2012 : pour une société de l’optimisme !

Aventurez-vous donc, pour voir, à la souhaiter bonne, cette année 2012 ! Franchement. Y’a pas de quoi rire. On va se faire dégrader la note. La SNCF augmente ses tarifs. Les taxis conservent leur signalisation imbitable. On entre en récession. Nicolas Sarkozy va être réélu. Ou François Hollande élu. Il faut être sérieusement barré pour s’aventurer benoîtement à la souhaiter belle et heureuse, la nouvelle année ! Ou alors on le fera à voix douce, dans la sobriété qui sied à ceux qui sont marqués par l’épreuve, ma bonne dame. De fait, nos guillerets compatriotes décrochent la palme du pessimisme, contrairement aux Irakiens et les Nigérians qui, certes, ne peuvent qu’espérer mieux.

Alors, une fois remis de vos agapes, lisez-moi donc l’incontournable opuscule ci-contre. D’autant qu’il parle de moi, j’en suis certain, à en juger par le nombre de fois où je me suis dit : « c’est tout moi, ça ! ».

Rangez donc vos idées sur l’optimiste version Candide (celui de Voltaire). Optimiste ne signifie ni béat, ni benêt. Pour dépeindre l’optimiste, Philippe Gabilliet cite notamment le psychiatre Christophe André, pour lequel être optimiste conduit toujours « à supposer, face à l’incertain, qu’il existe une issue favorable, et se donner le droit d’agir pour la favoriser ».

L’optimiste, écrit-il, fait quatre paris : sur la force de la volonté, sur l’existence d’une solution, sur la ressource positive, et sur l’action opportune. L’optimisme, c’est « être conscient des limites, des carences, des faiblesses du monde, mais refuser catégoriquement de s’arrêter dessus », c’est « croire qu’on a toujours une marge de manoeuvre positive, qu’on a toujours le choix ».

Et Philippe Gabilliet note que l’évolution du monde est le fait des optimistes.

« L’anticipation positive est à la base de la dynamique de l’évolution et de toute civilisation. Planter au printemps pour récolter à l’automne est un signe culturel d’optimisme, tout comme attaquer un mammouth au javelot, entreprendre la construction d’une cathédrale en sachant qu’elle ne sera peut-être terminée qu’un siècle plus tard ou s’accorder – tel Kennedy – moins de dix pour envoyer un homme marcher sur la Lune »

A l’image de René Rémond, « je suis prêt de penser que le nombre de la réalité n’est pas le duel mais le pluriel ». J’en suis même convaincu. Philippe Gabilliet a l’avantage de cerner la réalité d’un trait de caractère, ou d’une disposition d’esprit, sans considérer l’optimisme sous une forme absolue.

Il y a ainsi – c’est ce qu’évoque un psychologue américain, Christophe Peterson – un grand et un petit optimisme. Vous me direz que ça fait deux, mais passons. Le grand optimisme est ancré dans la personnalité profonde d’un individu, tandis que tout un chacun est susceptible de faire preuve d’un petit optimisme face, cette fois, à un évènement spécifique.

A titre d’exemple, il faut distinguer deux types d’optimisme, et la façon de les mettre en relation : l’optimisme de but et l’optimisme de chemin (cf. p.46).

On reproche en effet souvent aux optimistes de refuser de voir les obstacles. Les pessimistes, qui se prévaudront de la lucidité, déclareront que les optimistes « foncent dans le mur en klaxonnant ». C’est le cas de ceux qui cumuleraient optimisme de but (on va y arriver) et optimisme de chemin (et en plus ça va être du gâteau). Mais songez à ce que donne l’addition d’un pessimisme de but (on n’y arrivera pas) et d’un pessimisme de chemin (et en plus on va morfler). Bref, l’attitude adaptée est celle du « pessimisme défensif » ou « optimisme paradoxal » (ou encore « optimisme pragmatique » voire « optimisme flexible ») : on anticipe les difficultés, mais on garde foi dans le but.

Et Philippe Gabilliet décline aussi les avantages et les inconvénients respectifs de l’optimisme et du pessimisme. En quatre chapitres, il démontre pourquoi les optimistes sont en meilleure santé, ont beaucoup d’amis, ont plus de chance que les autres et sont aimés des entreprises. Pas moins.

