têtus.

    Il a encore fallu que Galilée dépense des trésors d’intelligence pour faire admettre que des observations et des mesures pouvaient constituer des arguments suffisants pour imposer un renversement d’interprétation des Ecritures. Ca ne me paraît pas tout à fait un boulevard ouvert à la démarche scientifique.

    Non vous n’y êtes pas du tout. L’histoire de Galilée n’a fait que rappeler à un certain nombre de clercs que les Ecritures n’enseignent en aucune manière comment va le ciel – plutôt comment on y va (dixit Baronius apparemment). Pour le reste Galilée n’a rien changé ni aux dogmes ni aux règles d’interprétation des Ecritures. En 2000 ans d’histoire, vouloir figer les relations entre l’Eglise et la science sur un simple accident est intellectuellement très imprudent. C’est risquer de donner le bâton pour se faire battre comme plâtre.

    @Aristote : vos Jésuites devaient être d’âpres lecteurs de st Augustin 🙂 qui écrivait aussi « Loin de nous la pensée que Dieu haïsse dans l’homme ce en quoi il l’a créé supérieur aux autres animaux ! A Dieu ne plaise que la foi nous empêche de recevoir ou de demander la raison de ce que nous croyons, puisque nous ne pourrions pas croire si nous n’avions pas des âmes raisonnables ! [Lettre à Consentius (120,3)] »

  • Une remarque : choisir les élucubrations d’un Camping comme l’exemple de quelqu’un « qui connaît de fond en comble » la Bible, c’est montrer qu’on se trompe entre vrai du faux, signifiant et accessoire, symbole et confusion.

    Camping ne connaît pas bien la Bible, je l’avais montré à la fin du sujet « Esprit de Noël » ; sa réflexion est celle d’un Russel (Charles Taze), ou d’un Moon (lui aussi révérend). Choisir ce type comme référence pour argumenter contre des catholiques, c’est pas bien sérieux.

  • Courtlaïus a écrit : :

    On ne sera pas d’accord – les historiens de la science non plus probablement ; il y a des faits qui sont vraiment trop têtus.

    En effet. L’importation des méthodes et connaissances mathématiques, géométriques, astronomiques et médicales des Arabes par l’Occident au XIe siècle paraît trop solidement documentée.

    Non vous n’y êtes pas du tout. L’histoire de Galilée n’a fait que rappeler à un certain nombre de clercs que les Ecritures n’enseignent en aucune manière comment va le ciel – plutôt comment on y va (dixit Baronius apparemment). Pour le reste Galilée n’a rien changé ni aux dogmes ni aux règles d’interprétation des Ecritures.

    Les règles édictées par St Augustin étaient si peu claires qu’elles étaient interprétées de travers par les clercs ? C’est Aristote (le nôtre) qui me semble apporter la réponse : il fallait avant tout veiller à éviter les interprétations hérétiques des textes. Et il a fallu un bon millénaire pour que les mesures et observations du réel soit admises comme pesant suffisamment pour valoir contre l’interprétation littérale. C’est pourquoi toute thèse tenant que les règles initialement posées étaient particulièrement favorables à l’éclosion des sciences me paraît difficile à soutenir, car ça n’a simplement pas été le cas.

    Serge a écrit : :

    Choisir ce type comme référence pour argumenter contre des catholiques, c’est pas bien sérieux.

    L’exemple est extrême, j’en conviens 🙂 ! Mais il illustre bien pour moi le problème : sur quels critères différencions-nous les interprétations de cet hurluberlu et celles des catholiques ? Un vote majoritaire ? La logique et à la cohérence avec le réel ? Que peut-on proposer ?

  • La réponse est simple, mais pour vous, elle ne n’apportera rien. La voici : sur le critère de l’expérience des apôtres.

  • Yogui a écrit :

    En effet. L’importation des méthodes et connaissances mathématiques, géométriques, astronomiques et médicales des Arabes par l’Occident au XIe siècle paraît trop solidement documentée.

    Mais personne ici ne conteste l’apport de savants musulmans (qui n’étaient pas tous Arabes) et Arabes (qui n’étaient pas tous musulmans), de même que personne ne conteste que ces savants ont largement puisé dans l’héritage byzantin, que personne ne conteste que la dynamique scientifique a calé précocemment en terre d’islam, et que personne ne conteste que la transmission de cet héritage a été largement rendu possible par des traducteurs chrétiens et juifs. Voici un autre constat des historiens : la révolution scientifique eut lieu en Europe au XVII°. Pas en Inde, ni en Chine, ni chez les Papous. C’est ce qui provoque une interrogation des historiens, comme par ex Joseph Needham : « pourquoi la Chine, avec sa considérable avance sur l’Europe jusqu’à la Renaissance, n’a-t-elle pas été le théâtre de cette révolution ? » Comme ces historiens n’immolent ni au dieu hasard, ni à la déessse nécessité, ils cherchent des réponses raisonnables. Autre constat : les religieux (moines, prêtres etc.) ayant contribué à l’avancée de la science et des savoirs en Europe sont extrêmement nombreux. Les chrétiens laïcs scientifiques (à commencer par Galilée) sont encore plus nombreux. Les scientifiques formées intellectuellement dans des écoles tenues par des ordres religieux encore plus innombrables. Tous ces constats font dire à des gens comme Pierre Duhem, Alfred North Whitehead, Needham (en creux) etc. que peut-être le christianisme fut un terreau fertile pour les sciences, en avançant des arguments pertinents. c’est à la fois développé et résumé là tiens (foi & déraison)

    Les règles édictées par St Augustin étaient si peu claires qu’elles étaient interprétées de travers par les clercs ?

    J’avoue que je ne comprends pas comment on peut arriver à cette interrogation à partir de ce que j’ai pu écrire – peu importe. La tentation d’interpréter littéralement a toujours existé : la preuve vous-même vous le faites. Galilée est une simple piqûre de rappel. D’ailleurs les citations qu’il fait de saint Augustin lui ont vraisemblablement été soufflées par ses soutiens parmi le clergé. Pour plus de précisions sur cette affaire on peut se référer à l’ouvrage du cardinal Paul Poupard, qui fut chargé par Jean-Paul II de réexaminer le procès Galilée.

    C’est pourquoi toute thèse tenant que les règles initialement posées étaient particulièrement favorables à l’éclosion des sciences me paraît difficile à soutenir, car ça n’a simplement pas été le cas.

    Outre que je n’ai pas bien compris l’articulation logique de la proposition, la conclusion est l’exacte inverse : il suffit de consulter l’annuaire des savants de ces deux mille dernières années (bon y en a pas mal qui ne prennent plus d’appels depuis longtemps :-)). De nos jours ce serait d’ailleurs plutôt l’athéisme avec leurs dei ex-machina Hasard et Nécessité qui risque de tuer la science.

  • Courtlaïus a écrit : :

    Voici un autre constat des historiens : la révolution scientifique eut lieu en Europe au XVII°. Pas en Inde, ni en Chine, ni chez les Papous. C’est ce qui provoque une interrogation des historiens, comme par ex Joseph Needham : « pourquoi la Chine, avec sa considérable avance sur l’Europe jusqu’à la Renaissance, n’a-t-elle pas été le théâtre de cette révolution ? »

    C’est une bonne question, et je ne prétends pas en connaître la réponse. Mais mon interrogation, plutôt inverse, était : « Pourquoi l’Europe, si elle était dotée dès le IIIe siècle d’une religion si favorable à la raison et à la science, a-t-elle accusé un tel retard pendant un entier millénaire ? » Pourquoi a-t-il fallu qu’elle soit « fécondée » par des cultures extérieures pour enfin se révéler ? Les principes rappellés par Galilée étaient-ils si prégnants dans la doctrine, qu’ils aient pu être « oubliés » pendant 1000 ans ? Certes ensuite le retard a été rattrapé. Mais peut-on imputer ce succès tardif à ces mêmes racines qui, laissées à elles-mêmes pendant un millénaire, n’avaient pu parvenir – sur ce plan – au niveau d’autres civilisations ?

    Par la suite, une fois l’occident lancé dans la course scientifique, il est bien clair que la quasi totalité des intellectuels et savants étaient de formation chrétienne, du simple fait du statut de religion d’état du christianisme. De plus je pense qu’il était conceptuellement beaucoup plus difficile d’être athée avant que Darwin ne découvre la théorie de l’évolution.