En passant, songez-y,

« On critique les optimistes mais on recherche leur compagnie. On écoute attentivement les analyses tellement pertinentes des pessimistes, mais c’est l’optimiste que l’on invite en priorité pour un dîner entre amis, ou pour un tête-à-tête romantique »

Et, citant le philosophe Alain, l’auteur souligne que le grand pouvoir de l’optimiste, c’est « qu’il nous fait penser au printemps ».

En somme, le pessimiste ne se désignera pas comme tel (mais j’ai des noms). Il aime à se dépeindre en réaliste : il est en fait un inhibiteur d’action. Christophe André note que « est pessimiste celui qui, face à une incertitude, a tendance à préférer une certitude négative ».

L’optimiste, lui, façonne son monde. S’il a plus de chance que les autres, c’est parce qu’il est en mesure de percevoir, dans un évènement nouveau, une opportunité susceptible de lui être favorable. Et parce qu’en cas d’échec, il ne développera pas la tendance du pessimiste à « universaliser » cet échec mais, au contraire, à en relativiser la portée pour recommencer.

Eloge de l’optimisme fourmille de d’analyses et de distinction pour mettre en lumière des attitudes que nous connaissons tous, que nous rencontrons tous, et qui permettent de distinguer l’un et l’autre. Ainsi de la façon de répondre à cette question : « qu’est-ce qu’une bonne décision ? »

« Pour certains, une bonne décision est avant tout une décision qui a été soigneusement préparée. Ce qui fait la qualité d’une telle décision est donc déterminée par ce que l’on fait AVANT de la prendre. (…)

Pour l’optimiste, la question se pose en fait en des termes tout à fait différents. Il veut lui aussi prendre la meilleure décision possible. Il est lui aussi conscient (tout comme le pessimiste) qu’il existe sûrement plein de bonnes raisons de ne pas faire, de ne pas se lancer, de ne pas se risquer, etc. Mais il va pourtant décider de le faire. Pourquoi ? Parce que pour l’optimiste, la qualité d’une décision ne se construit jamais avant qu’on la prenne. C’est même tout le contraire.

En effet, dans la « vrai vie », nous n’avons presque jamais le temps nécessaire pour laisser mûrir une décision. Des informations essentielles nous manqueront toujours; et nous vivons dans un monde mouvant qui continue de bouger pendant que nous pensons à notre décision.

Ainsi, pour l’optimiste, la « bonne décision » sera la décision qu’il va prendre (quelle qu’elle soit et qu’il fera tout, ensuite, pour rendre vraiment « bonne »). Car pour un optimiste, ce qui détermine la qualité d’une décision qu’il prend, c’est toujours ce qu’il va faire APRES l’avoir prise ! »

Ajoutez à cela que, de même que l’optimiste façonne le monde à son bénéfice, il façonne également son entourage.

Enclin à s’appuyer sur ses points forts (la force de la volonté et la ressource positive), il est naturellement disposé à les mettre en valeur chez les autres, ce qui se remarque notamment chez le manager. Et comme l’écrit l’auteur en fin de son ouvrage, « être optimiste, c’est croire en l’Autre. Être optimiste, c’est croire en celui que l’on croise. C’est croire en sa compétence, en ses possibilités, en son amitié, en son amour. Certes, il arrive que l’optimisme se trompe sur cette compétence, sur ces possibilités, sur cette amitié ou sur cet amour. Mais cela ne veut pas dire qu’il a eu tort d’y croire. Car refuser d’y croire, jouer d’entrée la carte du scepticisme et du pessimisme, aurait été beaucoup plus désespérant. La plupart des optimistes préfèrent vivre pleinement et se tromper totalement que de ne jamais faire d’erreur pour n’avoir que rarement parié ! ».

Revenons à nos voeux, puisque nous y sommes et que, si les développements qui précèdent n’ont pas déjà éveillé votre attention à cet égard, vous comprendrez que ce que Philippe Gabilliet développe dans on dernier chapitre, pour une société de l’optimisme, peut parfaitement s’appliquer à cette année-ci, avec son actualité économique et électorale. Jugez-en :

« Diriger en optimiste, sans doute est-ce avant tout cela :

1) Savoir regarder toute réalité, même la plus difficile, avec lucidité, mais en insistant toujours sur ce qui peut être entrepris, construit, tenté, espéré;

2) Savoir en toutes circonstances s’appuyer et capitaliser sur les forces et l’énergie vitale de ceux que l’on dirige;

3) Orienter ces forces et cette énergie vitale vers des projets enthousiasmants qui donnent à la collectivité la fierté de l’appartenance et le sentiment positif de grandir, même dans la difficulté. »

Puissent nos chers leaders s’en inspirer.