    De nos jours ce serait d’ailleurs plutôt l’athéisme avec leurs dei ex-machina Hasard et Nécessité qui risque de tuer la science.

    On pourra noter qu’aux Etats Unis au moins non seulement l’athéisme est plus répandu chez les scientifiques que dans la population globale, et qu’il a cru tout au long du XXe siècle, mais que de surcroît plus le niveau scientifique est élevé plus la proportion d’athées est importante. Il ne semble pas cependant que la science US du XXe siècle ait été marquée d’un fort déclin.

  • Yogui a écrit : :

    « Pourquoi l’Europe, si elle était dotée dès le IIIe siècle d’une religion si favorable à la raison et à la science, a-t-elle accusé un tel retard pendant un entier millénaire ? »

    Disons qqs siècles. Il y a notamment les aléas de l’histoire : en Occident invasions barbares et graves problèmes dynastiques jusqu’à la fin du X°. A partir de ce début de stabilisation, le savoir prend son essor (avec des hauts et des bas évidemment en fonction du temps et des lieux). On notera que pdt ces qqs siècles, ce sont les monastères principalement qui tiennent le savoir occidental à bout de bras. Merci Benoît (l’autre). (Le petit bouquin de Gimpel « La Révolution industrielle du Moyen Âge » est passionant – au-delà de sa thèse à laquelle on est pas obligé d’adhérer).

    il est bien clair que la quasi totalité des intellectuels et savants étaient de formation chrétienne, du simple fait du statut de religion d’état du christianisme.

    Merci de rappeler que le christianisme n’a pas été hostile au savoir. Il aurait pu tout aussi bien se contenter de faire apprendre la bible par coeur.

    On pourra noter qu’aux Etats Unis au moins non seulement l’athéisme est plus répandu chez les scientifiques que dans la population globale.

    On aura donc bien compris, d’expérience, qu’un bon scientifique l’est indépendamment de ses croyances – le débat n’a pas lieu d’être : des scientifiques athées qui se trompent, on en ramasse autant à la pelle que d’autres qui croient en Dieu. C’est pas très grave, tout le monde se plante 🙂

    L’idée est plus générale : c’est qu’avec ces notions bancales de hasard & nécessité, l’on s’est trouvé une sorte de martingale intellectuelle qui permet de se dispenser des efforts de la recherche des causes secondes – on a plus à se poser de questions en qqsorte. Un problème ? Blah blah hasard, blah blah blah nécessité, on en parle plus, question suivante. Le risque est là à mon avis, et il suffit de recenser les théories les plus abracadabrantesques qui fourmillent en tous sens, et qui ne reposent quasiment que sur ces principes : le reste relèvant du talent du romancier. C’est juste une intuition, mais je pense que ceux qui prendront une avance scientifique seront ceux qui rejetteront absolument ces notions de hasard dans les causes secondes.

    Voilà – il me semble qu’on a fait grossièrement le tour du hors-sujet 🙂

  • @ Yogui:

    On a écrit des bibliothèques sur l’origine du développement des sciences. Je ne suis pas intéressé à essayer de démontrer que le christianisme est la raison suffisante de ce développement.

    Pour la thèse que je plaide, à savoir qu’il n’y a aucune incohérence à être à la fois scientifique et chrétien, il me suffit que le christianisme n’ait pas été historiquement, sur longue tendance et en dépit de conflits à remettre dans leur contexte, un obstacle au dit développement.

    Il serait quand même étonnant que la science se soit développée dans un milieu qui lui aurait été intrinsèquement défavorable. Dans le cadre d’une pensée évolutionniste, cela demanderait au moins une explication serrée. Je ne doute pas que la virtuosité argumentative des darwiniens soit en mesure d’en proposer une…

  • mais que de surcroît plus le niveau scientifique est élevé plus la
    proportion d’athées est importante.

    Non ; il n’y a pas de relation directe entre niveau scientifique et athéisme. La cause principale, c’est le déficit de culture de plus en plus manifeste, et le manque d’un socle symbolique suffisant chez la plupart, encore plus chez
    des scientifiques de haut niveau qui sont obligés de se spécialiser à outrance, complexité des sujets oblige. Une référence à la foi chrétienne, même mal comprise, les protégerais ; sans cet ancrage, ils se mettent à croire non pas à rien, mais à n’importe quoi, et hors de leur spécialité, restent humainement inaboutis.
    Cette étude n’indique pas les causes, mais constate des chiffres : en conclure une cause à effet est erroné. Surtout que tout d’un coup (dans ce sujet), on passe de l’argument d’une science qui n’a rien à voir avec la foi, a la science qui détruit la foi ; il faudrait savoir.

  • Courtlaïus a écrit : :

    Il y a notamment les aléas de l’histoire : en Occident invasions barbares et graves problèmes dynastiques jusqu’à la fin du X°

    De telles comparaisons sont difficiles. Pendant la même période les civilisations arabes étaient-elles des havres de paix et de prospérité ? Je ne connais pas suffisamment leur histoire pour le dire.

    c’est qu’avec ces notions bancales de hasard & nécessité, l’on s’est trouvé une sorte de martingale intellectuelle qui permet de se dispenser des efforts de la recherche des causes secondes – on a plus à se poser de questions en qqsorte. Un problème ? Blah blah hasard, blah blah blah nécessité, on en parle plus, question suivante.

    Vous oubliez que « hasard et nécessité » ça se met en équations, ça se calcule, et ça se vérifie sur le terrain. A l’inverse, Dieu m’apparaît comme le Joker Ultime : une question ? un problème ? « Dieu ! Joker ! C’est Lui ! Ne cherchez pas plus loin ! »

    Aristote a écrit : :

    Pour la thèse que je plaide, à savoir qu’il n’y a aucune incohérence à être à la fois scientifique et chrétien, il me suffit que le christianisme n’ait pas été historiquement, sur longue tendance et en dépit de conflits à remettre dans leur contexte, un obstacle au dit développement.

    Là aussi les comparaisons sont difficiles. Avec le même argumentaire on doit pouvoir montrer que le christianisme ne s’oppose pas aux guerres, aux injustices, aux persécutions …

    Serge a écrit : :

    La cause principale, c’est le déficit de culture de plus en plus manifeste, et le manque d’un socle symbolique suffisant chez la plupart, encore plus chez des scientifiques de haut niveau qui sont obligés de se spécialiser à outrance, complexité des sujets oblige.

    On manque de données certes … mais parmi ceux qui se « spécialisent à outrance », trouve-t-on autant d’athées chez les docteurs en droit, les chirurgiens, ou les workaholics de tous bords ?

    Quant à vos insultes gratuites envers les scientifiques de haut niveau qui se « mettent à croire à n’importe quoi » et « restent humainement inaboutis », il ne me paraît pas utile de les relever. Et pour ma part en tous cas, comme je l’ai dit dans mes commentaires précédents, science et Révélation s’opposent en effet nécessairement dans la mesure où la Révélation fait peu ou prou référence au monde réel.

  • Yogui a écrit : :

    Là aussi les comparaisons sont difficiles

    Vous répondez à côté. Le sens évident de mon commentaire est que la charge de la preuve pèse sur ceux qui plaident que le christianisme est globalement défavorable à la science, alors que la science s’est développée dans un univers chrétien.

    Les guerres, les injustices et les persécutions appartiennent à tous les bassins de civilisation. Le développement des sciences est euro-centré, alors que les prémisses des sciences étaient elles beaucoup plus largement répandues.

  • @ Aristote: Il semble que la science se soit d’abord développée dans les univers chinois et arabes avant de trouver à s’épanouir à partir du XIIe siècle en terre chrétienne, en partie par importation. Je ne suis pas historien mais ce schéma ne correspond guère à un christianisme « terreau des sciences », on peut penser que d’autres facteurs socio-économiques entrent en jeu.

  • Le développement des sciences est euro-centré

    Le développement des sciences est un phénomène exponentiel (les avancées étant proportionelles aux avancées précédentes, dx/dt=a*x).
    Par conséquent, il est logique que la société ayant un peu d’avance à l’instant t se retrouve avec une avance gigantesque à t+dt pour dt assez grand, mécaniquement, et indépendamment de tout autre paramètre extérieur au champ de la science.