Pour ma part, laissez-moi vous présenter tous mes voeux pour 2012. Des voeux résolument optimistes pour chacun de nous, voeux pleins d’un flexible optimisme, voeux de blogueur. Et voeux professionnels, parce que c’est tout moi, ça : optimisme de but, réalisme de chemin…

 

« Le monde appartient aux optimistes. Les pessimistes ne sont que des spectateurs » (François Bizot) – et toc

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44 commentaires

  • « Le pessimisme est de nature, l’optimisme de raison. » (Alain)

    « Ainsi nous ne vivons jamais, nous espérons de vivre. Si bien que nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. » ( Blaise Pascal )

    « Qu’est-ce que je serais heureux si j’étais heureux. » ( Woody Allen )

  • Correctif: « Le pessimisme est d’humeur; l’optimisme est de volonté. Tout homme qui se laisse aller est triste. » (Propos sur le bonheur (1928) . Alain.)

  • Koz,

    une très bonne année à toi aussi. Je partage l’approche général, que j’emploie souvent dans le cadre professionnel avec la trilogie suivante:
    – on peut y arriver;
    – ça va pas être toujours facile en route;
    – par contre, si on fait de grosses bêtises, on peut aussi se planter complètement (à ne jamais oublier).

  • @ jfsadys: à ce jeu-là, j’ai de la réserve.

    « Rien de grand n’a jamais été entrepris sans enthousiasme » (Ralp Waldo Emerson)

    « Il n’y a pas d’évènements misérables, il n’y a que des évènements misérablement accueillis » (Maurice Maeterlinck)

    « J’ai décidé d’être heureux, parce que c’est bon pour la santé » (Voltaire)

    « Le bonheur est un coup de dé, mais la bonne humeur est une discipline » (Charles Trenet)

    « L’optimisme est une forme de courage qui donne de la force aux autres et mène au succès » (Baden-Powell)

    « Personne ne naît sous une mauvaise étoile, il n’y a que des gens qui ne savent pas lire le ciel » (Dalaï-Lama)

    « Plus heureux sont ceux qui, entre mille défauts, découvrent d’abord une perfection qui s’y trouve par hasard » (Baltasar Gracian)

    « Lorsqu’un seul homme rêve, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une nouvelle réalité » (Friedensreich Hundertwasser)

    Chaque chapitre du livre s’ouvre par quatre citations (il manque d’ailleurs « citation n’est pas raison », de moi), et je ne vous ai mis que celles qui me paraissent les plus fondées…

    *

    Une autre ville a écrit ::

    – par contre, si on fait de grosses bêtises, on peut aussi se planter complètement (à ne jamais oublier)

    Gabilliet souligne aussi que le pessimisme peut avoir son utilité.

    « Il est des pessimismes d’alerte qui nous rappellent les contraintes et les dangers de la réalité. Il est aussi des pessimismes de prévention, qui nous protègent de la déception. Il existe des pessimismes de préparation, qui nous maintiennent prêtes à affronter les difficultés et les échecs (…) Mais d’un autre côté, même s’il lui arrive d’avoir raison, le pessimiste le paye souvent très cher ! Depuis toujours corrélé à la morosité, à la tristesse, voire à la dépression et au suicide, le pessimisme laisse dans son sillage un état souvent difficile à supporter par les autres » etc

    Il y a bien sûr un dosage à trouver. Philippe Gabilliet le souligne bien : un optimisme absolu serait dangereux. Mais en même temps, et c’est aussi en cela que le livre est intéressant, l’optimisme ou le pessimisme à l’état absolu n’existent que très rarement en une personne. J’ai parfois l’impression que nous souffrons, dans nos débats d’idées, d’une petite dérive pseudo-kantienne qui consiste à vouloir tout universaliser pour juger du bien-fondé d’une position. Sauf que, dans la réalité (et l’on rejoint rené Rémond), la position absolutisée n’existe généralement pas. Et, au final, on n’a gagné qu’une vision binaire d’un sujet.