    Est-ce le christianisme qui a permis la petite avance de l’europe à un instant initial? Rien ne l’indique, puisque l’instant initial peut raisonnablement être situé avant JC, et qu’entre cet instant et maintenant, on a plutôt l’impression que le développement, exponentiel dans l’absolu, a été freiné par les sociétés européennes.

  • @ Yogui et Gatien

    Mais la question est justement là. Nous sommes bien d’accord que l’origine princeps de la « science » est fort mystérieuse et prédate l’ère chrétienne. Oui l’Europe a importé, et pas seulement des Arabes.

    Mais alors pourquoi cette brutale accélération des sciences en Europe et pas ailleurs, si le christianisme est un frein à la démarche scientifique ? Encore une fois je ne cherche pas à « baptiser » la science, simplement je demande qu’on m’explique pourquoi elle s’est développée dans un environnement que vous dites lui être fondamentalement hostile ? Pourquoi pas en Chine, civilisation indemne du virus judéo-chrétien jusque tardivement ? Pourquoi pas en terre musulmane, source de toutes les lumières ?

    Il me semble donc que la charge de la preuve pèse sur ceux qui prétendent que le christianisme est intrinsèquement un obstacle à la pensée scientifique.

    @ Yogui

    Et vous semblez quand même oublier assez cavalièrement les Grecs…

  • Gatien, il me semble plus que farfelu de penser l’essor des sciences sur plusieurs siècles – voire millénaires…- comme vous le faîtes, par une exponentielle.
    Il y a des « sauts ontologiques » dans l’essor de la science -comme dans l’évolution, d’ailleurs- que votre réduction à une simple exponentielle néglige.

    Une représentation plus réaliste serait une succession de plusieurs exponentielles, montant par paliers successifs ; chaque exponentielle prenant la relève (ou pas) avant ou au moment où la précédente arrive à bout de course.

    On ne peut pas comprendre l’impasse technologique dans laquelle nous sommes aujourd’hui si on en reste à cette vision réductrice à une seule exponentielle, réductrice donc fausse.

  • Et je vois en me relisant que j’ai franchi un peu vite le pas entre « sciences » et « technologies »…

  • Aristote a écrit : :

    Mais alors pourquoi cette brutale accélération des sciences en Europe et pas ailleurs, si le christianisme est un frein à la démarche scientifique ?

    Personnellement, je ne sais pas, et comme les « expériences » civilisationnelles ne sont pas reproductibles, ce débat me paraît vain.

    J’ai depuis longtemps dans ma pile de lecture en attente « De l’inégalité parmi les sociétés », qui s’attaque à ce type de questions sous de nombreux angles, dont la religion n’est qu’un volet. Que se serait-il passé « toutes choses égales par ailleurs », en ne changeant « que » la religion, ne me paraît pas un débat pertinent. Et par ailleurs j’avais évacué les grecs pour ne retenir que des civilisations parallèles à l’époque chrétienne.

    @ PMalo: Des sauts, certes, mais ontologiques, c’est vite dit :-). Parler d’impasse scientifique me paraît également rapide, d’une part parce que le XXe siècle n’est pas si loin, et d’autre part parce que assimiler d’un même geste les évolutions récentes de disciplines comme la physique des particules, l’astrophysique ou la génétique me paraît largement abusif.

  • Yogui a écrit : :

    Personnellement, je ne sais pas, et comme les « expériences » civilisationnelles ne sont pas reproductibles, ce débat me paraît vain

    Tout à fait d’accord, mais comme on disait dans ma cour de récréation, ce n’est pas moi qui ai commencé 🙂

  • @Aristote

    Pourquoi pas en Chine, civilisation indemne du virus judéo-chrétien jusque tardivement ?

    A ma connaissance, on ne trouve pas trace de formalisation « à la grecque » dans la Chine de la même époque. La connaissance chinoise était empirique, non théorique. Ce n’est pas une question d’accélération soudaine en Europe, mais bien une question d’instant intitiale pré-chrétien.

    @PMalo

    Une représentation plus réaliste serait une succession de plusieurs exponentielles

    Alors là, franchement… dire qu’une fonction exponentielle est trop simpliste (c’est une évidence), pour proposer finalement une succession d’exponentielles, c’est petit bras. Vous ne risquez pas l’entorse avec un si petit « saut ontologique ». 😉

  • Aristote et Courtlaius c’est émouvant. Yogui ecrit sans coup ferir que le libre arbitre est le fruit d’un processus deterministe (sic), et vous essayez encore de communiquer. Decidement les cathos nouveaux sont arrivés et ils debordent des vertus capitales, foi, esperance et charité!

  • @ oim:

    Dans ma perspective, dire que le monisme matérialiste est vrai est une contradiction performative, car le monisme matérialisme fait exploser la notion de vérité, laquelle est de fait intrinsèquement liée à celle de liberté.

    Mais les monistes matérialistes ne nient pas cette contradiction performative, au fond leur argument, qui n’est pas absurde en tant que tel, est de dire que l’exigence de non-contradiction est une exigence formelle qui n’est pas objectivement fondée. On peut argumenter longtemps sur le plan philosophique, ce type de discussion n’a jamais fait bouger qui que ce soit, croyant ou athée.

    Pour Yogui, être chrétien c’est adhérer à un corpus d’idées, au sens où un physicien adhère ou non à la théorie des cordes. Pour un chrétien, être chrétien c’est avoir rencontré une personne, le Christ ressuscité. Il y a bien sûr des conséquences intellectuelles à affirmer que le Christ est ressuscité, et il est important de les tirer au clair. Mais la rencontre avec le Christ est première, c’est une expérience, pas une théorie.

    Le fond de la dispute courtoise que j’entretiens avec Yogui est la suivante. Yogui avance qu’il est impossible de prendre au sérieux la démarche scientifique et de prétendre en même temps avoir rencontré le Christ ressuscité. Je tiens que c’est possible. Je ne prétends jamais que prendre au sérieux la démarche scientifique conduirait nécessairement à rencontrer le Christ !

    Bref, si Yogui me dit qu’il est athée, va bene, s’il me dit qu’il est athée parce qu’il est scientifique, je proteste.

  • @ oim: Apparemment vous n’avez pas cherché à savoir ce qu’était le « problème des trois corps » que je mentionnais plus haut. Essayons d’éveiller votre conscience avec deux mots seulement : « Déterministe = Imprédictible ».

    @ Aristote: Hum je crains que Koz, qui nous a laissés gambader sur ce fil à loisir jusqu’à présent, n’éprouve quelque lassitude si nous entrons dans ce genre de débat ;-).

    Brièvement cependant, je n’ai jamais vraiment compris votre argument selon lequel le matérialisme ferait « exploser la notion de vérité ». Le matérialisme maintient le principe de l’existence d’une « réalité extérieure » explorable, et d’une « pensée » qui construit des modèles. La « vérité » c’est la capacité de ces modèles à rendre compte de cette réalité. Le fait que cette pensée soit elle-même issue de processus matériels ne m’apparaît pas comme une contradiction.

    leur argument, qui n’est pas absurde en tant que tel, est de dire que l’exigence de non-contradiction est une exigence formelle qui n’est pas objectivement fondée.

    Je ne vois pas en quoi cela refléterait mon point de vue. L’exigence de non-contradiction est le coeur de la logique. Les contradictions que pour ma part je perçois dans le christianisme sont une des raisons de mon opposition à cette foi.

    Pour Yogui, être chrétien c’est adhérer à un corpus d’idées, au sens où un physicien adhère ou non à la théorie des cordes.

    Un physicien n’adhère pas à la théorie des cordes, il la teste. Les autres termes que vous utilisez prêtent également à confusion ; ainsi vous n’avez pas rencontré une personne au sens physique de ces mots, et cette rencontre n’est une expérience qu’au sens anglo-saxon, c’est à dire un ressenti, et non une expérience au sens d’une réalité extérieure (qui serait un experiment).

    Yogui avance qu’il est impossible de prendre au sérieux la démarche scientifique et de prétendre en même temps avoir rencontré le Christ ressuscité.

    Formulé ainsi les termes me paraissent trop vagues : que veut dire « rencontré » ? Quelles sont les implications de cette « rencontre » sur les modèles que nous formons du monde réel et leur mise à l’épreuve, c’est à dire sur la démarche scientifique ?

  • Yogui a écrit : :

    Brièvement cependant, je n’ai jamais vraiment compris votre argument selon lequel le matérialisme ferait « exploser la notion de vérité »

    Ce qui me frappe, c’est que des matérialistes fort sérieux, comme Rorty ou Dennett (« Consciousness explained » y consacre de nombreuses pages) , voient très bien où est le problème. Mais vous avez raison, nous allons lasser Koz, qui vraisemblablement ne nous lit déjà plus…

    Je vous propose de briser là sur ce coup, nous aurons d’autres occasions…

  • Yogui essayons d’eveiller votre conscience : « libre = alternative ». Vous ne comprenez manifestement pas que deterministe et alternative se contredisent quand bien meme vous comprenez qu’un Dieu hors du temps omniscient interdirait le libre arbitre humain. Personnellement je suis totalement convaincu de vos blocages psychologiques irremediables et je vais donc briser avec vous egalement mais de maniere definitive. Je me contenterai de vous renvoyer a celui qui a fait son coming out athée recemment et qui ecrit tres explicitement que le libre arbitre est une illusion, Stephen Hawking. Ayez sa lucidité et essayez de voir ou vous emmene cet unique et simple corollaire du materialisme.

  • Aristote je suis bien d’accord avec vous et l’ai deja ecrit ici (sous l’article sur « qui veut etre aimé » je crois). Vous comprenez neanmoins qu’une fois croyant, la preeminence de la rencontre est claire, mais que certains non croyants sont exclus de toute possibilité de rencontre par des obstacles intellectuels qu’il nous faut affronter.

    Personnellement je suis convaincu que la question de l’existence de Dieu est inconnaissable de façon définitive et n’attend pas de ce debat qu’il me fasse changer d’avis sur la croyance en general, en revanche je n’exclus pas qu’il me fasse progresser dans les details des hypotheses sur lesquelles je base ma vision du monde.

    Or, quoi que nous puissions jouir indefiniment du bonheur et de la plenitude de la rencontre avec Jesus, nous vivons egalement une vie incarnée avec des questionnements moraux complexes qui en appellent à une vision précise et juste du monde.

    Sur le reste, je partage l’humilité de votre position et la limite en deçà de laquelle vous ne souhaitez pas descendre. Je tiens personnellement l’athéisme pour l’hypothèse la plus crédible (facile à croire) et je ne pretend nullement demontrer l’existence de Dieu (meme si j’ai quelques arguments pour la defense), en revanche je pretend pousser les athées à aller au bout de leurs hypotheses et à me justifier en quoi il reste une valeur à l’Homme, à eux-memes, à la morale au bout de ce chemin que j’ai emprunté moi-meme par le passé. J’estime que quand une hypothèse est inconnaissable, on peut neanmoins choisir de la retenir ou non en fonction des consequences qui en decoulent.

  • Aristote a écrit : :

    Rorty ou Dennett (« Consciousness explained » y consacre de nombreuses pages) , voient très bien où est le problème.

    Ah ? Voilà qui m’étonne. Je me procurerai le bouquin de Dennett.

    oim a écrit : :

    « libre = alternative ». Vous ne comprenez manifestement pas que deterministe et alternative se contredisent quand bien meme vous comprenez qu’un Dieu hors du temps omniscient interdirait le libre arbitre humain.

    Le déterminisme étant imprédictible, c’est bien qu’il donne lieu à « alternative » – sinon la prévision serait évidente – et donc qu’il y a en son sein la possibilité d’une liberté.

    Vous me rappelez le contresens exemplaire commis par le Figaro dans sa critique du bouquin de Hawking, je cite : « Bien que nous pensions décider de nos actions, notre connaissance des fondements moléculaires de la biologie nous montre que les processus biologiques sont également gouvernés par les lois de la physique et de la chimie, et qu’ils sont par conséquent aussi déterminés que les orbites des planètes. » Eh bien justement, les orbites des planètes ne sont pas déterminées. Enfin pour ma part je ne désespère pas que vos blocages psychologiques ne soient pas irrémédiables … voyez donc à qui appartient l’Espérance ! 😀

    je pretend pousser les athées à aller au bout de leurs hypotheses et à me justifier en quoi il reste une valeur à l’Homme, à eux-memes, à la morale au bout de ce chemin que j’ai emprunté moi-meme par le passé.

    L’Homme a la valeur qu’il se donne, qui me paraît bien supérieure à celle d’être le jouet d’un Dieu qui le crée pécheur pour mieux l’en punir (oui c’est de la provoc’, qui tente péniblement d’arriver à la cheville de la vôtre 😉 ).

  • Yogui a écrit : :

    Eh bien justement, les orbites des planètes ne sont pas déterminées.

    Certes, et cela fit la gloire de Poincaré. Mais sur le plan philosophique, la distinction qui importe est moins celle entre déterminisme et hasard, même si la controverse nourrie par Thom a eu son intérêt, que celle entre ordre des causes et ordre des raisons ou celle, qui lui est liée, entre loi causale et règle, le statut de l’erreur, etc.

  • Excusez moi Yogui, mais là c’est vous qui semblez tout mélanger. Les trajectoires des planètes sont parfaitement déterminées, même si imprévisibles : c’est du chaos déterministe.
    Pour reprendre plus largement votre réponse à oim, si à une absence de liberté d’action s’ajoute une absence de connaissance qui donne une illusion de liberté, même si vous baptisez le tout « libre arbitre », c’est une utilisation du vocabulaire qu’on est en droit de discuter. Surtout une fois que l’illusion est démasquée. Considérez vous que Mercure, Vénus soient libres de leur trajectoire ? C’est une lecture assez inédite pour le coup (même si elles, elles peuvent avoir l’illusion de l’être) !
    Pour le reste, je me sens assez proche des arguments avancés par Aristote, mais comme il débat avec beaucoup de clarté, je me contente de le lire avec plaisir.

  • je pretend pousser les athées à aller au bout de leurs hypotheses et à me justifier en quoi il reste une valeur à l’Homme, à eux-memes, à la morale au bout de ce chemin que j’ai emprunté moi-meme par le passé.

    Qu’est-ce qui vous a fait nier la valeur de l’homme et vous éloigner de la morale, une fois le libre arbitre écarté?

  • Gatien, pour la morale c’est simple. Il faut un choix. La morale c’est le choix du bien ou du mieux. La pas de choix. Donc pas de morale.

    Pas de bien non plus, car pas de valeur. Meme si les mecanismes qui gouvernent une decision sont au dela de notre comprehension a l’heure actuelle, s’ils ne sont que l’enchainement de phenomenes physiques materiels, alors je ne vois pas en quoi ils sont supérieurs à la trajectoire d’une goutte d’eau le long d’un torrent. Je n’ai jamais pleuré sur un verre d’eau… Le materialisme c’est la fin de toutes les illusions, pas seulement celles des religions j’en ai peur. C’est la reduction de toute chose à la matiere, matiere qui n’a pas de valeur en soi.

    Je pense qu’il manque un petit paquet d’interlignes pour que je sois comprehensible. Je vais tenter une image. Ken et Barbie sont heureux. Ils sont beaux, eternellement jeunes, ne font jamais caca, ne manquent de rien, ont un paquet de super panoplies, ils peuvent meme faire l’amour sans se proteger (faciles ils sont deja en latex). Qui a envie d’etre Ken et Barbie? Ils pensent peut etre qu’ils « decident » d’aller danser au macumba club, mais vous et moi qui savons qu’ils ne font qu’executer irremediablement les volontés d’un petite fille de 8 ans, pleurerions-nous sur Barbie en train de fondre sous le soleil passant a travers une loupe? Ca nous ferait chaud ou froid que Ken passe sous les roues de papa?

    Donc oui je mets le libre arbitre, le choix, tres haut sur le chemin critique de la valeur de l’Homme. Si encore c’est Dieu qui le manipule, je serais triste qu’un homme soit detruit car ca fera de la peine à Dieu qui a peut etre une valeur lui, tout comme la destruction de Barbie sera triste à cause de la petite fille. Maintenant, si c’est le « hasard » qui nous manipule, la je ne vois vraiment pas ou serait la valeur detruite.