  • Cher Koz, merci pour ce stimulant billet! Je retiens surtout que l’optimisme n’est pas un trait de caractère ou une orientation de la pensée: au contraire, c’est du concret, c’est un agir… Ainsi, l’optimiste s’oppose au pessimiste,  » ‘inhibiteur d’action » et « se donne le droit d’agir » pour favoriser une issue propice, favorable… Cet optimisme-là a quelque chose à voir avec cette vertu théologale qu’est l’espérance et que Marguerite Léna (sfx) prof de philo à la Faculté Notre Dame, décrit comme « collaboration à l’avènement de ce que l’on espère » (cité de mémoire).

  • @ Koz:
    Je n’en doutais pas. Personnellement j’aime les bouquets de mots comme d’autres aiment les bouquets de fleurs. Et je vais mettre en valeur ceux que vous venez de me proposer dans les jours à venir en les faisant circuler autour de moi.

  • @ klara : ca me semble être cela, et comme vous le dîtes (ainsi que Maguerite Léna) très probablement une « collaboration à l’avènement de ce que l’on espère ». Cette bonne disposition contribue en effet à susciter « la chance » ou les évènements heureux, notamment parce qu’elle permet aussi de bien disposer l’entourage à son égard, qu’elle amène à mettre en valeur les points forts de ses proches, de ses collaborateurs (en prenant, grosso modo, pour acquis l’existence de points faibles) et donc en les motivant, et en facilitant le rebond en cas de pépin.

    Philippe Gabilliet explique notamment que le pessimiste et l’optimiste (ou notre tendance pessimiste et notre tendance optimiste, selon que l’une ou l’autre prend le dessus un jour donné) vont se distinguer notamment dans leur façon d’expliquer un évènement. Il cite Martin Seligman. Pour reprendre le propos de P. Gabilliet : selon Seligman,

    « nous disposons de trois dimensions nous permettant d’expliquer les évènements de notre vie, chacune pouvant être illustrée par une question-clé :

    1) la causalité : ce qui m’est arrivé est-il plutôt de mon fait (personnalisation) ou dû à des circonstances extérieures ?
    2) La stabilité : ce qui m’est arrivé est-il appelé à se répéter à chaque fois (durable) ou était-ce exceptionnel (temporaire) ?
    3) La globalité : ce qui m’est arrivé est-il valable dans tous les domaines de ma vie (universalité) ou concerne-t-il uniquement le domaine concerné (spécificité) ?

    Le pessimiste, face à un échec de la vie, a tendance à considérer que cette situation est stable, globale, et de son seul fait.

    On peut travailler son optimisme précisément en essayant de prendre du recul sur ces trois questions.

    Il y a une autre dimension dans votre commentaire : oui, je pense qu’il y a aussi un lien entre foi et optimisme et que, d’ailleurs, d’un point de vue spirituel, il devrait nécessairement se vérifier. Mais il n’est pas systématique, puisqu’il suffit de voir le nombre de personnes qui, bien que croyantes, ne cessent de dire que le monde va à vau-l’eau et que c’était mieux avant. Mais – je vais citer l’étymologie avant qu’un autre ne le fasse – il faut lire le sous-titre de l’ouvrage de Philippe Gabilliet : « quand les enthousiastes font bouger le monde« . A l’origine, l’enthousiasme est tout à fait lié à la foi…

    Mais, même sans la foi, il est possible de bénéficier de l’optimisme, certes plus temporel que l’espérance.

    @ jfsadys : et à vrai dire, j’avais un peu envie de caser mes citations moi-même 😉

  • Bonne, heureuse année 2012 à tous et à toutes, que l’optimisme, l’enthousiasme et l’espérance soient partagés !

  • Oui, l’optimisme devra être de rigueur…au moins une chose qu’ils ne nous prendront pas !
    Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir…
    Marre de voir tout en noir, un peu de rose dans nos vies…

  • « En quatre chapitres, il démontre pourquoi les optimistes sont en meilleure santé, ont beaucoup d’amis, ont plus de chance que les autres et sont aimés des entreprises. Pas moins. »

    Mouais. Encore faudrait-il d’abord être certain que l’optimisme ne favorise pas le cancer, l’infertilité masculine, ou la délinquance des jeunes. Menfin, bonne année 2012 à tous quand même!

  • Merci pour ce billet pour lancer une année dont on dit, par avance, tant de mal…
    Je rebondis juste sur une de vos remarques – « les pessimistes se prévaudront de la lucidité », pour faire à mon tour un peu d’étymologie : « lucidité » vient au contraire du mot lumière. Ce qui me permet d’offrir une nouvelle fleur à jfsadys : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » (René Char)

  • Bonjour Koz,

    C’est mon premier billet sur ce blog que je fréquente silencieusement depuis quelque temps déjà.

    Je vous remercie pour cette excellente analyse que vous nous faites partager, notamment sa conclusion : « La plupart des optimistes préfèrent vivre pleinement et se tromper totalement que de ne jamais faire d’erreur pour n’avoir que rarement parié ».

    Une vraie phrase de consolation pour les « échecs » de l’année écoulée, et un beau programme pour l’année qui s’ouvre.

    Tous mes voeux de bonheur pour vous et vos proches.

  • Il y a peut-être autre chose que l’on peut lier à l’optimiste: les américains parlent de nos « champs d’inquiétude » (ce pour quoi je me sens concerné) et de « champs d’action » (ce pour quoi je peux agir), et constatent souvent que les frustrations naissent du fossé entre un grand « champ d’inquiétude » et un « champ d’action » plus réduit.

    Une des façons d’être optimiste est peut-être de se préoccuper des problèmes locaux sur lesquels nous pouvons agir, et d’oublier un universel auquel l’hyper-majorité d’entre nous ne peut rien.

    • Je suis assez d’accord avec vous, Une autre ville, sur l’impact que cela peut avoir. Je lisais d’ailleurs votre commentaire après avoir dit à ma femme que ça m’agaçait toutes ces dépêches (dernièrement) sur des meurtres en Grande-Bretagne, ou au Texas (notez d’ailleurs le tropisme des médias : la même chose en Afrique ou en Asie, on n’en a rien à…). Si l’on s’amuse à compiler tous les drames du monde, on a effectivement de quoi les fils de dépêches, mais on entretient cette angoisse qui naît de la tension que vous décrivez, ainsi que le sentiment que le monde est violent, alors que si l’on se concentrait sur une info plus locale (ne serait-ce même que nationale) à cet égard tout du moins, on atténuerait cette impression.

  • Bonne année à toi !

    Et surtout bonne chance pour cette première année de LM-a !

    Sinon pour le petit concours de citations sur l’optimisme, il y a un passage fameux dans le portrait de Dorian Grey, c’est étonnant que personne ne l’ait encore cité 🙂

  • Un jour, en confession, il m’est venu une drôle d’idée. J’en avais fini avec ma liste de péchés « classiques », lorsque il m’est venu à l’esprit que je péchais par défaut d’espoir. Rien de préparé donc, juste la conviction soudaine que c’était peut être ce que j’avais de plus lourd à confier à ce moment là.

    Et me voilà avouant à ce prêtre que je perdais parfois l’espoir que rien de ce qui m’était précieux me survive. Que je verrais, en vrac, la fin de la civilisation qui m’avait vu naitre, la perte de tout ce qui donnait du sens à ma vie, et peut être la mort de tous mes proches.

    Il a réfléchit un moment, et peut être un peu prié, puis il m’a répondu( en plus de mots que j’ai oublié, malheureusement):
    « Soit acteur. Implique-toi, et quoiqu’il arrive, tu pourras l’accepter,surtout si ça ne dépend pas de toi. En paix. »

    Et il m’a donné l’absolution.

    Sur le moment, je ne l’avais pas pris comme une leçon d’optimisme. Mais peut être en était-ce une, après tout.

  • Je ne sais pas être optimiste, je ne sais pas être pessimiste non plus. Pour être l’un ou l’autre, il me faudrait disposer d’une démarche qui me permette de juger si aujourd’hui est mieux ou moins bien qu’hier, mieux ou moins bien que demain.

    Aujourd’hui : le 3 janvier 2012, l’année 2012, la décennie, le siècle ? Demain : le 4 janvier 2012, l’année 2013, le XXIIème siècle, un futur indéfini… ? Hier… ?

    Mieux, ou pire, mais pour qui ? Pour moi, pour mes proches, pour les chômeurs, pour les malades du sida, pour NS, pour FH, pour les Coptes en Égypte, pour les Coréens du Nord, pour le Président de la BNP, pour Benoît XVI, pour Poutine,… ? Si c’est mieux pour certains et pire pour d’autres, comment faire un calcul, une moyenne ?

    Mieux ou pire, mais selon quels critères ? Les miens, les leurs ? Je n’ose même pas proposer une liste.