    Au bout du materialisme, il me reste quoi : certains souffrent mais c’est inevitable, moi meme si je ne fais rien ou si je fais carrement le mal, en quoi en serais-je responsable? L’idee meme d’essayer d’eviter de le faire est absurde (contradiction performative dirait Aristote). Je ne m’accorde guere d’importance à moi meme, mais tant qu’a faire, autant essayer de jouir, seule evidence a ma portée, et tant pis pour les autres. Bref du bouddhisme mais avec une conclusion completement inversée qui me parait hautement plus logique. Bon j’ai remis 100 balles et je comprendrai que Koz commence à s’impatienter, donc j’espere que ca vous suffira. Si vous avez un contrargument choc et valable (evitez moi les phrases vides de sens de certain de vos coreligionnaires svp), je suis preneur…

  • Flam a écrit : :

    Les trajectoires des planètes sont parfaitement déterminées, même si imprévisibles : c’est du chaos déterministe.

    Ces trajectoires sont intrinsèquement non calculables (ce n’est pas juste un problème de puissance de calcul ou de capacité à connaître), elles ne sont pas prévisibles : je ne vois pas bien alors ce que vous entendez par « déterminées ».

    si à une absence de liberté d’action s’ajoute une absence de connaissance qui donne une illusion de liberté, même si vous baptisez le tout « libre arbitre », c’est une utilisation du vocabulaire qu’on est en droit de discuter. Surtout une fois que l’illusion est démasquée. Considérez vous que Mercure, Vénus soient libres de leur trajectoire ?

    La question n’est pas là. La question est de savoir si l’on peut échapper à la remarque de Laplace qui notait : « Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, seraient présents à ses yeux. » Autrement dit le monde (incluant donc l’être humain supposé parfaitement et exclusivement matériel) se déroule-t-il inexorablement comme une mécanique bien huilée où tout est inscrit dès le départ, ou bien y a-t-il place pour un non-déterminisme, un inconnu, un imprévisible, une « liberté » ?

    Dans la science actuelle deux aspects remettent en cause les conclusions de Laplace : la mécanique quantique et son aspect probabiliste, et le chaos et son aspect imprédictible. Je soutenais plus haut que si trois planètes en interaction aboutissaient à des orbites imprédictibles, trois neurones en interaction pouvaient bien aboutir à un résultat imprédictible, que nous appelons alors « libre arbitre ». Ce phénomène que nous vivons de l’intérieur, ces hésitations et ce choix qui se porte finalement sur une option : c’est la façon dont nous percevons cette interaction « imprévisible ».

    A noter d’ailleurs que les croyants me semblent étrangement muets sur le sujet : si c’est « l’âme » qui insuffle son « libre arbitre » dans la mécanique neuronale du cerveau, où quand et comment cela se produit-il ? Par quelle « force » ou phénomène physique une âme extérieure pilote-t-elle le cerveau ? Je ne crois pas qu’aucun se risque à répondre, alors que la question me paraît absolument légitime.

  • oim a écrit : :

    [Le materialisme] C’est la reduction de toute chose à la matiere, matiere qui n’a pas de valeur en soi.

    C’est vous qui posez ce postulat, c’est vous qui mettez sur un même plan le plastique de Barbie, la fourmi qui passe par là, et la petite fille de 8 ans. Evidemment que la « matière » est interchangeable, et d’ailleurs pas un seul atome ne reste dans notre corps plus d’une dizaine d’années. Mais nous pouvons choisir de donner une « valeur » aux structures ou aux êtres auxquels cette matière donne forme et existence.

    Une ville existe au fil des ans alors même que tous ses habitants changent. Une personne existe au fil des ans alors même que toute sa matière change. Le « tout » a une existence, et partant peut avoir une valeur, différente de celle de ses composants.

    Si encore c’est Dieu qui le manipule, je serais triste qu’un homme soit detruit car ca fera de la peine à Dieu

    C’est bien ce type de raisonnement qui me semble ouvrir la voie à toutes les dérives. S’il s’avère que certains hommes ont moins de valeur aux yeux de « Dieu » (soit que vous changiez de Dieu, soit qu’on vous convainque que Dieu a des préférences) alors toute une classe d’hommes n’auront plus de valeur à vos yeux.

  • Gatien, pour la morale c’est simple. Il faut un choix. La morale c’est le choix du bien ou du mieux. La pas de choix. Donc pas de morale.

    Le choix n’est pas en question. Si le déterminisme implique une attitude donnée face à un choix, c’est bien qu’il reste toujours un choix (au sens de quelquechose qui peut être vu comme une alternative par l’observateur extérieur), face auquel le sujet agira d’une manière que nous qualifierons de « morale » ou « immorale ». La morale est un des déterminismes qui influencent les choix, ça parait évident.

    L’idee meme d’essayer d’eviter de le faire [le mal] est absurde (contradiction performative dirait Aristote). Je ne m’accorde guere d’importance à moi meme, mais tant qu’a faire, autant essayer de jouir, […] et tant pis pour les autres

    L’idée que tous nos actes quotidiens devraient être guidés par une vision globale de l’univers que nous nous serions donné au préalable me paraît tout aussi absurde, et quelque peu égocentrée. Dans votre cas, en plus, le raisonnement parait incohérent: « s’il n’y a pas de choix, je ne peux pas choisir de faire le bien, alors je choisis de jouir ». Vous voyez le problème? S’il n’y a pas de choix, vous ne pouvez pas choisir de jouir.

  • Yogui a écrit : :

    Ces trajectoires sont intrinsèquement non calculables (ce n’est pas juste un problème de puissance de calcul ou de capacité à connaître), elles ne sont pas prévisibles : je ne vois pas bien alors ce que vous entendez par « déterminées ».

    Excusez-moi encore mais c’est tout le contraire. C’est un problème de sensibilité aux conditions initiales. Ce sont des choses que j’enseigne, alors je crois être un petit peu compétent dessus 🙂

    Premier point : si vous connaissez parfaitement les conditions initiales et si vous avez une puissance de calcul aussi fine que vous le voulez, alors vous pouvez prédire l’évolution du système (avec une précision aussi grande que vous le souhaitez) pour n’importe quelle date dans le futur comme dans le passé. Ce résultat est le théorème de Cauchy-Lipschitz.

    Deuxième point : pour de nombreux systèmes, même assez simples (trois corps), si on prend des conditions initiales très voisines, il se peut que les solutions obtenues par un tel calcul deviennent très rapidement très différentes. Concrètement, cela signifie que la détermination précédente demande une connaissance des conditions initiales et une puissance de calcul qui croissent exponentiellement avec l’intervalle de temps. C’est cela la théorie du chaos : l’étude de ce type de situation. On peut quantifier ce caractère divergent à l’aide des exposants de Lyapunov

    Mais le point fondamental est qu’un système chaotique a une évolution parfaitement déterminée dans le futur et dans le passé, et que, désolé d’insister, c’est juste une question de connaissance et de puissance de calcul insuffisantes. Après au plan pratique, on peut penser que c’est une insuffisance qu’on ne saura jamais combler, mais c’est tout.

    Puisque vous avez l’air d’aimer Wikipedia, il y a « théorie du chaos » qui est un peu une ébauche. Il y a de bonnes choses, à part un paragraphe qui a été truffé à bon droit de « références nécessaires » car il fait des amalgames douteux et utilise le vocabulaire en un sens très trompeur.

  • @Flam

    Il serait peut-être charitable de considérer que Yogui n’a pas besoin de rappels aussi basiques sur la sensibilité aux CI. C’est dans son interprétation qu’il y a divergence entre les commentateurs, pas sur la propriété elle-même.

    Concrètement, cela signifie que la détermination précédente demande une connaissance des conditions initiales et une puissance de calcul qui croissent exponentiellement avec l’intervalle de temps.

    Tout ça est bien gentils tant que les fonctions sont dérivables. Quid de la sphère en équilibre sur la pointe d’une aiguille? Une différence infime sur sa position initiale, la direction du vent, ou l’âge du capitaine, la fera tomber du côté +1 ou -1 (en 2D). La détermination demande ici une précision infinie, indépendante de l’intervalle de temps, alors même que la solution est bornée.

  • Ah bon ? Yogui parle d’une impossibilité « intrinsèque » que je serais bien heureux de connaître alors.