    J’insiste, je ne prends pas parti des pessimistes contre les optimistes, non, je ne sais pas répondre à la question.

    Mais alors quel moteur peut-il nous faire agir ?

    Il me semble que nous avons le choix entre deux types de réponses. Les premières nous viennent de la psychologie universitaire, matinée d’évolutionnisme darwinien : nous agissons parce que un doux mélange de programmation génétique et de déterminants sociologiques pimenté d’un peu de hasard nous fait prendre des décisions dont la logique ultime est la sélection naturelle.

    Les secondes viennent de la Bible : la Création est une manifestation de la béatitude divine et agir, c’est participer à la Création. La Création est bonne, et même si aucun calcul ne le prouvera jamais, nous sommes certains qu’agir en vue du bien n’est jamais agir en vain. Si Dieu nous demande d’agir, ce n’est pas parce qu’il a besoin de nous, c’est parce qu’il nous laisse un espace pour participer à la béatitude de la Création.

    Cela n’enlève rien des difficultés soulevées plus haut, mais cela les relativise, dans la mesure où ce qui m’est demandé c’est d’agir en fonction de ma situation personnelle, et non de prendre sur moi la responsabilité du monde. Et que je sois un pessimiste lucide ou un optimiste entreprenant, eh bien il faut faire avec. L’espérance ne peut être réduite à l’optimisme.

  • @ Vivien : en effet, et avec la limite qu’à mon avis (et à celui de mon dernier confesseur), ce n’était pas un péché. Même si ça n’interdit en rien d’en parler.

    @ Aristote : l’espérance ne se réduit pas à l’optimisme. Mais là, je parlais d’optimisme, pas d’espérance. 😉

    Ceci étant dit, je pense que les croyants devraient avoir une disposition à l’optimisme, ne serait-ce que du fait de la vertu d’abandon et de confiance dont ils devraient être dotés.

    Sans compter, tout simplement, le Notre Père (« Que Ta volonté soit faite »), l’Evangile nous y invite :

    C’est pourquoi je vous dis : Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux? D’ailleurs, qui d’entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence? Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’eux. Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi? Ne vous faites donc pas tant de souci : ne dites pas :  » Qu’allons-nous manger?  » ou bien :  » Qu’allons-nous boire?  » ou encore :  » Avec quoi nous habiller?  » Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché. Ne vous faites pas tant de souci pour demain, demain se souciera de lui-même; à chaque jour suffit sa peine. (Matthieu 6, 25-34 )

    Mais l’optimisme, c’est une notion commune tandis que l’espérance est portée par les croyants. Or je ne cherche pas à ne parler qu’aux croyants. Et puis, tiens, il n’est pas dit qu’à force d’optimisme, de non-croyants en viennent à l’espérance.

    Sinon, je ne conçois pas l’optimisme comme tu l’indiques. Il ne s’agit pas, pour moi, d’un calcul raisonné en fonction des données dont on dispose, ni d’une prédiction. Il s’agit d’une prédisposition. Même dans une merde noire, l’optimiste mettra l’accent sur les solutions possibles, quand le pessimiste sera davantage porté à faire le compte des risques.

    Sous la réserve que cet article a été écrit par un pessimiste, c’est un peu ce que décrit cet article du Figaro. A la base, le cerveau humain est de toutes manières programmée, en moyenne, pour faire preuve d’optimisme ? Pourquoi ? Parce que c’est nécessaire à l’action. Parce qu’il vaut mieux, quand j’envisage un acte, avoir plutôt tendance à surévaluer mes chances de succès que le risque d’échouer. Après, certaines personnes développent davantage cette caractéristique, ou choisissent de l’entretenir. Et si les pessimistes ne sont pas inutiles (ne serait-ce que pour tempérer les ardeurs de celui qui serait d’un optimisme trop léger – de but et de chemin), l’action dans le monde est, fondamentalement, portée par les optimistes.

  • Koz a écrit ::

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    blockquote>@ Vivien : en effet, et avec la limite qu’à mon avis (et à celui de mon dernier confesseur), ce n’était pas un péché. Même si ça n’interdit en rien d’en parler.

    <

    blockquote>

    Le manque d’optimisme, la sensation de manquer d’espoir si on le considère comme une grace, non. Le découragement ou la perte de confiance en Dieu, par contre…

  • Je crains qu’on ne s’éloigne du sujet mais je ne pense pas : le manque de foi n’est pas un péché. Ca peut déjà être une épreuve, alors… Et il me semble qu’il y a une dimension volontaire dans le péché, que l’on ne trouve pas dans le découragement, notamment.

  • Koz a écrit ::

    A la base, le cerveau humain est de toutes manières programmée, en moyenne, pour faire preuve d’optimisme ? Pourquoi ? Parce que c’est nécessaire à l’action.

    C’est très probablement vrai,…mais je n’y vois aucune raison positive d’être optimiste ! 🙂

    Pourquoi sommes nous ainsi programmés ? Pas pour la beauté de l’action, mais parce que c’est la stratégie gagnante pour la survie du pool génétique de l’humanité. Les vers de terre dont l’intentionnalité n’est pas le fort ont un autre programme, ça marche, ou ça rampe très bien pour eux merci. L’idée que mon éventuel optimisme ne serait finalement que le reflet des mécanismes aveugles de l’évolution ne me rend pas particulièrement optimiste en tant que telle.

    Un peu quand même, parce que cela va dans le sens de dire que l’optimisme ne conduit pas nécessairement à la disparition de l’espèce humaine, que choisir d’être optimiste n’est pas suicidaire, sinon pour moi, du moins pour le genre humain. Mais un pessimiste peut-il devenir optimiste par souci de la survie de l’humanité ?

  • Aristote a écrit ::

    Mais un pessimiste peut-il devenir optimiste par souci de la survie de l’humanité ?

    Non, mais par envie de cesser d’être juste un casse-couilles et de passer à l’action, ça pourrait le prendre. Evidemment, il ne faut pas le lui présenter comme ça.

    En même temps, dans la mesure où il est persuadé d’être réaliste, et non pessimiste, y’a des chances qu’il ne comprenne pas qu’on parle de lui.

    Aristote a écrit ::

    Pourquoi sommes nous ainsi programmés ? Pas pour la beauté de l’action, mais parce que c’est la stratégie gagnante pour la survie du pool génétique de l’humanité

    Pour que nous agissions, si. Signe que l’optimisme est un déterminant de l’action. Maintenant, si le schtroumph grognon veut rester les bras croisés à la lisière du village…

  • Meilleurs vœux également !

    Suite à ce post plein d’optimisme, je vous fais partager mon enthousiasme suite à la prise de connaissance :

    d’une grande Marche pour la Vie
    le 22 janvier à Paris !

    Apparemment ils étaient plus de 40 000 l’an dernier et de nombreux évêques les soutiennent !
    Elle est pas belle la Vie ?

  • Aristote a écrit ::

    L’idée que mon éventuel optimisme ne serait finalement que le reflet des mécanismes aveugles de l’évolution ne me rend pas particulièrement optimiste en tant que tel

    Vous diabolisez trop les « mécanismes aveugles de l’évolution ». La sélection naturelle n’est jamais qu’une expression de la tautologie « ceux qui réussissent s’en tirent mieux que ceux qui ne réussissent pas ». Le fait de savoir que l’optimisme augmente vos chances de succès me semble être un motif suffisant d’optimisme, « optimisme de volonté » comme disait Alain. « Aide-toi, le ciel t’aidera » n’est-elle pas une maxime profondément athée ?

    Bonne Année optimiste à tous !

  • Aristote, je suis d’accord avec Yogui, il ne faut pas être si négatif sur les mécanismes de l’évolution. Ils sont peut-être aveugles, mais ils font partie de la Création au même titre que les lois de la physique. En ce sens, ils sont l’oeuvre de Dieu. Si donc un mécanisme fait que nous soyions optimistes et que cela induit l’action qui augmente nos chances de réussite, c’est un mécanisme admirable. La conclusion logique est bien sûr: Dieu vit que cela était bon. Merci à Yogui de m’avoir fourni la base de ce raisonnement optimiste 🙂

  • Alors qu’au lendemain des fêtes, nous discutions une amie et moi sur l’opportunité de s’échanger des voeux de bonheur etc , nous en avons conclu que de toute manière, l’être humain agit, réagit dans une direction qui au final, va vers le Bon, le Bien …Même si cela passe par des chemins tortueux …
    Pour ma part, je fais mienne cette parole de Dostoievski selon laquelle « La beauté sauvera le monde. » Et j’ai souvent en tête ce rêve que j’avais fait dans lequel une petite fille jouait du violon devant une personne qui hochait la tête en disant :  » ça fait du bien au monde » . Je crois que nos oreilles ont à s’ouvrir, nos yeux à se dessiller et nos coeurs à se dilater.
    Je m’égare.