    Votre idée de passer dans l’infiniment petit ne change pas grand chose, il suffit d’avoir une échelle de description adéquate, et la pointe de votre aiguille change radicalement d’aspect ! Rien d’infini là dedans, c’est juste votre choix de modèle qui est insuffisant.

  • Flam a écrit : :

    Ce sont des choses que j’enseigne, alors je crois être un petit peu compétent dessus 🙂

    J’en suis heureux ! Sincèrement ! Poursuivons donc : oui c’est un problème de sensibilité aux conditions initiales, qui doivent être infiniment bien connues pour que la trajectoire puisse être calculée avec une infinie précision. Le chaos se caractérise justement par le fait que non, je ne peux pas prédire l’évolution du système « avec une précision aussi grande que je le souhaite » puisque tout écart ou toute imprécision dans ma connaissance de départ se traduit par un écart considérable, et imprévisible, à la fin du calcul.

    Or la précision infinie, l’espace R des nombres « réels » (terme consacré mais bien mal choisi) n’existe pas dans le monde physique. La précision « infinie » n’existe pas dans le monde physique, ne serait-ce d’ailleurs que par la barrière quantique. L’évolution d’un système chaotique existant dans le monde physique est donc intrinsèquement inaccessible. Quand bien même son équation existe et est théoriquement calculable sur R, elle ne l’est pas dans la réalité.

    Un système chaotique a une évolution « parfaitement déterminée » dans le futur et dans le passé, au sens où il va se placer sur son attracteur. Mais en quel point (qui sont en nombre infini) de l’attracteur, et quand, cela est imprévisible. De la même manière, on peut supposer que l’espace des décisions possibles n’est pas « quelconque », que le libre arbitre s’exerce au sein d’un certain « attracteur », mais il n’est pas pour autant prévisible. J’ai bon ? 🙂

  • Yogui a écrit : :

    A noter d’ailleurs que les croyants me semblent étrangement muets sur le sujet : si c’est « l’âme » qui insuffle son « libre arbitre » dans la mécanique neuronale du cerveau, où quand et comment cela se produit-il ? Par quelle « force » ou phénomène physique une âme extérieure pilote-t-elle le cerveau ? Je ne crois pas qu’aucun se risque à répondre, alors que la question me paraît absolument légitime.

    Bien sûr qu’elle est légitime. Pour aborder la réponse, peut-être vous faut-il d’abord abandonner les réductionnismes de principe que vous faites, accepter l’idée que le réel ne se limite pas à ce que nos 5 sens (et nos lois physiques actuelles) nous disent, et entendre la réponse : on ne sait pas. La réponse est peut-être derrière le « réel voilé » de Bernard d’Espagnat.
    On peut mettre beaucoup de choses sur le dos de ce réel voilé, comme sur la notion de « placebo » ou les illusions psychiques.

  • @ Yogi : Vous noterez que je n’ai justement jamais fait intervenir l’infini dans mon discours. C’est vous qui demandez une « précision infinie », ce qui ne veut rien dire dans ce contexte. L’infini c’est une abstraction mathématique, comme vous le soulignez vous-même d’ailleurs, ça n’a donc pas plus de sens dans les demandes que dans les réponses !

    Si le choix que je pose est « est-ce qu’à l’instant t+1seconde mon poing va se trouver dans la figure de monsieur X qui m’a insulté à l’instant t », et si on se place dans votre proposition de perspective matérialiste, il y a un seuil de connaissance de la situation suffisant pour répondre. C’est un fait, même si un autre fait est qu’on est immensément loin de pouvoir le déterminer.

    Gatien met le doigt sur le problème quand il dit que le choix est simplement « un choix au sens de quelque chose qui peut être vu comme une alternative par l’observateur extérieur ». Tout l’échafaudage repose sur cet « observateur extérieur » : qui est-ce : un homme ? plein d’hommes ? ayant à leur disposition quels outils de mesure et quelles machines ? ou alors un observateur idéel ? Les premiers cas montrent que la notion de libre arbitre est variable suivant les outils dont on dispose (et donc on peut difficilement prétendre avoir défini « le libre arbitre »). Ce qui est liberté pour les uns est illusion pour les autres. Si on prend un observateur idéel parfait, il n’y a plus aucune liberté, et on voit que tout cela relève de l’illusion.

    En conclusion, si vous disiez « on a une illusion de libre arbitre, et cette illusion ne peut reculer qu’hyper lentement vu la faiblesse de nos moyens humains », cette formulation me paraîtrait satisfaisante. En revanche, adopter la définition du libre arbitre de Gatien pose plus de questions que ça n’en résout.

    PS : pour l’attracteur, c’est plus compliqué, et de toute façon c’est encore une préoccupation de type temps infini.

    PS2 : désolé de lâcher la discussion, je m’aventure quelque temps dans une bulle de vide internautique.

  • @ Flam: J’insistais sur « l’infini » parce que c’est ce qui est requis si l’on veut que la trajectoire chaotique reste déterminée au delà d’un certain horizon. Comme vous le soulignez en mentionnant Lyapunov, cet horizon dépend du système chaotique considéré. Vu les problèmes qu’on a déjà avec trois corps en rotation, et vu les 10^16 connexions synaptiques du cerveau, je serais bien en peine de déterminer quel est « l’horizon » du libre-arbitre humain. En particulier, a-t-il ou non le temps de s’exercer entre l’insulte et le poing dans la figure, voilà qui me paraît difficile à évaluer.

    Quoiqu’il en soit, il semble que nous tombons d’accord sur le fait que la théorie du chaos fournit une imprédictibilité dans un monde physique régi par des lois déterministes. Laplace est donc dépassé, le déterminisme c’est (aussi) l’imprédictibilité, « déterminisme » et « alternative » ne se contredisent pas, ce qui était je crois la question.

    Sur ce dernier point je ne suivrais pas non plus l’approche de « l’observateur extérieur » qui à l’instar du concept de « Dieu », me paraît en effet poser beaucoup plus de problèmes qu’il n’en résout. Pour moi il y a bien choix, irréductible et « libre », si le résultat n’est pas calculable. Soit intrinsèquement non calculable, soit parce que l’horizon chaotique du système en jeu est en deçà du temps humain. Je ne vois pas bien alors où serait « l’illusion » : pour un être humain, voire même pour tout dispositif du monde physique, ce choix restera irréductiblement « libre ».

  • Gatien il n’y a nulle contradiction : ne penser qu’a ma pomme est juste la conclusion inevitable de l’enchainement logique des evenements et consequences qui m’ont amené la ou je suis arrivé, materialiste, voire materialiste deterministe. Je n’ai jamais dit que j’en faisais le choix, si vous aviez lu la phrase juste au dessus sur la contradiction performative, vous en seriez convaincu il me semble.

    Par ailleurs vous confondez une fois de plus impredictible et indeterminé : dans un processus deterministe vous ne savez pas encore ce que vous allez faire mais ca n’empeche pas que c’est deja ca que vous allez faire, et rien que ca. Le temps de prendre la décision et votre ignorance à l’instant t-1 est peut etre pour vous la preuve d’un choix, mais non.

    Vous etes obsédé par l’observateur, l’empirisme, et cela limite fortement votre reflexion au final. En l’occurrence c’est la que vous etes egocentrique, a croire que votre capacité d’experience vous permettra d’aborder toutes les questions.
    Il n’y a pas besoin d’observation pour tirer des conclusions logiques d’hypotheses de depart. Toutes les théories mathematiques sont construites de la sorte (quand bien memes elles serviraient a etudier des phenomenes empiriques au final, ne pas confondre utilité et construction), toute la logique. Que vous puissiez le verifier empiriquement ou non, si le processus de decision est deterministe, alors le choix n’est qu’une illusion, point. On s’en fout qu ‘un gars a coté le voit et s’interroge dessus. L’implication se suffit a elle meme.

    Pour finir j’admets bien volontiers de mon coté que mon desir de connaitre au plus pres le monde pour en tirer une morale ne sera jamais totalement satisfait du fait de mes limitations, mais ca ne m’empechera pas d’essayer ni de penser que plus je comprendrais, meilleur je pourrais etre. Et je me demande bien sur quoi vous basez vos propres decisions si ce n’est pas sur votre vision du monde : vous avez renoncé à l’intelligence et decidé de tout laisser à votre geniale intuition et à vos divers determinismes partiels (education, reflexes pavloviens, dogme materialiste…)?

  • Yogui a écrit : :

    je serais bien en peine de déterminer quel est « l’horizon » du libre-arbitre humain.

    Où mettez-vous le choix, qui se fait sur la durée, d’embrasser la foi ou l’athéisme ?

    Yogui a écrit : :

    En particulier, a-t-il ou non le temps de s’exercer entre l’insulte et le poing dans la figure, voilà qui me paraît difficile à évaluer.

    Sur une occurence, très difficile, indeed. Mais si j’ai choisi de vouloir être un artisan de paix, si je m’y suis exercé dans des situations moins réflexes que celle-ci, alors peut-être puis-je espérer avoir une meilleure capacité à maîtriser mon réflexe de violence. Le « libre-arbitre » à l’échelle d’un acte isolé est une question dont l’intérêt me paraît limité.

  • Flam a écrit : :

    Si on prend un observateur idéel parfait, il n’y a plus aucune liberté, et on voit que tout cela relève de l’illusion.

    Mais celui qui « prend » un observateur idéel parfait n’est pas lui-même un observateur idéel parfait. Le serpent se mord la queue.

  • @ oim:
    C’est admirable, comme une belle construction intellectuelle ressemble parfois à une mauvaise excuse.
    Mon commentaire vous sera (à tous) inutile et vous soupirerez sur l’ignorance de la béotienne que je suis mais, vous ayant suivi avec intérêt, quand je vois la conclusion à laquelle vous parvenez, j’ai envie de dire : tout ça pour ça…

  • Aristote a écrit : :

    Le « libre-arbitre » à l’échelle d’un acte isolé est une question dont l’intérêt me paraît limité.

    Tout à fait. Ces derniers échanges portaient sur le principe même de savoir si « un » libre arbitre était possible dans une approche matérialiste et un monde régi par des lois déterministes. Cette échelle élémentaire, « atomique » du problème fonde les étages supérieurs de réflexion mais n’est pas adéquate pour traiter des problèmes philosophiques que vous soulevez, de même que la théorie atomique explique pourquoi les parpaings sont solides mais n’est pas utilisée par les architectes.

  • @Oim

    Gatien il n’y a nulle contradiction : ne penser qu’a ma pomme est juste la conclusion inevitable de l’enchainement logique des evenements et consequences qui m’ont amené la ou je suis arrivé

    Ca n’explique pas en quoi le déterminisme pousse forcément à l’individualisme jouisseur (c’était ma question de départ). Tout au plus, vous constatez que des événement (lesquels?) vous ont conduit, vous, à jouir dans votre coin.

    Par ailleurs vous confondez une fois de plus impredictible et indeterminé

    Pas du tout, je vous rassure.

    Que vous puissiez le verifier empiriquement ou non, si le processus de decision est deterministe, alors le choix n’est qu’une illusion, point.

    Je n’ai pas bien compris votre véhémence. Je suis bien plus volontiers théoricien qu’empiriste (voir post du 20 mai). A part ça vous enfoncez quelques portes ouvertes.

    si le processus de decision est deterministe, alors le choix n’est qu’une illusion, point.

    Admettons. Ce que je vous demande depuis le début, c’est: pourquoi est-ce que le déterminisme excluerait le choix du bien? C’est du Rousseau à l’envers!

    vous avez renoncé à l’intelligence et decidé de tout laisser à votre geniale intuition et à vos divers determinismes partiels (education, reflexes pavloviens, dogme materialiste…)?

    Je ne vois pas en pourquoi l’intelligence serait exclue des processus déterministes.

    @Flam

    Tout l’échafaudage repose sur cet « observateur extérieur » : qui est-ce : un homme ? plein d’hommes ? ayant à leur disposition quels outils de mesure et quelles machines ?

    Simple: l’observateur est celui qui pose la question du bien et du mal, du moral et de l’immoral. Des observateurs, il y en a plein sur ce blog.

  • Gatien a écrit : :

    Simple: l’observateur est celui qui pose la question du bien et du mal, du moral et de l’immoral. Des observateurs, il y en a plein sur ce blog.

    Non, ce n’est pas simple du tout, et je n’ai pas de solution simple à proposer. Le problème est le suivant : en quoi accoler l’étiquette « observateur » à Aristote, ou Gatien, ou Yogui, ou quelque autre commentateur que vous voulez, lui donnerait-il une position privilégiée, celle de « l’observateur », par rapport au quidam moyen ? Qu’est-ce qui distingue « l’observateur » ?

  • Yogui a écrit : :

    de même que la théorie atomique explique pourquoi les parpaings sont solides mais n’est pas utilisée par les architectes

    Bien sûr. Je dirais quand même que l’architecte est obligé dans ses projets de tenir compte de la solidité des parpaings et que par conséquent ses projets ne peuvent entrer en contradiction avec la théorie atomique, ils sont en quelque sorte contraints par elle, même si la théorie atomique n’est pas suffisante pour expliquer le projet de l’architecte.

    La théorie atomique est « nécessaire » pour l’architecture, elle n’est pas (encore ?) « suffisante ». Le problème fondamental du réductionnisme, c’est de passer du nécessaire au suffisant sur la totalité de l’expérience humaine.

  • @Aristote

    Qu’est-ce qui distingue « l’observateur » ?

    L’observateur est celui qui observe son prochain en se demandant s’il va sauter dans le ravin. C’est à dire potentiellement tout le monde.

    L’observateur définit les alternatives qui lui semble possibles: poing dans la figure/pas de poing dans la figure, sauter/pas sauter, bien/mal, etc. Partant, il fait un choix de modèle, un peu comme celui que j’ai fait en parlant d’aiguille et de sphère, comme justement souligné par Flam. Et le choix de modèle typique s’agissant des comportements humains conduit à une solution imprédictible (mais pas indéterminé! n’est-ce pas Oim?).

  • Lelfe j’ignore à quelles conclusions vous faites reference.

    Gatien, vous me lisez de travers. Le fait que l’hypothese materialiste ne m’ait pas conduit a faire le bien est un element secondaire et personnel. Vous dites que materialisme et moralité peuvent aller de pair, je le confirme.

    Je crois avoir ete clair, la morale ne prime pas, c’est la liberte qui est premiere. Le bien est une notion creuse s’il n’y a pas de liberté. Dans ce cas la, les choses ne sont pas bien ou mal, elles sont comme elles sont, c’est tout. Si vous pensez a un seisme, vous n’irez pas dire qu’il est immoral, c’est juste une donnée incontournable.

    Pour l’intelligence, vous vous etonniez que j’essaie de baser mes decisions sur une vision complete du monde. Pourtant si on commence à reflechir à une decision, on fait rapidement appel à notre vision du monde, eventuellement de facon non explicite. L’autre solution c’est de reagir comme on le sent, à l’intuition immediate. C’est ce que je voulais dire.

    Aristote, ok pour dire que le libre arbitre est aussi un resultat global, mais s’il n’y a aucun instant de liberté je crains qu’une mechante recurrence ne nous revienne en pleine poire. Il y a forcement une dose d’infinitesimale liberté quelque part dans le processus pour esperer fonder une liberté globale.

  • oim a écrit : :

    Le bien est une notion creuse s’il n’y a pas de liberté.

    Dans un monde matérialiste le bien-être d’un être humain (ou d’un être vivant) peut être rationnellement défini. Le bien peut alors être conçu comme ce qui maximise le bien-être de tous. La fonction d’optimisation globale n’est sans doute pas simple à trouver, mais cette notion n’a rien de creux, et c’est un choix et non un axiome que de soutenir que la notion de liberté primerait sur celle-ci.

  • @Oim
    Je reconnais que j’ai un peu de mal à vous suivre. Ces deux propos, par exemple, me semblent encore un peu contradictoires:

    « je pretend pousser les athées à aller au bout de leurs hypotheses et à me justifier en quoi il reste une valeur à l’Homme, à eux-memes, à la morale […] Vous dites que materialisme et moralité peuvent aller de pair, je le confirme. »

    Le bien est une notion creuse s’il n’y a pas de liberté.