    Si, comme dans la pensée juive, nous considérons que la joie naît du partage de la réflexion ( même en politique ), alors je vous souhaite, à Koz et tous ceux qui vous lisent une année 2012 dans la joie!
    Belle année aussi faite de parcelles de bonheur que nous aurons parsemées ici ou là…

  • Entre pessimisme actif et optimisme lucide, on ne doit pas être loin de la bonne position du curseur… Bonne année 2012… durant laquelle l’espérance, en France, ne peut passer que par une alternance.

  • Gwynfrid a écrit ::

    Ils sont peut-être aveugles, mais ils font partie de la Création au même titre que les lois de la physique. En ce sens, ils sont l’oeuvre de Dieu.

    Mais alors ils ne sont pas aveugles ! Ce que Yogi conteste. 🙂

    Si on se réfère à une Création, on tient que les mécanismes mis à jour par la biologie, qui sont ce qu’ils sont, ne ferment pas le sens ultime de notre présence au monde. Mais je me garderais bien de chercher à lire ce sens dans ces mécanismes.

  • Yogui a écrit ::

    La sélection naturelle n’est jamais qu’une expression de la tautologie « ceux qui réussissent s’en tirent mieux que ceux qui ne réussissent pas ».

    Ou plutôt, ceux qui survivent biologiquement survivent à ceux qui ne survivent pas. Et il n’y a aucune raison de diaboliser cette tautologie. Mais je ne lui demande pas ce qu’elle ne peut pas fournir. Et notamment, qu’est-ce que peut bien vouloir dire « réussir ». Le Christ, le soir du Vendredi Saint, a-t-il « réussi » ?

  • Merci Koz, tu es un roc.

    Je pense qu’il y a un lien très fort entre optimisme et action. Ca rejoint les comms de Vivien et uneautreville. Je pense à une citation de Cicéron qui m’a marqué : « Certains combats doivent être engagés pour savoir comment on va les gagner ». Au bout d’un moment, il faut se jeter à l’eau et faire. Et en faisant on apprend et on progresse.

    Les Français sont le peuple le plus pessimiste mais aussi sans doute celui qui tolère le moins l’échec (il n’y a qu’à voir notre droit des faillites) et celui où on préfère la planification centralisée au « trial and error » distribué. Je ne crois pas que ce soit un hasard.

    uneautreville suggère également une bonne méthode pour retrouver l’optimisme. Aucun d’entre nous ne va régler le problème du chômage, de la faim dans le monde, du réchauffement climatique, de la guerre ou du financement des retraites. Ce qu’on peut faire, c’est seulement bien faire notre job, filer un coup de main, bien traiter nos proches, peut-être créer un emploi ou deux…

    Ca peut paraître dérisoire, mais c’est énorme. C’est agir, et dans le bon sens. C’est cela qui crée du bonheur chez soi et chez les autres.

  • Aristote a écrit ::

    ceux qui survivent biologiquement survivent à ceux qui ne survivent pas

    Oui cette formulation est plus exacte, et il serait vain en effet de lui demander, pas plus qu’à la gravitation, de donner un sens à la vie ou un guide pour l’action : c’est une ressource et une contrainte, tout comme le reste de la réalité, et il nous revient de créer le sens de notre présence au monde.

    Selon les critères de « réussite / survie » cependant, d’un point de vue génétique le Christ à tout foiré (sauf à croire Dan Brown), mais d’un point de vue mémétique en revanche, il a joué son va-tout le soir du Vendredi Saint et a superbement réussi dès lors que son tour a fonctionné trois jours plus tard 🙂

  • @ Yogui:

    J’aime bien votre métaphore « génétique ». Dans le christianisme, le Père appelle tous les hommes à devenir enfants de Dieu, frères et soeurs du Christ. Ce sont plutôt les « gènes » du Père qui se multiplient, et ils n’ont pas à évoluer puisqu’ils sont la perfection de l’amour.

    Je ne suis pas sûr que cette formulation obtiendrait l’assentiment du Saint Office, mais de nos jours on ne risque plus le bûcher… 🙂

  • Koz, celui qui a caché son talent de peur de le perdre, on peut le classer parmi les pessimistes « de but » ?

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