    A mon tour de trouver cette phrase creuse. De plus, je ne suis pas persuadé de la contradiction entre liberté et déterminisme. Si notre destin est déterminé par un être supérieur, là, évidemment, on n’est pas libre. Mais comme il n’existe pas d’être supérieur, qu’est-ce qui nous contraint? Les lois de la physique n’ont jamais mis personne en esclavage. Cette conception de la liberté que vous défendez (si je comprends bien) suppose qu’il existe plusieurs futurs possibles, parmis lesquels les gens choisissent. A mon avis, c’est une vision qui peut correspondre à une certaine intuition mais qui aboutit à terme à des problèmes mal posés, comme celui du libre arbitre.

    Pour l’intelligence, vous vous etonniez que j’essaie de baser mes decisions sur une vision complete du monde. Pourtant si on commence à reflechir à une decision, on fait rapidement appel à notre vision du monde, eventuellement de facon non explicite.

    Oui et non. On peut se doter de principes généraux qui guident les décisions, mais ces principes ne forment pas une vision du monde cohérente. Au contraire, on sélectionne ce qui nous semble utile. J’ai rarement besoin de la théorie de la relativité générale ou de la position des planètes dans d’autres systèmes solaires pour interragir avec d’autres personnes. Le déterminisme n’est pas particulièrement utile non plus.

  • @ oim:

    J’emprunterai les mots de Gatien. Voilà à quoi je pensais :

    Gatien a écrit : :

    @Oim
    Gatien il n’y a nulle contradiction : ne penser qu’a ma pomme est juste la conclusion inevitable de l’enchainement logique des evenements et consequences qui m’ont amené la ou je suis arrivé
    Ca n’explique pas en quoi le déterminisme pousse forcément à l’individualisme jouisseur (c’était ma question de départ). Tout au plus, vous constatez que des événement (lesquels?) vous ont conduit, vous, à jouir dans votre coin.

  • Mouais. En plus clair :

    @ oim:

    J’emprunte les mots de Gatien. C’est à cela que je pensais :

    Gatien a écrit : :

    @Oim (« Gatien il n’y a nulle contradiction : ne penser qu’a ma pomme est juste la conclusion inevitable de l’enchainement logique des evenements et consequences qui m’ont amené la ou je suis arrivé ») :

    Ca n’explique pas en quoi le déterminisme pousse forcément à l’individualisme jouisseur (c’était ma question de départ). Tout au plus, vous constatez que des événement (lesquels?) vous ont conduit, vous, à jouir dans votre coin.

  • Gatien a écrit : :

    L’observateur est celui qui observe son prochain en se demandant s’il va sauter dans le ravin. C’est à dire potentiellement tout le monde

    Et c’est vous, l’observateur de l’observateur, qui définissez l’observateur !

    Vous êtes en boucle.

  • @Aristote

    Et c’est vous, l’observateur de l’observateur, qui définissez l’observateur ! Vous êtes en boucle.

    Et ça vous donne des vertiges?
    Bin oui, nous sommes tous mutuellement observateurs les un des autres. Nous pouvons même nous observer nous-même. Vais-je bientôt décider d’arrêter de fumer?

    Où est le problème? Eclairez moi, sincèrement, je ne vois pas.

  • oim a écrit : :

    Aristote, ok pour dire que le libre arbitre est aussi un resultat global, mais s’il n’y a aucun instant de liberté je crains qu’une mechante recurrence ne nous revienne en pleine poire. Il y a forcement une dose d’infinitesimale liberté quelque part dans le processus pour esperer fonder une liberté globale.

    Oui et non. Car si le problème de la liberté est un problème global, holiste, la perspective « toutes choses égales par ailleurs », qui est nécessairement celle de la démarche scientifique, est par définition insuffisante, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas des éléments pertinents à apporter à la réflexion.

    La démarche scientifique me semble d’ailleurs insensée dans un monde supposé entièrement et totalement sujet à des relations seulement causales, avec ou sans élément aléatoire. L’énoncé scientifique lui-même devient alors le résultat d’un enchaînement causal pour lequel il est parfaitement oiseux de se poser la question de savoir s’il est vrai ou non.

  • Gatien a écrit : :

    @LElfe
    2 retours à la ligne = 1 changement de paragraphe

    Merci, j’avais remarqué 😀

    Mais j’ai un souci depuis quelques semaines avec ce blog.

    Mes sauts de lignes (parfois trois retours à la ligne) ne fonctionnent pas toujours. En outre, dès que je veux l’aperçu, la page débloque et annule tout. Ras le bol…

  • Gatien a écrit : :

    Où est le problème? Eclairez moi, sincèrement, je ne vois pas.

    Trivialement, bien sûr. Mais dans la démarche scientifique, l’observateur a un statut particulier. C’est évident pour les sciences « humaines », où par exemple le sociologue qui écrit un article de sociologie n’a pas le même statut que les êtres humains dont il est capable lui, le sociologue, ou du moins le prétend-t-il, de percer les ressorte inconscients. C’est vrai aussi en physique où l’expérimentateur ne peut plus être éliminé de la théorie.

    Définir et justifier le statut de l’observateur n’est donc pas une sinécure.

  • Aristote a écrit : :

    L’énoncé scientifique lui-même devient alors le résultat d’un enchaînement causal pour lequel il est parfaitement oiseux de se poser la question de savoir s’il est vrai ou non.

    Ah tiens, j’ai l’impression que revoilà le sujet « le matérialisme fait exploser la notion de vérité » que je n’avais (et n’ai toujours) pas compris 😉 Votre remarque ne s’applique-t-elle pas aussi aux mathématiques, dont on peut considérer que les propositions démontrées ne constituent, de proche en proche, qu’une seule et gigantesque tautologie, et au sein de laquelle pourtant la question du vrai et du faux ne paraît pas oiseuse ?

  • Mais dans la démarche scientifique, l’observateur a un statut particulier.

    Peut-être, mais dire que les alternatives sont définies par nous même au moment où nous nous interrogeons sur le comportement d’autrui ou de nous-même ne me semble pas poser problème.
    Je ne parle pas de démarche scientifique.

  • Bon, allez messieurs, il va falloir y aller. Les musiciens sont fatigués, pour eux c’est l’heure de dormir. Les chaises sont rangées. On va vraiment devoir éteindre. 😉

  • Yogui a écrit : :

    Votre remarque ne s’applique-t-elle pas aussi aux mathématiques, dont on peut considérer que les propositions démontrées ne constituent, de proche en proche, qu’une seule et gigantesque tautologie, et au sein de laquelle pourtant la question du vrai et du faux ne paraît pas oiseuse ?

    Elle n’est pas oiseuse si la question posée est « Telle ou telle proposition appartient-elle ou non à la tautologie des mathématiques ? », et si la réponse à cette question n’est pas supposée être le résultat d’un enchaînement causal.

    Les mathématiques comme un tautologie que les hommes explorent, c’est un peu platonicien et donc ce me semble difficile à défendre pour un matérialiste convaincu ! 🙂

  • @ Koz:

    C’est vous le maître de maison, je prends donc congé, mais serais ravi d’une autre occasion de converser avec vos invités,…

  • Non, ça va, sinon, je n’aurais pas mis de smiley. En cette période de publication light, et sur des sujets un peu moins cruciaux, je comprends la poursuite de la discussion. Mais vous êtes tout de même en train de commenter un billet d’il y a un mois. Je me demande si ce n’est pas un record.

  • Aristote a écrit : :

    Les mathématiques comme un tautologie que les hommes explorent, c’est un peu platonicien et donc ce me semble difficile à défendre pour un matérialiste convaincu !

    Ah mais pas du tout ! Les structures « existent » indépendamment de leur support matériel ! Il n’y a qu’à voir le … ggzzcrouikbzz … ? mais … qui a coupé le micro ??

    @ Koz: Bon ben merci pour la fête, hein ! A la prochaine !

  • Pourquoi vouloir arrêter cette passionnante discussion, Koz ?
    Personne n’est obligé de la lire, et je ne vois pas en quoi elle pourrait être gênante pour quiconque, au contraire !

    Pardon pour l’intrusion. Mesdames, Messieurs, je vous prie.

  • @ PMalo:
    Il est probable que l’auteur des lieux reçoive un message à chaque fois qu’un commentaire est posté. Donc, on peut comprendre qu’il sonne la fin de la récré 😉

    PS @ Koz : Vous devez m’en vouloir, entre mes bugs et ce dernier message. Promis, j’arrête ! 🙂

Les commentaires sont fermés